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Date : 20220217


Dossier : T‐655‐20

Référence : 2022 CF 209

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 17°février 2022

En présence de monsieur le juge Pamel

RELATIVEMENT À LA LOI DE 2001 SUR LA MARINE MARCHANDE DU CANADA, LC 2001, c 26 et le RÈGLEMENT SUR LE PERSONNEL MARITIME, DORS/2007‐115,

ENTRE :

BRITISH COLUMBIA FERRY AND

MARINE WORKERS’ UNION

demandeur

et

CANADA (MINISTRE DES TRANSPORTS) ET BRITISH COLUMBIA FERRY SERVICES INC.

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

Table des matières

I. Aperçu 2

II. Faits 6

III. La norme de contrôle, les principes et la législation applicables 15

IV. Analyse 20

A. Les questions préliminaires 20

(1) La qualité pour agir du syndicat 20

(2) La préoccupation du syndicat liée au fait qu’il n’a pas voix au chapitre 20

(3) Le caractère déterminant ou non de la matrice A 21

(4) Le défaut de la BC Ferries de recourir au formulaire de demande B 24

(5) Le maintien du pouvoir discrétionnaire de Transports Canada d’exiger la tenue d’exercices d’évacuation et de sécurité à bord. 25

(6) La pertinence des politiques et procédures en matière de sécurité à bord des traversiers de classe Island 26

(7) Le caractère suffisant ou non du dossier 29

(8) L’examen par Transports Canada des instruments internationaux 29

(9) Le résumé des éléments du RPM, de la matrice A et du rôle d’appel 36

B. Questions soulevées par le syndicat 42

(1) Était‐il déraisonnable de la part de Transports Canada de décider qu’un équipage composé de cinq membres pouvait effectuer le quart à la passerelle et le quart dans la salle des machines de façon sécuritaire en situation d’urgence, comme l’exige les sous‐alinéas 207(4)b)(i) et (ii) du RPM? 42

(2) Était‐il déraisonnable de la part de Transports Canada de décider qu’un équipage composé de cinq membres pourrait remplir simultanément des fonctions d’urgence précises comme l’exige l’alinéa 207(4)d) du RPM? 48

(3) La détermination d’un équipage suffisant en nombre pour effectuer certaines tâches requises était‐elle déraisonnable? 54

(4) Était‐il déraisonnable de la part de Transports Canada de décider qu’un équipage composé de cinq membres pourrait exécuter les procédures d’évacuation prévues par le RES comme indiqué au paragraphe 207(5) du RPM? 67

V. Dépens 72

ANNEXE 75

I. Aperçu

[1] En janvier 2020, British Columbia Ferry Services Inc. [BC Ferries], une société canadienne ouverte et le plus important exploitant de traversiers au Canada, a pris possession à Vancouver de deux traversiers de classe Island nouvellement construits, le Island Aurora et le Island Discovery [collectivement, les traversiers de classe Island], dans le cadre de son programme de renouvellement de la flotte pour remplacer deux de ses traversiers de passagers et de voitures vieillissants exploitant des trajets dans les eaux côtières de la Colombie‐Britannique. Tout comme les bâtiments battant pavillon canadien immatriculés à Victoria, les traversiers de classe Island sont assujettis aux dispositions de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, LC 2001, c 26 [la Loi], et à celles de ses règlements, en particulier le Règlement sur le personnel maritime, DORS/2007‐115 [le RPM], qui, à l’instar de celles de la Loi, exigent la présence d’un nombre suffisant de membres d’équipage compétents pour assurer l’exploitation sécuritaire du bâtiment et la délivrance d’un document spécifiant les effectifs de sécurité et l’effectif minimal d’équipage (les niveaux d’effectif minimal de sécurité), de même que les autres renseignements prévus à l’alinéa 202(3)b) du RPM.

[2] En mars 2020, BC Ferries a demandé à Transports Canada deux documents détaillant les effectifs de sécurité pour chacun des nouveaux traversiers; cette demande était accompagnée d’une proposition relative aux niveaux d’effectif minimal de sécurité. Deux documents ont été demandés pour chaque traversier, de façon à tenir compte des variations dans le nombre de passagers tout au long de l’année. Transports Canada peut délivrer plusieurs documents détaillant les effectifs de sécurité pour un seul bâtiment qui établit différents niveaux d’effectif minimal de sécurité afin de tenir compte des diverses circonstances dans lesquelles un bâtiment exerce ses activités, comme le nombre de passagers ou la nature des activités. Dans sa demande concernant les effectifs de sécurité d’un bâtiment de classe A, BC Ferries a proposé un effectif minimal de six membres d’équipage à bord d’un bâtiment pouvant accueillir jusqu’à 394 passagers, ce qui porterait le compte total à 400 personnes à bord, alors que dans sa demande concernant un bâtiment de classe B, elle a proposé un effectif minimal de cinq membres d’équipage à bord d’un bâtiment pouvant accueillir jusqu’à 220 passagers, ce qui porterait le compte total à 225 personnes à bord. En avril 2020, Transports Canada a délivré à BC Ferries un document détaillant les effectifs de sécurité d’un bâtiment de classe A [le permis A] avec un niveau d’effectif minimal de sécurité de sept membres d’équipage (un membre de plus que ce que BC Ferries a proposé) à bord d’un bâtiment pouvant accueillir jusqu’à 400 personnes, et un document d’un bâtiment de classe B [le permis B] avec un niveau d’effectif minimal de sécurité de six membres d’équipage (encore, un membre de plus que ce que BC Ferries a proposé) à bord d’un bâtiment pouvant accueillir jusqu’à 225 personnes.

[3] À la suite de discussions tenues le 19 mai 2020 entre BC Ferries et Transports Canada, auxquelles participait l’Association canadienne des traversiers, BC Ferries a soumis une nouvelle demande de document détaillant les effectifs de sécurité de classe C pour les traversiers de classe Island. Dans cette demande, BC Ferries a proposé un niveau d’effectif minimal de sécurité de cinq membres d’équipage (un capitaine, un officier de pont, un mécanicien, un matelot de pont et un matelot) à bord d’un bâtiment pouvant accueillir jusqu’à 150 personnes. Transports Canada a évalué la demande et a délivré le document le 25 mai 2020 [le permis C] après avoir conclu qu’un effectif minimal de cinq membres d’équipage répondait aux normes prévues au RPM d’un bâtiment pouvant accueillir jusqu’à 145 passagers au titre de « l’automatisation, de technologies modernes, de dispositifs de remplacement et d’équipements supplémentaires » des traversiers de classe Island. Transports Canada a aussi avisé BC Ferries du besoin de s’assurer que les traversiers de classe Island respectent toutes les exigences du RPM et du Règlement sur les exercices d’incendie et d’embarcation, DORS/2010‐83, « en tout temps, en particulier l’exécution efficace du rôle d’appel dans le respect de ces exigences ». Les deux traversiers de passagers et de véhicules vieillissants qui devaient être remplacés par les traversiers de classe Island naviguaient régulièrement avec un effectif minimal de six et de sept membres d’équipage respectivement.

[4] Le British Columbia Ferry and Marine Workers’ Union [le syndicat], un syndicat accrédité en vertu du British Columbia Labour Relations Code, RSBC 1996, c 244, qui représente notamment l’équipage à bord des traversiers de classe Island, demande le contrôle judiciaire de la décision de délivrer le permis C à BC Ferries, au motif que les traversiers de classe Island ne peuvent pas, avec un effectif minimal de cinq membres d’équipage, respecter plusieurs des politiques de sécurité des activités propres à la flotte et à chacun des bâtiments de BC Ferries [les politiques et les procédures de sécurité], y compris le quart à la passerelle, l’encadrement des passagers, les opérations de sauvetage et la lutte contre l’incendie, qui font partie du système de gestion de la sécurité [SGS] de BC Ferries, un processus visant à structurer l’information relative à la gestion et à l’atténuation du risque élaboré dans le cadre du Code international de gestion pour la sécurité de l’exploitation des navires et la prévention de la pollution [le Code ISM], pas plus qu’ils ne peuvent respecter les exigences légales et réglementaires applicables, notamment le RPM.

