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Date : 20220321


Dossier : IMM-2476-21

Référence : 2022 CF 380

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 21 mars 2022

En présence de monsieur le juge Phelan

ENTRE :

GUOMIN GUO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS :

I. Introduction

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision défavorable par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] au titre des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. Le demandeur conteste la justesse de l’interprétation des faits et de la crédibilité; la nature des conclusions; les inférences négatives tirées quant au défaut de produire des éléments de preuve corroborants; la présomption de véracité concernant la preuve entendue; et le manque de clarté d’une conclusion défavorable concernant sa demande sur place.

II. Le contexte

[2] Le demandeur, un citoyen chinois âgé de 35 ans, a soutenu avoir été persécuté par le Bureau de la sécurité publique [le BSP] chinois en raison de son appartenance à une église chrétienne clandestine. Il a affirmé que le gouvernement de la Chine avait commencé à surveiller de plus près les activités religieuses vers le mois de mars 2018.

[3] L’organisateur de l’église du demandeur a déconseillé la tenue d’autres réunions. Peu de temps après, le demandeur a appris qu’un pasteur avait été arrêté au Tibet. Le demandeur était inquiet étant donné qu’il avait fréquenté des pasteurs étrangers. Il s’est donc caché, puis a quitté la Chine avec l’aide d’un passeur.

[4] Le demandeur a en outre affirmé qu’après avoir quitté la Chine, des agents du PSB se sont rendus chez lui en raison de sa participation à des activités religieuses et de son association avec des pasteurs étrangers. Il a appris par la suite qu’un ami avait été arrêté et il a demandé l’asile. Son ami a finalement été emprisonné pendant trois ans.

[5] La Section de la protection des réfugiés [la SPR] a rejeté la demande d’asile pour des motifs liés à la crédibilité. Elle a conclu que le demandeur n’avait pas établi qu’il était un chrétien pratiquant pendant son séjour au Canada et qu’il était donc peu probable qu’il le soit s’il retournait en Chine. Elle a également conclu que le demandeur n’était pas un chrétien pratiquant en Chine et que, par conséquent, il ne présentait pas d’intérêt pour le BSP.

[6] La SPR a tiré des conclusions négatives quant à la crédibilité de plusieurs aspects de l’exposé du demandeur, notamment à cause d’une réponse vague à une question sur les connaissances requises pour les baptêmes chrétiens et de vagues souvenirs du moment où le demandeur a fait sa première communion et des personnes présentes à son baptême. Le demandeur n’a présenté aucun élément de preuve qui permette de corroborer sa participation à des activités religieuses ou le fait que le PSB s’intéressait à lui.

[7] Les activités religieuses du demandeur au Canada soulevaient des problèmes de crédibilité semblables. Vu les connaissances qu’il avait de la religion et la manière dont il a répondu aux questions, la SPR a conclu qu’il n’était pas crédible. L’absence d’une explication raisonnable pour justifier son défaut de produire des éléments de preuve corroborants a nui à son allégation de possibilité sérieuse de persécution.

[8] La SAR a confirmé la décision de la SPR. Elle a conclu que même la description écrite des faits par le demandeur constituait une représentation erronée et étayait donc la conclusion de la SPR selon laquelle le demandeur n’était pas exposé à un risque de la part du BSP. La SAR a exprimé des doutes quant à la conclusion « faible » en matière de crédibilité fondée sur le fait que le demandeur avait cessé de fréquenter l’église après la suspension des réunions de celle-ci.

[9] La SAR a procédé à une appréciation indépendante du témoignage du demandeur et a confirmé les conclusions défavorables de la SPR en matière de crédibilité. Dans le cadre de cette appréciation indépendante, elle a également tiré une conclusion défavorable en matière de crédibilité en raison de l’absence d’éléments de preuve corroborants.

[10] Les excuses du demandeur, notamment selon lesquelles la SPR n’aurait pas accepté les éléments de preuve des membres de sa famille, ou qu’il n’a retrouvé aucun des neuf autres membres de son église parce qu’ils avaient tous éteint leur téléphone cellulaire, étaient des explications déraisonnables pour justifier l’absence d’éléments de preuve corroborants.

[11] La SAR a conclu que la preuve ne suffisait pas à démontrer l’intérêt du BSP à l’endroit du demandeur et que la SPR avait eu raison de conclure que le demandeur n’était pas un véritable chrétien et que sa demande sur place n’était pas valide.

III. Analyse

[12] Il n’est pas contesté que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, conformément à l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65.

[13] La Cour doit faire preuve d’une grande retenue envers les conclusions en matière de crédibilité tirées par la SPR et la SAR. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne les conclusions de la SPR, qui étaient, en partie, fondées sur la manière dont le demandeur a répondu aux questions. À cet égard, dans l’analyse de ses conclusions en matière de crédibilité, la SPR a bénéficié d’un avantage comparable à celui d’un juge de première instance qui voit et entend le témoin.

[14] Les conclusions de la SAR sont raisonnables. La demande était faiblement étayée et reposait presque entièrement sur le témoignage douteux du demandeur. Elle ne contenait aucun document de fond ni aucune preuve d’une intervention de la part du BSP ou d’une expérience du demandeur avec cette organisation.

[15] La SAR s’est livrée à un examen exhaustif des motifs de la SPR. Elle a conclu qu’une partie de la décision de la SPR était problématique en raison d’une conclusion « faible », mais que la question était déterminante et bien expliquée, et que la conclusion était justifiée.

[16] Compte tenu des problèmes de crédibilité soulevés par le témoignage du demandeur, il était tout à fait raisonnable que la SPR se préoccupe de l’absence d’éléments de preuve corroborants et de l’absence d’une explication raisonnable de cette absence.

[17] La présomption de véracité est de peu d’utilité pour le demandeur. Comme il est expliqué aux paragraphes 21 et 22 de la décision Gao c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 271, la présomption de véracité du témoignage d’un demandeur n’est pas absolue. Un témoignage est accepté, sauf si des motifs justifient qu’il ne le soit pas, comme lorsqu’une conclusion générale défavorable est tirée quant à la crédibilité. En l’espèce, tant la SPR que la SAR ont relevé de multiples raisons de douter des éléments de preuve du demandeur.

[18] La présomption a encore moins de poids quand il s’agit de ouï-dire. Le droit reconnaît que la preuve par ouï-dire est intrinsèquement non fiable — il n’y a pas de présomption de véracité. Le ouï-dire peut être accepté, mais uniquement s’il satisfait au double critère de la nécessité et de la fiabilité — il incombe à la partie qui présente la preuve d’établir que les conditions sont remplies. En l’espèce, le demandeur n’avait aucune connaissance directe et personnelle des activités et des intérêts du BSP.

[19] Quant à sa conclusion globale concernant la demande d’asile sur place, la SAR en a expliqué les conclusions en détail, qui découlaient du manque de crédibilité, de l’absence de corroboration, de l’absence de sincérité de sa foi chrétienne et de l’absence d’intérêt de la part du BSP. Les conclusions nécessaires sont bien exposées aux paragraphes 30 à 31 de la décision de la SAR.

IV. Conclusion

[20] Pour tous les motifs qui précèdent, je conclus que la décision de la SAR est raisonnable. La demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-2476-21

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Noémie Pellerin Desjarlais


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2476-21

 

INTITULÉ :

GUOMIN GUO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 10 FÉVRIER 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 21 MARS 2022

 

COMPARUTIONS :

Shelley Levine

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Lorne McClenaghan

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Levine Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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