Dossier : IMM‑5936‑20
Référence : 2022 CF 262
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 24 février 2022
En présence de monsieur le juge Zinn
ENTRE :
|
THUSYANTHAN SUTHAKAR
|
demandeur
|
et
|
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
|
défendeur
|
JUGEMENT ET MOTIFS
[1] Le demandeur, Thusyanthan Suthakar, est un citoyen sri‑lankais d’origine tamoule. Il demande à la Cour d’annuler la décision concernant sa demande d’examen des risques avant renvoi [l’ERAR], car l’agent qui a rendu cette décision a tiré des conclusions défavorables quant à la crédibilité, ce qui aurait dû entraîner la tenue d’une audience, et car la décision est par ailleurs déraisonnable compte tenu de la preuve dont l’agent disposait.
[2] Pour les motifs qui suivent, je n’accepte pas les observations du demandeur et je rejetterai la présente demande de contrôle judiciaire.
Le contexte
[3] Le demandeur est arrivé au Canada en 2005 à titre de résident permanent et de personne à charge de sa mère, une réfugiée.
[4] Il soutient avoir été arrêté par la police en 2010 alors qu’il était en visite au Sri Lanka pour assister à un mariage. Une personne dans son village l’aurait pris pour son cousin, un membre des Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul [les TLET]. Le demandeur affirme avoir été photographié par le Service des enquêtes criminelles (Criminal Investigation Department) [le CID] de la police du Sri Lanka et détenu pendant deux jours, jusqu’à ce que sa tante paie un pot‑de‑vin.
[5] Lors de cette même visite au Sri Lanka, le demandeur a perdu sa carte de résident permanent et son permis de conduire. Un rapport rédigé par la police du Sri Lanka au sujet des documents perdus a été fourni et une détermination du statut de résident permanent a été effectuée à Colombo. En fin de compte, le demandeur a été en mesure de revenir au Canada.
[6] Le demandeur affirme avoir participé au Canada à des manifestations contre le gouvernement du Sri Lanka dans le cadre desquelles il aurait été filmé par la GRC. Selon le demandeur, comme les autorités sri‑lankaises surveillent les Tamouls à l’étranger, il est probable qu’elles soient au courant de ses activités antigouvernementales.
[7] Le 22 septembre 2014 ou vers cette date, le demandeur a été déclaré coupable de voies de fait, d’agression armée et d’agression sexuelle. Par conséquent, il a été interdit de territoire pour grande criminalité et a perdu son statut de résident permanent.
[8] Le demandeur a présenté une demande d’ERAR en mars 2016.
La décision contestée
[9] Le demandeur a fourni des documents qui avaient été soumis dans le cadre de la demande d’asile présentée par sa mère en 1999. Toutefois, l’agent a jugé que les éléments de preuve n’étaient pas suffisants pour démontrer que l’évaluation des circonstances de sa mère à l’époque s’applique aux risques auxquels il serait personnellement exposé.
[10] L’agent a pris acte de l’argument du demandeur selon lequel les autorités sri‑lankaises procèdent toujours à l’arrestation, à la vérification et à l’interrogation des gens qui, comme lui, retournent au Sri Lanka avec un document de voyage provisoire.
[11] L’agent a évalué l’intérêt que présenterait le demandeur aux yeux des autorités sri‑lankaises et tenu compte des documents de police fournis par le demandeur au sujet de la perte de sa carte de résidence permanente et de son permis de conduire en 2010. L’agent a souligné que les documents ne faisaient pas état d’un intérêt particulier de la police pour le demandeur. En outre, les documents étaient adressés à l’ambassade canadienne et le demandeur n’avait pas précisé la façon dont ils étaient entrés en sa possession.
[12] Selon l’agent, le demandeur n’a pas fourni [traduction]°d’« éléments de preuve objectifs »
démontrant qu’il a été détenu par la police sri‑lankaise en 2010, qu’il a été photographié par le CID ou qu’il a participé à des manifestations contre le gouvernement du Sri Lanka.
[13] L’agent a ensuite examiné la preuve fournie par le demandeur à l’égard de la situation au Sri Lanka ainsi que les [traduction]°« sources objectives récentes attestant la situation actuelle au Sri Lanka »
qui ont été publiées après la réception de la demande.