[5] Je n’ai pas été convaincu du caractère déraisonnable de la décision de Transports Canada de délivrer le permis C. On me demande de réévaluer la preuve et de substituer mon propre jugement à celui d’un tribunal formé de cinq professionnels expérimentés de Transports Canada qui, après avoir refusé un niveau d’effectif minimal de sécurité de cinq membres d’équipage à bord d’un bâtiment pouvant accueillir jusqu’à 220 passagers, a examiné le dossier et jugé qu’un niveau d’effectif minimal de sécurité de cinq membres d’équipage convenait plutôt à un bâtiment pouvant accueillir jusqu’à 145 passagers. Je refuse de faire une telle chose, et je rejette donc la présente demande de contrôle judiciaire.

II. Faits

[6] Même s’ils sont des bâtiments canadiens (des bâtiments immatriculés au Canada et battant pavillon canadien), les traversiers de classe Island ne sont pas des bâtiments assujettis à la Convention sur la sécurité, des bâtiments auxquels la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer [la Convention SOLAS] s’applique obligatoirement (article 2 de la Loi). Transports Canada procède actuellement à la modification du Règlement sur la gestion pour la sécurité de l’exploitation des bâtiments, DORS/98‐348, en vue d’introduire progressivement l’adoption du SGS conformément au Code ISM, notamment pour les bâtiments canadiens qui sont certifiés pour transporter plus de 50 passagers. Cependant, au moment de la décision de délivrer le permis C, il n’était pas obligatoire pour les traversiers de classe Island d’avoir un SGS en place. Cela étant dit, BC Ferries, de par la nature de ses activités, [traduction« avait pris de l’avance » et avait néanmoins élaboré volontairement un SGS conforme au Code ISM, qui avait été adopté dans le cadre de la Convention SOLAS et qui fixe des normes internationales pour la gestion et l’exploitation en toute sécurité des bâtiments ainsi que pour la prévention de la pollution. En application du Code ISM, un SGS doit être établi par les propriétaires d’un bâtiment ou en leur nom et assurer la mise en œuvre des politiques et des procédures afin d’atteindre les objectifs de gestion prévus au Code ISM; les politiques et les procédures de sécurité doivent être compilées dans un manuel complet sur la gestion de la sécurité.

[7] En ce qui concerne BC Ferries, ses politiques et ses procédures de sécurité se trouvent à la fois dans un manuel d’exploitation de la flotte [MEF], qui s’applique à tous les bâtiments de la flotte de BC Ferries, et dans un manuel propre au bâtiment [MPB], qui s’applique à chaque bâtiment, et dont les politiques et les procédures de sécurité qui s’y trouvent sont compatibles avec celles que l’on trouve dans le MEF. Les politiques et les procédures de sécurité sont revues régulièrement et mises à jour en réponse à des vérifications internes (ce qui comprend des vérifications ponctuelles) ou à des changements d’environnement juridique et réglementaire. Des vérifications externes sont aussi menées régulièrement par la société de classification des bâtiments conformément au SGS de chaque bâtiment.

[8] Avant mars 2020, Transports Canada utilisait une approche uniforme et un seul formulaire de demande du document spécifiant les effectifs de sécurité pour déterminer les niveaux d’effectif minimal de sécurité, indépendamment de la taille ou du type de bâtiment [l’ancien processus d’évaluation des niveaux d’effectif minimal de sécurité]; le processus tiendrait compte de certaines caractéristiques générales établies du bâtiment et déterminerait le niveau d’effectif minimal de sécurité selon une matrice de cotation normative, conjointement avec l’observation et l’évaluation, par un inspecteur de la sécurité maritime de Transports Canada, d’exercices d’embarcation et d’incendie à bord d’un bâtiment [les exercices d’évacuation et de sécurité] menés par l’équipage. En quelque sorte, on a jugé que le processus était rigide compte tenu des différents types de bâtiments et d’équipement à bord et cette approche uniforme s’est avérée être problématique, compte tenu de l’automatisation et des technologies modernes à bord des bâtiments et du SGS des bâtiments dans la détermination des niveaux d’effectif minimal de sécurité.

[9] À la suite de la délivrance d’un rapport de recherche final intitulé « Délivrance d’un document spécifiant l’effectif minimal de sécurité pour les traversiers de passagers », en novembre 2018, Transports Canada a annoncé la révision de sa méthode de détermination des niveaux d’effectif minimal de sécurité lors d’une réunion du Conseil consultatif maritime canadien [le CCMC]. L’annonce a été faite conjointement avec la diffusion à des intervenants de l’industrie maritime d’un document de discussion provisoire présentant les changements proposés. À la suite de suggestions et de commentaires formulés par divers intervenants, notamment ceux du syndicat, ainsi que de séances de discussion et de rétroaction et d’ateliers d’intervenants lors de réunions nationales et régionales subséquentes du CCMC en 2019 et au début de 2020, Transports Canada a adopté, le 19 mars 2020, son nouveau processus et ses nouvelles directives en ce qui concerne la demande d’un document spécifiant les effectifs de sécurité pour évaluer le niveau d’effectif minimal de sécurité d’un bâtiment [le nouveau processus d’évaluation]. Ce nouveau processus comporte une approche fondée sur le risque pour l’évaluation des niveaux d’effectif minimal de sécurité et modifie les aspects procéduraux du processus d’évaluation précédent de l’effectif minimal de sécurité afin de permettre aux propriétaires de soumettre des renseignements plus détaillés propres à chaque bâtiment au début du processus de demande (par exemple, des détails sur l’automatisation avancée, les technologies modernes, les dispositifs de remplacement et les équipements supplémentaires, ce qui comprend des dispositifs d’urgence avancés). Un autre changement de procédure était que Transports Canada n’avait plus besoin que l’équipage mène des exercices d’évacuation et de sécurité à bord lors de son évaluation du niveau d’effectif minimal de sécurité. Même si une démonstration de l’automatisation et de l’équipement supplémentaire pouvait justifier la hausse ou la réduction du nombre de membres d’un équipage, il n’y aurait plus aucune démonstration pratique d’exercices d’évacuation et de sécurité. De plus, une révision du rôle d’appel, prévue dans le Règlement sur les exercices d’incendie et d’embarcation et consistant notamment en une description, soumise avec la demande, des tâches attribuées aux membres d’équipage à exécuter en lien avec les passagers pendant une urgence, devra être utilisée pour valider les exercices, un processus de [traduction« validation par le rôle d’appel ».

[10] Le nouveau processus d’évaluation de l’effectif minimal de sécurité comporte cinq nouvelles demandes d’un document spécifiant les effectifs de sécurité plutôt qu’une seule, chacune ayant son propre formulaire d’évaluation et sa propre matrice personnalisés (formulaires de demande A à E). Le formulaire de demande A s’applique aux bâtiments de catégorie 1 (soit des bâtiments assujettis à la Convention sur la sécurité, soit des bâtiments avec un SGS) et devrait être revu dans le cadre du nouveau processus d’évaluation de l’effectif minimal de sécurité par une équipe nationale de cinq membres responsable de l’effectif de sécurité (l’équipe de l’effectif de sécurité), un panel composé d’inspecteurs de la sécurité maritime de Transports Canada de la région de la capitale nationale et des régions qui passe en revue les documents de demande et qui évalue de façon indépendante le niveau d’effectif minimal de sécurité proposé pour déterminer sa conformité avec le RPM. L’examen des formulaires de demande B à D doit être mené seulement par des inspecteurs de la sécurité maritime régionaux de Transports Canada et vise les bâtiments non assujettis à la Convention sur la sécurité sans SGS établi, y compris les bâtiments de pêche et les transbordeurs à câble de petite taille. Le formulaire de demande E s’applique au renouvellement du document spécifiant les effectifs de sécurité lorsqu’aucun changement n’est apporté à certains éléments prescrits. Dans le cadre du nouveau processus d’évaluation de l’effectif minimal de sécurité, les propriétaires proposent un niveau d’effectif minimal de sécurité qui correspond à leur demande de document spécifiant les effectifs de sécurité et doivent persuader Transports Canada que leur équipage est compétent et que le nombre de membres d’équipage proposé suffit pour l’exécution de toutes les fonctions de sécurité, y compris les urgences. Comme il a été mentionné précédemment, Transports Canada n’a pas accepté les niveaux d’effectif minimal de sécurité proposés par BC Ferries pour les permis A et B, mais a accepté l’effectif minimal d’équipage proposé de cinq membres pour le permis C pour un bâtiment pouvant accueillir jusqu’à 145 personnes.

