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Date : 20010124

Dossier : IMM-2499-00

CALGARY (Alberta), le mercredi 24 janvier 2001

EN PRÉSENCE DE : M. LE JUGE GIBSON

ENTRE :

                                      PATRICK MASAMBOMBO NGANDU

                                                                                                                               demandeur

                                                                       et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                 défendeur

ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié qui est soumise au contrôle est annulée et la revendication du demandeur du statut de réfugié au sens de la Convention est renvoyée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour nouvel examen et décision par une formation différente.


Il n'y a pas de question à certifier.

                                                                                                                  Frederick E. Gibson

                                                                                                                                       JUGE

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


Date : 20010124

Dossier : IMM-2499-00

ENTRE :

                                      PATRICK MASAMBOMBO NGANDU

                                                                                                                               demandeur

                                                                       et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                 défendeur

                                            MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

[1]                Ces motifs trouvent leur source dans une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section du statut de réfugié (la SSR), de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, par laquelle la SSR a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention, selon la signification donnée à cette phrase au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration[1]. La décision de la SSR est datée du 1er mars 2000.


[2]                Le demandeur soutient être citoyen de la République démocratique du Congo, né à Kinshasa le 3 janvier 1979. Il fonde sa revendication de réfugié au sens de la Convention sur l'origine ethnique de sa conjointe, mère de son enfant, sur son statut de membre d'un groupe social, sa famille, ainsi que sur ses opinions politiques présumées au vu du profil politique des membres de sa famille et de son propre profil politique.

[3]                Dans ses motifs de décision, prononcés de vive voix à la fin de l'audience du demandeur, la SSR identifie essentiellement trois raisons pour rejeter la demande. Premièrement, la SSR a conclu que l'histoire du demandeur n'était pas crédible. Elle déclare ceci :

Monsieur Patrick Massambombo-Ngandu, le tribunal après avoir étudié votre témoignage, ne vous reconnaît pas comme réfugié au Canada. Nous ne vous reconnaissons pas comme réfugié pour cause de non crédibilité. Votre histoire est non crédible, non plausible et c'est pourquoi nous ne vous reconnaissons pas comme réfugié au Canada et nous ajoutons qu'il n'y a même pas de minimum de fondement dans votre revendication.

À l'appui de sa conclusion de non-crédibilité, la SSR fait état d'une incohérence dans la preuve qui lui est présentée. Elle déclare ceci :

Vous dites que vous faites partie de la jeunesse de l'UDPS à 17 ans, alors que le Secrétaire Général de l'UDPS dit que ça commence à 18 ans le membership de l'UDPS. C'est d'ailleurs ce qui est écrit dans le premier document de l'exhibit A-12.

Selon moi, cette incohérence n'est pas significative. Le témoignage du demandeur fait ressortir le fait qu'au moment où il a participé activement à l'UDPS, il n'avait 18 ans que depuis quelque six mois.


[4]                Deuxièmement, la SSR s'est inquiétée du fait que le demandeur n'avait aucune preuve d'identité. Elle déclare ceci :

Deuxièmement, vous n'avez aucune preuve d'identité. Nous ne savons pas qui est devant nous. Nous ne pouvons pas accorder une demande lorsque nous ignorons tout du demandeur. Vous n'avez pas votre carte verte, aucun document des écoles que vous auriez fréquentées, pas de cartes de l'UDPS.

Vous nous donnez un acte de naissance, c'est le seul papier que vous nous donnez, mais malheureusement, l'acte de naissance que vous nous donnez est tout-à-fait falsifié. Nous n'avons pas l'expertise pour juger qu'un document est faux ou pas faux, mais nous avons des connaissances suffisantes pour voir que dans ces documents comme votre acte de naissance, beaucoup de choses ont été effacées, des noms ont été effacés et remplacés par d'autres noms dont le vôtre puis celui de vos parents.

Si vous nous donnez un tel document, c'est que vous voulez tromper le tribunal et nous ne sommes pas du tout heureux d'avoir à lire un document qui à sa face même a été falsifié de cette façon. La seule explication que vous nous donnez, c'est que la première fois que ce papier a été dactylographié les lettres « étaient penchées » et qui ont été effacées et qui ont été reprises. Nous avons l'impression qu'à ce moment là vous corrigez une menterie par une autre menterie. Ce que nous ne tolérons pas.


[5]                En arrivant à cette conclusion, la SSR semble ne pas du tout tenir compte du fait que la soeur du demandeur, qui a obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention au Canada, a comparu à l'audience du demandeur et a témoigné assez longuement. Dans ce témoignage, elle identifie son frère. De son côté, le frère a identifié sa soeur. L'histoire faite par la soeur des activités politiques de sa famille, y compris les discussions auxquelles a participé son jeune frère qui est le demandeur en l'instance, de la descente de police à leur domicile familial, de son viol et de l'humiliation du demandeur qui a dû observer ce viol et ensuite participer encore à l'humiliation de sa soeur et à sa propre humiliation, correspond absolument à l'histoire racontée par le demandeur dans son formulaire de renseignements personnels et dans son témoignage.