[14] Les documents sur la situation au Sri Lanka indiquent que les Tamouls y sont à risque de violations des droits de la personne et de discrimination de la part du gouvernement et des forces armées. L’agent a cité un rapport de juillet 2016 préparé par le ministère de l’Intérieur du Royaume‑Uni (Home Office) [le rapport du ministère de l’Intérieur] qui précisait que des personnes soupçonnées d’avoir des liens avec les TLET avaient été arrêtées et détenues de 2010 à 2012. L’agent a décrit les procédures de contrôle de sécurité auxquelles doivent se soumettre les personnes quittant le Sri Lanka. Selon le rapport du ministère de l’Intérieur, six procédures de vérification de l’identité sont effectuées, avant le départ, par la compagnie aérienne et le service de sécurité de l’aéroport.
[15] En ce qui concerne les personnes qui retournent au Sri Lanka munies de documents de voyage temporaires, l’agent a retenu la preuve suivante, tirée d’une réponse à une demande d’information [la RDI] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (novembre 2017) :
[L]a police mène un processus d’enquête afin de confirmer leur identité, ce qui permet de déterminer si une personne a tenté de cacher son identité parce qu’elle a des antécédents criminels ou terroristes ou tente de se soustraire à des ordonnances de la cour ou à des mandats d’arrestation. Ce processus comprend souvent une entrevue avec le passager de retour au pays, une communication avec le service de police de la ville ou de la banlieue dont le passager soutient être originaire, une communication avec les voisins et les membres de la famille allégués du passager et une vérification des casiers et dossiers judiciaires.
[16] L’agent a conclu que la preuve ne permettait pas de prouver que les autorités sri‑lankaises s’intéressaient au demandeur. Par conséquent, il a estimé que le demandeur n’était pas personnellement exposé à un risque.
[17] L’agent a souligné que le demandeur a été en mesure de quitter sans problème le Sri Lanka en 2010 avec son propre passeport et qu’il n’a pas précisé avoir été interrogé ou détenu à son retour au Sri Lanka la même année ni à son départ. L’agent a estimé qu’il était [traduction]°« raisonnable de penser que, si le demandeur avait vraiment été dans la mire des autorités sri‑lankaises en raison de ses activités ou de son soutien présumés en lien avec les TLET, il n’aurait pas été mis en liberté ou autorisé à quitter le pays sans heurt »
. L’agent a reconnu que le demandeur pourrait devoir répondre à des questions à l’aéroport, mais a conclu qu’aucun élément de preuve objectif ne laisse croire qu’il y serait à risque de persécution ou de préjudice.
Les questions en litige
[18] Le demandeur soulève les questions suivantes :
Était‑il déraisonnable de la part de l’agent d’exiger que le demandeur présente des
« éléments de preuve objectifs »
?3. L’agent a‑t‑il rendu une décision sans tenir compte des éléments de preuve dont il disposait?
L’agent a‑t‑il commis une erreur en ne donnant pas au demandeur l’occasion de répondre à des documents qui ont été créés plus de 18 mois après la soumission de ses observations?
La norme de contrôle applicable
[19] Selon le défendeur, la norme de contrôle applicable aux décisions relatives à l’ERAR est celle de la décision raisonnable. Je conviens que cette norme s’applique à l’évaluation relative à l’ERAR effectuée par l’agent. Toutefois, les questions d’équité procédurale sont assujetties à une norme plus exigeante.
[20] Au paragraphe 79 de l’arrêt Établissement de mission c Khela, 2014 CSC 24, la Cour suprême du Canada a affirmé que « la norme applicable à la question de savoir si la décision a été prise dans le respect de l’équité procédurale sera toujours celle de la “décision correcte” ».
[21] Au paragraphe 10 de la décision Zmari c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 132 [Zmari], le juge Boswell a noté que « [l]a norme de contrôle applicable quant à savoir si une audience est requise dans le cadre d’une détermination ERAR reste exposée à une remise en question [puisque] [l]es décisions récentes de la Cour à cet égard divergent »
. Pour certains juges, il s’agit d’une question de droit et de fait, alors que pour d’autres, il s’agit d’une question d’équité procédurale.
[22] À mon avis, la nécessité de tenir une audience relève essentiellement de l’équité procédurale. Par conséquent, les questions de savoir si l’agent aurait dû tenir une audience avant d’en arriver à une conclusion défavorable à l’égard de la crédibilité et s’il aurait dû donner l’occasion au demandeur de répondre aux nouveaux documents sur la situation au pays soulèvent toutes deux des manquements allégués à l’équité procédurale et seront examinées selon la norme de la décision correcte.
1.
L’agent a‑t‑il commis une erreur en tirant une conclusion défavorable quant à la crédibilité, ce qui aurait dû entraîner la tenue d’une audience?