[11] Le syndicat n’a pas remis en question l’adoption par Transports Canada du nouveau processus d’évaluation de l’effectif minimal de sécurité mis en œuvre le 19 mars 2020.

[12] Pour toutes les demandes de document spécifiant les effectifs de sécurité de ses traversiers de classe Island, BC Ferries a utilisé le formulaire de demande A, parce que les bâtiments naviguaient selon un SGS. En fait, BC Ferries tenait à ce que Transports Canada détermine les niveaux d’effectif minimal de sécurité selon les fonctions automatisées spéciales et les technologies modernes de ses bâtiments, notamment l’équipement de lutte contre les incendies activé automatiquement ou actionné à distance comme un système de rideau d’eau ou des installations à brouillard d’eau dans l’espace des machines et l’espace réservé à l’équipage qui peuvent être actionnés à distance du poste central de contrôle sur la passerelle, de l’espace technique sur le niveau 1 du pont, de même que de la salle des machines (avec commandes transférables à partir de chaque pupitre), un système déluge du pont‐garage recouvrant la section du pont‐garage, des tourelles fixes de lutte contre l’incendie pour le pont‐garage découvert, avec des caméras de télévision en circuit fermé, des détecteurs de fumée et de chaleur à la grandeur du bâtiment avec tous les espaces assurant une protection structurelle passive et un dispositif d’évacuation en mer qui permet l’évacuation des passagers par des toboggans jusqu’aux radeaux de sauvetage gonflables; ces avancées technologiques qui permettent de réduire le nombre de membres d’équipage devant exécuter certaines tâches dans des situations d’urgence.

[13] En soutien de ses demandes d’un document spécifiant les effectifs de sécurité pour les classes A et B soumises le 3 mars 2020, deux semaines avant la mise en œuvre officielle du nouveau processus d’évaluation de l’effectif minimal de sécurité de Transports Canada, des demandes qui sont quand même évaluées conformément au nouveau processus, BC Ferries a soumis, avec le formulaire de demande A dûment rempli, une série de documents comprenant une description de l’équipement et des fonctions automatisés des bâtiments et de l’autre équipement réglementé, un rôle d’appel, pour la demande de la classe A, d’un équipage de six membres sur un bâtiment pouvant accueillir jusqu’à 394 passagers et, pour la demande de la classe B, d’un équipage de cinq membres sur un bâtiment pouvant accueillir jusqu’à 220 passagers, des onglets de tâche personnalisés pour l’équipage, le document de conformité de BC Ferries qui confirme que l’entreprise exploite sa flotte de traversiers de passagers en conformité avec le Code ISM, la preuve d’examen des directives présentée aux annexes 1 et 2 de la résolution A.1047(27)—the Principles of Minimum Safe Manning de l’Organisation maritime internationale [l’OMI] (résolution qui met à jour la résolution A.890(21) de l’OMI et qui est essentiellement similaire à la résolution A.1047(27) de l’Organisation internationale du Travail [OIT])—[la résolution A.1047(27) de l’OMI], un exercice sur table d’intervention d’urgence [l’exercice sur table] mené dans le cadre de l’évaluation des risques internes des niveaux d’effectif minimal de sécurité de BC Ferries conformément au SGS de BC Ferries, le plan d’urgence de bord contre la pollution par les hydrocarbures des traversiers de classe Island, les ententes des bâtiments avec l’organisation locale d’intervention en cas de pollution et les plans détaillés pour les traversiers de classe Island. L’évaluation des risques internes des niveaux d’effectif minimal de sécurité de BC Ferries a abouti à la préparation du rapport d’évaluation des risques liés à l’effectif minimal de sécurité de la classe Island (le Rapport d’évaluation des risques), qui a aussi été soumis une fois finalisé le 3 avril 2020 et à la demande de Transports Canada de le faire. Je dois mentionner que même si le document de conformité a été délivré en octobre 2019, avant la mise en activité des traversiers de classe Island, les certificats de gestion de sécurité [les CGS] pour les traversiers de classe Island vérifiant leur conformité avec le Code ISM ont été délivrés après que la décision de délivrer le permis C eut été rendue : le CGS pour l’Island Discovery a été délivré en mai 2020 et le CGS pour l’Island Aurora, en juin 2020.

[14] À la réception du formulaire de demande A accompagné des documents à l’appui de BC Ferries, Transports Canada a formé son équipe de cinq membres responsable de l’effectif de sécurité pour procéder au traitement des demandes. L’équipe responsable de l’effectif minimal de sécurité a utilisé le formulaire d’évaluation de l’effectif minimal de sécurité pour les bâtiments de catégorie A [la matrice A], une série axée sur des options méthodiques de tableaux et de notes avec des références au RPM, afin d’évaluer et de déterminer les niveaux d’effectif minimal de sécurité des traversiers de classe Island. Au bout du compte, le niveau d’effectif minimal de sécurité d’un bâtiment indique le plus grand nombre de membres d’équipage déterminé pour l’exécution du travail dans n’importe laquelle des quatre sections de la matrice. Indépendamment du formulaire de demande soumis pour l’obtention d’un document spécifiant les effectifs de sécurité, il n’y a aucun différend entre les parties sur le fait que la matrice pertinente utilisée par Transports Canada ne servira pas de document public ou d’ensemble de raisons officielles. Les matrices sont des documents internes que Transports Canada remplit et utilise comme outil pour juger si les exigences du RPM sont respectées. De plus, les exigences relatives aux niveaux d’effectif minimal de sécurité du RPM ne représentent qu’un seuil minimal; les propriétaires peuvent appliquer des niveaux plus élevés au besoin. Le paragraphe 82(2) de la Loi exige que le capitaine d’un bâtiment veille à exploiter le bâtiment seulement si celui‐ci est muni d’un équipage suffisant et compétent pour l’exploitation sécuritaire du bâtiment lors de son voyage projeté; le nombre de membres d’équipage pourra être augmenté dans certaines circonstances. Enfin, comme il a été indiqué, Transports Canada a, en avril 2020, délivré à BC Ferries un permis A établissant le niveau d’effectif minimal de sécurité à sept membres d’équipage (un membre de plus que ce que BC Ferries a proposé) et un permis B établissant le niveau d’effectif minimal de sécurité à six membres (encore, un membre de plus que ce que BC Ferries a proposé) à bord d’un bâtiment pouvant accueillir jusqu’à 400 personnes et 225 personnes, respectivement.

