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Date : 20220110


Dossier : T-449-17

Référence : 2022 CF 22

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 10 janvier 2022

En présence de monsieur le juge McHaffie

ENTRE :

FARMOBILE, LLC

demanderesse/

défenderesse reconventionnelle

et

FARMERS EDGE INC.

défenderesse/

demanderesse reconventionnelle

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Les présents motifs portent sur trois requêtes interlocutoires présentées dans la présente action en contrefaçon de brevet, à savoir : (i) une requête présentée par Farmobile en vue de modifier à nouveau ses actes de procédure; (ii) une requête présentée par Farmers Edge en vue de modifier à nouveau ses actes de procédure; (iii) une requête présentée par Farmers Edge en vue d’obtenir l’instruction distincte des questions en litige ou, à titre subsidiaire, l’ajournement de l’instruction prévue pour le 8 août 2022. Lors d’une conférence de gestion de l’instance tenue le 4 novembre 2021, il a reconnu que ces trois requêtes étaient liées, et j’ai convenu de les instruire ensemble.

[2] Pour les motifs qui suivent, la requête présentée par chacune des parties en vue de modifier à nouveau ses actes de procédure sera accueillie en partie et rejetée en partie, et la requête présentée par Farmers Edge en vue d’obtenir l’instruction distincte des questions en litige ou l’ajournement de l’instance sera rejetée. Les dépens des trois requêtes seront adjugés à Farmobile selon les modalités exposées plus loin.

[3] En résumé, Farmobile est autorisée à modifier ses actes de procédure pour alléguer que Farmers Edge continue de contrefaire son brevet à la suite des modifications de logiciel récentes, mais n’est pas autorisée à les modifier pour y ajouter son allégation insuffisamment détaillée selon laquelle Farmers Edge contrefait son brevet, parce que son logiciel et son système actuels « fonctionnent à toutes fins utiles de façon équivalente » à son logiciel antérieur.

[4] Farmers Edge est autorisée à apporter des modifications qui répondent véritablement aux allégations de contrefaçon des revendications de dispositif formulées par Farmobile, y compris celles auxquelles Farmobile consent. Toutefois, malgré les protestations de Farmers Edge, la plupart des modifications qu’elle propose ne répondent pas aux nouvelles revendications de Farmobile ou à de nouvelles circonstances. Il s’agit plutôt de tentatives d’invoquer de nouveaux moyens de défense qui auraient pu être soulevés plutôt et/ou qui reposent entièrement sur des spéculations non étayées. Les modifications proposées entraîneront — et, du moins dans certains cas, semblent conçues pour entraîner — d’autres interrogatoires préalables plus poussés et la communication préalable d’autres documents, ainsi que la production d’autres rapports d’expert qui compromettraient les dates d’instruction actuelles prévues. En effet, la requête présentée par Farmers Edge en vue d’obtenir l’instruction distincte des questions en litige ou l’ajournement de l’instruction est fondée en grande partie sur la nécessité d’une telle communication préalable et de tels rapports en raison des modifications qu’elle propose. Ces modifications ne sont pas dans l’intérêt de la justice et ne seront pas autorisées à ce stade du litige. Il ne sera pas non plus fait droit à la demande formulée par Farmers Edge en vue de procéder à une instruction distincte des questions en litige qui s’avérerait irréalisable ou inefficace ou d’ajourner encore une fois l’instruction de la présente affaire.

II. Le contexte quant au fond et à la procédure

A. La nature générale de l’instance

[5] La présente action porte sur le brevet canadien no 2888742 (le brevet 742), intitulé « Système de collecte et d’échange de données agricoles », dont Farmobile est la titulaire inscrite. Farmobile affirme que Farmers Edge contrefait le brevet 742 par son système d’échange de données agricoles qui est vendu sous la marque « FarmCommand » et un dispositif connexe de collecte de données appelé le « CanPlug ». Farmers Edge réfute les allégations de Farmobile, affirmant qu’elle est la titulaire légitime du brevet 742, qu’à titre subsidiaire, elle ne contrefait pas les revendications invoquées et qu’à titre subsidiaire, encore, le brevet 742 est invalide.

[6] Le brevet 742 englobe tant les « revendications de dispositif » (revendications 1 à 19), portant sur un dispositif de relais intégrant certaines fonctions, que les « revendications de système » (revendications 20 à 44) qui décrivent un système ou serveur d’échange de données agricoles intégrant certaines fonctions. Comme nous l’expliquons plus loin, le système Farmobile et le dispositif Canplug ainsi que les revendications en cause ont été modifiés avec le temps, ce qui explique en grande partie l’origine du différend entre les parties au sujet des modifications ultérieures aux actes de procédure.

[7] Au moment de l’instruction actuellement prévue pour août 2022, plus de cinq ans se seront écoulés depuis que l’action a été engagée. L’instruction de l’affaire a été fixée et ajournée à plusieurs reprises. Pour les besoins de la présente affaire, il est nécessaire de ne relater que l’historique procédural le plus récent, en commençant peu avant que l’instruction soit fixée pour s’amorcer en avril 2021.

B. La mise à jour d’avril 2021 du logiciel et l’ajournement de l’instruction en avril 2021

[8] Le 4 août 2020, l’action et la demande reconventionnelle ont été mises au rôle pour une instruction de 15 jours devant commencer le 19 avril 2021. À l’approche de la date d’instruction d’avril 2021, les principaux actes de procédure étaient la déclaration modifiée de Farmobile, qui avait été déposée le 29 août 2019 ainsi que la nouvelle défense et demande reconventionnelle modifiée une deuxième fois qui avait été déposée le 17 février 2021 par Farmers Edge. Dans sa déclaration modifiée, Farmobile alléguait que le système FarmCommand contrefaisait un certain nombre des revendications de système du brevet 742. L’allégation de contrefaçon des revendications de système remplaçait l’allégation originale selon laquelle huit des revendications de dispositif étaient contrefaites. Les revendications de dispositif ont été retirées en août 2019, lorsque les revendications de système ont été invoquées.

[9] En vue de l’instruction, les parties avaient déposé des rapports d’expert tant sur les questions techniques relatives aux brevets que sur les dommages-intérêts. En juillet 2020, Farmobile a déposé un rapport de son expert technique, George Edwards, qui se disait d’avis que le système FarmCommand contrefaisait les revendications de système du brevet 742. En septembre 2020, Farmers Edge a fait signifier un rapport de son expert, Aaron Ault, qui se disait d’avis que le brevet 742 n’était pas contrefait. De plus, M. Ault aurait décrit dans son rapport certaines solutions non contrefaisantes que Farmers Edge aurait pu mettre en œuvre, même en tenant compte de l’approche adoptée par M. Edwards au sujet de l’interprétation et de la contrefaçon du brevet. M. Edwards a traité de ces solutions non contrefaisantes dans un rapport déposé en réplique.

[10] Le 12 avril 2021, une semaine avant la date de l’instruction prévue, Farmers Edge a annoncé avoir apporté des modifications au logiciel du dispositif CanPlug pour mettre en œuvre ce qu’elle a appelé une [traduction] « solution non contrefaisante approuvée par MM. Ault et Edwards ». Je désigne ci-dessous ces modifications au logiciel par la mise à jour d’avril 2021. Le lendemain, Farmers Edge a remis un autre rapport de M. Ault, appelé [TRADUCTION] « Mise à jour » de son rapport de septembre 2020 sur l’absence de contrefaçon. Dans son rapport mis à jour, M. Ault maintenait son opinion qu’il n’y avait pas de contrefaçon et se disait d’avis que les allégations de contrefaçon de M. Edwards ne s’appliquaient plus à la mise à jour d’avril 2021 du système logiciel.

[11] Après la conférence de gestion de l’instruction présidée par la juge McVeigh, qui avait alors été désignée comme juge du procès, les parties se sont entendues pour dire que l’instruction prévue pour le 19 avril devait être ajournée, en raison des questions découlant de la mise à jour d’avril 2021. Le 16 avril, la juge McVeigh a ajourné l’instruction sur consentement.

[12] Après avoir examiné la mise à jour d’avril 2021, Farmobile a soulevé la possibilité d’invoquer de nouveau les revendications de dispositif du brevet 742. Lors d’une autre conférence de gestion de l’instruction tenue le 27 avril, la juge McVeigh a demandé à Farmobile de préciser au plus tard le 14 mai si elle avait l’intention de faire valoir les revendications de dispositif. L’instruction a été fixée au 4 octobre 2021, en reconnaissant selon toute vraisemblance que cette date ne serait pas réaliste si les revendications de dispositif étaient invoquées de nouveau.

[13] Farmobile a effectivement invoqué de nouveau les revendications de dispositif, affirmant que le dispositif CanPlug contrefaisait certaines de ces revendications. Elle a formulé ces allégations dans un projet de nouvelle déclaration modifiée. Farmers Edge a d’abord refusé de consentir aux modifications, mais elle y a consenti par la suite, et la nouvelle déclaration modifiée a été déposée en août 2021. Dans l’intervalle, lors d’une conférence de gestion de l’instruction tenue le 25 juin, la juge McVeigh a conclu que l’affaire ne serait pas prête pour être instruite le 4 octobre et elle a donc de nouveau ajourné l’instruction. Elle a également ordonné que le rapport par lequel M. Edwards avait répliqué au rapport actualisé de M. Ault soit signifié au plus tard le 16 juillet et que la réponse de M. Ault soit signifiée au plus tard le 30 juillet. Le 9 juillet, l’affaire a été mise au rôle en vue d’une instruction devant commencer le 8 août 2022.

C. La mise à jour de juillet 2021 du logiciel

[14] Les parties ont signifié leurs rapports conformément à l’échéancier fixé par la juge McVeigh. Dans son rapport du 16 juillet, M. Edwards se disait d’avis que le dispositif CanPlug ayant fait l’objet de la mise à jour d’avril 2021 du logiciel contrefaisait les revendications de dispositif invoquées. Dans le rapport qu’il a déposé en réponse le 30 juillet, M. Ault a exprimé son désaccord, mais a ajouté qu’à son avis, une autre modification au logiciel ferait en sorte que le dispositif CanPlug ne contreferait plus les revendications en question, même en adoptant l’approche de M. Edwards. Il a déclaré que Farmers Edge avait apporté cette modification au logiciel le 28 juillet, lors de ce que j’appellerai la mise à jour de juillet 2021.

[15] En réponse à cette information, Farmobile a réclamé des documents concernant la mise à jour de juillet 2021. Au cours des mois qui ont suivi, les parties ont été plongées dans des différends concernant ces documents, notamment quant à l’ampleur des documents à produire et des caviardages, ainsi que dans des différends sur les modifications aux actes de procédure.

[16] Côté communication de documents, le différend sur la portée de la demande de Farmobile pour des documents sur la mise à jour de juillet 2021 a en fin de compte été limité à sa demande relative au [traduction] « logiciel serveur » FarmCommand. Farmobile allègue que le système FarmCommand fonctionne par interaction entre le dispositif CanPlug, qui exécute un logiciel, et un système serveur infonuagique. Farmers Edge a produit le logiciel CanPlug et le logiciel serveur après la mise à jour d’avril 2021. Quant à la mise à jour de juillet 2021, Farmers Edge a produit le logiciel CanPlug, mais a refusé de produire le logiciel serveur, au motif de non-pertinence. Le 16 décembre 2021, la protonotaire Ring, juge responsable de la gestion de l’instance, a instruit la requête en production du logiciel serveur correspondant à la mise à jour de juillet 2021. En date de l’audience des trois requêtes, que j’ai présidée le 20 décembre 2021, la décision de la protonotaire Ring sur cette requête était en délibéré.

[17] Côté actes de procédure, Farmobile a informé Farmers Edge en septembre qu’elle allait alléguer la contrefaçon en rapport avec la mise à jour de juillet 2021. En octobre et en novembre, les parties ont échangé des projets d’actes de procédure modifiés et d’objections à ces projets. Comme il est indiqué ci-dessous, il a été consenti à certaines des modifications, mais des aspects importants des modifications proposées par chacune des parties restent en litige.

III. Les principes généraux en matière de modification d’actes de procédure

[18] Comme les requêtes présentées par les deux parties en vue de modifier leurs actes de procédure reposent sur le paragraphe 75(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les Règles], je vais énoncer les principes généraux applicables aux requêtes aux termes de cette disposition avant d’examiner la requête de chacune des parties. Cet article est ainsi libellé :

Modifications avec autorisation

Amendments with leave

75 (1) Sous réserve du paragraphe (2) et de la règle 76, la Cour peut à tout moment, sur requête, autoriser une partie à modifier un document, aux conditions qui permettent de protéger les droits de toutes les parties.

75 (1) Subject to subsection (2) and rule 76, the Court may, on motion, at any time, allow a party to amend a document, on such terms as will protect the rights of all parties.

[19] La Cour d’appel fédérale a confirmé la règle générale selon laquelle « une modification devrait être autorisée à tout stade de l’action aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties, pourvu, notamment, que cette autorisation ne cause pas d’injustice à l’autre partie que des dépens ne pourraient réparer, et qu’elle serve les intérêts de la justice » (Enercorp Sand solutions Inc c Specialized Desanders Inc, 2018 CAF 215 [Enercorp] au para 19, citant Canderel Ltd c Canada, [1994] 1 CF 3 (CA) à la p 10; McCain Foods Ltd c JR Simplot Company, 2021 CAF 4 [McCain] au para 20). Le fait que « cette autorisation ne cause pas d’injustice à l’autre partie que des dépens ne pourraient réparer », et celui qu’elle « serve les intérêts de la justice » sont des critères indépendants qui doivent tous les deux être satisfaits (Janssen Inc c Abbvie Corporation, 2014 CAF 242 [Janssen] au para 9).

