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Date : 20050405

Dossier : IMM-1318-04

Référence : 2005 CF 445

Ottawa (Ontario), le 5 avril 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY                          

ENTRE :

                                                   JOSE LUIS ROSADO-SICARD

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                Monsieur Jose Luis Rosado-Sicard est un résident permanent du Canada mais citoyen de la République dominicaine. Suite à plusieurs condamnations pour trafic de stupéfiants, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que monsieur Rosado-Sicard devait être interdit de territoire au Canada, tel que prévu à l'alinéa 36(1)a) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi; les dispositions pertinentes sont reproduites en annexe). La Commission a ordonné que M. Rosado-Sicard soit expulsé du Canada, tel qu'elle est tenue de le faire aux termes de l'alinéa 45d) de la Loi.

[2]                Monsieur Rosado-Sicard a soulevé un certain nombre de questions de nature constitutionnelle devant la Commission. La Commission a jugé qu'elle avait la compétence nécessaire pour trancher ces questions et a conclu ce qui suit :

1.          Une ordonnance d'expulsion porte atteinte au droit à la liberté de la personne concernée, droit protégé en vertu de l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, ch. 11 (R.-U.).

2.          Le processus selon lequel l'ordonnance d'expulsion est délivrée ne contrevient pas aux principes de justice fondamentale garantis par l'article 7 de la Charte. Plus particulièrement, l'absence d'audience où toutes les circonstances de l'affaire pourraient être évaluées ne contrevient pas à l'article 7 de la Charte.

3.          Les dispositions applicables de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés n'ont pas une portée trop étendue.

4.          Les dispositions de la Loi ne contreviennent pas au droit international, en particulier aux articles 13 et 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

[3]                Monsieur Rosado-Sicard fait valoir que la Commission a commis une erreur en concluant que le processus dans le cadre duquel l'ordonnance d'expulsion a été prononcée ne contrevient pas à la Charte et au droit international. Il demande à la Cour d'infirmer la décision de la Commission et d'ordonner un nouvel examen.


[4]                Toutefois, lors de l'instruction de la demande de contrôle judiciaire, l'avocat de M. Rosado-Sicard a reconnu que les questions dont la Cour est saisie en l'espèce ont déjà été tranchées par mon collègue, le juge Frederick Gibson, dans Powell c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 1538 (C.F.) (QL); 2004 CF 1120. En outre, le juge Luc Martineau est parvenu aux mêmes conclusions dans une instance portant sur le paragraphe 64(2) de la Loi, dans Martin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F. no 83 (C.F.) (QL); 2005 CF 60. J'ai examiné ces décisions, de même que les arrêts de la Cour d'appel fédérale Romans c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 1416 (C.A.F.) (QL) et Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 366 (C.F.) (QL), et l'arrêt de la Cour suprême du Canada Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Chiarelli, [1992] 1 R.C.S. 711. Selon l'interprétation que je leur donne, toutes ces décisions vont à l'encontre des arguments de M. Rosado-Sicard.

[5]                Je suis donc convaincu, après un examen de la jurisprudence pertinente, que la décision de la Commission est bien fondée. Je n'ai pas besoin d'en dire plus, puisque des questions de portée générale ont été certifiées par le juge Gibson dans Powell, précité, et par le juge Martineau dans Martin, précité. Je certifierai les mêmes questions, telles que libellées par le juge Gibson :

1. La délivrance d'une ordonnance d'expulsion en vertu de l'alinéa 45d) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, contre un résident permanent du Canada reconnu coupable d'infractions criminelles et condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans ou plus, et le processus d'expulsion prévu dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés à l'encontre d'une telle personne, dans son ensemble, portent-ils atteinte au droit à la liberté protégé par l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés?


2. Si la réponse à la première question est oui, le régime législatif établi dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, y compris la disposition relative aux ordonnances d'expulsion de l'alinéa 45d), pour l'expulsion d'un résident permanent du Canada reconnu coupable d'une infraction criminelle et condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans ou plus, compte tenu des faits particuliers de l'espèce, respecte-t-il les principes de justice fondamentale de l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés?

                                                                   JUGEMENT

LA COUR STATUE comme suit :

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Les questions de portée générale suivantes sont certifiées :

1. La délivrance d'une ordonnance d'expulsion en vertu de l'alinéa 45d) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, contre un résident permanent du Canada reconnu coupable d'infractions criminelles et condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans ou plus, et le processus d'expulsion prévu dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés à l'encontre d'une telle personne, dans son ensemble, portent-ils atteinte au droit à la liberté protégé par l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés?