[15] En ce qui concerne sa demande de document spécifiant les effectifs de sécurité pour la classe C en mai 2020, BC Ferries a soumis un formulaire de demande A nouvellement rempli de même qu’un rôle d’appel revu [le rôle d’appel] correspondant à un équipage de cinq membres à bord d’un traversier pouvant accueillir jusqu’à 145 personnes; les documents à l’appui soumis antérieurement pour les permis A et B sont demeurés au dossier et étaient compris dans le processus d’évaluation du document spécifiant les effectifs de sécurité pour la classe C. Comme il a été indiqué, Transports Canada a remis le permis C à BC Ferries le 25 mai 2020; c’est cette décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

[16] Il est à noter que les demandes de document spécifiant les effectifs de sécurité de BC Ferries ne comprenaient pas les politiques et les procédures de sécurité propres à une flotte ou à un bâtiment. Conjointement à la préparation du rapport d’évaluation des risques liés à l’effectif minimal de sécurité au début d’avril 2020, BC Ferries a formé une équipe composée d’un capitaine supérieur et d’un chef mécanicien pour entamer la version préliminaire du MPB des traversiers de classe Island. Le dossier du syndicat dont je suis saisi comporte des documents du MPB pour les traversiers de classe Island à jour en date du 7 juin 2020. BC Ferries démontre que ces documents du MPB ont été préparés en fonction de l’obtention de permis A et B pour les traversiers de classe Island et que ces documents sont de nouveau en cours de mise à jour pour prendre en compte la délivrance du permis C. Quoi qu’il en soit, il est important de noter qu’aucune politique et procédure de sécurité pour les traversiers de classe Island n’a été présentée à l’équipe responsable de l’effectif minimal de sécurité ou prise en compte par celle‐ci au moment de la décision de délivrer le permis C à BC Ferries.

[17] Le principal argument du syndicat est que le rôle d’appel (qui, d’après les propos du syndicat, constitue les exigences relatives à l’effectif minimal aux fins de conformité avec diverses parties du RPM) ne concorde pas avec les niveaux d’effectif appropriés établis par Transports Canada. En somme, le syndicat affirme que BC Ferries ne serait pas en mesure de (i) maintenir les quarts requis à la passerelle et dans la salle des machines pendant les urgences, de (ii) mener des fonctions d’urgence précisées simultanément, conformément aux dispositions réglementaires, et de (iii) suivre les procédures d’évacuation, avec un effectif minimal de cinq membres d’équipage à bord des traversiers de classe Island.

III. La norme de contrôle, les principes et la législation applicables

[18] Les parties ne contestent pas que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Je suis d’accord. Comme l’a établi la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], évaluer si une décision est raisonnable ne consiste pas simplement à se demander si la décision fait partie des issues possibles, mais de plutôt à « se demander si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‐ci » (Vavilov, aux para 83 et 99; Montréal (Ville) c Société du Vieux‐Port de Montréal Inc., 2021 CF 806, au para 35). La norme du caractère raisonnable s’appliquerait également à l’interprétation par Transports Canada de sa loi constitutive — la Loi et ses règlements — d’une manière qui prenne en compte le droit international. Comme l’a récemment établi la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Kattenburg, 2021 CAF 86 [Kattenburg], les principes de droit international, à supposer qu’ils influent sur la question à trancher, « constituent seulement un élément du contexte servant à éclairer l’interprétation » de la législation applicable (Kattenburg, aux para 5 et 6). De plus, le contrôle d’une décision administrative ne peut se dissocier du contexte institutionnel à l’intérieur duquel la décision a été prise, et dans le cadre d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, le juge de révision devrait être attentif à l’application de connaissances spécialisées par les décideurs : « [l]orsqu’établies, cette expérience et cette expertise peuvent elles aussi expliquer pourquoi l’analyse d’une question donnée est moins étoffée » (Vavilov, aux para 91 et 93). « De même, toutes autres choses étant égales, lorsque le décideur administratif fait une évaluation qui découle de ses connaissances spécialisées, le décideur est plus libre et il peut être plus difficile de faire annuler sa décision » (Entertainment Software Association c Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2020 CAF 100 au para 30).

[19] Comme il a été mentionné, la décision de délivrer le permis C ne comprenait pas de motifs officiels; à la suite de l’évaluation de la demande de BC Ferries par l’équipe de l’effectif de sécurité, le permis C a simplement été délivré selon les mêmes modalités que celles proposées par BC Ferries. En discutant de la norme de contrôle applicable dans une situation où le décideur n’a pas fourni de motifs, la Cour suprême, dans l’arrêt Vavilov, a donné les directives suivantes :

[136] Lorsque l’obligation d’équité procédurale ou le régime législatif appellent la communication de motifs à la partie touchée mais qu’aucuns motifs n’ont été donnés, la décision doit généralement être infirmée et l’affaire, renvoyée au décideur : voir, p. ex., Congrégation des témoins de Jéhovah de St‐Jérôme‐Lafontaine, par. 35. En outre, si des motifs sont communiqués, mais que ceux‐ci ne justifient pas la décision de manière transparente et intelligible comme nous l’avons expliqué, la décision sera déraisonnable. Dans de nombreux cas toutefois, ni l’obligation d’équité procédurale ni le régime législatif applicable ne requerra la présentation de motifs écrits : Baker, au para 43.

[137] Certes, il est parfois difficile d’employer une méthode de contrôle judiciaire qui accorde la priorité à la justification, par le décideur, de ses décisions dans les cas où aucuns motifs écrits ne sont communiqués. Il en sera souvent ainsi dans le cas où le processus décisionnel ne se prête pas facilement à la production d’une seule série de motifs, par exemple lorsqu’une municipalité adopte un règlement ou lorsqu’un barreau rend une décision au moyen de la tenue d’un vote : voir, p. ex., Catalyst; Green; Trinity Western University. Toutefois, même en pareil cas, le raisonnement qui sous‐tend la décision n’est normalement pas opaque. Il importe de rappeler qu’une cour de révision doit examiner le dossier dans son ensemble pour comprendre la décision et qu’elle découvrira alors souvent une justification claire pour la décision : Baker, par. 44. Par exemple, comme la juge en chef McLachlin l’a souligné dans l’arrêt Catalyst, « [l]es motifs qui sous‐tendent un règlement municipal se dégagent habituellement du débat, des délibérations et des énoncés de politique d’où il prend sa source » : par. 29. Dans cette affaire, non seulement « les motifs qui sous‐tendaient le règlement contesté étaient clairs pour tous », mais ils avaient en outre été exposés dans un plan quinquennal : par. 33. À l’inverse, même en l’absence de motifs, il se peut que le dossier et le contexte révèlent qu’une décision repose sur un mobile irrégulier ou sur un autre motif inacceptable, comme dans l’arrêt Roncarelli.

[138] Il existe néanmoins des situations dans lesquelles aucuns motifs n’ont été fournis et où ni le dossier ni le contexte général ne permettent de discerner le fondement de la décision en cause. En pareil cas, la cour de révision doit tout de même examiner la décision à la lumière des contraintes imposées au décideur afin de déterminer s’il s’agit d’une décision raisonnable. Toutefois, il est peut‐être inévitable que faute de motifs, l’analyse soit alors centrée sur le résultat plutôt que sur le raisonnement du décideur. Il ne s’ensuit pas pour autant que le contrôle selon la norme de la décision raisonnable est moins rigoureux dans ces circonstances; il prend seulement une forme différente.

[Non souligné dans l’original.]

[20] Pour commencer, il pourrait être plus facile d’établir ce sur quoi la présente instance ne porte pas, dans le sens qu’il ne s’agit pas d’une affaire où le devoir d’équité procédurale ou le régime législatif exige de fournir des motifs; il ne s’agit pas d’une affaire dans laquelle un vote est déterminant dans la décision, et il ne s’agit pas non plus d’une situation où je ne peux pas discerner comment Transports Canada a interprété la législation pertinente (Kattenburg, au para 16). J’admets que le dossier ne traite pas expressément du raisonnement de l’équipe de l’effectif de sécurité à l’origine de l’application des exigences du RPM à la demande par BC Ferries d’un document spécifiant les effectifs de sécurité pour la classe C. Toutefois, la démarche adoptée par toutes les parties dans leurs observations pour évaluer le caractère raisonnable de la décision de délivrer le permis C consistait à commencer par l’examen de la matrice A remplie comme outil d’évaluation utilisé pour mener les délibérations et les discussions internes de l’équipe de l’effectif de sécurité. Lorsque j’ai fait remarquer aux avocats de Transports Canada que la Cour doit toujours être en mesure de « relier les points » du raisonnement de l’équipe de l’effectif minimal de sécurité qui a mené à la décision de délivrer le permis C, les avocats ont fait valoir que la matrice A atteint cet objectif en montrant, point par point, en quoi le règlement a été respecté (Komolafe c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 431 au para 11; Vavilov, au para 97). Le syndicat n’a pas contesté cette démarche, mais il a affirmé que cette dernière établit en fait que le permis C contrevient à la réglementation en vigueur.

