Date : 20220302
Dossier : IMM-942-21
Référence : 2022 CF 290
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Toronto (Ontario), le 2 mars 2022
En présence de madame la juge Go
ENTRE :
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MOHAMED FOUAD ELDIASTY HUSSIN
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1] M. Mohamed Fouad Eldiasty Hussin [le demandeur], citoyen de l’Égypte, sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a conclu qu’il n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger sous le régime de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. La SAR a infirmé la conclusion de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] selon laquelle le demandeur manquait de crédibilité, mais elle a en fin de compte rejeté la demande d’asile au motif que la crainte du gouvernement égyptien alléguée par le demandeur ne reposait sur aucun fondement objectif.
[2] Je conclus que la décision est raisonnable et, par conséquent, je rejetterai la présente demande.
II.
Le contexte
A.
Le contexte factuel
[3] En 2011, le demandeur a participé à la « révolution du 25 janvier »
à la place Tahrir, où il a manifesté en faveur de la démocratie et de la liberté. Par la suite, il a participé à diverses manifestations et, à la fin de 2011, il a adhéré au Parti de la liberté et de la justice. En 2013, en soutien au président élu Mohamed Morsi, il a participé à l’occupation de la place Rabaa al-Adawiya, qu’il a quittée avant que la foule soit dispersée et que les choses tournent au massacre.
[4] Le 10 octobre 2014, en route vers un village voisin, le demandeur est tombé dans une [traduction] « embuscade des forces de sécurité »
. Lui et tous les autres occupants du véhicule ont été arrêtés, puis conduits à un poste de police. Le 13 décembre 2014, un juge les a acquittés, mais le demandeur n’a pas été libéré immédiatement après l’acquittement. Un député de sa ville natale est intervenu et a persuadé l’agent responsable d’effacer son nom du dossier de l’affaire et de le libérer. Au total, il a été détenu pendant deux mois, au cours desquels il a été battu.
[5] La poursuite a ensuite interjeté appel de l’acquittement du demandeur. L’employeur du demandeur, disant devoir suivre des [traduction] « instructions de sécurité jusqu’à la date de l’appel »
, a refusé de lui permettre de reprendre le travail. Le 2 février 2015, son acquittement a été confirmé en appel, mais il a malgré tout été ensuite congédié.
[6] Le demandeur a trouvé un nouvel emploi dans une entreprise dirigée par un Saoudien. En 2015, il s’est rendu en Europe et en Arabie saoudite pour le travail, et ce, sans incident. Cependant, il a affirmé que les services de sécurité du gouvernement s’étaient présentés à plusieurs reprises chez lui et qu’il avait alors décidé de vivre séparément de sa femme et de ses enfants pour ne pas les mettre en danger.
[7] Le demandeur a obtenu un deuxième emploi en novembre 2016. Une semaine plus tard, le service de sécurité de son employeur l’a informé que les services de sécurité nationale le recherchaient et qu’ils étaient en route. Il est parti rapidement pour éviter d’être arrêté.
[8] En janvier 2017, l’un des coaccusés de 2014 a dit au demandeur qu’il avait été interrogé et torturé par un agent des services de sécurité nationale. Selon ce coaccusé, l’agent voulait fabriquer une preuve contre le demandeur et a dit qu’il le ferait arrêter tôt ou tard. Le demandeur a décidé de présenter une demande de visa canadien en février 2017. Il s’est rendu à l’aéroport du Caire et a quitté le pays le 27 avril 2017. Il est arrivé à Toronto le lendemain et a présenté sa demande d’asile en août 2017.
B.
La décision faisant l’objet du contrôle
[9] La SPR a conclu que le demandeur n’avait pas de crainte subjective, qu’il n’avait pas un profil qui ferait en sorte qu’il serait pris pour cible s’il retournait en Égypte, et qu’il manquait de crédibilité. En appel, la SAR a infirmé la conclusion de la SPR quant à la crédibilité, mais a néanmoins conclu que la demande d’asile présentée par le demandeur n’avait pas de fondement objectif.