[20] Pour déterminer si une modification servirait les intérêts de la justice, la Cour peut tenir compte notamment des facteurs suivants : (i) le moment auquel est présentée la requête en modification; (ii) la question de savoir si les modifications proposées retarderaient l’instruction; (iii) la question de savoir si la thèse adoptée antérieurement par la partie qui a demandé la modification a amené une autre partie à suivre dans le litige une ligne de conduite qu’il serait difficile de modifier; (iv) la mesure dans laquelle les modifications demandées faciliteront l’examen par la Cour du véritable fond du différend (Enercorp, aux para 20, 21, citant Continental Bank Leasing Corp c R, [1993] ACI no 18; Règles, art 3). On examine ces facteurs ensemble, et aucun d’entre eux n’est déterminant.

[21] Une modification doit également donner lieu à un acte de procédure viable. Ainsi, le tribunal ne doit pas autoriser les modifications qui ne révèlent aucune cause d’action ou de défense valable et qui sont par conséquent susceptibles d’être radiées au titre de l’article 221 des Règles (Enercorp, au para 22; McCain, aux para 20–22; Teva Canada Limited c Gilead Sciences Inc, 2016 CAF 176 aux para 28–32), ce qui comprend les modifications qui ne sont pas suffisamment précises pour permettre à la partie adverse d’y répondre (Mancuso c Canada (Santé nationale et Bien-être social), 2015 CAF 227 [Mancuso] aux para 16–20). De même, les modifications qui représentent un changement radical par rapport à une thèse adoptée antérieurement sont abusives et ne devraient pas être autorisées (Corporation de soins de la santé Hospira c. The Kenny Trust for Rheumatology Research, 2020 CAF 191 au para 5; Merck & Co, Inc c Apotex Inc, 2003 CAF 488 au para 47).

[22] En gardant ces principes à l’esprit, je passe maintenant aux requêtes présentées respectivement par les parties, en vue de modifier leurs actes de procédure.

IV. La requête présentée par Farmobile en vue de modifier ses actes de procédure

A. La nature des modifications proposées

[23] Farmobile cherche à modifier la nouvelle déclaration modifiée qu’elle a déposée en août 2021, après la mise à jour d’avril 2021. Les modifications proposées exposées dans son projet de nouvelle déclaration modifiée une deuxième fois relèvent de deux catégories principales :

  • (1) Les allégations selon lesquelles CanPlug contrefait certaines revendications de dispositif depuis la mise à jour de juillet 2021 (figurant aux paragraphes 7, 9, et 12 à 16);

  • (2) Les allégations selon lesquelles, depuis la mise à jour d’avril 2021 et la mise à jour de juillet 2021, les revendications de système et de dispositif invoquées sont contrefaites [traduction] « parce que ses composants matériels et logiciels fonctionnent à toutes fins utiles de façon équivalente au système précédent » (nouveaux paragraphes 17 et 32).

[24] Pour les motifs qui suivent, j’accorderai à Farmobile l’autorisation d’effectuer les premières modifications et je lui refuserai celle d’effectuer les dernières modifications.

B. Les modifications proposées seront autorisées en partie

(1) Les allégations selon lesquelles le dispositif CanPlug contrefait certaines revendications de dispositif depuis la mise à jour de juillet 2021 (paragraphes 7, 9 et 12 à 16)

[25] Les modifications que Farmobile propose de faire aux paragraphes 7 et 13 à 16 de sa nouvelle déclaration modifiée font référence à la mise à jour de juillet 2021 du [traduction] « code/système » de Farmers Edge et affirment que CanPlug continue de contrefaire huit des revendications de dispositif du brevet 742. La liste des huit revendications invoquées constitue un sous-ensemble des dix revendications invoquées contre le dispositif CanPlug depuis la mise à jour d’avril 2021.

[26] On peut résumer ainsi les modifications proposées à ces paragraphes :

  • Paragraphes 7 et 16 : le dispositif CanPlug invoquerait les huit revendications de dispositif invoquées après la mise à jour de juillet 2021. Au paragraphe 16, il est allégué que le dispositif CanPlug comprend [traduction] « chacun des éléments » énumérés dans les revendications invoquées « pour les raisons exposées ci-dessus » (en référence aux paragraphes précédents).

  • Paragraphe 9 : depuis la mise à jour de juillet 2021, le dispositif CanPlug stockerait des informations descriptives sur une [traduction] « surface agricole exploitée ».

  • Paragraphe 12 : depuis la mise à jour de juillet 2021, le dispositif CanPlug établirait que l’exploitation agricole a eu lieu sur la surface agricole exploitée et stockerait des informations descriptives sur une [traduction] « surface agricole exploitée ».

  • Paragraphes 13, 14 et 15 : chaque paragraphe mentionne que [traduction] « [p]our les raisons exposées ci-dessus, après les modifications apportées le 28 juillet 2021 au code/système, le dispositif CanPlug continue de contrefaire » la ou les revendications du brevet 742 dont il est fait état dans chacun de ces paragraphes.

[27] Je me demande si ces modifications sont vraiment nécessaires. Même avant les modifications proposées, la nouvelle déclaration modifiée alléguait que le dispositif CanPlug contrefaisait les revendications de dispositif invoquées du brevet 742. Cette allégation n’a pas changé simplement parce que Farmers Edge a modifié son logiciel. J’estime néanmoins que les modifications sont utiles pour confirmer ou préciser que Farmobile continue d’alléguer la contrefaçon, même après la mise à jour de juillet 2021, et de préciser que deux des revendications précédemment invoquées ne le sont plus.

[28] Farmers Edge ne prétend pas que Farmobile ne devrait pas être autorisée à modifier ses actes de procédure en réponse à la mise à jour de juillet 2021. Elle s’oppose toutefois aux modifications proposées, au motif qu’elles ne sont pas suffisamment détaillées, et elle affirme que les modifications ne font que reprendre des éléments des revendications de brevet sans plaider de faits matériels suffisants. Elle cite un certain nombre de décisions dans lesquelles la Cour a jugé que l’acte de procédure ne peut se contenter d’alléguer la contrefaçon en reprenant des revendications ou des éléments de celles-ci en laissant le défendeur deviner comment les revendications seront interprétées ou en quoi consiste la contrefaçon (Faulding (Canada) Inc c Pharmacia SpA, 1998 CanLII 8165 (CF) au para 7, conf par 1999 CanLII 8759 (CAF); Mostar v Drill-Tek, 2017 FC 575 [Mostar] aux para 21, 22, 28; Edwards Lifesciences v Livanova (3 janvier 2018, no de dossier T-1831-16); Poyntz v Elcargo Fabrication (20 juin 2018, no de dossier T-1338-17).

[29] Bien qu’un acte de procédure ne puisse alléguer simplement la contrefaçon sans invoquer de faits matériels suffisants à l’appui, l’analyse du caractère suffisant des faits matériels allégués est contextuelle et dépend des faits (Mostar, au para 23). Cette affirmation est conforme aux observations formulées par le juge Rennie de la Cour d’appel fédérale, aux paragraphes 18 et 19 de l’arrêt Mancuso :

Il n’existe pas de démarcation très nette entre les faits matériels et les simples allégations ni entre l’exposé de faits matériels et l’interdiction de plaider certains éléments de preuve. Ce ne sont que deux points d’un [sic] même ligne continue, et il appartient au juge de première instance, lequel dispose d’une vue d’ensemble des actes de procédure, de voir à ce que les actes de procédure cernent les questions en litige avec une précision suffisante pour assurer la saine gestion et l’équité de l’instruction et des phases préparatoires à l’instruction.

La pertinence des faits est établie en fonction du moyen et des dommages-intérêts réclamés. Le demandeur doit énoncer, avec concision, mais suffisamment de précision, les éléments constitutifs de chacun des moyens de droit ou de fait soulevé. L’acte de procédure doit indiquer au défendeur par qui, quand, où, comment et de quelle façon sa responsabilité a été engagée.

[Non souligné dans l’original.]

[30] À mon avis, si on les interprète dans le contexte des actes de procédure dans leur ensemble, les modifications proposées aux paragraphes 7, 9 et 12 à 16 permettent à Farmers Edge de connaître suffisamment la nature des allégations de contrefaçon formulées à l’égard de la mise à jour de juillet 2021 pour pouvoir plaider intelligemment et adéquatement en réponse. Ces modifications cernent les questions en litige avec une précision suffisante pour assurer la saine gestion et l’équité de l’instruction et des phases préparatoires à l’instruction. Il est important de souligner que les modifications figurent dans le contexte du libellé actuel des paragraphes 6 à 16 de la nouvelle déclaration modifiée, qui exposent les aspects du système FarmCommand et du dispositif CanPlug qui contreferaient les revendications du brevet. Ces allégations peuvent ou non être prouvées à l’instruction. Mais je suis convaincu qu’elles exposent avec suffisamment de précision les allégations de contrefaçon formulées à l’égard de la mise à jour de juillet 2021.

[31] Farmers Edge reproche à Farmobile de se contenter de reprendre des passages des revendications du brevet. Les modifications proposées aux paragraphes 9 et 12 portent clairement sur les informations descriptives stockées par le dispositif CanPlug en des termes rappelant les revendications faites. Cependant, je suis d’accord avec Farmobile : il est difficile de désigner différemment des informations comme des [traduction] « coordonnées de latitude », des [traduction] « coordonnées de longitude » ou une [traduction] « altitude au-dessus du niveau de la mer »; par conséquent, il n’est pas nécessaire de les énoncer dans des termes différents de ceux employés dans les revendications pour qu’elles soient compréhensibles pour Farmers Edge. Comme la juge responsable de la gestion de l’instance Aylen l’a déclaré : [traduction] « il n’y a pas de règle inflexible qui s’oppose à ce que le demandeur reprenne les termes employés dans les revendications des brevets en cause dans l’instance » pour énoncer les faits qui contreferaient le brevet (Mostar, au para 29).

[32] En ce qui a trait aux autres facteurs énoncés dans les jugements Enercorp et Continental Bank, j’estime que la demande de modification a été présentée en temps opportun pour réagir aux nouvelles mises à jour du logiciel de Farmers Edge en juillet 2021, et je ne vois pas en quoi les modifications proposées retarderaient l’instruction. Comme je l’ai déjà indiqué, bien que les modifications ne soient pas strictement nécessaires, elles faciliteront l’examen par la Cour du véritable fond du différend. Elles ne causeront pas non plus d’injustice à Farmers Edge, étant donné qu’elles ont été soulevées en réponse aux modifications apportées au logiciel de Farmers Edge. Bien que les parties prévoient déposer d’autres rapports d’expert au sujet de la mise à jour de juillet 2021, on pourrait considérer que ces rapports complémentaires sont rendus nécessaires par les modifications apportées au logiciel ou aux actes de procédure ou aux deux. En tout état de cause, les frais supplémentaires entraînés par ces mesures peuvent être compensés par une adjudication de dépens à l’issue de l’instruction.

[33] J’autoriserai donc Farmobile à modifier les paragraphes 7, 9 et 12 à 16, conformément à la nouvelle déclaration modifiée une deuxième fois proposée.

(2) Les allégations selon lesquelles le système fonctionne [traduction] « à toutes fins utiles de façon équivalente » au système précédent (nouveaux paragraphes 17 et 32)

[34] Farmobile voudrait ajouter le paragraphe suivant à sa déclaration modifiée, en tant que nouveau paragraphe 17 :

[traduction]

En outre, et à titre subsidiaire, à la suite des modifications apportées au code et au système le 12 avril 2021 ainsi que le 28 juillet 2021, les revendications 1, 3, 4, 9, 10, 11, 13, 17, 18, 19, 20, 26, 27, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 41, 42, 43 et 44 du brevet 742 sont contrefaites par Farmers Edge, parce que ses composants matériels et logiciels fonctionnent à toutes fins utiles de façon équivalente au système précédent (c’est-à-dire avant les changements au code et au système du 12 avril 2021). Par exemple, dans ses rapports du 13 avril et du 30 juillet 2021, l’expert de la défenderesse, M. Ault, s’est dit d’avis qu’à la suite des modifications apportées au code et au système le 12 avril 2021 et le 28 juillet 2021, les systèmes et services de Farmers Edge avaient les mêmes fonctions et présentaient la même expérience utilisateur. Par conséquent, le code et le système de Farmers Edge privent toujours Farmobile de ses droits, facultés et privilèges exclusifs de fabriquer, construire et exploiter son invention, et de la vendre à d’autres pour qu’ils l’exploitent, conformément aux revendications 1, 3, 4, 9, 10, 11, 13, 17, 18, 19, 20, 26, 27, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 41, 42, 43 et 44 du brevet 742.

[Non souligné dans l’original.]

[35] Farmobile souhaite également ajouter une phrase à son ancien paragraphe 31 (nouveau paragraphe 32) dans le même sens, en ne mentionnant que les revendications de système.

[36] J’ouvre ici une parenthèse pour faire observer que la pratique apparente des parties d’ajouter de nouveaux paragraphes modificatifs, d’une manière qui a pour effet de renuméroter les paragraphes dans l’acte de procédure antérieur, comporte des inconvénients et risque de créer de la confusion. À mon avis, la pratique que je crois être plus courante, qui consiste à attribuer aux nouveaux paragraphes modificatifs des sous-numéros tels que « 16.1 » ou « 16A » pour éviter de renuméroter inutilement les paragraphes subséquents, est préférable.

[37] Farmers Edge s’oppose aux modifications proposées aux nouveaux paragraphes 17 et 32, au motif qu’une revendication de contrefaçon fondée sur « l’équivalence fonctionnelle » constitue non seulement une nouvelle revendication, mais est indéfendable parce que contraire aux règles établies en droit canadien. Elle cite l’arrêt Free World Trust c Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 [Free World Trust], dans lequel la Cour suprême du Canada a rejeté le concept de l’« esprit de l’invention » pour éclairer l’analyse de la contrefaçon, et l’arrêt Bell Helicopter Textron Canada Limitée c Eurocopter, société par actions simplifiée, 2013 CAF 219 [Eurocopter], dans lequel la Cour d’appel fédérale a estimé que l’argument relatif à l’équivalence fonctionnelle invoqué dans cette affaire allait à l’encontre de l’arrêt Free World Trust (Free World Trust, aux para 31d), 34–40, 45–50; Eurocopter, aux para 82-85, 95-98). Farmobile répond que, peu importe la terminologie employée, sa revendication est conforme au passage de l’arrêt Free World Trust dans lequel la Cour suprême a reconnu qu’« [i]l serait injuste de permettre qu’un appareil qui ne se distingue de celui décrit dans les revendications du brevet que par la permutation de caractéristiques secondaires échappe impunément au monopole conféré par le brevet » (Free World Trust, au para 55, citant Improver Corp v Remington Consumer Products Ltd, [1990] FSR 181 aux p 182, 192).