[21] Par conséquent, la présente affaire n’est pas non plus semblable à l’affaire Catalyst Pharmaceuticals, Inc. c Canada (Procureur général), 2021 CF 505 [Catalyst Pharmaceuticals], dans laquelle la juge St‐Louis a récemment été appelée à établir la norme de contrôle à appliquer en l’absence de motifs officiels, mais où elle s’est heurtée à « deux obstacles empêch[a]nt essentiellement la Cour de procéder au contrôle selon la norme habituelle de la décision raisonnable », à savoir, que le décideur (en l’occurrence, le ministre de la Santé) n’avait pas fourni de motifs justifiant sa décision de délivrer un avis de conformité à l’égard du nouveau médicament d’une société pharmaceutique et (plus important encore en ce qui concerne la question dont je suis saisi), que le dossier lui‐même n’éclairait l’interprétation par le ministre des dispositions législatives pertinentes. En l’espèce, je suis convaincu que le dossier jette au moins un peu de lumière sur l’interprétation des exigences du RPM par l’équipe de l’effectif de sécurité et sur les raisons pour lesquelles Transports Canada a pris la décision en cause (Leahy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CAF 227 aux para 36 à 42).

[22] Quoi qu’il en soit, la décision de délivrer le permis C résulte de l’évaluation par un organisme de réglementation possédant des connaissances spécialisées et une expertise dans le domaine complexe de la navigation et de marine marchande, dont le rôle consiste à examiner ce qui équivaut à une demande de permis ou de licence et à s’assurer du respect des normes applicables à l’exploitation sécuritaire des bâtiments exigées par la loi et les règlements en vigueur. Bien que la délivrance d’un document spécifiant les effectifs de sécurité soit obligatoire pour le ministre à la réception d’une demande (paragraphe 202(3) du RPM), la détermination des niveaux d’effectif minimal de sécurité conformément à l’article 207 du RPM est discrétionnaire et assujettie à l’évaluation par Transports Canada du respect des paragraphes 207(3) à (6) du RPM — ce qui exige, j’ajouterais, une expertise en matière d’exploitation des navires et l’application des principes de bon matelotage par les inspecteurs de la sécurité maritime de Transports Canada. Bien que le dossier soit limité, je suis d’avis qu’il aide à comprendre les motifs de la décision de délivrer le permis C (Stemijon Investments Ltd c Canada (Procureur général), 2011 CAF 299 au para 36).

[23] De plus, j’ai reproduit à l’annexe de ma décision les articles applicables de la Loi et du RPM; l’article 207 du RPM en particulier présente les quatre scénarios de niveaux d’effectif minimal de sécurité pour déterminer les exigences relatives à l’effectif minimal aux fins d’exploitation des bâtiments. L’essence même de l’argument du syndicat est qu’un effectif minimal de cinq membres d’équipage ne peut répondre aux exigences d’intervention d’urgence prévues au paragraphe 207(4) du RPM.

IV. Analyse

A. Les questions préliminaires

(1) La qualité pour agir du syndicat

[24] Je dois d’abord mentionner que les défendeurs n’ont soulevé aucune question concernant la qualité pour agir du syndicat dans la présente demande de contrôle judiciaire; en fait, le ministre reconnaît que le syndicat a bien qualité pour agir. Pour ma part, je ne vois aucune raison de remettre cela en question.

(2) La préoccupation du syndicat liée au fait qu’il n’a pas voix au chapitre

[25] Dans ses affidavits à l’appui de sa position, le syndicat soulève ce qu’il considère comme une participation réduite de ses membres dans la détermination des niveaux d’effectif minimal de sécurité pour les navires dans le cadre du nouveau processus d’évaluation de l’effectif minimal de sécurité, ainsi que ce qu’il prétend être le défaut de Transports Canada de tenir compte des points de vue des marins au moment d’évaluer l’application de la réglementation sur la sécurité; plus précisément, le syndicat a soutenu que Transports Canada devrait rendre publiques toutes les demandes de document spécifiant les effectifs de sécurité, ainsi que les soumettre à l’examen et aux observations de tous les intéressés, en particulier les syndicats représentant les marins. Le syndicat fait référence à la Convention du travail maritime de 2006 de l’OIT [la Convention de 2006] — incluse à l’Annexe 1 de la Loi, laquelle permet à Transports Canada de mettre en œuvre les dispositions de la Convention de 2006 au moyen du RPM (paragraphe 29(1) et paragraphe 35(1)d) de la Loi) — et en particulier au principe directeur B2.7.1 de la Convention de 2006 pour appuyer son argument selon lequel il a le droit de participer au fonctionnement du « mécanisme efficace pour instruire et régler les plaintes ou différends relatifs aux effectifs d’un navire ».

[26] Je comprends les préoccupations du syndicat; les marins sont à l’avant‐garde des interventions d’urgence à bord des navires et jouent un rôle essentiel dans la protection du bien‐être des passagers et de tous ceux qui se trouvent à bord. Cependant, leur degré de participation au processus réglementaire, en particulier la détermination par Transports Canada des niveaux d’effectif minimal de sécurité pour les navires, n’est pas en cause dans la présente instance. Comme je l’ai mentionné, le syndicat n’a pas contesté devant la Cour le nouveau processus d’évaluation de l’effectif minimal de sécurité de Transports Canada. La seule question dont je suis donc saisi dans la présente demande de contrôle judiciaire consiste à savoir si, conformément au nouveau processus d’évaluation de l’effectif minimal de sécurité, la décision de délivrer le permis C était déraisonnable compte tenu du contexte réglementaire applicable.

