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Date : 20220208


Dossier : T‑865‑21

Référence : 2022 CF 157

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 8 février 2022

En présence de madame la juge Kane

ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

demandeur

et

BMO NESBITT BURNS INC.

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1] Le demandeur, le ministre du Revenu national [le demandeur ou le ministre], dépose la présente demande sommaire visée à l’article 231.7 de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e supp) [la Loi]. Le ministre sollicite une ordonnance enjoignant à la défenderesse, BMO Nesbitt Burns Inc. [BMO Nesbitt Burns], de se conformer à la demande de renseignements du ministre faite le 4 juillet 2019 en vertu de l’article 231.1 de la Loi. Plus précisément, le ministre demande à BMO Nesbitt Burns de fournir une copie non caviardée d’un document appelé le modèle‑maître de tarification sommaire [le modèle‑maître], ou la feuille de calcul. Le ministre demande à obtenir le modèle‑maître dans le contexte de sa vérification de la défenderesse pour l’année d’imposition 2016.

[2] La défenderesse a fourni une copie caviardée du modèle‑maître et invoque le secret professionnel de l’avocat en ce qui concerne les parties caviardées. La défenderesse soutient à titre subsidiaire que, si le modèle‑maître n’est pas protégé par le secret professionnel de l’avocat, la Cour ne devrait toujours pas en ordonner la production pour d’autres raisons, notamment parce que la vérification de 2016 est terminée, que le modèle‑maître constitue des documents de travail sur l’impôt couru (DTIC), et que la production minerait le processus de communication préalable dans des procédures connexes devant la Cour canadienne de l’impôt.

[3] Les parties ont présenté des observations écrites et orales et des éléments de preuve par affidavit à l’appui de leurs positions respectives. La défenderesse a remis à la Cour une copie non caviardée d’un exemple représentatif de page du modèle‑maître sous scellé. La Cour a entendu les plaidoiries le 14 décembre 2021. À l’audience, la Cour a demandé d’autres observations sur la question de savoir si la Cour pouvait recevoir les conseils juridiques (sous scellé) qui, selon la défenderesse, seraient révélés par le modèle‑maître non caviardé afin de trancher la demande de maintien du secret professionnel de l’avocat ou si la Cour ne devrait s’appuyer que sur son examen du modèle‑maître, des éléments de preuve par affidavit et des observations initiales. D’autres observations ont été reçues le 4 janvier 2022.

[4] La défenderesse estime que la Cour peut tenir compte des avis juridiques (qui sont également assujettis au secret professionnel de l’avocat) pour trancher la question du privilège invoqué à l’égard du modèle‑maître. Le demandeur estime que la Cour devrait refuser de tenir compte des avis juridiques.

[5] La Cour ne peut trancher la question en se fondant sur l’examen du modèle‑maître non caviardé ou des éléments de preuve par affidavit vagues, mais soigneusement formulés, selon lesquels le modèle‑maître traduit des conseils juridiques en calculs et révélerait ces conseils juridiques. Par conséquent, la Cour a reçu et examiné les conseils juridiques qui sous‑tendent les passages caviardés dans le modèle‑maître.

[6] La Cour conclut que la défenderesse ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir que les passages caviardés dans le modèle‑maître révèlent les conseils juridiques ou constituent autrement des communications avocat‑client. La façon dont la partie caviardée du modèle‑maître, qui établit les calculs, transmettrait les conseils juridiques n’est pas du tout évidente. Le modèle‑maître n’est pas protégé par le secret professionnel de l’avocat.

[7] De plus, la Cour conclut qu’il n’y a pas d’autres obstacles à l’ordonnance de production du modèle‑maître.

[8] Contrairement à la position de la défenderesse, il n’est pas interdit au ministre de se fonder sur le pouvoir de demander des renseignements en vertu de l’article 231.1 ou de poursuivre la demande au titre de l’article 231.7 en raison de l’état de la vérification de 2016.

[9] Bien que le modèle‑maître puisse constituer, dans une certaine mesure, des documents de travail sur l’impôt couru, le modèle‑maître n’est pas demandé à des fins autres que celles énoncées dans la demande de renseignements du ministre à l’égard de la vérification de 2016; il n’a pas été demandé aux fins de vérifications futures ou pour repérer des « points faibles » ou obliger la défenderesse à s’autovérifier.

[10] Enfin, la défenderesse n’a pas établi que le ministre demande à obtenir le modèle‑maître à des fins inappropriées. De plus, la jurisprudence n’appuie pas la proposition de la défenderesse selon laquelle la Cour ne peut pas ordonner la production du modèle‑maître parce que cela nuirait au processus de communication préalable devant la Cour canadienne de l’impôt en ce qui a trait aux appels concernant l’année d’imposition 2012.

[11] Il est fait droit à la demande sommaire.

I. Contexte

[12] Nesbitt Burns Inc. [NBI] est une société de placement offrant des services complets et est une filiale en propriété exclusive indirecte de BMO. NBI est une société régie par la Loi canadienne sur les sociétés par actions, LRC 1985, c C‑44. L’Agence du revenu du Canada [l’ARC] effectue des vérifications annuelles de NBI afin de vérifier si elle respecte ses obligations prévues par la Loi de l’impôt sur le revenu.

[13] L’ARC relève des problèmes de vérification particuliers pour les examens annuels. Les problèmes de vérification particuliers relevés pour 2016 sont expliqués de la manière suivante dans l’affidavit de Mme Sharon Brar, vérificatrice des dossiers fiscaux importants à l’ARC et membre de l’équipe de vérification chargée de la vérification de NBI pour l’année d’imposition 2016 :

[traduction]

L’ARC cherche à vérifier si NBI, en demandant les déductions pour dividendes, s’est conformée à ses obligations prévues par la LIR concernant les mécanismes de transfert de dividendes, au sens de l’article 248 de la LIR.

L’ARC cherche également à déterminer si la règle générale anti‑évitement prévue à l’article 245 de la LIR (disposition générale anti‑évitement) s’applique aux déductions de dividendes demandées par NBI pour l’année d’imposition 2016 de NBI.

[14] Le 4 juillet 2019, le ministre a transmis la demande de renseignements en vertu de l’article 231.1 de la Loi concernant les conventions de rachat d’actions de NBI et les opérations connexes au cours des années d’imposition 2015 et 2016. Mme Brar explique la demande de renseignements de la manière suivante :

[traduction]

La demande de renseignements concernait la décision de NBI de conclure certaines conventions de rachat d’actions et opérations connexes au cours des années d’imposition 2015 et 2016 (appelées la « stratégie ») qui ont donné lieu à des dividendes réputés.

L’objet de la demande de renseignements était d’obtenir des livres, registres et documents précis afin d’examiner la conformité de NBI avec la LIR comme il est décrit ci‑dessus. L’examen des livres, registres et documents servirait à déterminer si les conventions de rachat d’actions et les opérations connexes faisaient partie des mécanismes de transfert de dividendes décrits ci‑dessus, entre autres questions de vérification, y compris l’application de la disposition générale anti‑évitement.

[15] Pour répondre à cette demande de renseignements, NBI devait produire des copies d’une gamme de documents, y compris des présentations, des documents d’information, des courriels et des analyses financières portant sur les conventions de rachat d’actions. Dans l’éventualité où NBI revendiquait un privilège à l’égard des documents demandés, la demande de renseignements du ministre exigeait que NBI fournisse des détails sur la nature du privilège invoqué et d’autres détails, y compris le titre du document, sa date, l’auteur et les destinataires, les pièces jointes et si des copies avaient été faites.

[16] En réponse à la demande de renseignements, BMO Nesbitt Burns a invoqué le secret professionnel de l’avocat pour certaines parties des documents demandés, y compris le modèle‑maître daté du 18 juillet 2016. BMO Nesbitt Burns a fourni un modèle‑maître caviardé au ministre. BMO Nesbitt Burns a souligné que la colonne caviardée reflétait les conseils juridiques fournis à NBI dans deux avis juridiques en 2012 et 2013.

[17] Dans une correspondance ultérieure, le ministre a demandé d’autres détails sur la revendication du privilège du secret professionnel de l’avocat. BMO Nesbitt Burns a de nouveau souligné que le fait de fournir le modèle‑maître non caviardé révélerait des conseils juridiques. Le 28 mai 2021, le ministre a déposé la présente demande sommaire pour obtenir la copie non caviardée du modèle‑maître.

[18] Le 16 septembre 2021, NBI a signifié au ministre un avis d’opposition à la nouvelle cotisation de 2016 du ministre, qui a été établie le 18 juin 2021, à l’égard des opérations de rachat d’actions pour l’année d’imposition 2016 de NBI.

[19] De plus, BMO et NBI ont chacune interjeté appel des cotisations du ministre pour l’année d’imposition 2012 devant la Cour canadienne de l’impôt.

[20] BMO Nesbitt Burns fait remarquer que le ministre vérifie ses opérations de rachat d’actions depuis l’année d’imposition 2012. BMO Nesbitt Burns affirme que la position du ministre a toujours été que les opérations de rachat d’actions font partie d’un mécanisme de transfert de dividendes [MTD] ou que la règle anti‑évitement s’applique.

[21] BMO Nesbitt Burns fait également observer que la présente demande concerne une seule feuille de calcul que NBI a produite à l’intention du ministre avec des passages caviardés. La Cour comprend que le modèle‑maître produit à la Cour sous scellé est un échantillon représentatif des mêmes caviardages inclus dans le modèle‑maître complet.

II. Les observations du demandeur

[22] Le ministre souligne les vastes pouvoirs conférés par la Loi pour demander la production de documents aux fins de l’exécution et de l’application de la Loi. Le ministre fait valoir que les critères pour que la Cour rende l’ordonnance, tels qu’ils sont énoncés au paragraphe 231.7(1) de la Loi, ont été respectés. Le ministre soutient que le modèle‑maître non caviardé n’est pas protégé par le secret professionnel de l’avocat. Le ministre affirme en outre qu’il n’y a aucun autre obstacle à l’ordonnance de production.

[23] Le ministre fait remarquer que, en transmettant la demande de renseignements en vertu de l’article 231.1, le ministre a exigé que NBI fournisse les documents précisés et, si un privilège était invoqué, qu’elle en fournisse les détails. Le ministre souligne que NBI a signalé le modèle‑maître en réponse à la demande de renseignements, mais qu’elle n’a pas fourni de modèle‑maître non caviardé ni fourni les détails permettant au ministre d’évaluer la validité du secret professionnel de l’avocat invoqué par NBI.

[24] Le ministre note que la demande de renseignements a été transmise dans le cadre de sa vérification pour l’année d’imposition 2016 afin de vérifier si l’utilisation des MTD par NBI respectait les obligations de NBI prévues par la Loi. Le ministre ajoute que le modèle‑maître peut également être pertinent en ce qui concerne l’établissement des sommes payables par NBI à la suite des opérations auxquelles le modèle‑maître se rapporte.

[25] Le ministre soutient en outre qu’il est nécessaire d’examiner la partie caviardée du modèle‑maître pour déterminer comment prendre en compte le modèle‑maître afin d’établir l’obligation fiscale de NBI pour les années d’imposition 2016 ou ultérieures, y compris l’année 2017, pour laquelle une demande de renseignements semblable a été transmise à NBI. Le ministre ajoute qu’il n’est pas possible de déterminer la pertinence d’un document pour une évaluation particulière sans examiner ce document. Le ministre ajoute que le seuil pour établir la pertinence est peu élevé.

A. Le secret professionnel de l’avocat ne s’applique pas

[26] Le ministre soutient que, pour déterminer si le modèle‑maître non caviardé est protégé par le secret professionnel de l’avocat, la question est de savoir si sa divulgation minerait l’objet du privilège, qui est de protéger l’échange libre de communications entre un avocat et son client dans le cadre de la prestation de conseils juridiques.

[27] Le ministre fait valoir que la partie caviardée du modèle‑maître n’est pas une communication qui consiste à demander ou à donner des conseils juridiques. Le modèle‑maître ne révèle pas les conseils juridiques fournis à NBI ni s’ils ont été acceptés ou rejetés. Le ministre fait remarquer que les conseils juridiques ont été fournis plusieurs années avant le modèle‑maître en cause.

[28] Le ministre affirme que le fait pour BMO Nesbitt Burns de s’appuyer sur les simples affirmations de ses déposants, M. Gianni Carlo Mitrano et M. Olaf Sheik, ne lui permet pas d’établir que le principe du secret professionnel de l’avocat s’applique. Le ministre soutient que la preuve étaye la conclusion selon laquelle le modèle‑maître est un modèle d’établissement des prix ou une analyse financière; il s’agit d’un [traduction] « document opérationnel » qui reflète le résultat ou l’étape à laquelle NBI a commencé à agir ou à mettre en œuvre les conseils juridiques pour mener ses activités.