[38] Je suis d’accord avec Farmers Edge pour dire que l’arrêt Free World Trust confirme que, selon l’approche canadienne en matière de contrefaçon de brevets, on conclut à la contrefaçon dès lors que tous les éléments essentiels de la revendication sont réunis; s’il manque un élément essentiel, il n’y a pas de contrefaçon (Free World Trust, aux para 20, 31f), 68, 75; Western Oilfield Equipment Rentals Ltd c M-I LLC, 2021 CAF 24 aux para 48, 49). Je suis également d’accord pour dire que l’on ne peut valablement démontrer qu’il y a contrefaçon en faisant simplement valoir qu’un produit [traduction] « [a] les mêmes fonctions et présent[e] la même expérience utilisateur » qu’un produit antérieur, sans se référer aux éléments essentiels d’une revendication de brevet.

[39] Farmobile a confirmé lors de sa plaidoirie qu’elle ne cherchait pas à introduire en droit canadien la doctrine américaine de l’équivalence ni à faire valoir une nouvelle théorie de la contrefaçon selon laquelle il pourrait y avoir contrefaçon même si tous les éléments essentiels d’une revendication ne sont pas réunis. Elle a plutôt confirmé qu’elle soutenait, en substance, que les seuls éléments des revendications invoquées qui ne se trouvaient pas dans le système FarmCommand et/ou le dispositif CanPlug de Farmers Edge après la mise à jour d’avril 2021 étaient des éléments non essentiels. Elle fait valoir, en se référant à l’arrêt récent rendu par la Cour suprême du Royaume-Uni dans l’affaire Actavis, qu’elle propose ces modifications à un moment opportun, étant donné que l’analyse visant à déterminer quels éléments sont essentiels ne peut être raisonnablement entreprise qu’une fois qu’une variante est connue, afin de déterminer si cette variante modifie le fonctionnement de l’invention (Actavis UK Limited v Eli Lilly and Company, [2017] UKSC 48 aux para 61–66; Free World Trust, au para 31e)(iii)).

[40] Il est difficile de déduire du texte reproduit ci-dessus au paragraphe [34] que, dans son acte de procédure, Farmobile vise à plaider que les seuls éléments des revendications invoquées qui ne se trouvent pas dans le système FarmCommand et/ou le dispositif CanPlug de Farmers Edge après la mise à jour d’avril 2021 sont des éléments non essentiels. En réalité, s’il s’agissait du seul objectif de l’acte de procédure, on pourrait considérer qu’il fait double emploi avec les allégations de contrefaçon contenues dans les paragraphes antérieurs qui, selon ce que j’ai déjà mentionné, seront autorisées. Toutefois, même en admettant qu’il s’agisse de l’objectif de l’acte de procédure, l’allégation proposée n’est pas suffisamment détaillée. Farmobile n’a pas indiqué dans son projet d’acte de procédure, ou dans les détails communiqués à Farmers Edge, quels éléments des revendications invoquées sont, selon elle, non essentiels. Il ne suffit pas d’alléguer de façon générale que le système de la partie défenderesse comporte tous les éléments essentiels d’une revendication. Il ne suffit pas non plus d’alléguer de manière générale que les éléments d’une revendication que l’on ne retrouve pas dans le système de la partie défenderesse ne sont pas essentiels, sans préciser quels sont ces éléments non essentiels.

[41] Contrairement à ce que fait valoir Farmobile, ce manque de détails ne peut être attribué à son différend non réglé avec Farmers Edge au sujet de la communication du logiciel serveur correspondant à la mise à jour de juillet 2021, car l’allégation porte à sa face même sur le système après la mise à jour d’avril 2021. Farmobile a reçu communication depuis plusieurs mois de tous les logiciels et documents connexes pertinents ayant trait à la mise à jour d’avril 2021, mais n’a donné aucune indication quant aux éléments des revendications qui, affirme-t-elle, seraient non essentiels. En tout état de cause, dans la mesure où Farmobile allègue qu’elle a besoin du logiciel serveur pour effectuer son l’analyse visant à déterminer quels éléments sont essentiels pour alléguer qu’il y a contrefaçon depuis la mise à jour de juillet 2021, la solution ne consiste pas à plaider aveuglément avant d’avoir obtenu les informations nécessaires, tout en espérant combler les lacunes plus tard.

[42] Les modifications proposées aux nouveaux paragraphes 17 et 32 ne seront donc pas autorisées.

[43] Je note, pour terminer sur cette question, qu’il n’est peut-être pas nécessaire, dans chaque cas, d’avancer un moyen distinct au sujet des éléments non essentiels. Une allégation de contrefaçon est une allégation selon laquelle tous les éléments essentiels d’une revendication sont présents, indépendamment de la présence ou de l’absence de tout élément non essentiel. Ainsi que l’a noté le juge Binnie dans l’arrêt Free World Trust, les éléments essentiels ou non essentiels sont déterminés en fonction des connaissances usuelles d’un travailleur versé dans l’art dont relève l’invention (Free World Trust, au para 31e)(i)). Cette question fait donc souvent l’objet d’une preuve d’experts destinée à aider le tribunal à tirer les conclusions nécessaires et pertinentes au sujet du caractère essentiel. Si l’expert d’un défendeur affirme qu’un produit ne contrefait pas le brevet, du fait qu’il ne possède pas un certain élément de la revendication, et que l’expert du demandeur affirme que l’élément identifié n’est pas un élément essentiel, je me demande s’il est nécessaire de modifier l’acte de procédure dans tous les cas pour identifier les éléments non essentiels, afin de veiller à ce que l’instruction se déroule de façon équitable.

C. Conclusion

[44] J’autoriserai donc Farmobile à modifier sa nouvelle déclaration modifiée en déposant une nouvelle déclaration modifiée une deuxième fois contenant les modifications proposées aux paragraphes 7, 9 et 12 à 16, mais pas les modifications proposées aux nouveaux paragraphes 17 et 32.

[45] Les modifications consécutives aux actes de procédure subséquents sont traitées ci-après.

V. La requête présentée par Farmers Edge en vue de modifier ses actes de procédure

A. La nature des modifications proposées

[46] La nouvelle défense et demande reconventionnelle modifiée une troisième fois proposée par Farmers Edge renferme un certain nombre de différentes catégories de modifications proposées. On peut trancher rapidement quatre d’entre elles :

  • Les modifications proposées aux paragraphes 2, 13 à 15 et 18 à 19 sont des modifications de pure forme visant à mettre à jour les numéros de paragraphes et les revendications du brevet invoquées. Farmobilea consenti à ces modifications, et j’autoriserai Farmers Edge à les faire.

  • Les nouveaux paragraphes 33 et 35 proposés avancent un moyen de défense relatif à la chose jugée, en réponse aux revendications de dispositif invoquées par Farmobile. Farmobile a consenti à ces modifications, et j’autoriserai Farmers Edge à les faire.

  • Le nouveau paragraphe 34 proposé répond au moyen relatif au fonctionnement [traduction] « à toutes fins utiles de façon équivalente » proposé par Farmobile(nouveau paragraphe 17 proposé par Farmobile, examiné précédemment). Comme je n’autoriserai pas cette modification, le paragraphe proposé en réponse est inutile. Je refuserai donc d’autoriser Farmers Edge à ajouter ce paragraphe.

  • Le nouveau paragraphe 38 proposé renferme un moyen de défense subsidiaire fondé sur des solutions non contrefaisantes. Farmobilea raison de dire que ce paragraphe fait quelque peu double emploi avec le paragraphe 16 déjà existant de Farmers Edge. Toutefois, l’allégation contenue dans le nouveau paragraphe 38 vise le dispositif CanPlug en particulier et comprend l’allégation, qui ne figure pas au paragraphe 16, selon laquelle Farmers Edge a déjà mis en œuvre des solutions non contrefaisantes. J’autoriserai Farmers Edge à ajouter ce paragraphe.

[47] Il reste donc les catégories de modifications contestées suivantes :

(1) les allégations découlant de l’acquisition de Farmobile par Ag Growth International, Inc [AGI] (figurant aux nouveaux paragraphes 25 à 27);

(2) les allégations selon lesquelles les revendications invoquées du brevet 742 sont invalides pour cause d’inutilité et de portée excessive (paragraphes 28 à 31);

(3) l’allégation portant que l’un des inventeurs du brevet 742 a déclaré que l’état antérieur de la technique pertinent quant à l’objet du brevet était très solide et que Farmobile a conclu qu’il serait futile de poursuivre la demande relative au brevet américain connexe (nouveau paragraphe 32);

(4) l’allégation selon laquelle la rentabilité de Farmobile est pertinente pour se prononcer sur les dommages-intérêts réclamés par Farmobile au titre des redevances (nouveau paragraphe 39);

(5) les allégations selon lesquelles Farmobile est une entreprise qui n’exerce pas d’activités et n’est pas en mesure de servir la clientèle de Farmers Edge (nouveaux paragraphes 31, 40 et 41).

[48] Pour les motifs qui suivent, je conclus qu’aucune de ces modifications proposées n’est dans l’intérêt de la justice, et je refuserai d’accorder à Farmers Edge l’autorisation de les faire.

B. Les modifications contestées ne seront pas autorisées

(1) Les allégations concernant l’acquisition de Farmobile par AGI (nouveaux paragraphes 25 à 27)

[49] Au paragraphe 25 de son acte de procédure proposé, Farmers Edge allègue que, le 16 avril 2021, AGI [traduction] « a acquis le reste des actions en circulation de Farmobile ». Cette allégation semble découler d’un communiqué de presse annonçant l’acquisition par AGI de toutes les actions en circulation de [TRADUCTION] « Farmobile Inc. », en s’appuyant sur l’investissement minoritaire antérieur d’AGI. Cette allégation conduit ensuite à deux autres allégations.

a) Le transfert de propriété, la champartie et/ou le soutien abusif

[50] Premièrement, au paragraphe 26 proposé, Farmers Edge cherche à alléguer qu’AGI a conclu des ententes pour acquérir le titre en common law et en equity du brevet 742, de sorte que Farmobile n’a pas qualité pour intenter la présente action ou, à titre subsidiaire, qu’AGI soutient de manière inappropriée le litige et en contrôle le déroulement [traduction] « dans le cadre d’une relation qui s’apparente à la champartie et/ou au soutien abusif ». Farmers Edge cherche à alléguer que cela prive Farmobile du droit à des réparations en equity, à des dommages-intérêts punitifs ou à des dépens majorés, et donne à Farmers Edge le droit de réclamer des dépens plus élevés.

[51] En faisant abstraction de la question de savoir si [traduction] « une relation qui s’apparente à la champartie et/ou au soutien abusif » est un concept juridique défendable, la principale difficulté que soulève l’acte de procédure proposé est que Farmers Edge est incapable d’alléguer le moindre fait à l’appui de cet argument, ainsi que son avocat l’a admis lors de sa plaidoirie. Il s’agit simplement d’une affirmation faite par Farmers Edge dans le but apparent de mener un interrogatoire préalable sur la transaction d’AGI afin de découvrir des faits qui pourraient démontrer l’existence d’une relation irrégulière. Il s’agit, en d’autres mots, d’un cas classique d’enquête à l’aveuglette. Ainsi que le juge Stratas l’a fait observer au paragraphe 18 de l’arrêt Lukács c Swoop Inc, 2019 CAF 145 [Lukács] :

[O] n ne peut formuler d’allégations sans avoir tout au moins quelques éléments de preuve à l’appui. Formuler des allégations en l’air ou dénuées de fondement, qui ne reposent sur aucun élément de preuve, dans un acte de procédure tel une requête en autorisation d’interjeter appel constitue un abus de procédure […] Une action en justice, comme une requête en autorisation d’interjeter appel, « n’est pas une enquête à l’aveuglette et une partie demanderesse qui intente des poursuites en se fondant sur le simple espoir qu’elles lui fourniront des preuves justifiant ses prétentions utilise les procédures de la Cour de façon abusive » : Kastner c. Painblanc, [1994] ACF no 1671, au paragraphe 4 (C.A.F.).

[Non souligné dans l’original; certains renvois omis.]

[52] Farmers Edge prétend que son allégation devrait être tenue pour avérée aux fins de l’appréciation de la modification qu’elle propose à ses actes de procédure, ajoutant qu’elle n’est pas tenue de présenter des éléments de preuve. Elle fait valoir que la Cour suprême du Canada a reconnu qu’il pouvait arriver que le demandeur ne soit pas en mesure de prouver les faits plaidés au moment de la requête en radiation d’un acte de procédure et qu’« [i]l [pouvait] seulement espérer qu’il sera en mesure de les prouver », en particulier lorsqu’il est étranger à une transaction (R c Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42 au para 22; Enercorp, au para 37; McCain, au para 39).