[6]                Finalement, la SSR a conclu qu'elle ne pouvait trouver aucun lien entre la crainte du demandeur d'être renvoyé dans la République démocratique du Congo et la définition de « réfugié au sens de la Convention » . Elle écrit ceci :

Votre lien avec la notion de réfugié, nous ne le trouvons pas. Pour être réfugié il faut être persécuté pour raison de race, de nationalité, de religion, pour des opinions politiques ou appartenance à un groupe social particulier. Ce qui n'est pas votre cas.

Votre demande n'a aucun lien avec l'un des cinq motifs de la Convention. Peut-être que vous avez un trouble avec un Monsieur Kalembo. C'est un trouble personnel qui ne donne pas lien à la Convention.

Nous ne trouvons pas d'agent persécuteur également dans votre histoire, sauf que vous nous dites que si vous retournez que vous avez peur du monde, de tout le monde, et que quand on vous demande de préciser, vous dites que vous avez peur du gouvernement. Il n'y a là aucune réponse pour nous faire changer notre décision. C'est pourquoi aussi croyons-nous que votre réponse de la question 20, êtes-vous recherché, vous répondez non.                                             [la citation n'est pas reproduite]


[7]                J'ai fait mention plus tôt de la descente de police au domicile familial du demandeur, qui a été occasionnée par des soupçons quant à l'activité politique des membres de la famille. J'ai aussi parlé du viol de la soeur du demandeur dans le cadre de cette descente et de l'humiliation qu'elle a subie, ainsi que celle que le demandeur a subie. Le témoignage du demandeur est tout à fait cohérent lorsqu'il s'agit des activités politiques de sa famille. Quant à son témoignage au sujet de sa propre action politique, la SSR ne le remet pas en question sauf lorsqu'il s'agit de l'âge qu'il aurait eu au début. Bien que le demandeur ait pu être arrêté aux instances d'une personne qui exerçait une vendetta contre lui, la SSR ne fait aucune mention du traitement que le demandeur a reçu aux mains des agents du gouvernement alors qu'il était en prison. Il semble qu'on ait tout simplement mis de côté son témoignage portant qu'on l'avait affamé et battu, ainsi que torturé d'autres façons, et qu'il avait échappé à la prison pour venir directement au Canada. Le fait que son formulaire de renseignements personnels corresponde, sous plusieurs aspects, exactement à celui de sa soeur et de son frère qui étaient présents à l'audience de la SSR, tous les deux ayant reçu le statut de réfugié au sens de la Convention au Canada, semble aussi ne pas avoir été retenu. Finalement, le témoignage du demandeur qu'il était le père d'un enfant dont la mère était Tutsie semble aussi ne pas avoir été pris en compte.

[8]                Je conclus que la décision de la SSR est entachée par plusieurs instances où elle n'a pas tenu compte de la preuve et qu'en conséquence, les conclusions de la SSR sont, au vu de l'ensemble de la preuve, abusives ou arbitraires. Je ne veux pas dire que la SSR n'avait pas la compétence d'arriver à la décision qu'elle a prise, mais simplement que l'analyse qu'elle a faite de la revendication du demandeur ne vient absolument pas appuyer sa décision.

[9]                Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la SSR soumise au contrôle est annulée et la revendication du demandeur du statut de réfugié au sens de la Convention du demandeur est renvoyée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour nouvel examen et décision.


[10]            À la fin de l'audience, j'ai fait savoir aux avocats quelle serait ma décision. Aucun des avocats n'a demandé la certification d'une question et il n'y en aura donc pas de certifiée.

                                                                             Frederick E. Gibson

                                                                                                   JUGE

Calgary (Alberta)

Le mercredi 24 janvier 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                               IMM-2499-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :             PATRICK MASAMBOMBO-NGANDU c. MCI

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :                  CALGARY (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :                le 22 janvier 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. LE JUGE GIBSON

EN DATE DU :                                   24 janvier 2001

ONT COMPARU

M. Charles Darwent                                                               POUR LE DEMANDEUR

Mme Tracy King                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. Charles Darwent

CALGARY (Alberta)                                                  POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général

du Canada

OTTAWA (Ontario)                                                    POUR LE DÉFENDEUR


                                               

                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

              SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Date : 20010124

Dossier : IMM-2499-00

ENTRE

              PATRICK MASAMBOMBO NGANDU

                                                                               demandeur

                                               et

              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                 défendeur

                                                                                                                      

                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                                                      



[1] L.R.C. (1985), ch. I-2.

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