[10] La SAR a accepté les allégations du demandeur selon lesquelles il était membre du Parti de la liberté et de la justice depuis décembre 2011, avait participé à plusieurs manifestations au fil des ans et avait fait part de ses opinions sur le gouvernement de l’Égypte à ses proches. Toutefois, elle a conclu qu’aucun élément de preuve n’indiquait que les autorités égyptiennes avaient eu connaissance de ces opinions ou qu’elles estimaient que le demandeur représentait une menace. Selon la SAR, les interactions entre le demandeur et les autorités égyptiennes indiquent plutôt qu’il n’est pas vu comme une menace, car : 1) il n’a pas été arrêté lors d’une manifestation, mais plutôt à un point de contrôle lors d’un déplacement; 2) aucune preuve n’indique que les autorités ont établi un lien entre lui et le Parti de la liberté et de la justice lors de sa détention; 3) il a été acquitté à l’issue de son procès, et l’acquittement a été confirmé en appel; 4) aucune preuve n’indique que son ancien employeur l’a congédié sur ordre des autorités égyptiennes; et 5) selon la preuve objective, les personnes dont le nom figure sur une liste de contrôle ne sont pas autorisées à quitter l’Égypte, ce que le demandeur a pu faire plusieurs fois en 2015 et en 2017.
[11] La SAR a également conclu que, bien que le demandeur soit crédible, il ne s’ensuit pas que tout ce qu’il dit doit être tenu pour véridique. Elle n’a pas accordé de poids à ce que d’autres personnes lui ont dit, soit que, selon son ami, les autorités fabriquaient une preuve contre lui, que son père avait reçu des menaces en raison de ses activités, et que son supérieur l’avait averti de cesser ses activités. Elle a conclu que les autorités égyptiennes ne s’intéressaient pas au demandeur de façon continue.
III.
Les questions en litige et la norme de contrôle applicable
[12] Le demandeur soutient que la SAR a commis une erreur dans son application des articles 96 et 97 de la LIPR, et en concluant qu’il n’avait pas un profil qui ferait que les autorités égyptiennes le prendraient pour cible. Il fait valoir que les motifs de la SAR ne sont pas fondés sur une analyse rationnelle et qu’elle a commis une erreur en exigeant une corroboration d’un témoignage qu’elle avait jugé crédible. Le défendeur soutient que la conclusion de la SAR selon laquelle les autorités égyptiennes ne s’intéressent pas à lui de façon continue était raisonnable à la lumière de la preuve, et que la SAR était en droit de conclure qu’un témoignage crédible avait une valeur probante limitée.
[13] Les parties conviennent que les trois questions sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, conformément à l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], et au paragraphe 9 de la décision Elmi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 296.
[14] La norme de la décision raisonnable est une norme de contrôle empreinte de déférence, mais rigoureuse : Vavilov, aux para 12-13. La cour de révision doit établir si la décision faisant l’objet du contrôle, y compris le raisonnement suivi et le résultat obtenu, est transparente, intelligible et justifiée : Vavilov, au para 15. Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et être justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov, au para 85. Le caractère raisonnable d’une décision dépend du contexte administratif pertinent, du dossier présenté au décideur et de l’incidence de la décision sur les personnes visées : Vavilov, aux para 88-90, 94, 133-135.
[15] Pour qu’une décision soit jugée déraisonnable, le demandeur doit démontrer qu’elle souffre de lacunes suffisamment capitales ou importantes : Vavilov, au para 100. Les erreurs que comporte une décision ou les préoccupations qu’elle suscite ne justifient pas toutes une intervention. Une cour de révision doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve examinée par le décideur et elle ne doit pas modifier ses conclusions de fait à moins de circonstances exceptionnelles : Vavilov, au para 125. Les lacunes ou insuffisances reprochées ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision, ou constituer une « erreur mineure »
: Vavilov, au para 100.
IV.
Analyse
A.
Est-ce que la SAR a commis l’erreur de ne pas tenir compte de la preuve et de s’appuyer sur un raisonnement irrationnel?
[16] La SAR ayant conclu qu’il n’avait pas un profil politique qui ferait que les autorités égyptiennes le prendraient pour cible, le demandeur soutient que la décision présente des défauts de logique et qu’elle est fondamentalement viciée. En particulier, il y relève plusieurs erreurs en ce qui concerne son profil, son arrestation antérieure, la liste de contrôle des sorties de l’Égypte et les menaces que sa famille a reçues.
