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Date : 20220310


Dossier : IMM-1770-21

Référence : 2022 CF 323

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 10 mars 2022

En présence de monsieur le juge McHaffie

ENTRE :

JEFFREY SHAWN WATZKE ET GENOVEVA TACOYCOY WATZKE

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire du rejet de la demande de visa de résident permanent présentée par Jeffrey Watzke au titre de la catégorie du regroupement familial et parrainée par Genoveva Watzke. Un agent d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a rejeté la demande après avoir exprimé des doutes quant à savoir si Mme Watzke était bien la mère biologique de M. Watzke et avoir demandé un test d’ADN pour confirmer leur lien biologique.

[2] Je conclus que la présente demande doit être rejetée parce qu’elle a été présentée avant que les demandeurs n’aient épuisé les voies d’appel prévues par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. Plus précisément, les demandeurs ont interjeté appel de la décision de refus auprès de la Section d’appel de l’immigration [la SAI] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. Cet appel n’ayant pas encore été tranché, les demandeurs n’ont pas épuisé les voies d’appel prévues par la LIPR. La présente demande ne peut donc pas être instruite. Si la SAI rejette l’appel des demandeurs, ceux-ci pourront alors demander l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de cette décision auprès de la Cour.

[3] La présente demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

II. Analyse

[4] Les demandes de contrôle judiciaire visant des décisions rendues en vertu de la LIPR sont assujetties à des dispositions bien précises qui régissent le moment où elles peuvent être présentées et la manière dont elles peuvent l’être : LIPR, art 72-75. Fait important pour la présente demande, l’alinéa 72(2)a) de la LIPR prévoit qu’une demande d’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire « ne peut être présentée tant que les voies d’appel ne sont pas épuisées ».

[5] Dans le cas d’une demande de parrainage au titre du regroupement familial, le paragraphe 63(1) de la LIPR prévoit qu’un appel peut être interjeté auprès de la SAI à l’encontre du refus de délivrer un visa de résident permanent. Les demandeurs ont, à juste titre, employé cette voie d’appel en interjetant appel du rejet de leur demande auprès de la SAI. Le ministre ne conteste pas la compétence de la SAI d’instruire cet appel. Comme le ministre l’a souligné à l’audience tenue dans la présente affaire — qui a porté uniquement sur la question de l’application de l’alinéa 72(2)a) à titre de question préliminaire — la SAI instruira l’appel des demandeurs dans le cadre d’une nouvelle audience, au cours de laquelle il sera possible de présenter des éléments de preuve et des arguments : Gazi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 993 aux para 21-23; LIPR, art 67(2); Règles de la section d’appel de l’immigration, DORS/2002-230.

[6] La jurisprudence de la Cour et de la Cour d’appel fédérale confirme que la possibilité d’interjeter appel du rejet d’une demande de parrainage au titre du regroupement familial devant la SAI, en vertu du paragraphe 63(1), empêche la Cour d’être saisie d’un contrôle judiciaire tant que cet appel n’a pas été tranché. Je conviens avec le ministre que la déclaration faite par le juge Boivin, alors juge de la Cour, dans la décision Landaeta c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 219 s’applique en l’espèce :

La Cour ajoute que la jurisprudence invoquée par la demanderesse ne permet pas de mettre en doute les principes énoncés dans Somodi [c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 288] : l’alinéa 72(2)a) interdit la demande de contrôle judiciaire dans le contexte de la catégorie du regroupement familial tant que le répondant de l’étranger n’a pas épuisé toutes les voies d’appel devant la SAI, conformément à l’article 63 de la Loi. Il est bon de souligner que le dossier soumis à la Cour démontre que M. Landaeta a en fait interjeté appel devant la SAI. L’alinéa 72(2)a) interdit donc la présente demande de contrôle jusqu’à ce que le droit d’appel ait été épuisé.

[Non souligné dans l’original; Landaeta, au para 28.]

[7] Dans les observations présentées au nom des demandeurs, Mme Watzke a souligné que les demandeurs ne pouvaient pas savoir laquelle, de la Cour fédérale ou de la SAI, était la mieux placée pour leur offrir la réparation recherchée, et qu’ils craignaient que le fait de se désister de la présente demande de contrôle judiciaire puisse porter atteinte à leurs intérêts. Bien que je puisse comprendre que les demandeurs veuillent s’assurer d’avoir exploré toutes les avenues possibles pour poursuivre leur demande de parrainage, le législateur a établi une procédure claire pour trancher ces questions. Un appel doit avoir été présenté à la SAI et cet appel doit avoir été tranché avant qu’une demande d’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire puisse être présentée à la Cour à l’encontre de la décision de la SAI. La possibilité de présenter une demande à la Cour dans l’éventualité où leur appel auprès de la SAI serait rejeté constitue la réponse aux inquiétudes des demandeurs quant à un possible préjudice.

[8] En outre, je comprends que les demandeurs aient eu l’impression qu’ils avaient le droit de présenter une demande auprès de la Cour puisque l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire leur avait été accordée. Cependant, à mon avis, une autorisation octroyée au titre de l’alinéa 72(2)d) ne peut l’emporter sur l’interdiction de présenter une demande au titre de l’alinéa 72(2)a) ni conférer à la Cour fédérale une compétence qui est exclue par cet alinéa. S’il en était autrement, les demandeurs pourraient être enclins à présenter une demande d’autorisation avant d’avoir épuisé les voies d’appel dans l’espoir que l’autorisation leur soit accordée. Cela irait à l’encontre du régime établi par le législateur et ferait obstacle à une administration efficace de la LIPR. Je souligne que, dans la décision Landaeta, l’autorisation avait été accordée, mais cela n’a eu aucune incidence sur la conclusion du juge Boivin selon laquelle l’affaire devait être rejetée du fait de l’application de l’alinéa 72(2)a).

III. Conclusion

[9] La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée au motif qu’elle a été présentée prématurément, étant donné l’existence du droit d’appel des demandeurs devant la SAI et l’application du paragraphe 63(1) et de l’alinéa 72(2)a) de la LIPR. Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-1770-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Nicholas McHaffie »

Juge

Traduction certifiée conforme

Geneviève Bernier


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1770-21

 

INTITULÉ :

JEFFREY SHAWN WATZKE ET AUTRE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 8 mars 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

Le juge MCHAFFIE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 10 mars 2022

 

COMPARUTIONS :

Genoveva Tacoycoy Watzke

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Judith Boer

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Saskatoon (Saskatchewan)

 

Pour le défendeur

 

 

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