[29] Le ministre fait valoir que, pour être visé par le secret professionnel de l’avocat, le modèle‑maître doit reprendre « strictement l’avis juridique fourni par l’avocat » (Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Canada (Commissaire à l’information), 2013 CAF 104 au para 31 [Commissaire à l’information]). Le ministre soutient que le modèle‑maître, en tant que produit final ou incidence opérationnelle des conseils, ne reprend pas « strictement l’avis juridique fourni ».

[30] Le ministre affirme en outre que les communications dans lesquelles un avocat fournit des conseils d’affaires ou stratégiques ne font pas partie du continuum des communications protégées (Commissaire à l’information, au para 28).

[31] Le ministre souligne que M. Mitrano a déclaré que l’objectif de la modification du modèle‑maître était de [traduction] « traduire les conseils juridiques en calculs à l’aide des données de BMO Groupe financier ». Le ministre soutient que M. Mitrano s’est concentré sur la confidentialité nécessaire pour éviter la concurrence en affaires, et non sur la confidentialité pour protéger les conseils juridiques.

[32] Le ministre fait également valoir que la divulgation du modèle‑maître n’irait pas à l’encontre de l’objectif sous‑jacent du privilège, soit de « permettre aux avocats et à leurs clients d’échanger librement et ouvertement des renseignements et des conseils de manière à ce que les clients puissent connaître leurs droits et obligations véritables et agir en conséquence » (Commissaire à l’information, au para 28).

[33] Le ministre fait remarquer que les éléments de preuve invoqués par BMO Nesbitt Burns ne sont que quelques paragraphes dans les affidavits de M. Mitrano et de M. Sheikh, qui affirment simplement que le modèle‑maître caviardé reflète des conseils juridiques sans aucune explication quant à la façon dont il le fait.

[34] Le ministre avance que les réponses de M. Mitrano et de M. Sheikh en contre‑interrogatoire n’étaient pas pertinentes et que ni l’un ni l’autre ne semblaient avoir l’information ou les connaissances requises.

B. La Cour ne devrait pas exercer son pouvoir discrétionnaire de tenir compte des avis juridiques

[35] Le ministre soutient que la Cour ne devrait pas examiner les avis juridiques sur lesquels le modèle‑maître caviardé serait fondé, selon BMO Nesbitt Burns, afin de déterminer si BMO Nesbitt Burns s’est acquittée de son obligation d’établir que le modèle‑maître est protégé par le secret professionnel de l’avocat. Le ministre reconnaît que la Cour a le pouvoir discrétionnaire de le faire pour évaluer la validité du secret professionnel de l’avocat invoqué, mais il affirme que ce pouvoir discrétionnaire devrait être exercé de façon modérée et seulement lorsque la nécessité de le faire a été établie (Canada (Revenu national) c Revcon Oilfield Constructors Incorporated, 2015 CF 524 au para 12 [Revcon]; Keefer Laundry Ltd v Pellerin Milnor Corp, 2006 BCSC 1180 au para 75, conf par 2009 BCCA 273).

[36] Le ministre fait valoir que, si la Cour ne peut discerner « strictement l’avis juridique fourni par l’avocat » (Commissaire à l’information, au para 31) dans le modèle‑maître non caviardé, alors le modèle‑maître ne révèle pas les conseils juridiques.

C. Il n’y a aucune autre raison de refuser la demande — les autres arguments de la défenderesse n’appuient pas le refus d’accorder l’ordonnance

(1) Aperçu

[37] Le ministre conteste l’argument de BMO Nesbitt Burns selon lequel, si le modèle‑maître n’est pas protégé par le secret professionnel de l’avocat, BMO Nesbitt Burns ne devrait toujours pas être tenue de le produire. Le ministre soutient que la vérification de 2016 n’est pas terminée; de plus, il n’y a pas de délai prescrit pour les demandes en vertu de l’article 231.1 ou les demandes d’ordonnance visées à l’article 231.7. Le ministre affirme que, même si le modèle‑maître constitue un DTIC, il devrait être produit maintenant. Le ministre soutient qu’il n’y a aucune raison d’attendre le processus de communication préalable dans les procédures de la Cour de l’impôt.

[38] Le ministre attire l’attention sur le libellé général des articles 231.1 à 231.7 et les vastes pouvoirs qu’ils confèrent au ministre de mener des enquêtes et des vérifications sur les contribuables, étant donné que les contribuables sont par ailleurs tenus de produire des autodéclarations (R c McKinlay Transport, [1990] 1 RCS 627 à la p 648, 1990 CanLII 137 (CSC); Canada (Revenu national) c Cameco Corporation, 2019 CAF 67 au para 42 [Cameco CAF]).

(2) La vérification de 2016 n’est pas terminée

[39] Le ministre conteste l’argument de BMO Nesbitt Burns selon lequel il n’y a pas de vérification ou d’enquête ouverte pour l’année d’imposition 2016 à laquelle se rapporte la demande de renseignements fondée sur l’article 231.1 parce qu’une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2016 a été ordonnée. Le ministre répète que la Cour peut rendre l’ordonnance en vertu de l’article 231.7 à tout moment, puisqu’il n’y a pas de délai de prescription pour le faire, pourvu qu’une enquête valide soit menée en vertu de l’article 231.1.

[40] Le ministre souligne que la demande de renseignements fondée sur l’article 231.1 a été transmise en juillet 2019 pour l’année d’imposition 2016 et, plus précisément, pour les opérations de rachat d’actions.

[41] Le ministre souligne que la même question fait l’objet d’une vérification en 2017 et qu’une demande identique a été envoyée.

[42] Le ministre reconnaît que, pour l’année d’imposition 2012, BMO et NBI ont toutes deux interjeté appel devant la Cour canadienne de l’impôt, ce qui met en cause l’imposition correcte des opérations de rachat d’actions.

[43] Le ministre conteste l’affirmation de BMO Nesbitt Burns selon laquelle le ministre a [traduction] « rouvert » la vérification de 2016 à des fins inappropriées.

[44] Le ministre fait valoir que l’avis d’opposition de BMO Nesbitt Burns à la nouvelle cotisation de 2016 remet en question la position du ministre; la cotisation demeure une question en litige, la vérification demeure ouverte et la demande de renseignements envoyée en 2019 demeure valide. Le ministre soutient en outre que le fait de limiter une demande de renseignements à la période antérieure à la cotisation servirait à promouvoir la non‑conformité et constitue une mauvaise politique publique.

[45] Le ministre affirme qu’il n’y a pas de délai de prescription relativement à une demande de renseignements faite en vertu des articles 231.1 ou 231.2 (Canada (Revenu national) c Kitsch, 2003 CAF 307 au para 32 [Kitsch]; Canada (Revenu national) c Lin, 2019 CF 646 au para 25).

[46] Le ministre soutient que la décision BP Canada Energy Company c Canada (Revenu national), 2017 CAF 61 [BP], n’appuie pas la position de BMO Nesbitt Burns selon laquelle la production de documents ne peut être ordonnée sans une vérification ou une enquête ouverte. Le ministre avance que la Cour d’appel n’a pas refusé d’ordonner que les renseignements demandés soient fournis parce qu’il n’y avait pas de vérification ouverte, mais parce que les DTIC ont été demandés à une fin différente de la vérification et que les préoccupations légitimes découlant des années d’imposition visées par la vérification avaient déjà été réglées.

(3) Le modèle‑maître n’est pas un DTIC, mais, même s’il l’était, il devrait être produit

[47] Le ministre conteste la position de BMO Nesbitt Burns selon laquelle le modèle‑maître constitue un DTIC. Le ministre fait valoir qu’il n’y a aucune preuve montrant que le document a été créé à de telles fins. Le ministre soutient en outre que le modèle‑maître n’a pas été demandé pour trouver un [traduction] « point faible » ou fournir une [traduction] « feuille de route », mais pour les problèmes de vérification précis relevés concernant la conformité au MTD et à la disposition générale anti‑évitement.

[48] Le ministre affirme que, même si le modèle‑maître constitue un DTIC, il faudrait quand même en ordonner la production. Le ministre soutient que l’arrêt BP n’appuie pas la proposition générale selon laquelle on ne peut ordonner la production de DTIC. Le ministre fait remarquer que, contrairement aux faits de l’affaire BP, le ministre ne procède pas « à l’aveuglette » et ne cherche pas à obtenir le modèle‑maître à des fins prospectives, mais plutôt pour les questions de vérification particulières qui ont été cernées.

(4) La production du modèle‑maître ne nuira pas au processus de communication préalable devant la Cour canadienne de l’impôt

[49] Le ministre fait valoir qu’il n’est pas raisonnable d’attendre l’issue des procédures de la Cour de l’impôt pour obtenir le modèle‑maître.

[50] Le ministre avance qu’il n’obtiendra pas plus de renseignements par la production du modèle‑maître en réponse à la demande de renseignements que dans le contexte de la communication préalable liée aux procédures de la Cour de l’impôt. Le ministre ajoute que BMO Nesbitt Burns ne subira aucun préjudice en produisant le modèle‑maître maintenant.

[51] Le ministre soutient que l’arrêt Cameco CAF n’appuie pas la position de BMO Nesbitt Burns selon laquelle les règles de communication préalable de la Cour canadienne de l’impôt devraient prévaloir ou selon laquelle BMO Nesbitt Burns subirait un préjudice.

III. Les observations de la défenderesse

A. Aperçu

[52] Pour mettre les choses en contexte, BMO Nesbitt Burns explique que, au cours de l’année d’imposition 2016, NBI a effectué des opérations de rachat d’actions avec certains émetteurs canadiens; NBI a vendu des actions aux émetteurs de ces mêmes actions.

[53] BMO Nesbitt Burns explique que, avant que des conseils juridiques ne soient demandés et fournis en 2012 et 2013, une feuille de calcul était tenue à jour et contenait une feuille de travail par émetteur de certaines actions canadiennes. Auparavant, la feuille de calcul comprenait généralement l’information qui se trouve maintenant dans la colonne non caviardée. BMO Nesbitt Burns signale que deux avis juridiques ont été reçus en 2012 et en 2013. Pendant que les communications avec les avocats se poursuivaient, la feuille de calcul a été modifiée pour [traduction] « traduire » les conseils juridiques en calculs.

[54] BMO Nesbitt Burns explique que le modèle‑maître de 2016 est une version mise à jour de la feuille de calcul modifiée qui a été préparée dans le cadre de la demande de conseils juridiques en 2012 et 2013. BMO Nesbitt Burns explique que le modèle‑maître a été préparé pour calculer les sommes liées aux actions canadiennes détenues ou vendues par BMO Groupe financier, y compris NBI (c.‑à‑d. réserves comptables). BMO Nesbitt Burns fait remarquer que M. Sheikh a expliqué que la portion fiscale est déterminée avant que quiconque se tourne vers les réserves comptables.

[55] BMO Nesbitt Burns souligne que le ministre vérifie ses opérations de rachat d’actions depuis l’année d’imposition 2012. BMO n’est pas d’accord avec le ministre sur les rajustements concernant les opérations de rachat d’actions et a déposé des avis d’opposition, y compris l’avis d’opposition pour l’année d’imposition 2016. BMO Nesbitt Burns fait également remarquer que BMO et NBI ont interjeté appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt au sujet de l’année d’imposition 2012, ce qui met en cause l’imposition exacte des opérations de rachat d’actions.

[56] BMO Nesbitt Burns soutient qu’une version non caviardée du modèle‑maître ne peut pas être produite parce qu’elle est protégée par le secret professionnel de l’avocat. BMO Nesbitt Burns affirme que les conseils juridiques sont apparents et qu’il serait révélé dans le modèle‑maître non caviardé.

[57] À titre subsidiaire, BMO Nesbitt Burns fait valoir que, si le modèle‑maître caviardé n’est pas assujetti au secret professionnel, la Cour ne devrait toujours pas en ordonner la production et la demande sommaire devrait être rejetée.

[58] BMO Nesbitt Burns laisse entendre que le ministre tente d’utiliser le pouvoir de vérification à des fins inappropriées. BMO Nesbitt Burns soutient que le ministre [traduction] « rouvre » la vérification de 2016 (qui est terminée) afin d’obtenir des renseignements secrets pour les vérifications futures et d’obtenir un avantage dans l’affaire dont la Cour canadienne de l’impôt est saisie concernant l’année d’imposition 2012.

B. Le secret professionnel de l’avocat s’applique

[59] BMO Nesbitt Burns affirme que, même si les conseils juridiques ont été fournis en 2012 et en 2013, leur validité a été vérifiée auprès des avocats aux fins de l’année d’imposition 2016. BMO Nesbitt Burns soutient que les conseils juridiques sur lesquels repose le modèle‑maître ont été élaborés par un conseiller juridique externe et un conseiller juridique interne et qu’ils ont été gardés confidentiels.

[60] BMO Nesbitt Burns fait référence au témoignage de M. Mitrano, directeur général et chef, Solutions d’investissement multiactif, BMO Nesbitt Burns, qui atteste que, en 2012‑2013, BMO Groupe financier a demandé et reçu des conseils juridiques de McCarthy Tétrault (novembre 2012) et de Torys S.E.N.C.R.L. (juillet 2013). M. Mitrano explique qu’il a participé aux communications avec les avocats.