[53] Bien que la démarche suivie dans le cadre d’une requête en radiation d’actes de procédure soit pertinente, ce n’est pas le seul principe qui s’applique aux requêtes en modification. La modification doit servir les intérêts de la justice, une question examinée à l’aide de divers facteurs, notamment la question de savoir si les modifications proposées retarderaient l’instruction et la mesure dans laquelle elles faciliteront l’examen par la Cour du véritable fond du différend (Enercorp, aux para 20, 21, citant Continental Bank). À mon avis, ces deux facteurs des jugements Enercorp et Continental Bank militent fortement contre le fait d’autoriser une modification qui semble n’être qu’une spéculation. De fait, Farmers Edge affirme que ses propres modifications nécessitent d’accorder un ajournement ou d’ordonner l’instruction distincte des questions en litige, comme nous le verrons plus loin. Je ne peux pas non plus interpréter les arrêts Imperial Tobacco, Enercorp et McCain comme autorisant ou encourageant des modifications de la nature d’une enquête à l’aveuglette du seul fait que ces modifications seraient susceptibles d’appuyer un moyen de défense, si les allégations de fait présentées de façon sommaire s’avèrent à leur tour véridiques (Lukács, au para 18; Kastner c Painblanc, [1994] ACF no 1671 (CA) au para 4; Tomchin c Canada, 2015 CF 402 aux para 38–40, 47; Astrazeneca Canada Inc c Novopharm Limited, 2009 CF 1209 [Astrazeneca] au para 17, conf par 2010 CAF 112 au para 5). Ainsi que le juge Hughes l’a fait observer dans la décision Astrazeneca, pour les besoins d’une requête en radiation, les faits énoncés dans les actes de procédure fondés sur « des suppositions et des spéculations » ne peuvent être considérés comme avérés, et ce, même si « un avocat compétent peut rédiger [un acte de procédure] qui énonce apparemment une cause d’action » (Astrazeneca, aux para 10, 13).

[54] Cela est particulièrement vrai lorsque l’allégation selon laquelle AGI a acquis le brevet 742 en tant qu’actif contredit les renseignements disponibles selon lesquels l’opération d’achat d’AGI portait sur des actions, en plus de porter sur les actions de Farmobile, Inc., et non sur celles de Farmobile, LLC, qui est la demanderesse, ainsi que la titulaire inscrite du brevet 742.

[55] Le paragraphe 26 proposé, qui allègue le transfert du brevet 742 et une [traduction] « relation qui s’apparente à la champartie et/ou au soutien abusif » ne sera pas autorisé.

b) L’allégations de diligence raisonnable

[56] Deuxièmement, au paragraphe 27 proposé, Farmers Edge souhaite alléguer que, dans le contexte de la transaction d’AGI, le processus relatif à la diligence raisonnable comprenait une appréciation du litige, qui a révélé que [traduction] « la demande de dommages-intérêts de Farmobile [était] sans fondement et/ou très exagérée ». Farmers Edge cherche de nouveau à alléguer que cela prive Farmobile du droit à des réparations en equity, à des dommages-intérêts punitifs ou à des dépens majorés, et donne à Farmers Edge le droit de réclamer des dépens plus élevés.

[57] Cependant, encore une fois, cette allégation ne repose pas sur le moindre fondement factuel en ce qui concerne l’existence ou le contenu de l’appréciation qui aurait été effectuée relativement à la diligence raisonnable, hormis l’affirmation de Farmobile selon laquelle il est courant, dans le cadre d’une acquisition, de mener une vérification des litiges en cours. L’objectif apparent de la modification demandée est de chercher à procéder à un interrogatoire préalable au sujet de la transaction, et notamment à obtenir des documents relatifs à la diligence raisonnable, dans l’espoir qu’une telle communication préalable démontre la véracité de ce qui n’est pour le moment que pure spéculation. Pour les motifs déjà exposés, un tel acte de procédure constitue une enquête à l’aveuglette inappropriée (Lukács, au para 18). Cela retarderait inutilement l’affaire et détournerait les parties des questions importantes en litige, au profit d’une question secondaire accessoire, d’une pertinence discutable, concernant des appréciations prétendues du litige auxquelles il est procédé dans un contexte de diligence raisonnable.

[58] Le paragraphe 27 proposé, qui concerne les allégations relatives à la diligence raisonnable, ne sera pas autorisé. Comme les paragraphes 26 et 27 ne seront pas autorisés, le paragraphe 25 n’est pas pertinent, et il ne sera pas autorisé non plus.

(2) Les allégations d’invalidité (les nouveaux paragraphes 28 à 31)

[59] Farmers Edge a contesté, à titre subsidiaire, la validité du brevet 742 depuis le début de la présente action. Dans son actuelle nouvelle défense et demande reconventionnelle modifiée une deuxième fois, elle allègue que toutes les revendications du brevet 742 sont invalides pour cause d’antériorité et d’évidence. Elle allègue également que les revendications de système invoquées dans la déclaration modifiée, à savoir les revendications 20, 26 à 39 et 41 à 44, sont invalides, parce qu’elles ont une portée plus large que toute invention divulguée dans le brevet 742.

[60] Farmers Edge cherche maintenant à ajouter de nouvelles allégations d’invalidité concernant les revendications de dispositif et de système maintenant invoquées par Farmobile. Farmers Edge souhaite alléguer que les revendications sont invalides, parce que Farmobile n’a ni démontré ni prédit de façon valable leur utilité avant la date du dépôt du brevet et/ou que le brevet ne divulguait pas de prédiction valable. Elle cherche également à alléguer que les revendications sont invalides, parce qu’elles ont une portée plus large que toute invention qu’auraient réalisée les inventeurs (par opposition à son allégation actuelle selon laquelle les revendications sont invalides, parce qu’elles ont une portée plus large que toute invention divulguée dans le brevet). Dans chaque cas, l’allégation proposée par Farmers Edge fait référence à un dispositif de Farmobile appelé le [traduction] « PUC ». Farmers Edge souhaite alléguer que le dispositif PUC n’est pas fonctionnel, que son code ne peut pas fonctionner comme le décrivent les revendications de dispositif, et que les logiciels serveur et système qui sont censés communiquer avec le dispositif PUC ne peuvent pas fonctionner comme le décrivent les revendications de système.

[61] À mon avis, il n’est pas dans l’intérêt de la justice de permettre à Farmers Edge de présenter ces nouvelles allégations d’invalidité à ce stade, pour les motifs qui suivent.

[62] Premièrement, la demande d’ajout de ces allégations d’invalidité n’a pas été faite en temps opportun. Les parties ont signifié leurs rapports d’expertise technique concernant les allégations d’invalidité de Farmers Edge. Celle-ci a mené des interrogatoires préalables, notamment sur des questions se rapportant aux allégations d’invalidité. Elle a également modifié ses actes de procédure à plusieurs reprises, comme le montre clairement l’intitulé de ses actes de procédure actuels et proposés. Les modifications apportées par Farmers Edge à ses actes de procédure comprenaient celles qu’elle a apportées à ses allégations d’invalidité, et même un projet d’allégations d’inutilité qu’elle a signifié dans un projet d’acte de procédure modifié en novembre 2019, sans, toutefois, y donner suite.

[63] À cet égard, Farmers Edge soutient que ses modifications répondent à la [traduction] « réinterprétation » du brevet 742 par Farmobile, à la suite de la mise à jour d’avril 2021 et de celle de juillet 2021. Elle fait valoir qu’elle n’aurait pas pu faire ces allégations plus tôt et que, si Farmobile était autorisée à modifier ses allégations de contrefaçon, Farmers Edge devrait avoir le droit de [traduction] « répondre pour tenir compte de l’évolution de la situation ». Je ne puis accepter ces arguments. Farmers Edge n’a pas expliqué de façon convaincante en quoi le fait de continuer à alléguer la contrefaçon après la mise à jour d’avril 2021 et/ou celle de juillet 2021 avait une incidence sur l’interprétation du brevet 742, au point où les moyens de défense relatifs à l’inutilité ou à la portée excessive qui n’avaient pas été invoqués auparavant pouvaient maintenant l’être. Cela est d’autant plus vrai que les moyens de défense en question sont maintenant invoqués en référence au dispositif PUC qui est commercialisé depuis des années et en référence aux dates pertinentes relatives au brevet qui sont antérieures au présent litige. L’observation de Farmers Edge, selon laquelle elle ne fait que soulever de nouvelles allégations d’invalidité parce que Farmobile invoque maintenant un plus grand nombre de revendications (c.-à-d. les revendications de dispositif), est également démentie par le fait qu’elle a allégué l’invalidité de toutes les revendications du brevet 742 depuis l’introduction de la présente action.

[64] Deuxièmement, les modifications proposées risquent sérieusement de retarder davantage l’instruction. Il est évident que les allégations d’invalidité ont été formulées de manière à englober la conception et le développement du dispositif PUC et de son logiciel, des questions qui ne semblent pas avoir été soulevées ailleurs dans les actes de procédure, ainsi que la portée de l’invention réalisée par les inventeurs. Farmers Edge prétend elle-même, dans le cadre de sa requête en instruction distincte des questions en litige ou en ajournement, que ses nouveaux moyens de défense nécessiteront une analyse technique du dispositif PUC de Farmobile et la production d’autres rapports d’expert, ainsi que la tenue d’autres interrogatoires des inventeurs qui ont déjà fait l’objet d’un interrogatoire par écrit. Il sera peut-être même nécessaire de demander une lettre rogatoire pour interroger l’un des inventeurs, lequel se trouve aux États-Unis et ne travaille plus pour Farmobile. Lors des plaidoiries, Farmers Edge a confirmé que ces interrogatoires n’étaient nécessaires que pour répondre aux nouveaux moyens de défense qu’elle invoquait relativement à l’invalidité. En réalité, compte tenu de la nature des nouveaux moyens de défense quant à l’inutilité, du fait que ces moyens sont rédigés de telle manière qu’ils soulèvent directement la possibilité d’une nouvelle divulgation du logiciel et des renseignements financiers de Farmobile ainsi que d’autres interrogatoires des inventeurs, et du fait qu’ils soient combinés à une requête en instruction distincte des questions en litige ou en ajournement, la Cour est amenée à se demander si les modifications ont été proposées en fonction de la procédure, de la communication préalable et du retard de l’instruction, plutôt qu’en lien avec le fondement de la validité du brevet 742.

[65] Troisièmement, et dans le même ordre d’idées, il ne semble pas que les modifications demandées faciliteront l’examen par la Cour du véritable fond du différend. L’allégation relative à la validité du brevet 742 est un autre moyen invoqué par Farmers Edge subsidiairement à sa prétention selon laquelle elle est la titulaire légitime du brevet 742, et à son moyen de défense de non-contrefaçon. Ses principales allégations d’invalidité portent sur l’antériorité, l’évidence et les revendications dont la portée est plus large que la divulgation. Bien qu’un défendeur puisse, en règle générale, invoquer tous les moyens de défense viables en matière d’invalidité qu’il choisit, je ne peux pas accepter que le fait d’autoriser deux autres moyens de défense relatifs à l’invalidité en rapport avec un autre argument subsidiaire quant à l’invalidité facilitera l’examen du fond du différend, en particulier lorsqu’ils sont présentés à un stade tardif de l’instance, qu’ils mettent en péril la date d’instruction et qu’ils exigeraient que l’on se détourne des principales questions en litige pour s’attarder à des questions accessoires qui entameront le temps déjà limité prévu pour l’instruction et la préparation de l’instruction.

[66] Les nouvelles allégations d’invalidité contenues aux paragraphes 28 à 31 ne seront pas autorisées. Nous traitons plus loin des allégations contenues dans les deux dernières phrases du paragraphe 31 selon lesquelles Farmobile est une entreprise qui n’exerce pas d’activités.

(3) L’allégation selon laquelle un des inventeurs aurait fait une déclaration au sujet de l’état antérieur de la technique (nouveau paragraphe 32)

[67] Farmers Edge souhaite ensuite modifier ses actes de procédure pour alléguer que l’un des inventeurs désignés du brevet 742 lui a déclaré ce qui suit :

[traduction]

L’inventeur désigné Tatge a affirmé à Farmers Edge que l’état antérieur de la technique pertinent quant à l’objet du brevet 742, y compris celui des revendications 1, 3, 4, 9, 10, 11, 13, 17, 18 et 19, était très solide. Il a également déclaré que Farmobile avait donc conclu qu’il serait futile de poursuivre la demande relative au brevet américain connexe, et qu’elle avait cessé de consacrer de l’énergie et des dépenses à cet égard.

[68] Bien que cela ne soit pas précisé dans ce paragraphe, Farmers Edge affirme que cette allégation se rapporte au moyen de défense qu’elle fait valoir contre les demandes, faites par Farmobile, de réparation pécuniaire et en equity, ainsi que de dépens.

[69] En plus d’être un inventeur, M. Tatge était auparavant le président-directeur général de Farmobile. Toutefois, l’acte de procédure fait référence à M. Tatge en sa qualité d’inventeur, apparemment parce que Farmers Edge souhaite l’interroger au préalable, relativement à l’acte de procédure en question, en sa qualité de cédant/inventeur, conformément au paragraphe 237(4) des Règles. Farmers Edge n’aurait pas le droit d’interroger M. Tatge simplement en tant que représentant d’une personne morale, au sens du paragraphe 237(1) des Règles. Toutefois, bien qu’elle se réfère à M. Tatge en sa qualité d’inventeur, Farmers Edge a expliqué à l’audience que l’argument reposait, au moins en partie, sur un acte de confiance préjudiciable, à savoir que Farmers Edge a été incitée, en raison de cette déclaration, à adopter une ligne de conduite qui a joué à son détriment et que Farmobile, en tant que société (et non M. Tatge en sa qualité d’inventeur) ne peut réclamer certaines réparations.

[70] Je suis d’accord avec Farmobile pour dire que, même si elle est tenue pour avérée, l’allégation formulée dans ce paragraphe n’est absolument pas pertinente pour trancher les questions en litige dans l’action et qu’elle ne devrait donc pas être autorisée. Tout d’abord, il est évident que cette déclaration se rapporte à la décision de Farmobile de poursuivre la demande relative à un brevet américain connexe. La question de savoir si ou pourquoi Farmobile a décidé de ne pas poursuivre la demande relative à un brevet dans un ressort étranger ne peut avoir aucune incidence sur la possibilité d’obtenir des réparations en equity ou des dépens dans une action canadienne portant sur un brevet canadien. L’opinion ou la déclaration de l’inventeur sur la solidité de l’état antérieur de la technique n’est pas non plus pertinente, d’autant plus qu’elle concerne une demande visant un brevet étranger. Si l’état antérieur de la technique montre que le brevet n’est pas valide pour cause d’antériorité ou d’évidence, il ne sera pas question de réparation pécuniaire ou en equity. Si le brevet est valide, l’opinion d’un des inventeurs concernant la solidité et de l’état antérieur de la technique, dans le cadre d’une action portant sur un brevet étranger, ne saurait avoir d’incidence sur les réparations pouvant être obtenues au Canada, et ce, même si la défenderesse a été mise au courant de cette opinion.