[23] Selon l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (DORS/2002‑227), la tenue d’une audience est requise si des éléments de preuve soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur, si ces éléments de preuve sont importants pour la prise de décision et si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection. Le demandeur soutient qu’une audience est systématiquement requise lorsque la crédibilité est remise en cause, peu importe les autres facteurs énumérés (voir Zmari, au para 17; Tekie c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 27 au para 16).
[24] Le demandeur fait observer que « [s]i la Cour a reconnu qu’il existe une différence entre une conclusion défavorable concernant la crédibilité et une conclusion d’insuffisance de la preuve, elle a aussi parfois conclu qu’un agent avait incorrectement formulé de véritables conclusions relatives à la crédibilité comme s’il s’agissait de conclusions d’insuffisance de la preuve et que, en conséquence, la tenue d’une audience aurait dû être accordée »
(Strachn c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 984 au para 34, citant Zokai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1103, Liban c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1252, et Haji c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 889).
[25] Le demandeur allègue avoir déjà été détenu par les autorités sri‑lankaises, avoir été photographié pendant cette détention et avoir participé à des manifestations contre le gouvernement du Sri Lanka. Toutefois, l’agent s’est demandé si ces événements avaient vraiment eu lieu. Selon le demandeur, cette remise en question signifie que l’agent doutait clairement de sa crédibilité. En outre, il soutient que l’agent a jeté un doute sur [traduction]°« la crédibilité de la déclaration du demandeur selon laquelle il serait recherché en raison de son appartenance présumée aux TLET »
.
[26] Le demandeur affirme également que le refus de l’agent de croire son récit, en raison de l’absence d’éléments de preuve objectifs corroborants, constitue une conclusion voilée quant à la crédibilité.
[27] Selon le défendeur, et je suis d’accord avec lui, la décision ne remet pas en question la crédibilité du demandeur, mais souligne plutôt l’insuffisance de la preuve fournie.
[28] Les conclusions de l’agent portent expressément sur la question du caractère suffisant de la preuve et la décision ne semble pas à première vue reposer sur une conclusion voilée quant à la crédibilité. L’agent n’a pas relevé de contradictions dans les déclarations du demandeur ni laissé entendre que celui‑ci ne disait pas la vérité.
[29] Dans la décision Ferguson c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1067, j’ai écrit ce qui suit au paragraphe 27 :
La preuve présentée par un témoin qui a un intérêt personnel dans la cause peut aussi être évaluée pour savoir quel poids il convient d’y accorder, avant l’examen de sa crédibilité, parce que généralement, ce genre de preuve requiert une corroboration pour avoir une valeur probante. S’il n’y a pas corroboration, alors il pourrait ne pas être nécessaire d’évaluer sa crédibilité puisque son poids pourrait ne pas être suffisant en ce qui concerne la charge de la preuve des faits selon la prépondérance de la preuve. Lorsque le juge des faits évalue la preuve de cette manière, il ne rend pas de décision basée sur la crédibilité de la personne qui fournit la preuve; plutôt, le juge des faits déclare simplement que la preuve qui a été présentée n’a pas de valeur probante suffisante, soit en elle‑même, soit combinée aux autres éléments de preuve, pour établir, selon la prépondérance de la preuve, les faits pour lesquels elle est présentée.
[30] En l’espèce, le demandeur a fait des déclarations intéressées. Ce type d’argument doit habituellement être corroboré pour avoir une valeur probante suffisante. La décision de l’agent à l’égard du témoignage du demandeur et du manque d’éléments de preuve objectifs porte, à mon avis, sur une évaluation du caractère suffisant de la preuve et sur l’absence de corroboration, et non sur une évaluation de la crédibilité.
[31] Il n’est pas incohérent d’accepter le témoignage du demandeur selon lequel il serait soupçonné d’être un membre des TLET et de conclure qu’il est peu probable que les autorités sri‑lankaises le soupçonnent de faire partie des TLET. Le témoignage du demandeur s’appuie sur une croyance subjective. Celui‑ci croit qu’il sera ciblé. Même s’il est sincèrement convaincu de cette possibilité, elle n’est pas pour autant objectivement réelle. L’agent peut à sa guise examiner les circonstances et des éléments de preuve supplémentaires pour déterminer si cette croyance subjective est fondée.
2.
Était‑il déraisonnable de la part de l’agent d’exiger que le demandeur présente des « éléments de preuve objectifs »?
[32] Le demandeur soutient que, même si l’agent avait conclu au caractère suffisant de la preuve, il était déraisonnable de sa part de demander des éléments de preuve objectifs liés à sa détention. Selon le demandeur, les circonstances sont similaires à celles de l’affaire Sierra c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CF 441 [Sierra].