[61] BMO Nesbitt Burns soutient que les conseils juridiques seraient apparents si un modèle‑maître non caviardé était produit et qu’il nuirait à la relation avocat‑client et divulguerait des communications privilégiées.

[62] BMO Nesbitt Burns fait remarquer que M. Mitrano a également expliqué que la feuille de calcul a été modifiée alors que les communications avec l’avocat étaient en cours, dans le but de [traduction] « traduire » les conseils juridiques en calculs à l’aide des données de BMO Groupe financier. M. Mitrano atteste que [traduction] « [l]es conseils juridiques sont révélés par ce qui est calculé, la façon dont le calcul est effectué et le texte connexe dans la colonne caviardée ».

[63] BMO Nesbitt Burns fait référence à la décision Susan Hosiery Ltd c Canada (Ministre du Revenu national), [1969] CTC 353, [1969] 2 R.C. de l’É. 27, selon laquelle le secret professionnel peut être rattaché à des documents accessoires à l’obtention et à la prestation de conseils juridiques si la production des documents a tendance à révéler les conseils.

[64] BMO Nesbitt Burns conteste toute insinuation du ministre selon laquelle les conseils fournis étaient des conseils d’affaires et non des conseils juridiques.

[65] En ce qui concerne l’allégation du ministre selon laquelle les déposants de BMO Nesbitt Burns étaient mal informés et vagues, BMO Nesbitt Burns fait remarquer que M. Mitrano possède une vaste expérience et qu’il a participé à la création du modèle‑maître. BMO Nesbitt Burns souligne que M. Sheikh est comptable professionnel agréé et chef de la fiscalité à BMO, et qu’il est responsable de la comptabilité fiscale et des DTIC, qui ne sont pas des tâches réalisées par une seule personne. BMO Nesbitt Burns fait observer que M. Sheikh a distingué les renseignements qu’il avait obtenus de ceux qui lui avaient été fournis par d’autres.

C. Pouvoir discrétionnaire de la Cour de recevoir les avis juridiques

[66] BMO Nesbitt Burns soutient que la Cour peut examiner tout document privilégié nécessaire pour trancher la question du privilège invoqué à l’égard d’un document en litige si la preuve ou l’argument établit la nécessité de le faire (Canada (Commissaire à la protection de la vie privée) c Blood Tribe Department of Health, 2008 CSC 44 au para 17). BMO Nesbitt Burns fait observer que la Cour a déjà ordonné à des contribuables de déposer des documents protégés sous scellé aux fins d’examen par la Cour, afin de déterminer l’applicabilité du secret professionnel invoqué dans le cadre d’une vérification fiscale (Revcon).

[67] BMO Nesbitt Burns souligne l’arrêt Walsh Construction Company Canada c Toronto Transit Commission, 2020 ONSC 3688, dans laquelle la Cour supérieure de justice de l’Ontario a permis à la Commission de transport de Toronto de soumettre un document assujetti au secret professionnel sous scellé à l’appui de sa revendication du privilège relatif au litige à l’égard de certains documents dont la production a été ordonnée lors de la communication préalable. BMO Nesbitt Burns soutient que l’approche adoptée dans l’affaire Walsh peut être suivie par la Cour, avec toute adaptation nécessaire, car elle est conforme aux règles et aux principes applicables à la Cour, y compris dans le contexte des vérifications fiscales (p. ex., les articles 4, 151 et 152 des Règles).

[68] De façon plus générale, BMO Nesbitt Burns avance que, pour protéger les revendications de privilège valides et respecter le secret professionnel de l’avocat en tant que principe de justice fondamentale, la Cour devrait avoir accès aux documents nécessaires pour statuer sur la demande.

D. Subsidiairement, si le secret professionnel de l’avocat ne s’applique pas, la production du modèle‑maître ne devrait toujours pas être ordonnée

(1) Il n’y a pas d’enquête ouverte; la vérification de 2016 est terminée

[69] BMO Nesbitt Burns soutient que le ministre ne peut pas exiger la production des renseignements demandés en vertu de l’article 231.1 après la fin d’une vérification. BMO Nesbitt Burns fait valoir qu’il n’y a pas de vérification ou d’enquête ouverte pour l’année d’imposition 2016 concernant les opérations de rachat d’actions de NBI et que la tentative du ministre de rouvrir la vérification à des fins inappropriées devrait échouer.

[70] BMO Nesbitt Burns soutient que le ministre a le pouvoir de demander des renseignements seulement à l’étape de la vérification et, s’ils ne sont pas fournis, de demander une ordonnance au titre de l’article 231.7. BMO Nesbitt Burns fait valoir que la vérification par le ministre des opérations de rachat d’actions pour 2016 a pris fin. BMO Nesbitt Burns affirme qu’une nouvelle cotisation établie par le ministre ou un avis d’opposition à la nouvelle cotisation (tel qu’il a été déposé par NBI) mène à un examen impartial par la Division des appels de l’ARC, ce qui constitue un processus distinct assorti de différents pouvoirs de collecte de renseignements. BMO Nesbitt Burns soutient qu’il n’est pas « normal » pour le ministre de demander des renseignements en vertu de l’article 231.1 à cette étape parce que la vérification est terminée.

[71] BMO Nesbitt Burns soutient que, pour présenter ses demandes de renseignements, le ministre s’appuie sur les dispositions de la Loi relatives à la vérification (art 231.1, 231.2 et 231.7) qui ne s’appliquent que pendant la vérification. BMO Nesbitt Burns fait valoir que, dans l’affaire BP, la Cour d’appel a refusé d’ordonner la production des documents demandés lorsque la vérification était terminée.

[72] BMO Nesbitt Burns soutient en outre que le ministre dispose déjà des renseignements nécessaires pour vérifier l’autodéclaration de NBI; NBI a fourni des renseignements sur les opérations de rachat d’actions pertinentes conclues au cours de l’exercice 2016 et les calculs utilisés pour la déclaration de revenus. BMO Nesbitt Burns affirme que les renseignements dans la partie non caviardée du modèle‑maître reflètent les déclarations de NBI.

[73] BMO Nesbitt Burns ajoute que le ministre a maintenu une position constante sur les opérations de rachat d’actions en fonction des vérifications antérieures effectuées depuis 2012.

[74] BMO Nesbitt Burns fait également valoir que, en vertu de l’alinéa 231.8b), le délai accordé au ministre pour établir une cotisation ou une nouvelle cotisation à l’égard d’un contribuable est suspendu pendant l’instance relative à l’ordonnance (c.‑à‑d. la présente instance), que la demande de renseignements du ministre ait été faite en vertu de l’article 231.1 ou en vertu de l’article 231.2.

[75] En ce qui concerne l’affirmation du ministre selon laquelle le modèle‑maître pourrait également être pertinent pour la vérification de l’obligation fiscale de NBI pour 2017 et les années ultérieures, BMO Nesbitt Burns soutient que la présente demande sommaire ne concerne que l’année d’imposition 2016 de NBI et la demande de renseignements particulière aux fins de la vérification. Une procédure distincte serait nécessaire pour obtenir une ordonnance à l’égard d’une demande de renseignements aux fins de vérification pour l’année 2017. BMO Nesbitt Burns ajoute que la thèse du ministre, selon laquelle la production du modèle‑maître pourrait rendre les vérifications futures plus efficaces, a été rejetée dans l’arrêt BP (para 75 et 76).

(2) Il ne faudrait pas ordonner régulièrement la production des DTIC

[76] BMO Nesbitt Burns fait valoir que les renseignements caviardés dans le modèle‑maître se rapportent aux DTIC, car ils tiennent compte de positions fiscales incertaines. BMO Nesbitt Burns ajoute que, même si le modèle‑maître n’est pas protégé par le secret professionnel de l’avocat, en tant que DTIC, il ne devrait pas être produit. BMO Nesbitt Burns fait référence aux Normes internationales d’information financière [IFRS], qui exigent que les positions fiscales incertaines soient mesurées de façon précise à des fins comptables. BMO Nesbitt Burns soutient que les documents de travail associés à la comptabilisation des positions fiscales incertaines au titre des IFRS sont parfois appelés des DTIC.

[77] BMO Nesbitt Burns s’appuie sur l’arrêt BP, aux paragraphes 82 et 83, dans lequel la Cour d’appel fédérale a conclu que le ministre ne peut pas régulièrement demander de DTIC, ce qu’elle qualifie de règle non écrite. BMO Nesbitt Burns fait remarquer que la Cour a conclu que les pouvoirs de vérification du ministre ne s’étendent pas à l’obligation pour un contribuable d’effectuer une autovérification en divulguant des « points faibles » sur des questions qui peuvent faire l’objet d’un débat.

[78] BMO Nesbitt Burns remarque que les DTIC sont, de par leur nature même, des positions fiscales incertaines ou des « points faibles ». BMO Nesbitt Burns soutient en outre que la question du traitement fiscal approprié des opérations de rachat d’actions de NBI au cours de l’année d’imposition 2016 fait raisonnablement l’objet d’un débat étant donné que BMO Nesbitt Burns a énoncé sa position dans sa déclaration de revenus des sociétés, que les calculs à l’appui sont contenus dans la partie non caviardée du modèle‑maître, et que le ministre n’était pas d’accord et a produit un avis de nouvelle cotisation. BMO Nesbitt Burns fait valoir que la production du modèle‑maître non caviardé n’est donc pas appropriée dans ces circonstances.

[79] BMO Nesbitt Burns soutient également que la propre politique du ministre va à l’encontre de l’obligation de produire le modèle‑maître non caviardé. BMO Nesbitt Burns fait remarquer que, à la suite de l’arrêt BP, le ministre a publié un communiqué concernant les demandes de DTIC au cours d’une vérification. Le communiqué précise deux motifs qui peuvent autoriser une demande de DTIC : premièrement, lorsqu’elle est pertinente pour un élément précis faisant l’objet d’une vérification et, deuxièmement, lorsqu’elle vise à cerner des problèmes de vérification dans le contexte d’une vérification en cours. BMO Nesbitt Burns soutient que ni l’un ni l’autre des motifs ne s’appliquent, faisant valoir une fois de plus que la vérification de 2016 est terminée.

(3) Le fait d’ordonner la production contournerait le processus de communication préalable dans les procédures de la Cour canadienne de l’impôt

[80] BMO Nesbitt Burns soutient que, si une année d’imposition pertinente fait l’objet d’un appel devant la Cour canadienne de l’impôt, les pouvoirs de vérification du ministre pour les années ultérieures ne devraient pas être utilisés pour contourner ou miner le processus de communication préalable établi dans les Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90‑688a. BMO Nesbitt Burns ajoute qu’il existe une distinction importante entre les vérifications et la communication préalable. La protection en matière de confidentialité qui s’applique à la communication préalable ne s’applique pas aux renseignements et aux documents obtenus lors d’une vérification.

[81] BMO Nesbitt Burns fait valoir que le fait de rendre l’ordonnance (visant la production du modèle‑maître non caviardé) minerait le processus de communication préalable et contournerait les règles de communication préalable de la Cour canadienne de l’impôt en ce qui concerne les appels interjetés par BMO et NBI pour l’année d’imposition 2012, et leur causerait un préjudice.

[82] BMO Nesbitt Burns soutient que la Cour fédérale a traité de cette question dans la décision Canada (Revenu national) c Cameco Corporation, 2017 CF 763 [Cameco CF], et a refusé d’ordonner la production des renseignements demandés. BMO Nesbitt Burns laisse entendre que la Cour d’appel fédérale, en rejetant l’appel, a laissé la question ouverte (Cameco CAF).

IV. Les questions en litige

[83] La question primordiale est celle de savoir si les critères pour que la Cour rende l’ordonnance en vertu de l’article 231.7 ont été respectés. En l’espèce, il faut trancher les questions suivantes :

  • Si le secret professionnel de l’avocat s’applique aux renseignements caviardés;
    • Si la Cour devrait examiner les avis juridiques sous‑jacents afin de déterminer si le modèle‑maître constitue une communication protégée par le secret professionnel de l’avocat.
  • Subsidiairement, s’il ne faut pas ordonner la production du modèle‑maître pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :
    • La vérification de l’année d’imposition 2016 de NBI est terminée et il n’y a plus d’enquête en cours sur les opérations de rachat d’actions;
    • Le modèle‑maître caviardé constitue un DTIC;
    • Le fait d’ordonner la production du modèle‑maître minerait indûment le processus de communication préalable ou contournerait les règles de communication préalable de la Cour canadienne de l’impôt concernant les appels de BMO et de NBI liés à l’année d’imposition 2012.

[84] Les dispositions pertinentes de la Loi de l’impôt sur le revenu (art 231.1, 231.2, 231.7, 231.8 et 152(4)) sont reproduites à l’annexe 1.