[71] Il s’ensuit que le fait d’autoriser la modification entraînera d’autres interrogatoires préalables et risque de donner lieu à des différends sur la portée de ces interrogatoires, en raison, particulièrement, des différents rôles de M. Tatge et de l’historique du litige entre les parties, tout cela dans le but d’établir un fait qui n’est pas pertinent. Cela ne servirait pas les intérêts de la justice.

[72] Les autres facteurs énoncés dans les jugements Enercorp et Continental Bank renforcent cette conclusion. Encore une fois, la modification proposée n’a pas été présentée en temps opportun. Comme Farmobile l’explique dans les documents qu’elle a produits en réponse, Farmers Edge est au courant de la déclaration de M. Tatge depuis des années, dans la mesure où elle a interrogé M. Tatge à ce sujet, dans le cadre d’un litige connexe au Nebraska, en mai 2017. Bien que Farmers Edge formule son allégation en réponse à la décision de Farmobile d’invoquer maintenant les revendications de dispositif, comme en témoignent les mots [traduction] « y compris celui des revendications 1, 3, 4, 9, 10, 11, 13, 17, 18 et 19 », la déclaration attribuée à M. Tatge ne se limitait aucunement aux revendications de dispositif ou au brevet canadien; elle concernait plutôt [traduction] « l’objet » du brevet dans le contexte de l’action relative au brevet américain. Farmers Edge n’a pas expliqué de façon adéquate la raison pour laquelle elle avançait cette allégation à ce stade. Qui plus est, bien que Farmers Edge ait fait état, dans son argumentation, de la ligne de conduite qu’elle prétend avoir adoptée en raison de cette déclaration, on ne trouve aucune allégation en ce sens dans ce paragraphe, ni aucune explication quant à la ligne de conduite qu’elle aurait adoptée, ou quant à la manière, à la raison ou à la question de savoir si elle a effectivement été induite à agir de la sorte en raison de la déclaration faite par M. Tatge.

[73] L’allégation, au paragraphe 32 proposé, concernant la déclaration qu’aurait faite M. Tatge au sujet de l’état antérieur de la technique, ne sera pas autorisée.

(4) L’allégation relative à la pertinence de la rentabilité et des taux de licence de Farmobile (nouveau paragraphe 39)

[74] Comme il a déjà été mentionné, Farmers Edge fait référence, dans son nouveau paragraphe 38, à son allégation selon laquelle elle pouvait mettre en œuvre des solutions non contrefaisantes et que c’est ce qu’elle a fait. J’ai indiqué que j’autoriserai cette modification. Farmers Edge cherche ensuite à ajouter le nouveau paragraphe 39 suivant :

[traduction]

Ainsi, la rentabilité de Farmobile ainsi que les taux de licence/d’achat de ses distributeurs et clients sont pertinents à l’égard des dommages-intérêts qu’elle demande au titre des redevances. Bien que tous les détails soient connus de Farmobile, Record Harvest Enterprises Inc. (Record Harvest) fait partie des distributeurs et des clients de Farmobile. Record Harvest a conclu avec Farmobile un contrat de licence en lien avec la technologie qui serait visée par le brevet 742.

[75] Farmers Edge affirme encore une fois que cette allégation constitue une réponse directe à la nouvelle allégation de Farmobile selon laquelle le dispositif CanPlug contrefait les revendications de dispositif du brevet 742. En même temps, elle fait valoir que les données financières de Farmobile, y compris les documents relatifs à la licence de Record Harvest, sont déjà pertinentes, puisque le taux de redevance que Farmers Edge aurait dû payer est déjà en litige dans le cadre de l’action, de sorte que le nouveau paragraphe 39 [traduction] « ne changera pas la portée de l’action » et [traduction] « ne fait qu’apporter des précisions sur un moyen qui subsiste ».

[76] On voit mal comment on pourrait concilier ces deux affirmations. Si le nouveau paragraphe ne fait qu’apporter des précisions au sujet d’un moyen qui subsiste et qui porte sur la redevance raisonnable exigible pour le brevet 742, ce moyen aurait dû être plaidé il y a longtemps, indépendamment de l’ajout des revendications de dispositif. Plus particulièrement, aucune des parties n’a prétendu que le taux de redevance pour la licence du brevet 742 dépendait de la quantité de revendications du brevet invoquées. Au contraire, l’experte de Farmers Edge, Mme Meyer, a conclu qu’on déterminerait une redevance raisonnable en évaluant la marge de négociation de chaque partie dans une négociation hypothétique [traduction] « visant à concéder une licence sur le brevet en cause à partir du 15 septembre 2015 jusqu’à l’expiration du brevet, le 22 septembre 2034 ». Bien qu’elle calcule la redevance en fonction de la superficie, elle ne la calcule pas en fonction du nombre de revendications invoquées ou exploitées.

[77] En outre, comme le souligne Farmobile, dans son rapport, Mme Meyer calcule déjà séparément les dommages-intérêts en partant du principe que Farmers Edge aurait disposé de solutions non contrefaisantes au moment de la négociation hypothétique. Elle n’exprime aucune inquiétude quant à l’impossibilité d’évaluer ces dommages-intérêts sans connaître la rentabilité de Farmobile ou ses taux de licence ou de vente. Compte tenu de ce témoignage de sa propre experte, l’observation de Farmers Edge, selon laquelle sa mise en œuvre des solutions non contrefaisantes et la prétention continue de Farmobile quant à la contrefaçon du brevet rendent maintenant pertinente la rentabilité de Farmobile, est incohérente et non convaincante. Quant à la mention expresse de Record Harvest, il n’est pas allégué que ce contrat de licence était lié au brevet 742. Au contraire, l’allégation précise avec soin qu’il s’agit d’une licence [traduction] « en lien avec la technologie qui serait visée par le brevet 742 ». Farmers Edge n’a pas expliqué comment cette licence, apparemment octroyée après septembre 2015, pourrait avoir une incidence sur la détermination des dommages-intérêts découlant de la contrefaçon du brevet 742, selon sa propre théorie des dommages-intérêts et sa preuve d’expert.

[78] En tout état de cause, j’estime que l’acte de procédure proposé, dans lequel il est allégué que les renseignements et documents en question sont [traduction] « pertinents », n’est pas approprié. Ou bien les renseignements et les documents sont pertinents pour trancher les questions débattues dans le cadre d’une action ou bien ils ne le sont pas; ils ne le deviennent pas parce qu’une partie présente un acte de procédure dans lequel elle prétend définir ce qui est pertinent. Tout acte de procédure doit contenir « un exposé concis des faits substantiels sur lesquels la partie se fonde; il ne comprend pas les moyens de preuve à l’appui de ces faits » [non souligné dans l’original] (Règles, art 174). Comme il a déjà été mentionné, il n’existe pas de « démarcation très nette » entre l’exposé de faits matériels et l’interdiction de plaider certains éléments de preuve (Mancuso, au para 18). Toutefois, en invoquant les renseignements et les documents qu’elle estime pertinents à l’égard d’autres aspects de son acte de procédure, Farmers Edge plaide carrément des éléments de preuve.

[79] La modification proposée au paragraphe 39 concernant la pertinence de la rentabilité de Farmobile et de ses taux de licence/achat ne sera pas autorisée.

(5) L’allégation selon laquelle Farmobile est une entreprise qui n’exerce pas d’activités (nouveaux paragraphes 31, 40 et 41)

[80] Dans ses nouveaux paragraphes 40 et 41, Farmers Edge tente d’alléguer que Farmobile n’exploite pas le brevet 742 et n’est pas en mesure de servir la vaste clientèle de Farmers Edge:

[traduction]

À titre subsidiaire, si le dispositif CanPlug contrefait l’une ou l’autre des revendications du brevet 742, ce que Farmers Edge nie, le tribunal ne devrait pas prononcer d’injonction. Farmobile est une entreprise qui n’exerce pas d’activités et elle n’est pas en mesure de servir la vaste clientèle de Farmers Edge. Farmobile est peu ou pas du tout présente au Canada, en Australie, au Brésil, en Ukraine, en Russie ou aux États-Unis. Les chiffres de ventes passés ou présents de Farmobile révèlent que Farmobile n’a pas la capacité de servir la vaste clientèle de Farmers Edge.

De plus, les composants matériels et logiciels basés sur le Web de Farmobile sont inférieurs aux produits prétendument contrefaits et ne peuvent les remplacer. Farmobile n’a pas une capacité suffisante pour servir la vaste clientèle de Farmers Edge. En tout état de cause, une condamnation à des dommages-intérêts constitue une réparation adéquate pour tout acte de contrefaçon qui serait en cours, ce qui est nié. Par conséquent, Farmobile n’a pas droit à des réparations en equity, à des dommages-intérêts punitifs ou à des dépens majorés.

[81] On trouve une allégation semblable au paragraphe 31, dans lequel Farmers Edge allègue que, dans la mesure où Farmobile prétend que son dispositif PUC n’est pas visé par le brevet 742, elle est une entreprise qui n’exerce pas d’activités et elle n’a pas droit à des réparations en equity, à des dommages-intérêts punitifs ou à des dépens majorés.

[82] Je conclus qu’il ne serait pas dans l’intérêt de la justice d’autoriser ces modifications, compte tenu des facteurs énoncés dans les jugements Enercorp et Continental Bank. En particulier, j’estime que le moment choisi pour demander cette modification, les interrogatoires préalables supplémentaires que les actes de procédure proposés entraîneraient apparemment et l’impact potentiel sur les dates de l’instruction constituent des facteurs particulièrement importants. J’estime également que les modifications ne faciliteraient pas l’examen par la Cour du fond du différend.

[83] Dans les allégations proposées, Farmers Edge affirme essentiellement que la Cour ne devrait pas accorder d’injonction, de réparations en equity, de dommages-intérêts punitifs ou de dépens majorés, au motif que Farmobile est une entreprise qui n’exerce pas d’activités. À l’instar des autres modifications dont nous avons déjà discuté, le paragraphe 40 semble avoir été libellé pour répondre à la nouvelle allégation de Farmobile selon laquelle le dispositif CanPlug contrefait les revendications de dispositif du brevet 742 ([traduction] « si le dispositif CanPlug contrefait l’une ou l’autre des revendications du brevet 742 »). Cependant, le dispositif CanPlug, en tant qu’élément du système FarmCommand, fait partie de la déclaration depuis l’introduction de la présente instance, pendant toute la période au cours de laquelle les revendications de dispositif ont été plaidées à l’origine et où les revendications de dispositif ont été retirées en faveur des revendications de système. En tout état de cause, dans la mesure où la capacité de Farmobile de servir les clients de Farmers Edge est alléguée comme étant pertinente pour se prononcer sur la possibilité d’obtenir certaines réparations pour la contrefaçon du brevet, elle est pertinente depuis le début et à l’égard de toutes les revendications du brevet. La réintroduction des revendications de dispositif par suite des mises à jour du code de Farmers Edge ne donne pas carte blanche à Farmers Edge pour introduire de nouvelles allégations qu’elle aurait pu invoquer il y a longtemps.

[84] La modification rendrait nécessaire une autre communication préalable d’une vaste portée. Tel qu’il a été rédigé, l’acte de procédure justifierait une communication préalable sur les activités de Farmobile dans six pays différents, y compris ses ventes passées et présentes. Il soulèverait également des aspects techniques du dispositif PUC, afin de déterminer si Farmobile est ou non [traduction] « une entreprise qui n’exerce pas d’activités », ce qui nécessiterait la production d’autres rapports d’expertise technique. Les dates d’instruction actuellement prévues seraient compromises par cette nouvelle communication préalable de vaste portée, ainsi que les requêtes concomitantes que les parties se sont montrées enclines à présenter. Cette longue communication préalable et le risque posé pour les dates d’instruction permettraient d’invoquer, à titre subsidiaire, un argument concernant la possibilité d’obtenir en partie les réparations demandées, si la Cour conclut que Farmobile est la titulaire légitime du brevet 742 et que celui-ci est valide et est contrefait. Les modifications ne faciliteraient pas l’examen par la Cour des principales questions en litige pertinentes, mais détourneraient là encore les parties de la préparation de l’instruction sur ces questions.

[85] Ce dernier facteur est également influencé par la pertinence limitée, à l’égard de la question des réparations, de l’affirmation selon laquelle Farmobile est une entreprise qui n’exerce pas d’activités. Farmers Edge allègue que ce statut de Farmobile en tant qu’entreprise qui n’exerce pas d’activités est pertinent pour déterminer son droit à une injonction, citant à l’appui la décision Unilever PLC v Procter & Gamble Inc, [1993] FCJ No 117 (CF 1re inst.) [Unilever] au para 185, conf par [1995] ACF no 1005 (CAF). Dans cette affaire, le juge Muldoon a refusé d’accorder une injonction, malgré son constat de contrefaçon, parce que le brevet arrivait à échéance dans 19 mois, que les demanderesses n’avaient jamais exploité l’invention brevetée au Canada et qu’une injonction causerait des difficultés aux défenderesses, mais aussi et surtout [traduction] « à leurs employés innocents en cette période économique difficile » (Unilever, au para 185).