[33] Dans l’affaire Sierra, les demandeurs soutenaient qu’ils couraient un risque d’être victimes d’actes de violence aux mains d’un groupe criminel. L’agent a accordé peu de poids à la preuve corroborante relative à la violence qui avait été fournie par le cousin de l’un des demandeurs parce qu’elle ne provenait pas d’une source impartiale et désintéressée par l’issue de la demande. Le juge Favel a conclu que l’agent avait ainsi agi de manière déraisonnable. Au paragraphe 32, il a noté qu’« [i]l est difficile de produire des éléments de preuve qui satisferont un agent, surtout dans les cas où des témoins ont des raisons de ne pas communiquer avec la police et d’obtenir un appui objectif à leur demande au moyen d’un rapport de police officiel ou d’un autre document »
.
[34] Le demandeur soutient qu’il était déraisonnable de la part d’un agent d’exiger qu’une personne ayant été détenue par des autorités sans motif valable et mise en liberté grâce à un pot‑de‑vin communique avec ces autorités pour obtenir une confirmation de la détention.
[35] Je suis d’accord avec le demandeur pour dire qu’il était déraisonnable de s’attendre à ce qu’il demande des éléments de preuve objectifs aux autorités sri‑lankaises, mais celui‑ci aurait pu présenter d’autres éléments de preuve. Par exemple, il aurait pu demander à sa tante qui a payé le pot‑de‑vin, et était donc au courant de la détention, de rédiger une lettre à cet égard. Il est possible que l’agent ne considère pas cette preuve comme faisant partie des éléments « objectifs »
, mais je suis d’avis que l’agent souhaitait surtout obtenir une preuve corroborante, conformément à la jurisprudence de notre Cour.
3. L’agent a‑t‑il rendu une décision sans tenir compte des éléments de preuve dont il disposait?
[36] Le demandeur est d’avis que l’agent a tiré des conclusions sans tenir compte des éléments de preuve concernant son arrestation s’il retourne au Sri Lanka. Le demandeur estime que ces éléments démontrent que les personnes arrêtées sont fréquemment torturées. La principale question était donc de savoir s’il serait arrêté ou non.
[37] Le demandeur souligne que l’agent s’est fié à la RDI, qui avait comme source un rapport du ministère des Affaires étrangères de l’Australie. D’après ce rapport, les personnes qui retournent au Sri Lanka munies de documents de voyage temporaires font l’objet d’une « entrevue »
, mais ne subissent pas de mauvais traitements à l’aéroport.
[38] Le demandeur estime que l’agent a commis une erreur en ne tenant pas compte du traitement qu’il pourrait subir après sa sortie de l’aéroport. Le demandeur soutient que l’agent a ignoré la preuve tirée d’un rapport publié par l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés [le rapport de l’OSAR] qui confirme que les personnes soupçonnées d’être membres des TLET sont arrêtées après leur sortie de l’aéroport et qui atteste l’existence de cas d’enlèvement, de torture et d’agression sexuelle de personnes qui s’étaient vu refuser l’asile et qui étaient retournées au Sri Lanka.
[39] Le demandeur soutient également que l’agent a ignoré la preuve contenue dans la RDI elle‑même. Il cite le rapport de l’OSAR selon lequel « les personnes de retour avec un document de voyage temporaire sont toujours arrêtées, interrogées et minutieusement contrôlées par les autorités sri‑lankaises »
, car un document de voyage temporaire permet aux autorités de croire que son titulaire a quitté le pays illégalement. Selon le demandeur, le risque qu’il court est beaucoup plus grand que de faire l’objet d’une simple « entrevue »
; il risque d’être [traduction]°« arrêté et interrogé »
.
[40] Aucune erreur n’a été commise dans l’appréciation de la preuve. Comme l’agent a conclu que le demandeur ne serait pas soupçonné de faire partie des TLET, il n’avait pas à évaluer les risques courus par les personnes soupçonnées d’être membres des TLET. Quant aux circonstances qui attireraient l’attention des autorités, le retour avec un document de voyage temporaire était le seul élément que le demandeur est parvenu à démontrer. Seuls les risques associés à cette situation devaient être évalués. L’agent a agi raisonnablement en procédant à cette évaluation.
[41] Je note que le demandeur fait valoir qu’un rapport de Human Rights Watch indique que les personnes détenues sont [traduction]°« invariablement »
torturées. J’ai étudié ce rapport, qui ne comprend aucune indication quant à la torture subie en détention au Sri Lanka, et encore moins lors du traitement des cas en matière d’immigration à l’aéroport.