V. Le modèle‑maître est‑il protégé par le secret professionnel de l’avocat?

[85] Les parties ne contestent pas l’importance du secret professionnel de l’avocat pour le système juridique, les principes régissant le secret professionnel de l’avocat ni le critère permettant de déterminer si le secret professionnel s’applique (Solosky c La Reine, [1980] 1 RCS 821 aux p 836 et 837; R c McClure, 2001 CSC 14 aux para 2 et 31 à 33; Canada (Revenu national) c Thompson, 2016 CSC 21 aux para 17 à 19 [Thompson]). La question est celle de savoir si le document en question — le modèle‑maître — est une communication protégée par le secret professionnel de l’avocat. Dans sa formulation la plus simple, pour être protégé, le document doit être une communication entre un avocat et son client qui comporte la recherche ou la prestation de conseils juridiques et qui est censée être confidentielle.

A. La jurisprudence concernant le secret professionnel de l’avocat

[86] Dans la décision Revcon, la Cour, aux paragraphes 17 à 22, a résumé les principes pertinents de la jurisprudence qui s’appliquent en l’espèce :

[17] Le privilège des communications entre client et avocat s’applique à toutes les communications entre un client et son avocat lorsque ce dernier donne des conseils juridiques ou agit, d’une autre manière, en qualité d’avocat et non en qualité de conseiller d’entreprise ou à un autre titre que celui de spécialiste du droit (Blood Tribe, précité, au paragraphe 10).

[18] Pour faire droit à une revendication de privilège des communications entre client et avocat, une cour doit conclure (1) qu’un avis juridique a été demandé à un professionnel du droit agissant à ce titre, (2) que les communications se rapportent à cette fin et (3) que les communications sont données en confidence par le client et l’avocat. On pourra consulter Descôteaux et autre c Mierzwinski, [1982] 1 RCS 860, aux pages 892 et 893 :

En résumé, le client d’un avocat a droit au respect de la confidentialité de toutes les communications faites dans le but d’obtenir un avis juridique. Qu’ils soient communiqués à l’avocat lui‑même ou à des employés, qu’ils portent sur des matières de nature administrative comme la situation financière ou sur la nature même du problème juridique, tous les renseignements que doit fournir une personne en vue d’obtenir un avis juridique et qui sont donnés en confidence à cette fin jouissent du privilège de confidentialité.

[Non souligné dans l’original.]

[19] Il incombe à la défenderesse de démontrer que les documents non communiqués relèvent du privilège des communications entre client et avocat. La juge Heneghan a ainsi déclaré ce qui suit dans Belgravia Investments Limited c Canada, 2002 CFPI 649 [Belgravia], aux paragraphes 47 et 48 :

La partie qui revendique le privilège doit en établir l’existence. Les demanderesses doivent démontrer, selon la prépondérance de la preuve, que les documents en question constituent des communications échangées entre un avocat et son client, que les communications concernent la demande ou la fourniture de conseils juridiques et que les parties voulaient que lesdits conseils demeurent confidentiels […].

La partie qui revendique un privilège doit faire davantage que de simplement en affirmer l’existence.

[20] Les communications à des fins de planification fiscale ne jouissent pas du privilège. Il en est de même des faits indépendants de la communication (Belgravia, précitée, aux paragraphes 44 et 45).

[21] Dans Canada (Revenu national) c Kitsch, 2003 CAF 307, aux paragraphes 35 à 47, la Cour fédérale a déclaré que le privilège du secret professionnel ne s’appliquait pas aux « conseils donnés par un expert‑comptable ». Le privilège des communications entre client et avocat ne s’étend pas aux conseils donnés par un expert‑comptable (ou, ajouterais‑je, par un avocat à des fins de comptabilité ou de planification fiscale) (Canada (Revenu national) c Grant Thornton, 2012 CF 1313, au paragraphe 22).

[22] Le juge Binnie a réitéré cette interprétation de la portée du privilège dans Blood Tribe, précité, au paragraphe 10 :

Bien que le privilège du secret professionnel de l’avocat ait d’abord été considéré comme une règle de preuve, il constitue sans aucun doute maintenant une règle de fond applicable à toutes les communications entre un client et son avocat lorsque ce dernier donne des conseils juridiques ou agit, d’une autre manière, en qualité d’avocat et non en qualité de conseiller d’entreprise ou à un autre titre que celui de spécialiste du droit […].

[Non souligné dans l’original.]

[87] Dans la décision Nation et Bande des Indiens Samson c Canada, 1995 CanLII 3602 (CAF), [1995] 2 CF 762 (CAF), la Cour d’appel a expliqué que le secret professionnel de l’avocat doit avoir une vaste portée et qu’il existe un continuum de communications auxquelles s’applique le secret professionnel de l’avocat :

Le privilège des conseils juridiques protège toutes les communications entre un avocat et son client, écrites ou orales, qui sont directement liées à la demande, à la formulation ou à la fourniture de conseils juridiques; il n’est pas nécessaire que la communication constitue une demande ou une offre expresse de conseils, dans la mesure où elle peut être tenue pour faire partie d’une communication continue au cours de laquelle l’avocat dispense des conseils; la communication protégée ne se limite pas à l’exposé du droit présenté au client, et elle comprend les conseils touchant les mesures à prendre dans le contexte juridique pertinent.

[88] Dans l’arrêt Commissaire à l’information, la Cour d’appel a également abordé la notion de continuum, aux paragraphes 26 et 27 :

[26] Toutes les communications entre un avocat et son client qui sont directement liées à la demande, à la formulation ou à la fourniture de conseils juridiques sont protégées, de même que celles considérées comme faisant partie d’une communication continue au cours de laquelle l’avocat dispense des conseils. Voir Nation et Bande des Indiens Samson c. Canada, [1995] 2 C.F. 762, au paragraphe 8.

[27] Le continuum des communications protégées par le secret professionnel touche notamment [traduction] « les questions de tous ordres, à des stades divers […] y compris les conseils sur les mesures raisonnables et prudentes à prendre dans le contexte juridique en cause », et d’autres sujets [traduction] « directement liés à l’exécution par l’avocat de ses obligations professionnelles à titre de conseiller juridique du client ». Voir Balabel v. Air India, [1988] 2 W.L.R. 1036, à la page 1046, le lord juge Taylor; Three Rivers District Council v. Governor and Company of the Bank of England, [2004] UKHL 48, au paragraphe 11.

[89] Au paragraphe 28, la Cour a souligné que, pour déterminer où se termine le continuum, la question est la suivante : « la divulgation de la communication risque‑t‑elle de nuire à l’objectif qui sous‑tend le secret professionnel – soit de permettre aux avocats et à leurs clients d’échanger librement et ouvertement des renseignements et des conseils de manière à ce que les clients puissent connaître leurs droits et obligations véritables et agir en conséquence? »

[90] La Cour a fourni des exemples, notamment des instructions fondées sur des conseils juridiques qui entraveraient l’échange libre de renseignements (para 29), et un autre « résultat final » tel que des documents de politique qui sont fondés sur des conseils juridiques, mais qui sont de nature opérationnelle (para 30). La Cour a fait remarquer ce qui suit au paragraphe 31 :

[31] De même, une organisation peut recevoir de nombreux conseils juridiques liés à l’élaboration d’une politique contre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Cependant, la mise en œuvre opérationnelle de ces conseils – la politique et sa diffusion auprès du personnel de l’organisation en vue d’en assurer le fonctionnement correct et professionnel – n’est pas protégée, sauf dans la mesure où la politique reprend strictement l’avis juridique fourni par l’avocat.

[Non souligné dans l’original.]

[91] Dans l’arrêt Thompson, au paragraphe 19, la Cour suprême du Canada a confirmé que le secret professionnel de l’avocat s’étend aux faits liés aux conseils :

Tous les éléments de la relation entre le client et l’avocat ne constituent pas des communications privilégiées, mais il faut présumer que, sauf preuve contraire, les faits liés à cette relation (tels les comptes d’honoraires en cause dans l’affaire Maranda) bénéficient de l’application du privilège (Maranda, par. 33‑34; voir aussi Foster Wheeler, par. 42). Cette règle est applicable, quel que soit le contexte dans lequel elle est invoquée (Foster Wheeler, par. 34; R. c. Gruenke, [1991] 3 R.C.S. 263, p. 289).

B. Le modèle‑maître est‑il protégé par le secret professionnel de l’avocat?

[92] BMO Nesbitt Burns a le fardeau d’établir que le modèle‑maître est une communication avocat‑client protégée par le secret professionnel.

[93] La preuve sur laquelle se fonde BMO Nesbitt Burns comprend les affirmations vagues, mais soigneusement formulées, de M. Mitrano et de M. Sheikh.

[94] M. Mitrano atteste qu’il a [traduction] « participé », avec d’autres, à la demande de conseils juridiques en 2012 et 2013, qu’il a [traduction] « participé » aux communications avec les avocats concernant les conseils juridiques et qu’il a été [traduction] « inclus » dans les communications avec les avocats concernant le maintien de la validité des conseils juridiques pour l’année d’imposition 2016. Toutefois, l’ampleur de sa participation est inconnue.

[95] M. Mitrano a expliqué que [traduction] « pendant que les communications avec les avocats étaient en cours au sujet des conseils juridiques, [il a] travaillé avec des collègues des Marchés des capitaux pour modifier la feuille de calcul ». Il déclare que le modèle‑maître calcule diverses sommes relatives aux actions canadiennes détenues ou vendues par BMO Groupe financier, y compris NBI. Il ajoute que l’objectif de la modification était de [traduction] « traduire les conseils juridiques en calculs à l’aide des données de BMO Groupe financier » et que la partie caviardée de la feuille de calcul (le modèle‑maître) reflète la modification.

[96] M. Mitrano atteste que [traduction] « [l]es conseils juridiques sont révélés par ce qui est calculé, la façon dont le calcul est effectué et le texte connexe dans la colonne caviardée ». Toutefois, il a déclaré que la modification, qui a entraîné l’ajout de la colonne caviardée à la feuille de calcul, a été apportée [traduction] « pendant que » des discussions étaient en cours avec les avocats, et non pas que BMO Nesbitt Burns attendait le résultat des conseils juridiques avant de modifier le modèle‑maître.

[97] En contre‑interrogatoire, M. Mitrano a été prié de fournir de plus amples renseignements sur les opérations de rachat d’actions et d’expliquer comment l’information contenue dans le modèle‑maître comprend les conseils juridiques. Les réponses de M. Mitrano portaient sur l’incidence sur BMO Nesbitt Burns de la divulgation de renseignements confidentiels à d’éventuels concurrents commerciaux.

[98] M. Sheikh atteste également que des conseils juridiques ont été demandés et fournis en 2012 et 2013 et qu’il a participé à des communications avec des avocats au sujet de ces conseils.

[99] M. Sheikh déclare que, au cours de l’année d’imposition 2016, NBI a effectué des opérations de rachat d’actions avec certains émetteurs canadiens; NBI a vendu des actions à des émetteurs de ces actions. Il déclare que la déclaration fiscale des opérations de rachat d’actions dans la déclaration de revenus des sociétés de 2016 de NBI a été déterminée à l’aide des renseignements indiqués dans la colonne non caviardée de la feuille de calcul (le modèle‑maître).

[100] M. Sheikh a déclaré, en ce qui concerne la déclaration de revenus, que le but de la partie caviardée du modèle‑maître était de déterminer l’applicabilité d’une réserve comptable.

[101] M. Sheikh affirme que BMO Groupe financier a tenu compte des conseils juridiques fournis pour déterminer les réserves comptables pour l’année d’imposition 2016 de NBI concernant les conventions de rachat d’actions. Il a ajouté ceci : [traduction] « [l]a colonne caviardée dans la feuille de calcul calcule les réserves, le cas échéant, à l’égard des opérations de rachat d’actions d’une manière conforme aux conseils juridiques et fait partie des DTIC de BMO Groupe financier ».

[102] M. Sheikh ajoute, en utilisant les mêmes mots que M. Mitrano, que [traduction] « [l]es conseils juridiques sont apparents dans la colonne caviardée. Les conseils juridiques sont révélés par ce qui est calculé, la façon dont le calcul est effectué et le texte connexe dans la colonne caviardée ».

[103] M. Sheikh ajoute que des avocats ont été consultés et ont confirmé la validité continue des conseils juridiques avant la mise au point des réserves comptables pour l’année d’imposition 2016.

[104] En contre‑interrogatoire, M. Sheikh a répondu qu’il ne savait pas qui avait préparé les DTIC ni à quel moment ils avaient été préparés, car cela était supervisé par une personne responsable des questions d’observation fiscale.

[105] Le témoignage de M. Mitrano et de M. Sheikh, y compris le fait qu’ils ont participé à des discussions ou qu’ils ont été inclus dans des discussions avec un avocat, que le modèle‑maître a été modifié [traduction] « pendant que » ces discussions étaient en cours et que les conseils juridiques ont été [traduction] « pris en considération », n’est pas utile ou suffisant pour établir que le modèle‑maître reflète ou révèle les conseils juridiques fournis ou que le modèle‑maître fait partie du continuum des éléments visés par le secret professionnel de l’avocat.