(3) Le caractère déterminant ou non de la matrice A

[27] Dans les observations qu’elle m’a transmises, BC Ferries a beaucoup insisté sur la proposition selon laquelle le nouveau processus d’évaluation de l’effectif minimal de sécurité est une [traduction« évaluation fondée sur le risque ». Selon cette démarche, le fait que la matrice A soit remplie ne serait pas déterminante quant aux niveaux d’effectif minimal de sécurité, car elle ne contiendrait que des renseignements que l’équipe de l’effectif de sécurité examinerait ensuite pour établir si les niveaux d’effectif minimal de sécurité proposés par un demandeur étaient proportionnels aux risques énoncés dans la demande. Je ne vois pas en quoi un argument qui mine la valeur déterminante de la matrice A aide BC Ferries. Si la matrice A n’est pas déterminante et que d’autres principes, ou des considérations de politique plus générales, entrent en ligne de compte dans l’évaluation par l’équipe de l’effectif de sécurité des niveaux de l’effectif minimal de sécurité, il est impératif que ces considérations fassent partie du dossier. À ce sujet, je préfère la position énoncée par Transports Canada, à savoir que la matrice A préparée par les cinq membres de l’équipe de l’effectif de sécurité est déterminante dans l’évaluation du niveau d’effectif minimal de sécurité pour un navire en particulier. Je pense que toutes les considérations de politique ou l’application des principes de bon matelotage pendant les délibérations et les discussions internes de l’équipe de l’effectif minimal de sécurité ont déjà été prises en compte dans la décision reflétée dans la matrice A; la matrice A est le résultat de ces délibérations et discussions. La détermination des niveaux d’effectif minimal de sécurité par l’équipe de l’effectif de sécurité découle des exigences réglementaires applicables; elle n’est pas faite dans l’abstrait. Rien dans le RPM ne laisse entendre que l’équipe de l’effectif de sécurité peut ignorer les exigences du RPM et fonder sa décision uniquement sur les risques posés par un niveau proposé d’effectif minimal de sécurité; en fin de compte, aucune démarche fondée sur le risque ne peut servir de dérogation à la conformité réglementaire. De plus, et du point de vue d’une cour de révision, si la matrice A remplie n’est pas déterminante dans le cadre de la décision de l’équipe de l’effectif de sécurité de délivrer, en l’espèce, le permis C, Transports Canada risque de voir sa décision considérée comme une tentative d’immuniser sa décision en retenant les documents et les renseignements nécessaires lors d’un contrôle judiciaire ou en omettant de fournir des explications et des justifications d’une décision dans l’application de la façon de faire à la « [f]aites‐nous confiance, nous avons raison » (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Conseil canadien pour les réfugiés, 2021 CAF 72 au para 105 [Conseil canadien]); cela pourrait ne pas bien se terminer pour Transports Canada. Aucun degré de déférence de la part d’une cour de révision en raison de la prétendue expertise d’un décideur comme Transports Canada ne peut soustraire les décisions de ce dernier au contrôle judiciaire, et défendre le caractère raisonnable d’une décision de produire un document spécifiant les effectifs de sécurité qui ne correspond pas aux matrices d’outils d’évaluation qui font partie du dossier devient alors une tâche incertaine et difficile, dans le meilleur des cas. En faisant valoir que la matrice A n’était pas déterminante, la BC Ferries voudrait me faire croire qu’il ne s’agit pas d’un document adéquat pour examiner l’évaluation par l’équipe de l’effectif de sécurité du niveau d’effectif minimal de sécurité pour les traversiers de classe Island et, en fin de compte, la décision de délivrer le permis C. S’il était vrai que l’information contenue dans la matrice A n’est rien de plus que cela — de l’information, et qu’elle n’est pas déterminante dans le cadre de l’évaluation par l’équipe de l’effectif minimal de sécurité, la Cour ne disposerait que de suppositions et d’arguments pour s’acquitter de ses propres fonctions dans le contexte d’un contrôle judiciaire. À la lecture de la preuve, je constate que trois membres de l’équipe de l’effectif de sécurité doivent être d’accord avec l’évaluation du niveau d’effectif minimal de sécurité pour que le document spécifiant les effectifs de sécurité soit délivré. Si un consensus d’au moins trois membres de l’équipe de l’effectif minimal de sécurité ne peut être dégagé, la question est alors transmise au palier suivant, jusqu’au Directeur général de la sécurité et sûreté maritimes de Transports Canada pour que ce dernier rende une décision définitive, après quoi, le dossier devrait suffire pour permettre à une cour de révision de « relier les points » et de trancher la question de savoir si la décision finale concernant la délivrance d’un document spécifiant les effectifs de sécurité était « transparente, intelligible et justifiée » (Vavilov, au para 15).

(4) Le défaut de la BC Ferries de recourir au formulaire de demande B

[28] Le syndicat soutient que si BC Ferries avait utilisé le formulaire de demande B, qui s’applique aux bâtiments non assujettis à la Convention sur la sécurité ou aux bâtiments sans SGS, le processus concernant le document spécifiant les effectifs de sécurité pour la classe C aurait pu permettre d’obtenir un niveau d’effectif minimal de sécurité de sept membres d’équipage pour les traversiers de classe Island. Bien que cela puisse être le cas, je ne vois pas en quoi cet argument est utile au syndicat. BC Ferries n’a pas utilisé le formulaire de demande B et n’y était d’ailleurs pas obligée. L’entreprise a plutôt utilisé le formulaire A, ce qui a déclenché un examen par un panel composé de cinq membres de Transports Canada, de façon à pouvoir souligner le fait que l’entreprise menait ses activités conformément à un SGS et au Code ISM, et que les bâtiments étaient dotés d’un équipement de sécurité et de sauvetage automatisé qui a réduit le besoin de la présence en personne de membres d’équipage pour voir à chaque aspect de l’intervention d’urgence, des aspects qui n’auraient pas fait partie du nouveau processus d’évaluation de l’effectif minimal de sécurité avec le formulaire de demande B. Au bout du compte, il incombait à l’équipe responsable de l’effectif de sécurité d’évaluer de quelle façon ces éléments ont une incidence sur la détermination des niveaux d’effectif minimal de sécurité pour les bâtiments comme l’exigent les règlements en vigueur.

(5) Le maintien du pouvoir discrétionnaire de Transports Canada d’exiger la tenue d’exercices d’évacuation et de sécurité à bord.

[29] Comme il a été mentionné, le nouveau processus d’évaluation de l’effectif minimal de sécurité ne nécessite plus la présence d’inspecteurs de la sécurité maritime lors des exercices d’évacuation et de sécurité à bord menées par l’équipage, car il a été remplacé par le processus de [traduction« validation par le rôle d’appel ». En fait, la note 11 des notes explicatives de la matrice A indique ce qui suit : [traduction« Il ne devrait y avoir aucune démonstration d’un exercice d’incendie et d’embarcation, car l’examen du rôle d’appel devrait permettre de valider cet exercice. » Cela étant dit, les notes explicatives de la matrice A visent à informer les inspecteurs de la sécurité maritime qui remplissent le document, mais ne doivent pas entraver leur pouvoir discrétionnaire dans la façon dont ils évaluent les niveaux d’effectif minimal de sécurité conformément au RPM. Je dois souscrire à l’avis du syndicat voulant que Transports Canada préserve son pouvoir discrétionnaire d’exiger que de tels exercices aient lieu pour l’évaluation de l’effectif minimal de sécurité au besoin et que l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire, d’une façon ou d’une autre, puisse exercer une incidence sur le caractère raisonnable de sa décision à l’égard de la délivrance d’un document spécifiant les effectifs de sécurité. Le syndicat soutient que les documents soumis par BC Ferries n’indiquaient pas clairement le nombre minimal de membres d’équipage qui devraient être à bord des traversiers de classe Island et que, par conséquent, Transports Canada aurait dû exercer son pouvoir discrétionnaire et exiger la tenue d’exercices d’évacuation et de sécurité à bord pour valider l’ultime décision. En fait, selon le syndicat, le fait de ne pas l’avoir fait a rendu déraisonnable la décision de délivrer le permis C. Il me semble qu’il incombe toujours au syndicat d’établir que l’exercice du pouvoir discrétionnaire de Transports Canada de ne pas exiger la tenue d’exercices d’évacuation et de sécurité à bord dans ce cas était non seulement déraisonnable en soi, mais aussi déterminant dans la décision de délivrer le permis C. En l’espèce, je n’ai pas été convaincu que la décision de la part de Transports Canada de ne pas exiger la tenue d’un exercice d’évacuation et de sécurité à bord était déraisonnable dans les circonstances.

(6) La pertinence des politiques et procédures en matière de sécurité à bord des traversiers de classe Island