4. L’agent a‑t‑il commis une erreur en ne donnant pas au demandeur l’occasion de répondre à des documents qui ont été créés plus de 18 mois après la soumission de ses observations?
[42] Selon le demandeur, l’agent aurait dû lui communiquer ce rapport afin qu’il puisse y répondre puisque les conditions énoncées dans la RDI étaient différentes de celles dont faisaient état ses observations quant à l’ERAR. Celles‑ci ont été présentées en mars et avril 2016 et font référence au rapport de l’OSAR, qui date de 2015. Cependant, la décision n’a pas été rendue avant août 2018, soit près de deux ans et demi plus tard.
[43] Le demandeur fait remarquer que la décision repose en grande partie sur la RDI de novembre 2017, qui est postérieure de 18 mois à la soumission de ses observations. Il ajoute que le document semble suggérer que les conditions au Sri Lanka [traduction]°« ont considérablement évolué : il semblerait que les personnes retournant au pays ne font pas l’objet de mauvais traitements pendant le traitement de leur cas à l’aéroport »
.
[44] Le demandeur prend comme exemple l’affaire Gunaratnam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 122 [Gunaratnam] dans laquelle, en raison de changements importants survenus dans la situation au Sri Lanka, l’équité procédurale commandait que l’agent communique au demandeur les nouveaux rapports sur la situation au pays. La décision Gunaratnam cite une autre affaire où la situation au Sri Lanka avait évolué : Mahendran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1236 [Mahendran].
[45] Le seul changement relevé par le demandeur entre la RDI et le rapport de l’OSAR est que, selon la RDI, les personnes retournant au pays ne subissent pas de mauvais traitements pendant que leur cas est traité à l’aéroport.
[46] La section du rapport de l’OSAR portant le titre «
Retour avec un Emergency Travel Document / Laissez‑Passser »
est bien résumée par le demandeur. Elle indique que les personnes munies de documents temporaires sont toujours arrêtées, interrogées et minutieusement contrôlées par les autorités sri‑lankaises et qu’un document de voyage temporaire représente un indice clair, pour les autorités sri‑lankaises, qu’une personne avait auparavant quitté illégalement le pays. Ces personnes sont généralement « entendues »
par le CID et arrêtées si les autorités croient qu’elles ont quitté le pays illégalement.
[47] Les autres sections du rapport de l’OSAR portent surtout sur le traitement des personnes soupçonnées d’être membres des TLET.
[48] Il n’y a pas d’incohérence importante entre la RDI et le rapport de l’OSAR, qui indiquent tous deux que les personnes retournant au pays avec des documents de voyage temporaires sont détenues à leur arrivée et longuement questionnées. Bien qu’elle note que certaines sources font état d’une amélioration dans le traitement de ces personnes, la RDI ne tarde pas à mentionner le manque de détails quant à la façon dont la situation s’est améliorée. La RDI présente ensuite les organismes qui réalisent les entrevues et qui sont d’ailleurs nommés dans le rapport de l’OSAR. De plus, selon la RDI, le processus dure longtemps, les cas des personnes de retour au pays sont traités en masse et « personne ne peut quitter l’aéroport avant que tous les cas aient été traités »
.
[49] Comme le rapport de la CISR concorde en grande partie avec les sources invoquées par le demandeur, il n’était pas nécessaire que l’agent le transmette au demandeur ou qu’il lui demande de soumettre des observations à son sujet.
Conclusion
[50] Pour les motifs qui précèdent, la demande sera rejetée. Aucune question n’a été proposée aux fins de certification.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM‑5936‑20
LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée et qu’aucune question n’est certifiée.
« Russel W. Zinn »
Juge
Traduction certifiée conforme
Semra Denise Omer
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
IMM‑5936‑20
|
INTITULÉ :
|
THUSYANTHAN SUTHAKAR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
LE 11 JANVIER 2022
|
JUGEMENT ET MOTIFS :
|
LE JUGE zinn
|
DATE DES MOTIFS :
|
LE 24 FÉVRIER 2022
|
COMPARUTIONS :
David Orman
|
POUR LE DEMANDEUR
|
Melissa Mathieu
|
POUR LE DÉFENDEUR
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
David Orman
Avocat
Toronto (Ontario)
|
POUR LE DEMANDEUR
|
Procureur général du Canada
Ministère de la Justice du Canada Toronto (Ontario)
|
Pour le défendeur
|