[106] La Cour reconnaît que les conseils juridiques ont été demandés par BMO Nesbitt Burns et fournis à titre confidentiel par les avocats de BMO Nesbitt Burns. Les avis juridiques fournis en 2012 et 2013 sont clairement des communications avocat‑client. Toutefois, le modèle‑maître est un document distinct. Bien que le privilège du secret professionnel de l’avocat ait une vaste portée, je ne suis pas convaincue que la divulgation du modèle‑maître pourrait « nuire » à l’objectif, qui est de « permettre aux avocats et à leurs clients d’échanger librement et ouvertement des renseignements et des conseils de manière à ce que les clients puissent connaître leurs droits et obligations véritables et agir en conséquence » (Commissaire à l’information, para 28).

[107] La Cour a examiné la colonne caviardée du modèle‑maître (la page représentative ou l’exemple de page sans les caviardages) et ne peut pas conclure, comme le prétend BMO Nesbitt Burns, qu’elle [traduction] « traduit » ou reflète des conseils juridiques, ou que les conseils juridiques seraient révélés par les calculs ou le texte connexe. Cela n’est pas évident pour la Cour. La colonne caviardée est simplement un calcul avec très peu de texte à côté des calculs.

[108] Le modèle‑maître reflète la mise en œuvre opérationnelle, le résultat ou le produit final des conseils juridiques fournis. Cependant, la façon dont il met en œuvre ces conseils n’est pas claire, compte tenu du témoignage vague de M. Mitrano et de M. Sheikh.

[109] Comme la Cour l’a conclu dans l’arrêt Commissaire à l’information, les résultats finaux des conseils juridiques ne font pas tous partie du continuum des communications avocat‑client; un résultat final n’est pas privilégié « sauf dans la mesure où [il] reprend strictement l’avis juridique fourni par l’avocat » (para 31).

C. La Cour devrait‑elle examiner les avis juridiques pour rendre la décision?

[110] Comme il a été mentionné précédemment, le ministre est d’avis que la Cour devrait déterminer si le modèle‑maître est protégé par le secret professionnel de l’avocat sans examiner les conseils ou les avis juridiques qui, selon BMO Nesbitt Burns, seraient révélés si le modèle‑maître non caviardé était divulgué. Le ministre estime que, si le modèle‑maître ne reprend pas « strictement l’avis juridique », le document n’est pas visé par le privilège.

[111] La préoccupation du ministre selon laquelle les avis juridiques originaux, s’ils sont reçus par la Cour, doivent être non révisés et non caviardés a été examinée. BMO Nesbitt Burns a fourni à la Cour les avis non caviardés, qui sont gardés sous scellé. BMO Nesbitt Burns a désigné les paragraphes précis de conseils juridiques dans les deux avis qui, selon elle, seraient révélés si le modèle‑maître caviardé devait être produit sous une forme non caviardée.

[112] Je reconnais qu’un tribunal devrait exercer son pouvoir discrétionnaire d’examiner les communications avocat‑client « de façon modérée » et seulement lorsque la nécessité de le faire est établie. J’estime qu’il est nécessaire de le faire. Il n’est pas possible de déterminer si le modèle‑maître caviardé reflète les conseils juridiques fournis, comme le prétend BMO Nesbitt Burns, en se fondant uniquement sur l’examen du modèle‑maître et les rares éléments de preuve à l’appui de cette affirmation. Pour veiller à ce que la décision ne soit pas prise en l’absence d’un examen approfondi et pour veiller à ce que les communications confidentielles soient protégées si le secret professionnel de l’avocat s’applique, j’ai examiné les deux avis juridiques fournis à BMO Nesbitt Burns en 2012‑2013.

[113] Les avis juridiques énoncent en détail les faits et les hypothèses ainsi que les questions ou les problèmes pour lesquels BMO Nesbitt Burns a demandé des conseils.

[114] Les paragraphes en marge de l’avis de 2012 représentent environ cinq courts paragraphes ou sous‑paragraphes de l’avis de 26 pages. Les paragraphes en marge de l’avis de 2013 représentent cinq courts paragraphes de l’avis de 17 pages.

[115] Comme il a été mentionné, bien que les avis de 2012 et de 2013 aient fourni des conseils juridiques et qu’il s’agisse clairement de communications avocat‑client, le modèle‑maître ne divulgue pas ou ne « traduit » pas facilement les conseils fournis, qui comprenaient des références générales aux principes reconnus, aux dispositions de la Loi et à la jurisprudence pertinente.

[116] L’examen des avis juridiques par la Cour ne permet pas d’établir que le modèle‑maître fait partie du continuum des communications avocat‑client. La Cour demeure d’avis que BMO Nesbitt Burns n’a pas établi que le modèle‑maître, qui est un ensemble de calculs avec du texte connexe, est autre chose que le résultat opérationnel ou le produit final des conseils juridiques, dans une certaine mesure. BMO Nesbitt Burns n’a pas établi que le modèle‑maître divulguerait les conseils juridiques fournis.

VI. Si le modèle‑maître n’est pas protégé par le secret professionnel de l’avocat, faut‑il en ordonner la production?

[117] BMO Nesbitt Burns présente trois autres arguments en faveur de la non‑divulgation du modèle‑maître. Comme il est expliqué ci‑après, la Cour a examiné attentivement ces arguments et la jurisprudence citée à l’appui, et elle a conclu que, dans les circonstances actuelles, il n’y a aucun obstacle qui l’empêcherait de rendre l’ordonnance en vertu de l’article 231.7 en vue d’exiger la production du modèle‑maître, comme il a été demandé en vertu de l’article 231.1 de la Loi.

[118] Je ne suis pas d’accord avec BMO Nesbitt Burns pour dire que le ministre tente d’utiliser ses pouvoirs de vérification à des fins inappropriées.

A. Est‑il interdit au ministre d’invoquer l’article 231.1 ou l’article 231.7 parce qu’il n’y a pas de vérification ou d’enquête ouverte, comme le prétend BMO Nesbitt Burns?

[119] Comme il a été mentionné, BMO Nesbitt Burns soutient que le ministre ne peut plus invoquer l’article 231.1 ou l’article 231.7 pour obtenir que les renseignements demandés soient fournis, car le pouvoir de vérification s’applique seulement pendant la vérification. BMO Nesbitt Burns fait valoir que la vérification de 2016 est terminée.

[120] Premièrement, il n’y a pas de délai pour l’exercice par le ministre de ses pouvoirs en vertu des articles 231.1 ou 231.7, comme le laisse entendre BMO Nesbitt Burns.

[121] La Loi est une loi longue et détaillée comportant des dispositions interreliées. L’article 231.1 n’établit pas de délai pour les demandes de renseignements. Si le législateur avait voulu imposer des délais, il aurait pu le faire. Le libellé de l’article 231.1 est vaste : « [u]ne personne autorisée peut, à tout moment raisonnable, pour l’application et l’exécution de la présente loi […] ». L’article 231.7 n’impose pas non plus de délai au ministre pour obtenir qu’une personne se rende à une demande faite en vertu des articles 231.1 ou 231.2.

[122] Au paragraphe 25 de la décision Lin, la Cour a conclu qu’il n’y a pas de délai pour présenter une demande de renseignements en vertu du paragraphe 231.1(1), en s’appuyant sur la décision Canada (Revenu national) c Stankovic, 2018 CF 462 (para 34), qui s’appuie à son tour sur l’arrêt Kitsch (para 32).

[123] Je reconnais que, dans la décision Lin, la Cour a cité la jurisprudence qui portait sur les demandes de renseignements présentées en vertu de l’article 231.2, et non de l’article 231.1. Toutefois, au paragraphe 32 de l’arrêt Kitsch, la Cour d’appel a fait une déclaration plus générale selon laquelle il n’y a pas de délai prescrit par la loi pour les demandes.

[124] Plus récemment, dans l’arrêt BP, la Cour d’appel a souligné, aux paragraphes 58 et 59, que les vastes pouvoirs de vérification s’appliquent lorsque l’objectif du ministre est lié à l’application et à l’exécution de la Loi :

[58] Je suis d’accord avec le juge de la Cour fédérale pour dire que le paragraphe 231.1(1) n’aurait pu être libellé en termes plus généraux. Selon le sens ordinaire des mots qui y sont employés, sont accessibles les documents « qui se rapportent ou peuvent se rapporter soit aux renseignements qui figurent dans les livres ou registres du contribuable ou qui devraient y figurer, soit à tout montant payable par le contribuable en vertu de la présente loi ».

[59] Aux termes de la disposition liminaire du paragraphe 231.1(1), le ministre, pour invoquer ces termes généraux, doit agir pour l’application et l’exécution de la Loi. Ainsi, pour que s’applique l’alinéa 231.1(1)a), il doit agir aux fins de vérification du respect de la Loi.

[Non souligné dans l’original.]

[125] Deuxièmement, contrairement à l’argument de BMO Nesbitt Burns, la vérification de 2016 concernant la question des opérations de rachat d’actions n’est pas terminée. La demande de renseignements du ministre a été transmise dans le contexte de la vérification de 2016 à une fin précise et demeure sans réponse.

[126] Je ne suis pas d’accord avec BMO Nesbitt Burns pour dire que la vérification a pris fin à la délivrance de l’avis de nouvelle cotisation du ministre (juin 2021). Je ne suis pas non plus d’avis que l’avis d’opposition de BMO Nesbitt Burns met fin au pouvoir du ministre en vertu des articles 231.1 ou 231.7. L’utilisation par BMO Nesbitt Burns des publications de l’ARC qui décrivent l’examen par la Division des appels de l’ARC et son processus n’appuie pas l’affirmation selon laquelle les pouvoirs de vérification ne s’appliquent plus. En l’espèce, le ministre a présenté la demande de renseignements en vertu de l’article 231.1 en 2019, bien avant la nouvelle cotisation ou l’avis d’opposition. Le refus ou l’incapacité de BMO Nesbitt Burns de se conformer ne peut pas justifier sa position selon laquelle le ministre ne peut plus demander qu’elle se rende à sa demande.

[127] Je retiens le commentaire du ministre selon lequel le fait de restreindre une demande de renseignements à la période préalable à la cotisation ne serait pas conforme à l’esprit de la Loi, qui confère de vastes pouvoirs pour assurer l’application et l’exécution de la Loi, et pourrait favoriser la non‑conformité.

[128] Troisièmement, le recours par BMO Nesbitt Burns à l’arrêt BP pour appuyer sa proposition générale selon laquelle le ministre peut invoquer les articles 231.1, 231.2 et 231.7 seulement pour obtenir des renseignements pendant une vérification déforme les conclusions tirées dans l’arrêt BP.

[129] Dans l’arrêt BP, la Cour d’appel fédérale n’a pas refusé d’ordonner que soient fournis les renseignements demandés par le ministre uniquement parce que la vérification pour une année donnée était terminée, mais parce que les renseignements avaient été demandés à des fins plus vastes, autres que les questions soulevées dans la vérification, et les problèmes relevés dans la vérification avaient déjà été réglés. La Cour a conclu que la demande générale imposerait au contribuable l’obligation de procéder à une autovérification prospective.

[130] Comme il est souligné au paragraphe 63 de la décision Canada (Revenu national) c Atlas Tube Canada ULC, 2018 CF 1086 [Atlas Tube], en faisant référence aux faits et constatations dans l’affaire BP :

Lorsque le ministre avait présenté sa demande en vertu de l’article 231.7 de la Loi, les vérifications étaient terminées et l’ARC avait déjà établi une nouvelle cotisation à l’égard des années d’imposition pertinentes. Le ministre ne souhaitait plus obtenir les DTIC pour les besoins de ces vérifications, mais il avait plutôt précisé que l’objectif visé était la vérification d’années ultérieures. Comme la Cour l’a expliqué au paragraphe 59, le ministre a clairement indiqué vouloir obtenir les documents sur les positions fiscales incertaines de BP Canada afin d’orienter et de faciliter ses vérifications ultérieures. La Cour a également fait observer, au paragraphe 76, que la vérificatrice de l’ARC avait continué d’insister sur la production des DTIC alors que les préoccupations légitimes découlant des années d’imposition qui avaient antérieurement fait l’objet d’une vérification n’existaient plus.

[Non souligné dans l’original.]

[131] En l’espèce, contrairement à l’affaire BP, le ministre a indiqué que l’objet précis de la demande de renseignements était lié à la vérification de 2016. Ces renseignements n’ont pas été fournis et le problème relevé dans la vérification n’a pas été réglé.

[132] Comme l’a attesté Mme Brar, la demande de renseignements en vertu de l’article 231.1 a été envoyée le 4 juillet 2019 [traduction] « en ce qui concerne la décision de NBI de conclure certaines conventions de rachat d’actions et opérations connexes au cours des années d’imposition 2015 et 2016 (appelées la « stratégie ») qui ont donné lieu à des dividendes réputés ». Autrement dit, la demande concernait une question précise dans le contexte de la vérification de 2016.