2. Si la réponse à la première question est oui, le régime législatif établi dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, y compris la disposition relative aux ordonnances d'expulsion de l'alinéa 45d), pour l'expulsion d'un résident permanent du Canada reconnu coupable d'une infraction criminelle et condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans ou plus, compte tenu des faits particuliers de l'espèce, respecte-t-il les principes de justice fondamentale de l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés?

                                                                                                                          « James W. O'Reilly »              

                                                                                                                                                     Juge                        

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.


                                                                        Annexe



Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

Grande criminalité

36. (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants_:

a) être déclaré coupable au Canada d'une infraction à une loi fédérale punissable d'un emprisonnement maximal d'au moins dix ans ou d'une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

Décision

45. Après avoir procédé à une enquête, la Section de l'immigration rend telle des décisions suivantes_:

                                   ...

d) prendre la mesure de renvoi applicable contre l'étranger non autorisé à entrer au Canada et dont il n'est pas prouvé qu'il n'est pas interdit de territoire, ou contre l'étranger autorisé à y entrer ou le résident permanent sur preuve qu'il est interdit de territoire.

64. (1) L'appel ne peut être interjeté par le résident permanent ou ltranger qui est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée, ni par dans le cas de ltranger, son répondant.

(2) L'interdiction de territoire pour grande criminalité vise l'infraction punie au Canada par un emprisonnement d'au moins deux ans.

Charte canadienne des droits et libertés, Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, édictée comme l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.)

Vie, libertéet sécurité

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté et ouvert à la signature, à la ratification et à l'adhésion par l'Assemblée générale dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre 1966

Article 13

Un étranger qui se trouve légalement sur le territoire d'un État partie au présent Pacte ne peut en être expulsé qu'en exécution d'une décision prise conformément à la loi et, à moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ne s'y opposent, il doit avoir la possibilité de faire valoir les raisons qui militent contre son expulsion et de faire examiner son cas par l'autorité compétente, ou par une ou plusieurs personnes spécialement désignées par ladite autorité, en se faisant représenter à cette fin.

Article 17

1. Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation.

2. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.

Immigration and Refugee Protection Act, S.C. 2001, c. 27

Serious criminality

36. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed;

Decision

45. The Immigration Division, at the conclusion of an admissibility hearing, shall make one of the following decisions:

                                             [...]

(d) make the applicable removal order against a foreign national who has not been authorized to enter Canada, if it is not satisfied that the foreign national is not inadmissible, or against a foreign national who has been authorized to enter Canada or a permanent resident, if it is satisfied that the foreign national or the permanent resident is inadmissible.

64. (1) No appeal may be made to the Immigration Appeal Division by a foreign national or their sponsor or by a permanent resident if the foreign national or permanent resident has been found to be inadmissible on grounds of security, violating human or international rights, serious criminality or organized criminality.

(2) For the purpose of subsection (1), serious criminality must be with respect to a crime that was punished in Canada by a term of imprisonment of at least two years.

Canadian Charter of Rights and Freedoms, Part I of the Constitution Act, 1982, being Schedule B to the Canada Act (U.K.), 1982, c. 11

Life, liberty and security of person

7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

International Covenant on Civil and Political Rights, G.A. res. 2200A (XXI), 21 U.N. GAOR Supp. (No. 16) at 52, U.N. Doc. A/6316 (1966), 999 U.N.T.S. 171

Article 13

An alien lawfully in the territory of a State Party to the present Covenant may be expelled therefrom only in pursuance of a decision reached in accordance with law and shall, except where compelling reasons of national security otherwise require, be allowed to submit the reasons against his expulsion and to have his case reviewed by, and be represented for the purpose before, the competent authority or a person or persons especially designated by the competent authority.

Article 17

1. No one shall be subjected to arbitrary or unlawful interference with his privacy, family, home or correspondence, nor to unlawful attacks on his honour and reputation.

2. Everyone has the right to the protection of the law against such interference or attacks.



COUR FÉDÉRALE

                                             AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                   IMM-1318-04

INTITULÉ :                                  JOSE LUIS ROSADO-SICARD c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :            TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :          Le 25 janvier 2005

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                         LE JUGE O'REILLY

DATE :                                          Le 5 avril 2005

COMPARUTIONS :

Ronald Poulton                                POUR LE DEMANDEUR

Michael Butterfield               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MAMANN & ASSOCIATES        POUR LE DEMANDEUR

Avocats

74, rue Victoria, bureau 303

Toronto (Ontario) M5C 2A5

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)                            POUR LE DÉFENDEUR


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