[17] Je traiterai en premier lieu de l’argument du demandeur selon lequel il était illogique que la SAR affirme que les autorités égyptiennes n’avaient pas eu connaissance de ses opinions politiques et qu’elles ne considéraient pas qu’il représentait une menace. D’après le demandeur, l’affirmation de la SAR selon laquelle rien n’indiquait que les autorités égyptiennes avaient établi un lien entre lui et le Parti de la liberté et de la justice lors de ses deux mois de détention est fausse, puisqu’il avait été accusé d’avoir participé à une manifestation. Il fait valoir que la SAR n’a pas tenu compte du contenu des accusations portées contre lui. Il répète qu’il a été arrêté, détenu et mis en accusation à cause de ses opinions politiques présumées.
[18] À l’audience devant la Cour, le demandeur a en outre affirmé qu’il n’importait pas que les autorités n’aient pas pu établir de lien entre lui et le Parti de la liberté et de la justice, car il était connu dans sa collectivité pour ses opinions politiques, et c’est pourquoi des accusations avaient été portées contre lui en octobre 2014.
[19] J’estime que les observations du demandeur à cet égard contredisent son propre témoignage livré devant la SPR, dans lequel il a dit que l’arrestation de 2014 avait été effectuée [traduction] « au hasard »
, car il avait été arrêté à un point de contrôle alors qu’il voyageait avec des inconnus. Le demandeur a également affirmé qu’il avait été détenu et poursuivi en lien avec une manifestation à laquelle il n’avait pas participé. Essentiellement, aucun élément de preuve ne permet d’établir un lien entre ses activités politiques antérieures et sa détention. Qui plus est, il a par la suite été libéré et acquitté, et l’acquittement a été confirmé en appel. Si injuste et draconien que soit le traitement infligé au demandeur, il était raisonnable que la SAR conclue que la détention du demandeur et son acquittement subséquent « ne l’aid[aient] pas à établir sa demande d’asile »
. Le demandeur n’était pas un organisateur et n’avait jamais fait de déclarations publiques contre le gouvernement. Je juge donc raisonnable la conclusion de la SAR selon laquelle il n’avait pas suffisamment établi qu’il avait un profil politique à la lumière de la preuve selon laquelle il n’avait fait part de ses opinions politiques qu’à ses proches.
[20] Concernant l’argument du demandeur selon lequel tous les juges en Égypte ne sont pas corrompus, je ne considère pas que la conclusion de la SAR selon laquelle l’acquittement du demandeur était « en quelque sorte inhabituel »
laisse entendre qu’il en est autrement. Comme le soutient le défendeur, la SAR a plutôt conclu que l’acquittement du demandeur n’appuyait pas sa demande d’asile. Le défendeur fait remarquer, et je suis d’accord, que le point 12.9 du cartable national de documentation [le CND] cité par le demandeur appuie la conclusion de la SAR, car il y est indiqué que les déclarations de culpabilité reposent régulièrement sur des jugements au raisonnement douteux, que des milliers de personnes ont fait l’objet de poursuites à caractère politique, et que la politisation de la magistrature est structurelle et systémique. L’affirmation selon laquelle l’acquittement du demandeur était « en quelque sorte inhabituel »
à la lumière de la preuve documentaire était donc raisonnable.
[21] Le demandeur soutient que la SAR a fait une lecture sélective du CND pour en arriver à la conclusion selon laquelle, si les autorités égyptiennes s’intéressaient à lui de façon continue, son nom figurerait sur une « liste de vérification »
et il lui serait interdit de quitter l’Égypte. Il fait valoir que l’on ne peut déduire du point 14.1 du CND, auquel a renvoyé la SAR, que chaque adversaire politique du pouvoir est inscrit sur une liste de vérification. Je rejette l’observation du demandeur pour deux motifs.
[22] Premièrement, je souligne que l’article 14.1 du CND porte notamment que :
[traduction]
Les personnes dont le nom figure sur une liste de vérification n’ont pas le droit de quitter l’Égypte. Ces personnes peuvent entre autres être recherchées par la police ou déclarées coupables de certaines infractions. Selon ma source, elles peuvent aussi être aux prises avec des « problèmes politiques ». Divers ministères et organismes ont le pouvoir d’inscrire un nom sur la liste de vérification. (Canada, le 25 novembre 2013)
[23] L’élément de preuve cité ci-dessus à propos des contrôles de sortie en Égypte appuie raisonnablement la conclusion de la SAR, tout comme la preuve démontrant que les contrôles de sécurité aux aéroports sont habituels et qu’ils consistent à vérifier si le nom inscrit dans le passeport d’une personne figure sur une liste de personnes non autorisées à quitter le pays. Essentiellement, le demandeur demande à la Cour de soupeser de nouveau la preuve en réinterprétant le CND pour déterminer ce que l’on peut, ou ne peut pas, en [traduction] « déduire »
.