[133] Quatrièmement, le fait que BMO Nesbitt Burns s’appuie sur l’alinéa 231.8b) comme s’il [traduction] « arrête le chronomètre » ne l’aide pas à faire valoir que la vérification de 2016 est terminée ou que le ministre ne peut pas invoquer les pouvoirs de vérification. L’alinéa 231.8b) prévoit une suspension du délai accordé au ministre pour établir une cotisation ou une nouvelle cotisation à l’égard d’un contribuable conformément au paragraphe 152(4), y compris pendant l’instance relative à l’ordonnance (c.‑à‑d. visée à l’article 231.7, comme dans la présente instance), peu importe si la demande de renseignements du ministre a été faite en vertu de l’article 231.1 ou en vertu de l’article 232.1. Le délai de cotisation ou de nouvelle cotisation est suspendu à compter de la date de l’avis de comparution du contribuable en réponse à la demande présentée par le ministre au titre de l’article 231.7 jusqu’à ce que la Cour rende sa décision finale sur la demande fondée sur l’article 231.7. En l’espèce, le ministre a délivré l’avis de nouvelle cotisation le 18 juin 2021. BMO Nesbitt Burns a déposé son avis de comparution, en réponse à la demande du ministre fondée sur l’article 231.7, le 24 juin 2021. Il n’est pas évident de quelle façon une suspension du délai accordé au ministre pour établir une nouvelle cotisation à l’égard de BMO Nesbitt Burns pour l’année d’imposition 2016 influe sur la présente instance ou s’y applique étant donné que la nouvelle cotisation a été établie avant l’avis de comparution. De façon plus générale, l’article 231.8 ne se rapporte pas à la position énoncée par BMO Nesbitt Burns portant que la vérification a pris fin ou que le ministre ne peut plus chercher à obtenir que les renseignements demandés soient fournis.

B. Le modèle‑maître est‑il un DTIC et, le cas échéant, la Cour devrait‑elle en ordonner la production?

[134] Comme il a été mentionné, BMO Nesbitt Burns soutient que le modèle‑maître caviardé est un DTIC et s’appuie sur l’arrêt BP pour soutenir que sa production ne devrait pas être exigée. M. Sheikh explique que les normes d’information financière exigent que BMO détermine des réserves comptables pour les positions fiscales incertaines et que les DTIC sont préparés en fonction de ces réserves comptables.

[135] Comme il a été mentionné précédemment, M. Sheikh affirme que la colonne caviardée du modèle‑maître [traduction] « calcule les réserves, le cas échéant, à l’égard des opérations de rachat d’actions d’une manière conforme aux conseils juridiques et fait partie des DTIC de BMO Groupe financier ».

[136] Dans l’arrêt BP, la Cour d’appel a décrit les DTIC aux paragraphes 48 et 49, en faisant remarquer que ces documents « servent à consigner les positions fiscales incertaines et à prévoir les provisions qui permettront aux vérificateurs indépendants d’attester que les états financiers donnent une image fidèle de la situation financière de la société faisant l’objet de la vérification ».

[137] Le témoignage de M. Sheikh établit que le modèle‑maître est, dans une certaine mesure, un DTIC ou qu’il pourrait s’agir d’un DTIC (étant donné qu’il qualifie sa réponse selon laquelle le modèle‑maître caviardé calcule les réserves [traduction] « le cas échéant »). La question est donc celle de savoir si la production du modèle‑maître, en tant que DTIC, peut être ordonnée.

[138] L’argument de BMO Nesbitt Burns selon lequel, conformément à l’arrêt BP, la production du modèle‑maître ne devrait pas être exigée va à l’encontre des conclusions de la Cour d’appel dans l’affaire BP. De plus, les faits en l’espèce diffèrent de ceux de l’affaire BP.

[139] Dans l’arrêt BP, la Cour d’appel fédérale a résumé ainsi sa conclusion générale, au paragraphe 4 :

Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que les documents dont la production avait été ordonnée ne peuvent être transmis au ministre, vu l’objet invoqué pour justifier leur production, et que le juge de la Cour fédérale a commis des erreurs de droit et de fait en ordonnant leur production. Je propose donc d’accueillir l’appel.

[Non souligné dans l’original.]

[140] La Cour a expliqué les raisons pour lesquelles les documents ont été demandés dans ses motifs, en notant ce qui suit au paragraphe 59 :

Aux termes de la disposition liminaire du paragraphe 231.1(1), le ministre, pour invoquer ces termes généraux, doit agir pour l’application et l’exécution de la Loi. Ainsi, pour que s’applique l’alinéa 231.1(1)a), il doit agir aux fins de vérification du respect de la Loi. En l’espèce, le ministre a clairement indiqué vouloir obtenir les documents sur les positions fiscales incertaines de BP Canada en vue d’orienter et de faciliter ses vérifications en vertu de la Loi. Selon une interprétation littérale de la disposition liminaire, ceci semble être une fin autorisée.

[141] Toutefois, au paragraphe 67, la Cour a précisé que, malgré le libellé général de la Loi, la question est celle de savoir si un « accès général et illimité » était demandé et si une telle demande est permise :

La question en l’espèce ne consiste pas à savoir si les renseignements contenus dans les DPDF de BP Canada peuvent être communiqués en vertu de la Loi. Après tout, il est acquis aux débats que c’est le cas, si les renseignements sont exigés dans le cadre d’une demande précise faite aux fins de vérification. La communication de la copie caviardée des DPDF de BP Canada en réponse à la demande portant sur les entrées en témoigne (voir les paras. 11 et 12 ci‑haut). La véritable question est celle de savoir si le paragraphe 231.1(1) permet l’accès général et illimité à ces renseignements, dans la mesure où un tel accès a bel et bien été sollicité et autorisé en l’espèce.

[142] La Cour d’appel a examiné les circonstances qui ont amené le ministre à demander les documents et à présenter la demande, et la Cour fédérale à y faire droit. La Cour d’appel a conclu, au paragraphe 78, que l’ordonnance avait été demandée et rendue par la Cour fédérale « au seul motif que » la communication des documents pouvait être exigée sans restriction.

[143] La Cour d’appel a souligné, au paragraphe 79, que l’incidence de la décision de la Cour fédérale — qui autoriserait le ministre à recourir au paragraphe 231.1(1) pour obtenir l’accès aux DTIC « sans avoir à invoquer un motif particulier pour en justifier leur production » — imposerait à BP et aux autres contribuables l’obligation de fournir régulièrement au ministre leurs positions fiscales incertaines chaque année à partir de ce moment.

[144] La Cour d’appel a fait observer ce qui suit, au paragraphe 80 :

À mon avis, le paragraphe 231.1(1), s’il est bien interprété, ne permet pas la communication « sans restriction » de ce genre de documents. À en juger par le contexte et l’objet de la disposition, le législateur entendait manifestement que les vastes pouvoirs qu’elle confère soient exercés avec retenue lorsqu’il s’agit de DTIC. Il s’ensuit que la décision du juge de la Cour fédérale doit être annulée.

[145] La Cour d’appel a souligné la distinction entre l’autocotisation, sur laquelle repose le respect de la Loi, et l’autovérification, qui n’est pas exigée (para 81 à 83). La Cour d’appel a expliqué les limites imposées aux vérificateurs pour leurs « contrôles » de la manière suivante au paragraphe 82 :

Or, l’obligation d’auto‑cotisation n’exige pas du contribuable qu’il assujettisse à l’impôt des sommes qu’il estime non imposables. Aux prises avec une question raisonnablement discutable — et j’insiste sur cet aspect en soulignant le fait que la jurisprudence est truffée de décisions qui illustrent la coexistence de questions ouvertes à plusieurs interprétations — le contribuable a le droit d’opter, dans sa déclaration de revenu, pour l’hypothèse qui lui est la plus avantageuse. C’est pourquoi les vérificateurs doivent procéder à une foule de contrôles et ne peuvent compter essentiellement que sur leur propre initiative lorsqu’ils vérifient les sommes déclarées par le contribuable. Certes, même si les vérificateurs ont droit à « toute l’aide raisonnable » pour leur permettre de procéder à la vérification (Loi, al. 231.1(1)d)), ils ne peuvent contraindre les contribuables à révéler leurs « points faibles ».

[Souligné dans l’original.]

[146] La Cour d’appel a conclu que, si la décision de la Cour fédérale n’était pas corrigée, elle confirmerait l’accès du ministre aux documents chaque année à compter de la date de la vérification et « [permettrait] au ministre de contraindre BP Canada à procéder à l’auto‑vérification » (para 85).

[147] La Cour d’appel a conclu, au paragraphe 99, que le ministre ne pouvait pas invoquer le paragraphe 231.1(1) pour obtenir un accès général et sans restriction aux documents de BP qui révélaient ses positions fiscales incertaines. La Cour a déclaré ceci, de façon plus générale : « [a]utrement dit, le ministre ne peut enjoindre aux contribuables qui tiennent des DTIC de s’acquitter des aspects fondamentaux des vérifications effectuées en vertu de la Loi ».

[148] Dans l’affaire Atlas Tube, la Cour s’est penchée sur l’application de l’arrêt BP. La Cour a conclu que les documents demandés à Atlas Tube n’étaient pas protégés par le secret professionnel de l’avocat. La Cour a également conclu que, même si les documents étaient en partie des DTIC, la production devrait en être ordonnée en vertu de l’article 231.7, car cela n’imposerait pas une obligation d’autovérification. La Cour a examiné attentivement la question de savoir si et comment l’arrêt BP s’appliquait et a conclu qu’il avait une application plus limitée que ce qui avait été affirmé, en notant ce qui suit au paragraphe 63 :

Cependant, je souscris à l’interprétation que fait le ministre de l’application restreinte de l’arrêt BP. Comme l’a souligné la Cour au paragraphe 7 de cet arrêt, l’issue de l’appel a été déterminée par les faits particuliers qui ont amené le ministre à demander formellement la production des DTIC. La demande initiale de l’ARC en vue de la production des DTIC a pris naissance dans le contexte de vérifications de l’appelante, à savoir BP Canada Energy Company [BP Canada]. Lorsque le ministre avait présenté sa demande en vertu de l’article 231.7 de la Loi, les vérifications étaient terminées et l’ARC avait déjà établi une nouvelle cotisation à l’égard des années d’imposition pertinentes. Le ministre ne souhaitait plus obtenir les DTIC pour les besoins de ces vérifications, mais il avait plutôt précisé que l’objectif visé était la vérification d’années ultérieures. Comme la Cour l’a expliqué au paragraphe 59, le ministre a clairement indiqué vouloir obtenir les documents sur les positions fiscales incertaines de BP Canada afin d’orienter et de faciliter ses vérifications ultérieures. La Cour a également fait observer, au paragraphe 76, que la vérificatrice de l’ARC avait continué d’insister sur la production des DTIC alors que les préoccupations légitimes découlant des années d’imposition qui avaient antérieurement fait l’objet d’une vérification n’existaient plus.

[149] Au paragraphe 65 de la décision Atlas Tube, la Cour a conclu ceci : « il convient d’interpréter l’arrêt BP comme interdisant l’accès général et non restreint aux DTIC de façon prospective, en dehors du contexte de la vérification de questions particulières ». La Cour a souligné que, dans l’arrêt BP, la Cour d’appel a distingué les pouvoirs du ministre dans le contexte d’une vérification, en soulignant la déclaration de la Cour d’appel, au paragraphe 67 de l’arrêt BP, selon laquelle les documents seraient accessibles au besoin « si les renseignements sont exigés dans le cadre d’une demande précise faite aux fins de vérification ».

[150] Au paragraphe 66, la Cour a conclu, à la lumière des faits de l’affaire Atlas Tube, que « [c]ontrairement à la situation dont il était question dans l’arrêt BP, la demande d’accès du ministre au rapport de contrôle préalable dont il est question en l’espèce est présentée dans le contexte d’une vérification active de questions particulières » et que sa production n’irait pas à l’encontre du principe selon lequel un contribuable n’est pas tenu de s’autovérifier.

[151] En l’espèce, BMO Nesbitt Burns soutient que la production du modèle‑maître caviardé révélerait ses positions fiscales incertaines et laisse également entendre que le ministre cherche à obtenir les renseignements pour des vérifications futures, ce qui, selon BMO Nesbitt Burns, va à l’encontre de l’arrêt BP.

[152] La preuve appuie le fait que le ministre demande le modèle‑maître aux fins énoncées dans la demande de renseignements transmise en 2019 relativement à la vérification de 2016. Comme l’indique l’affidavit de Mme Brar, la demande portait sur la décision de NBI de conclure certaines conventions de rachat d’actions et opérations connexes au cours des années d’imposition 2015 et 2016 qui ont donné lieu à des dividendes réputés. Bien que le ministre note que les renseignements peuvent également être pertinents pour la déclaration de 2017, une demande de renseignements distincte a été faite pour cette année d’imposition. Contrairement aux faits de l’affaire BP, les préoccupations découlant de l’année d’imposition visée par la vérification n’ont pas été réglées. Contrairement à la situation dans l’affaire BP, le ministre n’a pas demandé l’accès au modèle‑maître (qu’il s’agisse ou non d’un DTIC) sans présenter de justification particulière.