[86] Je ne peux pas considérer le raisonnement suivi par le juge Muldoon dans le contexte particulier de l’affaire dont il était saisi comme un principe général selon laquelle la non-exploitation d’un brevet prive le breveté du droit à une injonction. Je souscris aux propos qu’a tenus la juge Gauthier, qui siégeait alors à notre Cour, selon lesquels les faits de l’affaire Unilever « se distinguent clairement de ceux en l’espèce » (Valence Technology, Inc c Phostech Lithium Inc, 2011 CF 174 [Valence] aux para 239, 240, conf par 2011 CAF 237). Les faits de la présente affaire sont très différents de ceux de l’affaire Unilever. Le brevet 742 n’arrive à échéance qu’en 2034, et nul ne prétend que les employés de Farmers Edge subiraient des difficultés. Au contraire, un des principaux arguments de Farmers Edge, que l’on trouve au paragraphe 16 de son acte de procédure et qui est confirmé dans son nouveau paragraphe 38, est que, si le tribunal conclut qu’elle contrefait le brevet, elle serait en mesure de simplement mettre en œuvre une solution non contrefaisante.

[87] Farmobile va plus loin et fait valoir que l’allégation de Farmers Edge selon laquelle une entreprise qui n’exerce pas d’activités ne devrait pas avoir droit à une injonction ou à d’autres réparations est vouée à l’échec et ne révèle aucun moyen de défense valable. La Cour a assurément jugé qu’il était généralement possible, y compris dans le cas d’un breveté qui n’exploite pas son brevet, d’obtenir une injonction à titre de réparation lorsque cette mesure était nécessaire pour empêcher la poursuite de la contrefaçon du brevet (Valence, aux para 239, 240; Bombardier Produits récréatifs Inc c Arctic Cat, Inc, 2020 CF 946 aux para 37–39; Arysta Lifescience North America, LLC c Agracity Crop & Nutrition Ltd, 2019 CF 530 au para 19; Eurocopter c Bell Helicopter Textron Canada Limitée, 2012 CF 113 [Eurocopter (CF)] au para 397, conf par 2013 CAF 219). L’injonction est spécifiquement envisagée au paragraphe 57(1) de la Loi sur les brevets, LRC 1985, c P-4. La Cour a jugé qu’elle ne devait refuser d’accorder une injonction permanente lorsqu’il y a un constat de contrefaçon « que dans de très rares circonstances », ajoutant que l’injonction est rendue « dans l’intérêt du public, afin de garantir le caractère exécutoire du système canadien des brevets » (Valence, au para 240; Eurocopter (CF), au para 397). Ceci s’accorde avec la reconnaissance du fait qu’un brevet octroie un monopole au breveté, sous la forme des « droits exclusifs » que lui confère l’article 42 de la Loi sur les brevets.

[88] Le juge Locke, de la Cour d’appel fédérale, a récemment précisé que le fait qu’un breveté était une entreprise qui n’exerçait pas d’activités ne le privait pas du droit de choisir une restitution des bénéfices (Seedlings Life Science Ventures, LLC v Pfizer Canada ULC, 2021 FCA 154 aux para 75–81). Il semble que cette conclusion vaut également pour l’injonction. En même temps, le juge Locke a également reconnu que la non-exploitation d’un brevet pouvait être un facteur pertinent pour décider de permettre au breveté de choisir la restitution des bénéfices (Seedlings au para 81). Dans la mesure où le fait de ne pas exploiter le brevet peut être un facteur pour décider de permettre ou non au breveté de choisir la restitution des bénéfices, on peut soutenir qu’il s’agit d’un facteur qui entre en ligne de compte pour décider d’accorder ou non une injonction dans un cas particulier. Ainsi, bien qu’il puisse s’avérer difficile d’établir le bien-fondé du moyen de défense selon lequel le breveté ne devrait pas obtenir une injonction dans un cas particulier, parce qu’il n’exploite pas le brevet, je ne peux pas conclure qu’il est si difficile d’établir le bien-fondé de ce moyen au point où il serait voué à l’échec.

[89] Néanmoins, eu égard aux circonstances de l’espèce, bien que les allégations de Farmers Edge selon lesquelles Farmobile est une entreprise qui n’exerce pas d’activités puissent être défendables dans le cadre d’une requête en radiation, leur pertinence n’en demeure pas moins secondaire. Le fait que Farmobile exploite ou non le brevet 742 ne la prive pas forcément du droit d’obtenir une injonction, comme nous l’avons déjà vu. L’infériorité prétendue du produit de Farmobile n’est non plus d’aucune pertinence à l’égard de sa capacité à exercer et à exploiter les droits que lui confère le brevet, s’ils sont jugés valides et si elle est considérée comme en étant la titulaire légitime. Il est donc peu probable que les modifications demandées facilitent l’examen par la Cour du véritable fond du différend; selon toute vraisemblance, elles détourneront plutôt l’attention de la Cour et des parties sur des questions accessoires concernant l’utilisation que Farmobile a faite du brevet et sur ses affaires financières. Dans ces conditions, l’ajout tardif de ce moyen, avec les répercussions connexes qu’il entraînera sur le déroulement de l’action, le calendrier de l’instruction et la conduite finale du procès, n’est pas dans l’intérêt de la justice.

[90] Les modifications proposées aux nouveaux paragraphes 31, 40 et 41, concernant le fait que Farmobile serait une entreprise qui n’exerce pas d’activités et son incidence sur la possibilité d’obtenir une injonction ou une autre réparation, ne seront pas autorisées.

[91] Pour plus de clarté, rien de ce qui précède ne vise à préjuger toute question au sujet de la possibilité pour Farmobile d’obtenir les réparations qu’elle demande, dans le cas où la Cour conclurait à la contrefaçon. Ces questions seront tranchées lors de l’instruction.

(6) Conclusion

[92] J’ai examiné individuellement chacune des modifications contestées proposées par Farmers Edge. Il convient toutefois de noter que, dans l’ensemble, les modifications proposées témoignent typiquement de tentatives faites par une partie pour introduire dans une action une série de nouvelles allégations qui entraîneraient la communication préalable d’autres documents ainsi que d’autres interrogatoires préalables de la partie adverse et des inventeurs, y compris des demandes de grande portée ayant trait à des renseignements financiers, à des transferts de propriété et à des renseignements techniques qui ne faisaient pas jusqu’alors partie de l’action. Cette communication de la preuve ainsi que les nouveaux rapports d’expertise nécessaires sont susceptibles d’entraîner d’autres différends, d’autres requêtes, d’autres frais et d’autres délais. Malgré les protestations contraires de Farmers Edge, ces allégations ne sont pas justifiées par le simple fait que Farmobile a répondu aux modifications apportées par Farmers Edge à son logiciel en invoquant les revendications de dispositif du brevet 742.

[93] Puisque j’ai conclu que les modifications proposées ne sont pas dans l’intérêt de la justice ou ne sont pas autrement permises, il n’est pas nécessaire que je traite séparément de la question de savoir si elles causeraient à Farmobile un préjudice qui ne pourrait être compensé par des dépens, étant donné qu’il s’agit de critères indépendants (Janssen, au para 9). Je me demande néanmoins si un nouvel ajournement prolongé ou l’instruction distincte proposée des questions en litige qui reporteraient d’au moins un an l’examen de questions importantes comme les réparations et la validité, Farmers Edge reconnaissant elle-même que cela découlerait des modifications qu’elle propose, sont des éléments que l’on peut aisément compenser au moyen de dépens. À cet égard, l’analyse qui suit concernant le préjudice que causeraient à Farmobile l’instruction distincte des questions en litige ou l’ajournement qui sont proposés est également pertinente pour se prononcer sur les modifications, étant donné que ce sont les modifications qui nécessiteraient en fin de compte une instruction distincte des questions en litige ou un ajournement.

C. Les modifications corrélatives

[94] Dans leur requête en modification respective, les parties souhaitent également modifier leurs autres actes de procédure en réponse. Farmobile cherche à modifier sa nouvelle réponse et défense reconventionnelle modifiée une deuxième fois. Farmers Edge, quant à elle, souhaite modifier sa deuxième réponse modifiée à la défense reconventionnelle. Dans un cas comme dans l’autre, ces actes de procédure subséquents dépendent en grande partie de la question de savoir si l’autre partie sera autorisée à apporter les modifications qu’elle propose.

[95] Vu mes conclusions mentionnées ci-dessus, les modifications corrélatives des parties seront autorisées en partie, selon les modalités qui suivent.

(1) La nouvelle réponse et défense reconventionnelle modifiée une troisième fois proposée par Farmobile

[96] Farmobile sera autorisée à apporter des modifications de forme à son acte de procédure proposé concernant le titre et les numéros de paragraphes (par ex., aux paragraphes 1, 3 et 4, entre autres), pour qu’ils correspondent aux paragraphes qui seront autorisés dans la nouvelle défense et demande reconventionnelle modifiée une troisième fois de Farmers Edge.

[97] Au paragraphe 5, la première modification concernant les faits matériels équivaut à un argument au sujet de la modification proposée par Farmers Edge à son nouveau paragraphe 38. Elle ne sera pas autorisée. La deuxième modification niant la mise en œuvre d’une solution non contrefaisante sera autorisée.

[98] Le nouveau paragraphe 6 répond au nouveau paragraphe 33 de Farmers Edge et sera autorisé.

[99] Le nouveau paragraphe 7 concerne les allégations relatives au fonctionnement [traduction] « à toutes fins utiles de façon équivalente », lesquelles ne seront pas autorisées. Ce paragraphe ne sera pas autorisé.

[100] Les nouveaux paragraphes 54 à 56, 67, 70, 74 et 78 à 80 répondent aux allégations formulées par Farmers Edge dans sa nouvelle défense et demande reconventionnelle modifiée une troisième fois qui ne seront pas été autorisées. Ces paragraphes sont inutiles et ne seront pas autorisés.

(2) La réponse modifiée une troisième fois à la défense reconventionnelle proposée par Farmers Edge

[101] Farmers Edge sera autorisée à apporter des modifications de forme à son acte de procédure proposé concernant le titre et les numéros de paragraphes (par ex., aux paragraphes 1 et 5, entre autres), pour qu’ils correspondent aux paragraphes qui seront autorisés dans la nouvelle réponse et défense reconventionnelle modifiée une troisième fois de Farmobile.

[102] La modification proposée au paragraphe 2 répond à la première modification proposée par Farmobile au paragraphe 5, qui ne sera pas autorisée. Elle est inutile et ne sera pas autorisée.

[103] Le nouveau paragraphe 3, bien qu’il soit difficile à comprendre, répond au nouveau paragraphe 6 de Farmobile et sera autorisé.

[104] Le nouveau paragraphe 4 répond au nouveau paragraphe 7 de Farmobile concernant l’allégation relative au fonctionnement [traduction] « à toutes fins utiles de façon équivalente » qui ne sera pas autorisé. Il est inutile et ne sera pas autorisé.

[105] Les nouveaux paragraphes 18 à 22 répondent à des actes de procédure qui ne seront pas autorisés. Ils sont inutiles et ne seront pas autorisés.

VI. La requête en instruction distincte des questions en litige ou en ajournement de Farmers Edge

A. La nature de la requête

[106] Comme il a déjà été mentionné, en juillet 2021, la présente action a été mise au rôle en vue d’une instruction devant commencer en août 2022. Les dates d’instruction actuelles ont été fixées après le report de l’instruction qui devait avoir lieu en avril 2021 et en octobre 2021, à la suite de la mise à jour apportée au logiciel de Farmers Edge en avril 2021. Après l’échange des rapports d’expert en juillet 2021, Farmers Edge a mis en œuvre la mise à jour de juillet 2021.

[107] Farmers Edge affirme qu’elle n’a plus le temps de se défendre équitablement contre les nouvelles allégations de contrefaçon de Farmobile à temps pour l’instruction d’août 2022. Elle souligne en particulier le moyen relatif au fonctionnement [traduction] « à toutes fins utiles de façon équivalente » proposé par Farmobile, mais aussi les allégations selon lesquelles le dispositif CanPlug contrefait les revendications de dispositif du brevet 742 depuis la mise à jour d’avril 2021 et celle de juillet 2021. Farmers Edge demande que l’action soit scindée pour que les questions qui s’étaient [traduction] « cristallisées » avant la mise à jour d’avril 2021 soient instruites en août 2022, et que les questions ultérieures soient instruites au besoin plus tard. À titre subsidiaire, elle demande que les dates d’instruction d’août 2022 soient encore une fois reportées.

[108] Lors de l’audition des requêtes, Farmers Edge a précisé que, si les modifications proposées par Farmobile n’étaient pas autorisées, il ne serait alors pas nécessaire, selon elle, de procéder à l’instruction distincte des questions en litige ou à un ajournement. Il est également évident que la nécessité déclarée de procéder à une instruction distincte des questions en litige ou à un ajournement dépend en grande partie de la communication préalable supplémentaire et des rapports d’expert complémentaires qui découleraient des divers nouveaux moyens de défense proposés par Farmers Edge. Pour les motifs que j’ai exposés plus haut, je refuserai d’accorder à Farmobile l’autorisation d’ajouter son moyen relatif au fonctionnement [traduction] « à toutes fins utiles de façon équivalente », mais je l’autoriserai à effectuer les autres modifications demandées concernant la mise à jour de juillet 2021. J’autoriserai également Farmers Edge à apporter certaines modifications en réponse, mais ne l’autoriserai pas à apporter un certain nombre de modifications additionnelles qu’elle propose. Comme je l’ai déjà expliqué, l’une des raisons pour lesquelles je refuserai d’autoriser certaines des modifications proposées par Farmers Edge, c’est l’impact potentiel sur la date d’instruction qui serait occasionné par l’ampleur de la nouvelle communication préalable et des rapports supplémentaires auxquels donneraient lieu les modifications.

[109] Je refuserai d’accorder certaines des modifications qui semblent avoir motivé la requête présentée par Farmers Edge en vue d’obtenir l’instruction distincte des questions en litige ou un ajournement, mais je vais néanmoins statuer sur le fond de la requête, étant donné qu’il n’est pas clair que l’admission de Farmers Edge, selon laquelle l’instruction distincte des questions en litige n’est pas nécessaire si les modifications proposées par Farmobile ne sont pas autorisées, porte exclusivement sur le moyen relatif au fonctionnement [traduction] « à toutes fins utiles de façon équivalente ».