[24] Deuxièmement, la conclusion de la SAR est raisonnable compte tenu des antécédents de voyage du demandeur. Elle a souligné que le demandeur avait eu trois interactions sans incident avec les autorités frontalières depuis sa détention et son acquittement, et qu’il était parti pour le Canada quelque temps après avoir entendu dire que les autorités montaient un dossier contre lui. La SAR a ensuite conclu que, selon la prépondérance des probabilités, si les autorités égyptiennes s’intéressaient au demandeur, elles l’auraient inscrit sur la liste de vérification et l’auraient mis en détention lors de l’un de ses trois voyages, à son départ d’Égypte ou à son retour. Je conclus que cette conclusion est raisonnable à la lumière de la preuve.
[25] Quant à l’argument du demandeur selon lequel la SAR a commis une erreur en concluant qu’il avait « omis d’établir que les autorités les menacent, lui et sa famille, depuis 2011 »
, encore là, je rejette l’observation du demandeur. La conclusion de la SAR selon laquelle ni lui ni sa famille n’ont reçu de menaces liées à ses activités politiques est raisonnable à la lumière de la preuve selon laquelle sa détention était le fruit du hasard, sans lien avec une participation à une quelconque manifestation, et de la preuve selon laquelle il n’a fait part de ses opinions politiques qu’à ses proches.
[26] Il est possible que le demandeur soit en désaccord avec le poids que la SAR a accordé à la preuve, mais je conclus qu’il n’a pas établi que la SAR n’avait pas examiné l’ensemble de la preuve objective ou qu’elle avait écarté ou mal interprété un élément de preuve.
B.
La SAR a-t-elle commis une erreur en exigeant une corroboration?
[27] Le demandeur, s’appuyant sur le paragraphe 22 de la décision Dundar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1026, soutient que la SAR a commis une erreur en exigeant une corroboration de la part de son père, alors que sa crédibilité n’était pas mise en doute.
[28] Le demandeur s’appuie également sur le résumé de la jurisprudence qu’a fait le juge Grammond à propos de la preuve corroborante dans la décision Senadheerage c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 968 [Senadheerage], où il a affirmé ce qui suit, au paragraphe 36 :
En résumé, le décideur ne peut exiger des éléments de preuve corroborants que dans les cas suivants :
Il établit clairement un motif indépendant pour exiger la corroboration, comme des doutes quant à la crédibilité du demandeur d’asile, l’invraisemblance du témoignage du demandeur d’asile ou le fait qu’une grande partie de la demande d’asile repose sur le ouï-dire;
On pouvait raisonnablement s’attendre à ce que les éléments de preuve soient accessibles et, après avoir été invité à le faire, le demandeur d’asile a omis de donner une explication raisonnable pour ne pas avoir pu les obtenir.
[29] Le demandeur soutient que la SAR n’a pas respecté ce cadre juridique, car elle n’a tiré aucune conclusion défavorable en matière de crédibilité.
[30] Je fais toutefois observer qu’au paragraphe 41 de la décision Senadheerage, le juge Grammond a clairement indiqué que « [s]’assurer que le ouï-dire est “digne de foi” ou fiable peut constituer un motif valide pour exiger la corroboration »
. Dans cette affaire, il craignait que « la SAR ait pu exiger des éléments de preuve corroborants en raison de ses conclusions erronées quant à la vraisemblance, plutôt que d’une volonté d’étayer la fiabilité du ouï-dire »
, car « [c]ela ne ressort pas explicitement de la décision »
: voir para 41. En l’espèce, la SAR a expliqué pourquoi elle demandait une corroboration de la part du père du demandeur, et ce, en termes explicites :
L’appelant prétend que les autorités les menacent, lui et les membres de sa famille, depuis 2011. Lorsqu’il a été questionné à cet égard lors de l’audience de la SPR, l’appelant a répondu que son père avait reçu de nombreuses menaces et qu’il avait dit à l’appelant qu’il devait cesser. J’admets que le père de l’appelant lui a dit de cesser, mais je ne dispose de rien qui indique que l’appelant a en fait vu son père se faire menacer. Même si j’ai conclu que l’appelant était crédible, sans corroboration de la part de son père, je n’ai pas à croire sur parole ce que l’appelant a dit au sujet des menaces. Selon la prépondérance des probabilités, j’estime que le père de l’appelant n’a pas été menacé par les autorités égyptiennes en ce qui concerne les activités de l’appelant.