[30] Bien que l’équipe de l’effectif de sécurité ne disposait d’aucun MEF ou MPB relatif aux traversiers de classe Island lors de l’évaluation de la demande de BC Ferries pour un document spécifiant les effectifs de sécurité pour la classe C, comme je l’ai mentionné, le dossier que j’ai en main contient les politiques et les procédures de sécurité propres à la flotte et aux navires, à jour le 7 juin 2020, lesquelles, selon la BC Ferries, sont en cours de mise à jour pour tenir compte du permis C qui vient d’être délivré. Deux questions se posent dans cette affaire : premièrement, le syndicat soutient que, puisque BC Ferries a choisi d’utiliser le formulaire de demande A, elle était tenue de fournir ses politiques et procédures en matière de sécurité en même temps, parce que la note explicative 9 de la matrice A exige que tous les demandeurs fournissent tous les documents sur le SGS. Par conséquent, toute décision prise au titre du formulaire de demande A qui ne comprend pas les documents du SGS est donc, selon le syndicat, déraisonnable. Le syndicat renvoie également à la présentation PowerPoint de Transports Canada donnée pendant la période précédant la mise en œuvre officielle du nouveau processus d’évaluation de l’effectif minimal de sécurité, qui précise que toute demande utilisant le formulaire de demande A [traduction« doit » être appuyée par des documents du SGS. Pour étayer son argumentation, le syndicat renvoie au rapport du Bureau de la sécurité des transports du Canada [le BST] relatif à l’incident du navire Island Queen III, survenu le 8 août 2017, pour expliquer et souligner le contexte, l’importance et les principaux objectifs d’un SGS. Je ne peux être d’accord avec le syndicat. Comme je l’ai dit plus tôt, les notes explicatives relatives à la matrice A — et, j’ajouterais, de toute présentation PowerPoint — ne peuvent pas restreindre le pouvoir discrétionnaire des inspecteurs en sécurité maritime dans la façon dont ils évaluent les niveaux de l’effectif minimal de sécurité conformément au RPM, et ici, on ne m’a montré aucune disposition législative ou réglementaire qui exige le dépôt des documents du SGS dans le cadre du processus de demande de document spécifiant les effectifs de sécurité. Comme c’est le cas pour l’exercice d’évacuation et les exercices de sécurité, Transports Canada doit être convaincu que les exigences du RPM ont été respectées; il conserve le pouvoir discrétionnaire d’insister pour que les documents pertinents à jour du SGS soient déposés avant la publication d’un document spécifiant les effectifs de sécurité, et le défaut de le faire peut entrer en ligne de compte pour juger si la décision de publier un document spécifiant les effectifs de sécurité en particulier est raisonnable. Toutefois, il faut garder à l’esprit que les politiques et les procédures de sécurité ne fixent pas les niveaux d’effectif minimal de sécurité pour les navires; cette décision relève de l’autorité compétente — en l’espèce, Transports Canada — conformément aux exigences réglementaires; les politiques et les procédures de sécurité à bord d’un navire peuvent être élaborées en conséquence. En fin de compte, la question consiste à savoir s’il était déraisonnable, sous le régime législatif applicable, que Transports Canada soit convaincu que les caractéristiques des traversiers de classe Island, y compris l’équipement à bord, les opérations prévues et la formation de son équipage, justifiaient de délivrer le permis C. Par conséquent, je ne suis pas convaincu que le fait de ne pas fournir de MEF ou de MPB pour les traversiers de classe Island dans le cadre de la demande par BC Ferries d’un document spécifiant les effectifs de sécurité pour la classe C a rendu déraisonnable la décision de délivrer le permis C à BC Ferries. Quoi qu’il en soit, le syndicat a concédé devant moi que si, dans le cours normal des choses, un demandeur acceptable pour Transports Canada confirmait clairement que le RPM était entièrement et manifestement respecté, il ne serait pas nécessaire de déposer des documents du SGS en vue de la publication d’un document spécifiant les effectifs de sécurité. En l’espèce, comme je le mentionne ci‐dessous, je ne suis pas convaincu que BC Ferries n’a pas fourni à Transports Canada une explication claire et complète selon laquelle le RPM était entièrement et manifestement respecté; en fait, la matrice A confirme expressément que l’équipe de l’effectif de sécurité était satisfaite de la conformité grâce, dans une large mesure, aux documents déposés par BC Ferries — à savoir le formulaire de demande rempli en lui‐même, le rapport d’évaluation des risques pour l’effectif minimal de sécurité et l’exercice sur table, en plus du rôle d’appel.

[31] La deuxième question qui se pose est l’accent mis par le syndicat sur les incohérences entre les documents du MPB, qui font partie de son dossier, et les décisions de l’équipe de l’effectif de sécurité, que l’on retrouve dans la matrice A. L’un des principaux thèmes de l’argumentation du syndicat consiste à dire qu’il est impossible que les traversiers de classe Island, avec un effectif de cinq membres d’équipage, respectent plusieurs des politiques et procédures de sécurité de BC Ferries qui m’ont été communiquées. C’est peut‐être le cas, mais c’est peu pertinent, car ces documents ont été préparés en fonction du permis A et du permis B et, de toute façon, l’équipe de l’effectif de sécurité n’en disposait pas au moment de la délivrance du permis C. De plus, le syndicat n’a pas démontré que les politiques et procédures de sécurité des traversiers de classe Island sont visées par l’une des exemptions reconnues à la règle générale voulant que seul le dossier dont disposait le décideur administratif soit admissible en preuve dans une instance de contrôle judiciaire (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22 au para 20 [Association des universités]).

(7) Le caractère suffisant ou non du dossier

[32] Je devrais également souligner que Transports Canada s’est abstenu de déposer un affidavit d’un membre de la l’effectif minimal de sécurité portant sur le processus délibératif ayant mené à la décision de délivrer le permis C (Association des universités, aux para 19 et 20; Shahzad c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 999 au para 20). En fait, la matrice A ne contient aucune information sur les facteurs pris en compte ni sur les délibérations ou les discussions menées par l’équipe de l’effectif de sécurité pour en arriver à sa décision. Lorsque le syndicat a déposé son avis de demande, il a demandé tous les comptes rendus des discussions et des délibérations de Transports Canada concernant les niveaux d’effectif minimal de sécurité pour les traversiers de classe Island au titre de l’article 317 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‐106 (Conseil canadien, au para 108). Transports Canada a fourni certains des documents demandés, mais a revendiqué le privilège du processus délibératif pour la plupart d’entre eux; le syndicat a décidé de ne pas s’opposer à Transports Canada à cet égard.

(8) L’examen par Transports Canada des instruments internationaux

[33] La question de savoir si Transports Canada devait tenir compte des conventions internationales dans son évaluation des niveaux de l’effectif minimal de sécurité a suscité un débat plus vaste sur ce que constitue une « situation d’urgence » aux termes du paragraphe 207(4) du RPM.

[34] Bien qu’il reconnaisse que les traversiers de classe Island sont des navires non assujettis à la Convention, le syndicat affirme que bon nombre des règlements adoptés en vertu de la Loi renvoient à des conventions et normes maritimes internationales, et soutient que l’analyse du caractère raisonnable ou non de la décision de délivrer le permis C doit tenir compte de ces instruments internationaux; lorsque les instruments internationaux applicables entrent en conflit avec la législation nationale, le syndicat soutient que la norme de sécurité plus élevée devrait prévaloir. À l’appui de sa prétention, le syndicat renvoie à la note explicative 4 de la matrice A, selon laquelle l’article 202 du RPM exige que toute demande de document spécifiant les effectifs de sécurité comprenne une proposition déterminée en suivant les directives énoncées dans la résolution A.1047(27) de l’OMI. Toutefois, l’article 202 du RPM ne s’applique qu’aux navires assujettis à la Convention sur la sécurité, ce qui n’est pas le cas des traversiers de classe Island; les notes explicatives ne peuvent être considérées comme des modifications à la Loi. Quoi qu’il en soit, la demande de document spécifiant les effectifs de sécurité pour la classe C comprenait la preuve que la proposition par BC Ferries des niveaux d’effectif minimal de sécurité a été préparée en suivant les directives énoncées dans la résolution A.1047(27) de l’OMI, et le syndicat ne m’a pas montré que ces directives n’ont pas été respectées.

[35] De plus, le syndicat affirme que les articles 213 et 223 du RPM, qui intègrent le Code de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille [le Code STCW] adopté en vertu de la Convention internationale de 1978 sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille [la Convention STCW], doivent être pris en compte par Transports Canada lors de son évaluation des niveaux d’effectif minimal de sécurité en situation d’urgence qui n’est pas visée par le paragraphe 207(4); dans un tel cas, le paragraphe 207(3) du RPM fait office de base pour la détermination des exigences relatives à l’effectif minimal. Puis, le Code STCW entre en jeu dans le sous‐alinéa 207(3)d)(i), qui renvoie à l’article 213, et dans le sous‐alinéa 207(3)d)(ii), qui renvoie à l’article 223 du RPM, et n’autorise pas la réduction des quarts pendant de telles situations d’urgence et ne permet pas à l’officier de quart d’assumer des fonctions supplémentaires.