B. L’instruction distincte des questions en litige ne devrait pas être ordonnée

(1) Les principes régissant les requêtes en instruction distincte des questions en litige

[110] Le pouvoir de la Cour de scinder une instance est énoncé à l’article 107 des Règles :

Instruction distincte des questions en litige

Separate determination of issues

107 (1) La Cour peut, à tout moment, ordonner l’instruction d’une question soulevée ou ordonner que les questions en litige dans une instance soient jugées séparément.

107 (1) The Court may, at any time, order the trial of an issue or that issues in a proceeding be determined separately.

Ordonnance de la Cour

Court may stipulate procedure

(2) La Cour peut assortir l’ordonnance visée au paragraphe (1) de directives concernant les procédures à suivre, notamment pour la tenue d’un interrogatoire préalable et la communication de documents.

(2) In an order under subsection (1), the Court may give directions regarding the procedures to be followed, including those applicable to examinations for discovery and the discovery of documents.

[111] Les principes régissant les requêtes en instruction distincte des questions en litige ne sont pas vraiment contestés. La question ultime est de savoir si, à la lumière de la preuve et de l’ensemble des circonstances de l’espèce, l’instruction distincte des questions en litige est davantage susceptible que le contraire de permettre d’apporter au litige une solution qui soit juste et la plus expéditive et économique (Illva Saronno SpA c Privilegiata Fabbrica Maraschino « Excelsior », [1998] ACF no 1500 au para 14; Merck et Cie Inc c Brantford Chemicals Inc, 2004 CF 1400 [Merck] au para 4; Apotex Inc c Bristol-Myers Squibb Co, 2003 CAF 263 [Apotex] aux para 3, 10; Règles, art 3). Au nombre des [traduction] « facteurs pratiques et économiques à prendre en considération » qui entrent en ligne de compte dans la présente analyse, il y a lieu de mentionner ce qui suit : la complexité des questions à juger; le point de savoir si les questions sont nettement distinctes ou inextricablement liées; le point de savoir si cette mesure peut permettre de gagner du temps ainsi que de réaliser des économies et est avantageuse, ou si elle peut plutôt entraîner des coûts et des délais supplémentaires; le point de savoir si l’instruction du premier volet peut mettre un terme à l’action et/ou faciliter le règlement des autres questions (Merck, aux para 5–7).

[112] Une partie à un litige a le « droit fondamental » d’obtenir le règlement de toutes les questions en litige dans le cadre d’un seul et même procès (Apotex, au para 7). Ce droit est nuancé par l’article 3 de Règles et par l’acceptation du fait que la Cour doit contrôler sa propre procédure pour favoriser un accès expéditif et abordable au système de justice civile (Tracbeam, LLC c Bell Mobility Inc, [2019] ACF no 1615 aux para 16–18, citant l’arrêt Hryniak c Mauldin, 2014 CSC 7 au para 2). Néanmoins, comme l’instruction distincte des questions en litige constitue une mesure qui s’écarte de la pratique habituelle, il incombe à la partie qui la demande de démontrer que l’instruction distincte des questions en litige est justifiée dans les circonstances (Apotex, aux para 7, 10; Merck, au para 4).

(2) L’instruction distincte des questions en litige proposée par Farmers Edge

[113] La forme la plus courante d’instruction distincte des questions en litige, en particulier dans les instances relevant de la Loi sur les brevets, prévoit l’instruction distincte, dans un premier temps, des questions relatives à la responsabilité, puis, dans un deuxième temps, de celles concernant les dommages-intérêts. Selon la nature des questions en litige dans l’action, le volet consacré à la responsabilité consiste habituellement à déterminer si le brevet est valide et s’il a été contrefait, et peut comprendre un examen du droit du demandeur à une injonction ou à d’autres mesures de réparation. Si le demandeur obtient gain de cause, la phase consacrée aux dommages-intérêts portera sur leur montant et elle pourra porter aussi sur la faculté pour le demandeur de choisir une restitution des bénéfices, si cette question n’a pas déjà été abordée à l’étape de l’examen de la responsabilité, ainsi que sur le montant de ces bénéfices.

[114] Ce n’est cependant pas la seule façon de scinder une action. L’article 107 des Règles ne limite pas la Cour à une seule méthode de disjonction, dès lors que la méthode retenue permet d’apporter au litige une solution qui soit juste et la plus expéditive et économique.

[115] L’instruction distincte des questions en litige proposée par Farmers Edge est d’un tout autre ordre. Elle propose que la première phase de l’instruction porte sur la question de savoir : (i) si le système FarmCommand, tel qu’il existait avant la mise à jour d’avril 2021, contrefaisait les revendications de système invoquées; (ii) si le brevet 742 est invalide pour cause d’antériorité, d’évidence et de portée excessive (moyens qui ont déjà été invoqués); (iii) les questions de paternité et de copaternité de l’invention ainsi que de droits d’atelier invoquées par Farmers Edge. La seconde phase porterait sur : (i) la question de savoir si le système FarmCommand et/ou le dispositif CanPlug contrefaisaient les revendications de système ou les revendications de dispositif du brevet 742 après les mises à jour d’avril et de juillet 2021; (ii) les dommages-intérêts et les réparations en equity, y compris une injonction; (iii) [TRADUCTION] « toute autre question plaidée autorisée par la Cour » à la suite des requêtes en modification des parties. Farmers Edge a confirmé que cette troisième catégorie inclurait les moyens de défense supplémentaires qu’elle a tenté d’invoquer au sujet de la validité, y compris en ce qui concerne les revendications de système.

[116] Je suis d’accord avec Farmobile pour dire que l’instruction distincte des questions en litige proposée par Farmers Edge ne vise pas simplement à faire instruire en août 2022 les questions qui s’étaient « cristallisées » avant la mise à jour d’avril 2021. Au moment où l’affaire devait être instruite, en avril 2021, l’instruction devait porter sur toutes les questions, y compris les dommages-intérêts et les autres réparations. Les parties avaient déposé des rapports d’expert sur les dommages-intérêts à cette fin précise. Farmers Edge propose maintenant que même ces questions soient reportées à une autre instruction, qui ne pourrait avoir lieu avant au moins tard dans l’année 2023.

(3) L’instruction distincte des questions en litige proposée par Farmers Edge n’est pas justifiée

[117] Farmers Edge soulève trois principaux arguments à l’appui de sa requête en instruction distincte des questions en litige. Tout d’abord, elle affirme que la date d’instruction d’août 2022 ne peut être maintenue si elle doit viser toutes les questions. Ensuite, elle fait valoir que l’instruction distincte des questions en litige ne causera aucun préjudice à Farmobile. Enfin, elle fait valoir que l’instruction distincte sera plus efficace et plus économique. Pour les motifs ci-après exposés, je n’accepte pas ces arguments.

a) La date d’instruction d’août 2022 peut être maintenue

[118] Les parties ont déjà échangé des rapports d’expert concernant la mise à jour d’avril 2021. Comme il a déjà été souligné, il reste un différend concernant le logiciel serveur en lien avec la mise à jour de juillet 2021, au sujet duquel la juge responsable de la gestion de l’instance Ring a mis l’affaire en délibéré. Compte tenu de ce différend, les parties n’ont pas encore échangé de rapports d’expert concernant la mise à jour de juillet 2021, mais je ne vois pas pourquoi ces rapports devraient retarder l’instruction. Je relève que, bien que Farmobile ait informé la Cour, dans l’ordre du jour de la conférence de gestion de l’instance du 21 octobre 2021, que M. Edwards avait besoin que certains documents soient produits et qu’un interrogatoire préalable ait lieu avant de mettre la dernière main à son rapport relatif à la contrefaçon concernant la mise à jour de juillet 2021, Farmobile m’a bien indiqué, dans ses observations à mon intention, que le rapport de M. Edwards pouvait être remis avant tout interrogatoire préalable portant sur la mise à jour de juillet 2021.

[119] Farmers Edge prétend que la date d’instruction d’août 2022 n’est pas réaliste, compte tenu : (i) de sa propre demande de documents en réponse aux modifications qu’elle propose à ses actes de procédure; (ii) de la nécessité que des documents soient produits et qu’un interrogatoire préalable ait lieu au sujet des modifications; (iii) de l’interrogatoire des inventeurs, y compris une probable requête en vue d’obtenir une lettre rogatoire; (iv) de la communication préalable et d’autres rapports d’expert sur le dispositif CanPlug de Farmers Edge ainsi que le dispositif PUC et les données financières de Farmobile; (v) d’une analyse actualisée des redevances et des dommages-intérêts; (vi) de l’historique des requêtes inutiles qui ont marqué la présente affaire et que Farmers Edge attribue au [traduction] « refus systématique de collaborer » de Farmobile.

[120] Comme il a déjà été expliqué, bon nombre de ces mesures ne sont pas nécessaires à la lumière de mes conclusions sur les requêtes en modification des parties. En particulier, je rejetterai la requête présentée par Farmers Edge en vue de modifier ses actes de procédure pour y ajouter divers moyens de défense qui auraient nécessité des interrogatoires préalables et la communication préalable d’autres documents d’une vaste portée qui fondent son argument selon lequel la date d’instruction d’août 2022 n’est pas réaliste. Selon les actes de procédure modifiés que j’autoriserai, la date d’instruction d’août 2022 devrait facilement être réalisable, en particulier avec des plaideurs avisés représentés par des avocats chevronnés et expérimentés. Bien qu’il reste certainement des doutes, compte tenu de la propension des parties à multiplier les requêtes interlocutoires, je suis confiant qu’avec l’habile gestion de l’instance que la juge responsable de la gestion de l’instance Ring continuera à assurer, et avec l’engagement des parties de faire diligence pour que l’affaire procède efficacement jusqu’au procès, il n’y a aucune raison de penser que l’instruction n’aura pas lieu en août 2022.

[121] Il convient de souligner à ce stade-ci que les parties connaissent la date d’instruction d’août 2022 depuis juillet 2021. Elles sont parties à la présente action depuis 2017. Les dates d’instruction sont en règle générale fixées par la Cour bien à l’avance pour permettre aux parties de prendre les mesures nécessaires pour parvenir raisonnablement à l’instruction d’une manière ordonnée. Lorsque des dates d’instruction sont fixées, elles sont bloquées et ne peuvent être utilisées par d’autres plaideurs qui souhaitent eux aussi de faire entendre leur cause. Il incombe aux parties de tout mettre en œuvre pour être prêtes pour l’instruction à la date prévue, notamment par la conduite raisonnable des étapes préalables à l’instruction.

[122] Je note que les deux parties ont évoqué la possibilité que Farmers Edge mette en œuvre une autre solution non contrefaisante après avoir reçu un rapport d’expert, dans lequel M. Edwards conclurait que le système FarmCommand et/ou le dispositif CanPlug continuent de contrefaire le brevet 742. Si une telle autre mise à jour du logiciel était effectuée, on pourrait aborder la question à ce moment-là. Comme je l’ai déclaré dans d’autres contextes, les modifications apportées à un logiciel ne doivent pas nécessairement entraîner l’ajournement de l’instruction (voir Guest Tek Interactive Entertainment Ltd c Nomadix, Inc, 2021 CF 276 aux para 412–416). Je suis certainement sensible à l’affirmation de Farmers Edge selon laquelle elle doit être autorisée à modifier son logiciel pour éviter la contrefaçon. De fait, il semblerait étrange que Farmobile insiste pour dire que Farmers Edge ne peut pas modifier son logiciel, continuant ainsi la contrefaçon (selon ce qu’affirme Farmobile), permettant ainsi à Farmobile d’obtenir lors de l’instruction une injonction interdisant à Farmers Edge de contrefaire. Je suis également sensible à l’argument de Farmobile selon lequel, à un moment donné, les questions qui seront examinées lors de l’instruction doivent être fixées, afin que les parties puissent procéder à l’instruction d’une manière ordonnée. Ces questions ne peuvent être examinées que dans leur contexte, au fur et à mesure qu’elles se présentent.

b) Le préjudice causé à Farmobile

[123] Farmers Edge fait valoir que Farmobile ne serait pas lésée par l’obtention tardive d’une injonction, parce qu’elle pourrait se faire indemniser par des dommages-intérêts pour ce retard, d’autant plus que Farmobile n’a pas demandé d’injonction interlocutoire et qu’elle ne peut donc faire valoir qu’elle subirait un préjudice irréparable. À mon avis, ces arguments sont hors de propos. Le préjudice découlant du fait que l’instruction est encore retardée est une question différente du préjudice irréparable pour les besoins d’une injonction interlocutoire.

[124] Je ne peux pas non plus accepter l’argument de Farmers Edge selon lequel Farmobile ne peut pas se plaindre d’un retard, du fait qu’elle a contesté la requête en jugement sommaire de Farmers Edge à la mi-2020. Un demandeur qui estime qu’une affaire ne se prête pas à un jugement sommaire ou qui n’a pas demandé d’injonction interlocutoire a tout de même le droit de réclamer une date d’instruction rapide.

[125] La présente affaire a été mise au rôle en 2020, et encore une fois en 2021. Les parties sont généralement en droit de s’attendre à ce que leurs affaires soient jugées dans un délai raisonnable. Je suis convaincu qu’un certain préjudice serait causé simplement par le retard inhérent à un nouveau report des demandes de réparations de Farmobile.

[126] À cet égard, je suis convaincu que l’affidavit souscrit par Harley Janssen, déposé par Farmobile, renforce l’existence d’un préjudice. M. Janssen est vice-président à la clientèle et aux produits chez Farmobile. Dans son affidavit, il souligne l’importance des saisons de croissance pour les entreprises en technologies agricoles, ce qui complique pour le client la transition d’une technologie à l’autre, une fois que celui-ci en a choisi une pour une saison de croissance. Bien que M. Janssen ne se soit joint à Farmobile qu’en septembre 2021, cet aspect de sa preuve repose sur sa vaste expérience dans l’industrie agricole et n’a pas été remis en question, ni même abordé de manière notable, lors du contre-interrogatoire.

[127] Je conclus donc que l’instruction distincte des questions en litige causerait un certain préjudice à Farmobile. Bien que la preuve ne soit pas abondante sur cette question et que le préjudice allégué ne soit pas considérable, cela demeure un facteur qui milite contre l’instruction distincte des questions en litige proposée.