[153] Dans l’arrêt BP, la Cour d’appel fédérale a insisté sur le fait que les vastes pouvoirs prévus au paragraphe 231.1(1) devraient être utilisés avec retenue, et non que les pouvoirs ne pouvaient pas être utilisés du tout en ce qui concerne les DTIC. La mise en garde de la Cour d’appel fédérale consistait à éviter d’imposer une obligation d’autovérification.

[154] BMO Nesbitt Burns n’a pas établi que la production du modèle‑maître lui imposerait une obligation d’autovérification à l’avenir ou que ses positions fiscales incertaines seraient révélées.

[155] Quand BMO Nesbitt Burns avance que la propre politique du ministre, énoncée dans un communiqué publié à la suite de l’arrêt BP de la Cour d’appel fédérale, va à l’encontre d’une ordonnance l’obligeant à produire le modèle‑maître non caviardé, son argument ne tient pas compte du fait que le communiqué stipule qu’un DTIC peut être demandé lorsqu’il est pertinent pour un élément précis faisant l’objet d’une vérification. En l’espèce, le modèle‑maître est demandé pour l’objet précis qui est indiqué concernant les conventions de rachat d’actions.

C. L’ordonnance de production minera‑t‑elle la communication préalable à la Cour canadienne de l’impôt?

[156] BMO Nesbitt Burns n’a pas établi que la demande de renseignements ou la demande sommaire du ministre vise une fin irrégulière, y compris la recherche d’un avantage dans le cadre des procédures devant la Cour canadienne de l’impôt relativement aux appels concernant l’année d’imposition 2012. Je remarque que BMO et NBI n’ont pas interjeté appel devant la Cour canadienne de l’impôt avant octobre 2021. La demande de renseignements du ministre a été faite en juillet 2019, et la proposition du ministre et l’avis de nouvelle cotisation ont tous deux précédé les avis d’appel présentés par BMO Nesbitt Burns à la Cour canadienne de l’impôt. Rien n’indique que le ministre savait que BMO Nesbitt Burns interjetterait appel en ce qui concerne l’année d’imposition 2012 avant que BMO Nesbitt Burns ne le fasse.

[157] De plus, BMO Nesbitt Burns interprète à tort la jurisprudence comme si elle laissait ouverte la question de savoir si une ordonnance visant la production d’un document demandé en vertu de l’article 231.1 (en l’espèce, le modèle‑maître) devrait être refusée parce qu’elle minerait le processus de communication préalable dans les procédures de la Cour canadienne de l’impôt et causerait un préjudice à l’appelante.

[158] Dans l’affaire Cameco CF, le ministre avait cherché à utiliser les pouvoirs prévus à l’article 231.1 pour obliger 25 employés de Cameco à participer à une entrevue. La Cour fédérale a souligné aux paragraphes 34 et 35, en s’appuyant sur l’arrêt BP, que, même si les pouvoirs du ministre sont vastes, ils ne sont pas illimités. La Cour a refusé d’ordonner que les entrevues demandées aient lieu. En ce qui concerne la question de savoir si le fait d’ordonner des entrevues avec des employés reproduirait ou contournerait des interrogatoires préalables dans les procédures devant la Cour canadienne de l’impôt, la Cour a renvoyé aux Règles de la Cour canadienne de l’impôt et a déclaré ce qui suit au paragraphe 47 :

Je ne peux le faire puisque je passerais outre aux Règles de la Cour canadienne de l’impôt et que je pourrais porter atteinte aux instances dont est actuellement saisie la Cour canadienne de l’impôt, les années d’imposition subséquentes étant sur le point d’être entendues, en permettant au ministre de renforcer sa preuve (au besoin) pour les procès à venir qui porteront sur les autres années faisant l’objet d’une vérification.

[159] Dans l’arrêt Cameco CAF, la Cour d’appel fédérale a convenu que le ministre ne pouvait pas obliger les employés à se soumettre à des entrevues orales, en fondant sa décision sur l’interprétation appropriée et l’historique législatif des dispositions pertinentes de la loi.

[160] Contrairement à l’argument de BMO Nesbitt Burns selon lequel la Cour d’appel a rejeté l’appel sans examiner l’interaction entre les pouvoirs de vérification du ministre en vertu de l’article 231.1 et le régime de communication préalable prévu dans les Règles de la Cour canadienne de l’impôt, la Cour d’appel a conclu que les observations de la Cour fédérale étaient incidentes et ne reflétaient pas la loi. La Cour d’appel a conclu que les Règles de la Cour canadienne de l’impôt ne sont pas un facteur dans la détermination des pouvoirs du ministre en vertu de l’article 231.1. La Cour d’appel a souligné que la Cour canadienne de l’impôt pourrait trancher toute question concernant l’admissibilité de la preuve ou les arguments de préjudice potentiel. La Cour d’appel a déclaré ce qui suit aux paragraphes 40 et 41 :

[40] Je me penche maintenant sur la question de savoir si le fait d’obliger Cameco à répondre pourrait lui porter préjudice lors d’un litige actuel ou futur à la Cour canadienne de l’impôt. Ce facteur a pesé lourd dans la décision de la juge de la Cour fédérale d’accorder ou non l’ordonnance.

[41] En l’absence d’un lien direct entre la Loi de l’impôt sur le revenu et les Règles de la Cour canadienne de l’impôt, les Règles, comme dispositions légales subordonnées, n’aident pas à interpréter la portée du pouvoir du ministre en application de l’alinéa 231.1(1)a). En outre, la question de savoir si les questions posées lors d’une vérification peuvent avoir des conséquences directes ou indirectes sur les litiges actuels ou futurs n’est pas un facteur discrétionnaire pertinent. La question de l’admissibilité des éléments de preuve et des préjudices subis par le contribuable en raison de réponses fournies lors d’une vérification relève du juge de la Cour canadienne de l’impôt, en vertu du droit et des procédures en matière de preuve; elle ne se présente pas lors de la vérification.

[161] En l’espèce, comme l’indique l’arrêt Cameco CAF, la Cour canadienne de l’impôt peut se pencher sur la portée de la communication préalable dans le contexte de ces procédures et peut traiter de tout argument présenté par BMO Nesbitt Burns selon lequel l’ordonnance de la Cour en vertu de l’article 231.7 en vue de la production du modèle‑maître comme il a été demandé, aux fins précisées et dans le contexte de la vérification de 2016, a porté préjudice à BMO ou à NBI dans leurs appels concernant l’année d’imposition 2012.

VII. Conclusion

[162] J’ai conclu, pour les motifs qui précèdent, que le ministre a droit à l’ordonnance demandée au titre du paragraphe 231.7(1) de la Loi, en vue d’obliger BMO Nesbitt Burns à fournir le modèle‑maître sous une forme non caviardée.

VIII. Dépens

[163] Les deux parties ont demandé le remboursement de leurs dépens dans l’éventualité où leur demande serait accueillie. Vu le résultat, le ministre a droit aux dépens. Les parties devraient se consulter pour tenter de conclure une entente au sujet des dépens. Si aucune entente n’est conclue dans les 30 jours suivant la publication de la présente décision, les parties peuvent présenter à la Cour des observations d’au plus trois pages sur la question des dépens.


ORDONNANCE dans le dossier no T‑865‑21

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

  1. Les documents déposés sous scellé auprès de la Cour à l’audience de la présente demande doivent être traités de façon confidentielle, et les avocats du demandeur ne doivent pas avoir accès à ces documents, à moins d’une ordonnance contraire de la Cour.

  2. La demande est accueillie et il est ordonné à la défenderesse, en vertu du paragraphe 231.7(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e supp), de fournir au demandeur, dans les 30 jours suivant la date de la présente ordonnance, le document demandé à la défenderesse par le demandeur dans le cadre des demandes faites à la défenderesse en vertu du paragraphe 231.1(1) de la Loi en date du 4 juillet 2019.

  3. Le demandeur se fait adjuger les dépens afférents à la présente demande.

  4. Les parties devront se consulter en vue d’une quantification des dépens liés à la présente demande et, dans les 30 jours suivant la date de la présente ordonnance, elles devront :

a) informer la Cour par écrit si elles ont conclu une entente sur cette quantification;

b) fournir à la Cour, à défaut d’une telle entente, de brèves observations écrites ne dépassant pas trois pages sur cette quantification.

« Catherine M. Kane »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


ANNEXE 1

Dispositions pertinentes de la Loi de l’impôt sur le revenu

231.1 (1) Une personne autorisée peut, à tout moment raisonnable, pour l’application et l’exécution de la présente loi, à la fois :

231.1 (1) An authorized person may, at all reasonable times, for any purpose related to the administration or enforcement of this Act,

a) inspecter, vérifier ou examiner les livres et registres d’un contribuable ainsi que tous documents du contribuable ou d’une autre personne qui se rapportent ou peuvent se rapporter soit aux renseignements qui figurent dans les livres ou registres du contribuable ou qui devraient y figurer, soit à tout montant payable par le contribuable en vertu de la présente loi;

(a) inspect, audit or examine the books and records of a taxpayer and any document of the taxpayer or of any other person that relates or may relate to the information that is or should be in the books or records of the taxpayer or to any amount payable by the taxpayer under this Act, and

b) examiner les biens à porter à l’inventaire d’un contribuable, ainsi que tout bien ou tout procédé du contribuable ou d’une autre personne ou toute matière concernant l’un ou l’autre dont l’examen peut aider la personne autorisée à établir l’exactitude de l’inventaire du contribuable ou à contrôler soit les renseignements qui figurent dans les livres ou registres du contribuable ou qui devraient y figurer, soit tout montant payable par le contribuable en vertu de la présente loi;

(b) examine property in an inventory of a taxpayer and any property or process of, or matter relating to, the taxpayer or any other person, an examination of which may assist the authorized person in determining the accuracy of the inventory of the taxpayer or in ascertaining the information that is or should be in the books or records of the taxpayer or any amount payable by the taxpayer under this Act,

à ces fins, la personne autorisée peut :

and for those purposes the authorized person may

c) sous réserve du paragraphe (2), pénétrer dans un lieu où est exploitée une entreprise, est gardé un bien, est faite une chose en rapport avec une entreprise ou sont tenus ou devraient l’être des livres ou registres;

(c) subject to subsection 231.1(2), enter into any premises or place where any business is carried on, any property is kept, anything is done in connection with any business or any books or records are or should be kept, and

d) requérir le propriétaire, ou la personne ayant la gestion, du bien ou de l’entreprise ainsi que toute autre personne présente sur les lieux de lui fournir toute l’aide raisonnable et de répondre à toutes les questions pertinentes à l’application et l’exécution de la présente loi et, à cette fin, requérir le propriétaire, ou la personne ayant la gestion, de l’accompagner sur les lieux.

(d) require the owner or manager of the property or business and any other person on the premises or place to give the authorized person all reasonable assistance and to answer all proper questions relating to the administration or enforcement of this Act and, for that purpose, require the owner or manager to attend at the premises or place with the authorized person.

(2) Lorsque le lieu mentionné à l’alinéa (1)c) est une maison d’habitation, une personne autorisée ne peut y pénétrer sans la permission de l’occupant, à moins d’y être autorisée par un mandat décerné en vertu du paragraphe (3).

(2) Where any premises or place referred to in paragraph 231.1(1)(c) is a dwelling‑house, an authorized person may not enter that dwelling‑house without the consent of the occupant except under the authority of a warrant under subsection 231.1(3).

(3) Sur requête ex parte du ministre, le juge saisi peut décerner un mandat qui autorise une personne autorisée à pénétrer dans une maison d’habitation aux conditions précisées dans le mandat, s’il est convaincu, sur dénonciation sous serment, de ce qui suit :

(3) Where, on ex parte application by the Minister, a judge is satisfied by information on oath that

a) il existe des motifs raisonnables de croire que la maison d’habitation est un lieu mentionné à l’alinéa (1)c);

(a) there are reasonable grounds to believe that a dwelling‑house is a premises or place referred to in paragraph 231.1(1)(c),

b) il est nécessaire d’y pénétrer pour l’application ou l’exécution de la présente loi;

(b) entry into the dwelling‑house is necessary for any purpose relating to the administration or enforcement of this Act, and

c) un refus d’y pénétrer a été opposé, ou il existe des motifs raisonnables de croire qu’un tel refus sera opposé.