[31] La SAR a expliqué pourquoi, sans une corroboration de la part du père du demandeur, elle refusait de croire le demandeur sur parole. Je ne vois aucune raison de modifier cette conclusion.
[32] De même, comme l’a souligné le défendeur, la SAR était au fait que des agents du service de sécurité nationale s’étaient rendus sur le lieu de travail du demandeur pour le voir en 2016, mais, quant à la preuve qu’ils voulaient fabriquer contre lui, le demandeur n’en avait pas eu personnellement connaissance.
[33] Le défendeur cite la réponse du juge McHaffie à un argument semblable avancé dans l’affaire Olusola c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 799 :
[25] Les Olusola soutiennent également que la « présomption de véracité » exigeait que la SAR accepte la déclaration de Mme Olusola selon laquelle la police la poursuivait, même en l’absence de preuves corroborantes : Maldonado c Le ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1980] 2 CF302 (CA) à la page 305. Toutefois, la présomption établie dans l’arrêt Maldonado est simplement qu’un témoin assermenté dit la vérité. Il ne s’agit pas d’une présomption selon laquelle tout ce que le témoin croit être vrai, mais dont il n’a aucune connaissance directe, est en fait vrai. Mme Olusola n’avait aucune connaissance personnelle des faits qui établiraient l’intérêt continu de la police nigériane à la poursuivre. Mme Olusola avait une connaissance indirecte, tirée de son mari, que la police avait interrogé ce dernier à propos de ses allées et venues et qu’elle n’avait pas tenté par la suite de la retrouver. Bien qu’elle ait pu croire avec sincérité que la police la poursuivait, la présomption établie dans l’arrêt Maldonado n’exige pas que la SAR accepte cet énoncé comme étant objectivement vrai.
[34] Je juge le passage ci-dessus applicable en l’espèce. Il était raisonnable que la SAR, tout en tenant pour véridique le témoignage du demandeur sur ce que lui auraient dit son père et le coaccusé, conclue néanmoins que le demandeur n’avait pas fourni une preuve suffisante à l’appui des inférences qu’il tentait d’en tirer.
C.
Le nouvel argument du demandeur
[35] À l’audience devant la Cour, le demandeur a soutenu que la définition de réfugié au sens de la Convention est de nature prospective. Il a fait valoir que ses voyages précédents, en 2015, étaient de courte durée et réservés aux gens d’affaires et que, de ce fait, les autorités aéroportuaires n’avaient aucune raison de le soumettre à des contrôles de sécurité. Cependant, s’il retournait en Égypte maintenant, après si longtemps, son retour déclencherait une alerte, il serait arrêté et son passé serait découvert. Aussi légitimes que puissent être les préoccupations du demandeur, comme il n’a jamais abordé ce point en appel, je ne peux reprocher à la SAR de ne pas l’avoir examiné. Si une nouvelle preuve d’un risque prospectif se présentait, le demandeur pourrait la produire dans le cadre d’un examen des risques avant renvoi.
V.
Conclusion
[36] La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
[37] Il n’y a aucune question à certifier.
JUGEMENT dans le dossier IMM-942-21
LA COUR STATUE :
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Il n’y a aucune question à certifier.
« Avvy Yao-Yao Go »
Juge
Traduction certifiée conforme
N. Belhumeur
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
IMM-942-21
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INTITULÉ :
|
MOHAMED FOUAD ELDIASTY HUSSIN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
|
Toronto (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 2 FÉVRIER 2022
|
JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LA JUGE GO
|
DATE DES MOTIFS :
|
LE 2 MARS 2022
|
COMPARUTIONS :
John Rokakis
|
POUR LE DEMANDEUR
|
Giancarlo Volpe
|
POUR LE DÉFENDEUR
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
John Rokakis
Avocat
Windsor (Ontario)
|
POUR LE DEMANDEUR
|
Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
|
POUR LE DÉFENDEUR
|