[128] Il vaut la peine de s’arrêter ici pour aborder l’affidavit souscrit par M. Janssen et le contre-interrogatoire dont il a fait l’objet de la part de Farmers Edge. Farmers Edge fait valoir que l’on devrait écarter la preuve de M. Janssen, étant donné son manque de connaissance directe d’un certain nombre des questions qu’il soulève. Cela comprend les désagréments subis par l’avocate générale de Farmobile, Me Archer, en raison de l’ajournement d’avril 2021, et l’intérêt probable de Farmobile à régler l’affaire si celle-ci est scindée. Farmers Edge prétend également que le déroulement du contre-interrogatoire auquel elle a soumis M. Janssen a été entravé par le refus de questions irrégulières, ajoutant que Farmobile a procédé à un réinterrogatoire irrégulier.

[129] Après avoir examiné l’affidavit souscrit par M. Janssen et la transcription du contre-interrogatoire, j’ai quelques observations à formuler. Premièrement, la preuve de M. Janssen concernant les désagréments subis par Me Archer et par d’autres personnes en raison de l’ajournement de dernière minute d’avril 2021 est en grande partie non pertinente à l’égard de la présente requête en instruction distincte des questions en litige. On ne saurait douter que l’ajournement tardif d’une instruction est susceptible de causer des désagréments aux personnes concernées. C’est un facteur dont les parties ont sans doute tenu compte lorsqu’elles ont consenti à l’ajournement. Cependant, ce facteur n’a que peu ou pas d’incidence sur la requête actuelle en instruction distincte des questions en litige ou en ajournement.

[130] Deuxièmement, même si Farmers Edge avait le droit de contre-interroger M. Janssen au sujet de ces informations non pertinentes, puisqu’elles figuraient dans son affidavit, l’interrogatoire serré qu’elle a fait subir à M. Janssen au sujet de ses connaissances et de la capacité de Me Archer de souscrire son propre affidavit sur ces informations non pertinentes n’était pas non plus pertinent et n’était d’aucune utilité pour la Cour. La Cour ne comprend tout simplement pas pourquoi Farmers Edge a jugé nécessaire de contester la preuve selon laquelle un ajournement de dernière minute causait des désagréments ou qu’en avril 2021, en particulier, cet ajournement avait entraîné des désagréments supplémentaires en raison des exigences relatives aux tests de dépistage de la COVID-19.

[131] La Cour ne comprend pas non plus pourquoi Farmers Edge a jugé nécessaire ou utile d’exiger que M. Janssen produise lors de son interrogatoire [traduction] « des factures, des billets, des itinéraires de voyage et d’autres documents à l’appui montrant que Me Archer était venue au Canada en prévision de l’instruction d’avril 2021 et qu’elle avait été retardée lorsqu’elle a voulu rentrer aux États-Unis », comme elle l’a fait dans son assignation à comparaître, ni la raison pour laquelle, dans la transcription, plusieurs pages sont consacrées au fait de demander pourquoi on n’avait pas cherché et produit ces documents. Rien de tout cela ne donne à entendre qu’il y a eu une approche efficace ou ciblée relativement à la présente requête ou au litige en général. Cela n’étaye certainement pas la prétention de Farmers Edge que les retards subis dans le présent procès sont uniquement attribuables au refus de collaborer de la part de Farmobile. Le contre-interrogatoire mené sur ce point ou sur des questions de « stratégie de règlement » ne m’amène pas non plus à rejeter le témoignage de M. Janssen sur la question plus pertinente et plus fondamentale des incidences des retards sur une entreprise de technologie agroalimentaire.

c) L’instruction distincte des questions en litige est peu pratique et inefficace

[132] Farmers Edge fait valoir que l’instruction distincte des questions en litige qu’elle propose serait plus efficace et plus économique, permettant ainsi à la Cour et aux parties d’économiser des frais importants. Je ne suis pas de cet avis.

[133] À titre préliminaire, la suggestion de Farmers Edge d’être autorisée à présenter certains arguments relatifs à l’invalidité lors de la première instruction et d’attendre, avant de faire valoir d’autres arguments relatifs à l’invalidité, que la Cour constate, le cas échéant, qu’elle a contrefait certaines des revendications semble totalement irréalisable et inéquitable. En plus de devoir rappeler les témoins experts pour qu’ils se prononcent sur des questions connexes, la Cour se verrait ainsi obligée de tenter de se prononcer sur la contrefaçon de revendications dont la validité n’aurait pas encore été déterminée de façon définitive, tout en exposant Farmobile à une présentation séquentielle d’arguments relatifs à l’invalidité. Cependant, étant donné mon refus d’autoriser d’autres arguments relatifs à l’invalidité, cette question n’est plus déterminante.

[134] Étant donné que les actes de procédure resteront en l’état selon les conclusions que j’ai tirées au sujet des requêtes en modification, les questions qui feraient l’objet d’une instruction distincte ultérieure seraient les allégations de contrefaçon se rapportant aux mises à jour d’avril 2021 et de juillet 2021, ainsi que les questions de réparation.

[135] En ce qui a trait aux premières questions, je ne vois aucun avantage à convoquer de nouveau des experts et des témoins profanes lors d’une deuxième instruction pour aborder d’autres allégations de contrefaçon concernant des revendications de brevet connexes qui, dans certains cas, se chevauchent, ainsi que des logiciels et des systèmes matériels qui seront essentiellement les mêmes. Les questions sont de toute évidence inextricablement liées. Instruire séparément les questions relatives à la contrefaçon signifierait que les témoins, les experts, les avocats et la Cour devraient tous se remettre à jour sur les mêmes technologies et aborder de nouveau certaines des mêmes questions, même en supposant que les mêmes avocats et le même juge participent à la deuxième instruction.

[136] Quant aux dernières questions, comme il a déjà été souligné, les parties ont déjà déposé des rapports au sujet des dommages-intérêts. Même si d’autres rapports doivent être déposés, je ne vois aucun avantage important sur le plan de l’efficacité, à ce stade-ci, à reporter l’examen de ces questions à une deuxième instruction. Il ne serait pas non plus efficace de reporter à une date ultérieure les arguments concernant l’opportunité de rendre une injonction permanente.

[137] Il est certainement possible que la seconde instruction soit rendue totalement inutile, en raison d’une ou plusieurs des questions que Farmers Edge propose à la Cour de trancher lors de la première instruction. Si, par exemple, la Cour conclut que Farmers Edge est la titulaire légitime du brevet 742, ou que le brevet est entièrement invalide pour cause d’antériorité ou d’évidence, la seconde instruction ne serait nécessaire. Toutefois, ce facteur ne justifie pas à lui seul une approche séquentielle selon laquelle divers arguments sont soulevés à différentes étapes. Il faut également tenir compte de l’autre possibilité, en l’occurrence que Farmers Edge n’obtienne pas gain de cause sur ces questions, ainsi que de l’efficacité, dans ces conditions, de tenir une seconde instruction.

[138] En somme, je vois peu de raisons de scinder l’instance et de nombreuses raisons de faire en sorte que toutes les questions soient présentées, débattues et tranchées lors de l’instruction prévue pour août 2022.

C. L’instruction ne devrait pas être ajournée

[139] Subsidiairement à l’instruction distincte des questions en litige, Farmers Edge demande que l’instruction d’août 2022 soit ajournée. Elle prétend que l’instruction distincte des questions en litige et l’ajournement sont [traduction] « les seules options réalistes », étant donné qu’il est [traduction] « maintenant impossible que toutes les questions soient prêtes pour l’instruction [en] août 2022 ». Pour les motifs que j’ai déjà exposés, y compris mes conclusions sur les requêtes en modification et celles que j’ai tirées sur la capacité de respecter la date d’instruction d’août 2022, je ne suis pas d’accord avec cette prétention. Les parties peuvent et doivent être prêtes pour l’instruction d’août 2022. Il n’y a aucune raison de reporter les dates d’instruction prévues.

VII. Les dépens

[140] Chaque partie a sollicité les dépens à l’égard de chacune des requêtes, bien qu’aucune n’ait déposé de mémoire de frais ni formulé d’observations sur les dépens à la clôture de ce qui était déjà une longue journée d’audience.

[141] J’estime que Farmobile a obtenu partiellement gain de cause sur sa requête en modification. Farmers Edge, pour sa part, a été déboutée en grande partie de sa requête en modification. Elle a également été entièrement déboutée de sa requête en instruction distincte des questions en litige. Pour les motifs que j’ai déjà exposés, j’ai de sérieuses réserves quant à l’approche adoptée par Farmers Edge de tenter de soulever de nombreuses nouvelles questions à un stade aussi avancé de l’instance, lesquelles entraîneraient une communication préalable et des rapports d’expert supplémentaires, et de solliciter, en réalité, l’instruction distincte des questions en litige ou un ajournement en conséquence. Comme je l’ai déjà indiqué, je n’accepte pas la prétention de Farmers Edge selon laquelle les modifications qu’elle propose visent simplement à répondre aux revendications modifiées de Farmobile et à se défendre contre elles. Les revendications modifiées de Farmobile visaient à réagir aux modifications apportées par Farmers Edge au logiciel, lesquelles modifications avaient, à leur tour, été apportées en réaction aux affirmations de Farmobile et à la preuve des experts sur la contrefaçon. Rien de tout cela ne justifie la tentative de soulever des arguments relatifs à l’invalidité entièrement nouveaux ou de nouveaux moyens de défense fondés uniquement sur des spéculations ou sur de vielles déclarations non pertinentes au sujet de l’état antérieur de la technique.

[142] Tout compte fait, en tenant compte des facteurs énumérés au paragraphe 400(3) des Règles, et en particulier, des alinéas a), c), g), i) et k), je conclus que Farmers Edge devrait payer à Farmobile les dépens à l’égard des trois requêtes selon l’échelon supérieur de la colonne V, et que les honoraires de comparution pour les requêtes devraient être doublés pour tenir compte des services d’un second avocat.

VIII. Conclusion

[143] Pour les raisons mentionnées ci-dessus, la requête en modification de chacune des parties sera accueillie en partie et rejetée en partie, et la requête en instruction distincte des questions en litige ou en ajournement présentée par Farmers Edge sera rejetée.

[144] Comme les parties ont déjà préparé les modifications qu’elles proposent et qu’elles devraient être en mesure de les modifier conformément à la présente décision dans un délai assez court, je vais établir un calendrier serré pour la signification des actes de procédure modifiés, afin d’éviter tout retard supplémentaire. Chaque acte de procédure modifiée doit être signifié dans l’ordre, pour permettre à la partie adverse de s’assurer d’apporter les ajustements nécessaires à des questions telles que la numérotation des paragraphes. Les actes de procédure peuvent ensuite tous être déposés en même temps. Pour éviter, encore une fois, tout retard dans le déroulement de l’instance, toute étape ultérieure dans le cadre de l’instance peut procéder en fonction des actes de procédure modifiés conformément aux présents motifs, et ce, même avant que les modifications aient été signifiées.


ORDONNANCE DANS LE DOSSIER T-449-17

LA COUR ORDONNE :

  1. La requête présentée par Farmobile, LLC en vue d’être autorisée à modifier sa nouvelle déclaration modifiée et sa nouvelle réponse et défense reconventionnelle modifiée une deuxième fois est accueillie en partie, conformément aux motifs exposés.

  2. La requête présentée par Farmers Edge Inc en vue d’être autorisée à modifier sa nouvelle demande et défense reconventionnelle modifiée une deuxième fois et sa deuxième réponse modifiée à la défense reconventionnelle est accueillie en partie, conformément aux motifs exposés.

  3. La requête présentée par Farmers Edge Inc en vue d’obtenir l’instruction distincte des questions en litige ou, à titre subsidiaire, l’ajournement de l’instruction actuellement prévue pour le 8 août 2022 est rejetée.

  4. Les actes de procédure modifiés mentionnés ci-dessus seront signifiés selon le calendrier suivant :

Acte de procédure modifié

Au plus tard le

Déclaration modifiée une deuxième fois de Farmobile

13 janvier 2022

Nouvelle défense et demande reconventionnelle modifiée une troisième fois de Farmers Edge Inc

18 janvier 2022

Nouvelle réponse et défense reconventionnelle modifiée une troisième fois de Farmobile

21 janvier 2022

Réponse modifiée une troisième fois à la défense reconventionnelle de Farmers Edge Inc

26 janvier 2022

  1. Tous les actes de procédure modifiés susmentionnés doivent être déposés au plus tard le 28 janvier 2022. Les parties peuvent consentir à des modifications à ce calendrier, à condition que tous les actes de procédure soient déposés au plus tard le 1er février 2022.

  2. Toute étape ultérieure dans le cadre de l’instance peut procéder en tenant pour acquis que les modifications mentionnées ci-dessus ont été effectuées, même avant la date de signification ou de dépôt.

  3. Les dépens à l’égard des trois requêtes sont adjugés à Farmobile, LLC, selon l’échelon supérieur de la colonne V, et les honoraires de comparution pour les requêtes sont doublés pour tenir compte des services d’un second avocat.

« Nicholas McHaffie »

Juge

Traduction certifiée conforme

C. Laroche, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-449-17

 

INTITULÉ :

FARMOBILE LLC c FARMERS EDGE INC

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Audience tenue par VIDéOCONFéRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 20 décembre 2021

 

Ordonnance et motifs :

Le juge MCHAFFIE

 

DATE DE L’ORDONNANCE

ET DES MOTIFS :

le 10 janvier 2022

 

COMPARUTIONS :

Scott Foster

Mathew Brechtel

Joan Archer

R. Nelson Godfrey

Nicholas James

 

POUR LA DEMANDERESSE/DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

Kendra Levasseur

James S. S. Holton

David Tait

Jasmine Godfrey

 

POUR LA DÉFENDERESSE/DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Seastone IP LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

et

Gowling WLG (Canada) LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE/DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

McCarthy Tétrault srl

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE/DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

 

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