(c) entry into the dwelling‑house has been, or there are reasonable grounds to believe that entry will be, refused,

Dans la mesure où un refus de pénétrer dans la maison d’habitation a été opposé ou pourrait l’être et où des documents ou biens sont gardés dans la maison d’habitation ou pourraient l’être, le juge qui n’est pas convaincu qu’il est nécessaire de pénétrer dans la maison d’habitation pour l’application ou l’exécution de la présente loi peut ordonner à l’occupant de la maison d’habitation de permettre à une personne autorisée d’avoir raisonnablement accès à tous documents ou biens qui sont gardés dans la maison d’habitation ou devraient y être gardés et rendre tout autre ordonnance indiquée en l’espèce pour l’application de la présente loi.

the judge may issue a warrant authorizing an authorized person to enter the dwelling‑house subject to such conditions as are specified in the warrant but, where the judge is not satisfied that entry into the dwelling‑house is necessary for any purpose relating to the administration or enforcement of this Act, the judge may

Blank

(d) order the occupant of the dwelling‑house to provide to an authorized person reasonable access to any document or property that is or should be kept in the dwelling‑house, and

Blank

(e) make such other order as is appropriate in the circumstances to carry out the purposes of this Act,

Blank

to the extent that access was or may be expected to be refused and that the document or property is or may be expected to be kept in the dwelling‑house.

231.2 (1) Malgré les autres dispositions de la présente loi, le ministre peut, sous réserve du paragraphe (2) et, pour l’application ou l’exécution de la présente loi (y compris la perception d’un montant payable par une personne en vertu de la présente loi), d’un accord international désigné ou d’un traité fiscal conclu avec un autre pays, par avis signifié ou envoyé conformément au paragraphe (1.1), exiger d’une personne, dans le délai raisonnable que précise l’avis :

231.2 (1) Notwithstanding any other provision of this Act, the Minister may, subject to subsection (2), for any purpose related to the administration or enforcement of this Act (including the collection of any amount payable under this Act by any person), of a listed international agreement or, for greater certainty, of a tax treaty with another country, by notice sent or served in accordance with subsection (1.1), require that any person provide, within such reasonable time as is stipulated in the notice,

a) qu’elle fournisse tout renseignement ou tout renseignement supplémentaire, y compris une déclaration de revenu ou une déclaration supplémentaire;

(a) any information or additional information, including a return of income or a supplementary return; or

b) qu’elle produise des documents.

(b) any document.

(1.1) L’avis visé au paragraphe (1) peut être :

(1.1) A notice referred to in subsection (1) may be

a) soit signifié à personne;

(a) served personally;

b) soit envoyé par courrier recommandé ou certifié;

(b) sent by registered or certified mail; or

c) soit envoyé par voie électronique à une banque ou une caisse de crédit qui a consenti par écrit à recevoir les avis visés au paragraphe (1) par voie électronique.

(c) sent electronically to a bank or credit union that has provided written consent to receive notices under subsection (1) electronically.

(2) Le ministre ne peut exiger de quiconque — appelé « tiers » au présent article — la fourniture de renseignements ou production de documents prévue au paragraphe (1) concernant une ou plusieurs personnes non désignées nommément, sans y être au préalable autorisé par un juge en vertu du paragraphe (3).

(2) The Minister shall not impose on any person (in this section referred to as a “third party”) a requirement under subsection 231.2(1) to provide information or any document relating to one or more unnamed persons unless the Minister first obtains the authorization of a judge under subsection 231.2(3).

(3) Sur requête du ministre, un juge de la Cour fédérale peut, aux conditions qu’il estime indiquées, autoriser le ministre à exiger d’un tiers la fourniture de renseignements ou la production de documents prévues au paragraphe (1) concernant une personne non désignée nommément ou plus d’une personne non désignée nommément — appelée « groupe » au présent article —, s’il est convaincu, sur dénonciation sous serment, de ce qui suit :

(3) A judge of the Federal Court may, on application by the Minister and subject to any conditions that the judge considers appropriate, authorize the Minister to impose on a third party a requirement under subsection (1) relating to an unnamed person or more than one unnamed person (in this section referred to as the “group”) if the judge is satisfied by information on oath that

a) cette personne ou ce groupe est identifiable;

(a) the person or group is ascertainable; and

b) la fourniture ou la production est exigée pour vérifier si cette personne ou les personnes de ce groupe ont respecté quelque devoir ou obligation prévu par la présente loi;

(b) the requirement is made to verify compliance by the person or persons in the group with any duty or obligation under this Act.

[…]

[…]

231.7 (1) Sur demande sommaire du ministre, un juge peut, malgré le paragraphe 238(2), ordonner à une personne de fournir l’accès, l’aide, les renseignements ou les documents que le ministre cherche à obtenir en vertu des articles 231.1 ou 231.2 s’il est convaincu de ce qui suit :

231.7 (1) On summary application by the Minister, a judge may, notwithstanding subsection 238(2), order a person to provide any access, assistance, information or document sought by the Minister under section 231.1 or 231.2 if the judge is satisfied that

a) la personne n’a pas fourni l’accès, l’aide, les renseignements ou les documents bien qu’elle en soit tenue par les articles 231.1 ou 231.2;

(a) the person was required under section 231.1 or 231.2 to provide the access, assistance, information or document and did not do so; and

b) s’agissant de renseignements ou de documents, le privilège des communications entre client et avocat, au sens du paragraphe 232(1), ne peut être invoqué à leur égard.

(b) in the case of information or a document, the information or document is not protected from disclosure by solicitor‑client privilege (within the meaning of subsection 232(1)).

(2) La demande n’est entendue qu’une fois écoulés cinq jours francs après signification d’un avis de la demande à la personne à l’égard de laquelle l’ordonnance est demandée.

(2) An application under subsection (1) must not be heard before the end of five clear days from the day the notice of application is served on the person against whom the order is sought.

(3) Le juge peut imposer, à l’égard de l’ordonnance, les conditions qu’il estime indiquées.

(3) A judge making an order under subsection (1) may impose any conditions in respect of the order that the judge considers appropriate.

(4) Quiconque refuse ou fait défaut de se conformer à une ordonnance peut être reconnu coupable d’outrage au tribunal; il est alors sujet aux procédures et sanctions du tribunal l’ayant ainsi reconnu coupable.

(4) If a person fails or refuses to comply with an order, a judge may find the person in contempt of court and the person is subject to the processes and the punishments of the court to which the judge is appointed.

(5) L’ordonnance visée au paragraphe (1) est susceptible d’appel devant le tribunal ayant compétence pour entendre les appels des décisions du tribunal ayant rendu l’ordonnance. Toutefois, l’appel n’a pas pour effet de suspendre l’exécution de l’ordonnance, sauf ordonnance contraire d’un juge du tribunal saisi de l’appel.

(5) An order by a judge under subsection (1) may be appealed to a court having appellate jurisdiction over decisions of the court to which the judge is appointed. An appeal does not suspend the execution of the order unless it is so ordered by a judge of the court to which the appeal is made.

231.8 Les délais ci‑après ne comptent pas dans le calcul du délai dans lequel une cotisation peut être établie pour une année d’imposition d’un contribuable en vertu du paragraphe 152(4) :

231.8 The following periods of time shall not be counted in the computation of the period of time within which an assessment may be made for a taxation year of a taxpayer under subsection 152(4):

a) si l’avis visé au paragraphe 231.2(1) est signifié ou envoyé au contribuable, le délai qui court entre le jour où une demande de contrôle judiciaire est présentée relativement à l’avis et le jour où la demande est définitivement réglée;

(a) where the taxpayer is sent or served with a notice of a requirement under subsection 231.2(1), the period of time between the day on which an application for judicial review in respect of the requirement is made and the day on which the application is finally disposed of; and

b) lorsque la demande visée au paragraphe 231.7(1) est déposée par le ministre pour qu’il soit ordonné au contribuable de fournir tout accès, toute aide ou tous renseignements ou documents, le délai qui court entre le jour où le contribuable dépose un avis de comparution, ou conteste par ailleurs la demande, et le jour où la demande est définitivement réglée.

(b) where an application is commenced by the Minister under subsection 231.7(1) to order the taxpayer to provide any access, assistance, information or document, the period of time between the day on which the taxpayer files a notice of appearance, or otherwise opposes the application, and the day on which the application is finally disposed of.

  • Remarque : En l’espèce, la demande a été présentée en vertu de l’article 231.2 et une demande a été présentée en vertu de l’article 231.7. L’alinéa b) s’applique donc.

Paragraphe 152(4) concernant le délai pour établir des cotisations

(4) Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu’aucun impôt n’est payable pour l’année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d’imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans les cas suivants :

(4) The Minister may at any time make an assessment, reassessment or additional assessment of tax for a taxation year, interest or penalties, if any, payable under this Part by a taxpayer or notify in writing any person by whom a return of income for a taxation year has been filed that no tax is payable for the year, except that an assessment, reassessment or additional assessment may be made after the taxpayer’s normal reassessment period in respect of the year only if

a) le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

(a) the taxpayer or person filing the return

(i) soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

(i) has made any misrepresentation that is attributable to neglect, carelessness or wilful default or has committed any fraud in filing the return or in supplying any information under this Act, or

(ii) soit a présenté au ministre une renonciation, selon le formulaire prescrit, au cours de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année;

(ii) has filed with the Minister a waiver in prescribed form within the normal reassessment period for the taxpayer in respect of the year;

b) la cotisation est établie avant le jour qui suit de trois ans la fin de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année et, selon le cas :

(b) the assessment, reassessment or additional assessment is made before the day that is 3 years after the end of the normal reassessment period for the taxpayer in respect of the year and

(i) est à établir en vertu du paragraphe (6) ou (6.1), ou le serait si le contribuable avait déduit une somme en présentant le formulaire prescrit visé à ce paragraphe au plus tard le jour mentionné à ce paragraphe,

(i) is required under subsection (6) or (6.1), or would be so required if the taxpayer had claimed an amount by filing the prescribed form referred to in the subsection on or before the day referred to in the subsection,

(ii) est établie par suite de l’établissement, en application du présent paragraphe ou du paragraphe (6), d’une cotisation ou d’une nouvelle cotisation concernant l’impôt payable par un autre contribuable,

(ii) is made as a consequence of the assessment or reassessment pursuant to this paragraph or subsection 152(6) of tax payable by another taxpayer,

(iii) est établie, selon le cas :

(iii) is made

(A) par suite de la conclusion d’une opération (au sens du paragraphe 247(1)) impliquant le contribuable et une personne non‑résidente avec laquelle il avait un lien de dépendance,

(A) as a consequence of a transaction (as defined in subsection 247(1)) involving the taxpayer and a non‑resident person with whom the taxpayer was not dealing at arm’s length, or

(B) relativement à un revenu, une perte ou un autre montant relatif à une société étrangère affiliée du contribuable,

(B) in respect of any income, loss or other amount in relation to a foreign affiliate of the taxpayer,

(iii.1) si le contribuable est un non‑résident exploitant une entreprise au Canada, est établie par suite :

(iii.1) is made, if the taxpayer is non‑resident and carries on a business in Canada, as a consequence of

(A) soit d’une attribution, par le contribuable, de recettes ou de dépenses au titre de montants relatifs à l’entreprise canadienne (sauf des recettes et des dépenses se rapportant uniquement à l’entreprise canadienne qui sont inscrits dans les documents comptables de celle‑ci et étayés de documents conservés au Canada),

(A) an allocation by the taxpayer of revenues or expenses as amounts in respect of the Canadian business (other than revenues and expenses that relate solely to the Canadian business, that are recorded in the books of account of the Canadian business, and the documentation in support of which is kept in Canada), or

(B) soit d’une opération théorique entre le contribuable et son entreprise canadienne, qui est reconnue aux fins du calcul d’un montant en vertu de la présente loi ou d’un traité fiscal applicable,

(B) a notional transaction between the taxpayer and its Canadian business, where the transaction is recognized for the purposes of the computation of an amount under this Act or an applicable tax treaty.

(iv) est établie par suite d’un paiement supplémentaire ou d’un remboursement d’impôt sur le revenu ou sur les bénéfices effectué au gouvernement d’un pays étranger, ou d’un état, d’une province ou autre subdivision politique d’un tel pays, ou par ce gouvernement,

(iv) is made as a consequence of a payment or reimbursement of any income or profits tax to or by the government of a country other than Canada or a government of a state, province or other political subdivision of any such country,

(v) est établie par suite d’une réduction, opérée en application du paragraphe 66(12.73), d’un montant auquel il a été censément renoncé en vertu de l’article 66,

(v) is made as a consequence of a reduction under subsection 66(12.73) of an amount purported to be renounced under section 66,

(vi) est établie en vue de l’application des paragraphes 118.1(15) ou (16),

(vi) is made in order to give effect to the application of subsection 118.1(15) or 118.1(16), or

(vii) est établie en vue de l’application des articles 94, 94.1 ou 94.2;

(vii) is made to give effect to the application of any of sections 94, 94.1 and 94.2;

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑865‑21

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL c BMO NESBITT BURNS INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

le 14 décembre 2021

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

la juge KANE

 

DATE DES MOTIFS :

le 8 février 2022

 

COMPARUTIONS :

Nancy Arnold

Kevin Hong

pour le demandeur

 

Martha MacDonald

 

pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

pour le demandeur

 

Torys S.E.N.C.R.L.

Toronto (Ontario)

 

pour la défenderesse

 

 

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