[36] Mettant de côté l’application du paragraphe 207(2) du RPM, le syndicat fond son argument sur les situations d’urgence existantes, qui ne sont pas régies par le paragraphe 207(4); le syndicat soutient que le scénario d’une personne tombée à la mer est une situation où l’effectif minimal prévu au paragraphe 207(3) du RPM s’appliquerait. Transports Canada ne croit pas que le paragraphe 207(3) s’applique au scénario d’une personne tombée à la mer, mais va plus loin en affirmant que la « situation d’urgence » à laquelle le paragraphe 207(4) s’applique est limitée aux urgences comme les incendies à bord ou « tout autre événement majeur nécessitant l’évacuation des passagers comme une collision ou un échouement ». Cela pourrait signifier que l’application des exigences relatives à l’effectif minimal du paragraphe 207(4) n’est pas déclenchée si une personne tombe à la mer ou s’il y a une urgence médicale. Évidemment, c’est ce qui m’amène à poser la question suivante : quelles exigences relatives à l’effectif minimal s’appliqueraient dans de telles situations?

[37] Je ne peux souscrire ni à l’argument du syndicat, ni à celui de Transports Canada. Rien n’ouvre la porte à l’établissement d’une distinction entre les situations d’urgence et on ne m’a pas convaincu que le scénario d’une personne tombée à la mer ne constitue pas une situation d’urgence à laquelle les exigences relatives à l’effectif minimal du paragraphe 207(4) du RPM s’appliquent. Je dois reconnaître que les tâches à effectuer simultanément prévues à l’alinéa 207(4)d) semblent faire davantage référence aux incendies à bord et aux urgences qui nécessitent l’évacuation des passagers. Cependant, ni la Loi ni le RPM ne définit le terme « situation d’urgence », tout comme le RPM ne définit pas les différents effectifs minimaux selon la nature de l’urgence. L’un des trois documents de politiques internes qui orientent l’évaluation par Transports Canada d’un niveau d’effectif minimal d’un bâtiment est le Volet I – Politique, Détermination de l’effectif minimal [Volet I – Politique] de Transports Canada, un document qui contient l’interprétation de Transports Canada des exigences du RPM en ce qui concerne les niveaux d’effectif minimal de sécurité. La disposition 2.1 du Volet 1 – Politique précise que les niveaux d’effectif minimal de sécurité doivent faire en sorte qu’à bord d’un bâtiment, il y ait un nombre suffisant de membres d’équipage qui :

se conforment aux exigences de la partie 2 du Règlement sur le personnel maritime;

exécutent les tâches, fonctions et responsabilités requises pour l’exploitation sécuritaire du bâtiment, pour leur propre sécurité, pour la protection du milieu marin et pour l’intervention dans des situations d’urgence.

[38] Je note aussi que, même s’il ne s’applique pas nécessairement dans ce cas, l’article 24.74 du Occupational Health and Safety Regulation, BC Reg 296/97, adopté en vertu du Workers Compensation Act de la Colombie‐Britannique, RSBC 1996, c. 492, prévoit qu’une situation de [traduction« personne tombée à la mer » constitue une situation d’urgence, au même titre que les situations [traduction]°d’« incendie à bord », d’« envahissement du bâtiment », d’« abandon du bâtiment » et de « demande d’aide ». Quoi qu’il en soit, le paragraphe 207(4) du RPM indique clairement les exigences relatives à l’effectif minimal à bord d’un bâtiment qui sont requises [traduction« pour répondre à une situation d’urgence ». Il peut être question de situations où la sécurité des membres d’équipage et des passagers est en jeu et qui nécessitent l’intervention de l’équipage. À ce sujet, je n’ai pas été convaincu que la Loi ou le RPM limite la notion d’une situation d’urgence aux incendies à bord ou aux situations nécessitant l’évacuation des passagers.

[39] Après s’être fait presser de répondre à ce sujet pendant l’audience, Transports Canada a fini par reconnaître que le scénario d’une personne tombée à la mer serait, selon toute vraisemblance, une situation d’urgence visée par le paragraphe 207(4) du RPM. En fait, dans son rôle d’appel, BC Ferries relève diverses urgences, notamment la perspective d’une personne tombée à la mer de même que des urgences médicales, des situations que l’entreprise considère comme étant des situations d’urgence nécessitant l’intervention de l’équipage. Par conséquent, et même s’il n’est pas dans mon intention de présenter chaque scénario qui constituerait une situation d’urgence au titre du paragraphe 207(4) du RPM, je crois qu’une personne tombée à la mer constitue une telle urgence. Je comprends aussi que, contrairement à l’exploitation normale prévue par le paragraphe 207(3), un bâtiment ne ferait généralement pas route dans des situations d’urgence ou d’évacuation et après l’abandon du bâtiment.

[40] Cela soulève évidemment la question de la manière avec laquelle Transports Canada évalue la conformité au paragraphe 207(4) dans le contexte d’une situation d’urgence qui ne consiste pas nécessairement en un incendie ou n’emporte pas la nécessité d’évacuer les passagers. Transports Canada affirme qu’il n’a pas eu à tenir compte des urgences médicales et de scénarios de personne tombée à la mer dans son évaluation des niveaux de l’effectif minimal de sécurité, parce que le RPM n’aborde aucun de ces scénarios. Je suis d’accord avec Transports Canada, mais seulement en ce qui concerne l’application de l’alinéa 207(4)d) du RPM. À mon avis, il n’est pas nécessaire de se demander si une situation d’urgence précise est visée à l’alinéa 207(4)d), compte tenu du libellé du RPM. Une fois que Transports Canada détermine un effectif minimal dans une situation d’urgence qui est conforme à l’alinéa 207(4)d) du RPM — comme le montre la matrice A dans ce cas‐ci —, il n’est pas nécessaire de répéter le processus pour divers types de situations d’urgence. Je soupçonne que, dans la plupart des cas, sinon tous, cette évaluation et cette détermination seront entreprises dans le cadre de scénario d’incendie et d’évacuation, mais c’est simplement une conséquence des dispositions quelque peu désuètes et restrictives de l’alinéa 207(4)d) du RPM.

[41] Cependant, toutes les situations d’urgence, y compris les scénarios de personne tombée à la mer et les urgences médicales, demeurent assujetties aux exigences relatives à l’effectif minimal prévues aux alinéas 207(4)a) à c) du RPM. Transports Canada fait valoir qu’il ne peut pas envisager tous les scénarios qui constitueraient une situation d’urgence. C’est peut‐être le cas, mais lorsque le scénario est effectivement abordé dans la documentation de la BC Ferries (par exemple, le contenu d’un rôle d’appel au titre du Règlement sur les exercices d’incendie et d’embarcation), je dois penser que l’équipe de l’effectif minimal de sécurité doit tenir compte de ce scénario pour déterminer l’effectif minimal d’un navire. Cela dit, dans la présente affaire, je ne suis pas convaincu que le rôle d’appel reflète le déploiement de l’équipage dans un scénario de personne tombée à la mer qui est incompatible avec les exigences des alinéas 207(4)a) à c) du RPM.

[42] Pour en revenir à la question de la prise en compte des instruments internationaux dans l’évaluation des niveaux d’effectif minimal de sécurité, en mettant de côté ce que le Code STCW permet ou ne permet pas, j’affirme que les paragraphes 207(3) et 207(4) comportent des scénarios distincts et ont leurs propres exigences de conformité relatives à l’effectif minimal requis. Je me permets de relever, par exemple, qu’on fait expressément référence au capitaine dans les deux paragraphes. Cela ne veut pas dire qu’un bâtiment peut se conformer à un paragraphe sans se conformer à l’autre. L’article 207 prévoit des exigences distinctes relatives à l’effectif minimal pour chaque scénario, le nombre de membres d’équipage le plus élevé, qui est dans ce cas calculé à l’aide de la matrice A, devenant en règle générale le niveau d’effectif minimal de sécurité du bâtiment. Le scénario de l’exploitation normale prévu au paragraphe 207(3) n’est donc pas, comme le suggère le syndicat, la « base » sur laquelle d’autres scénarios sont établis. Contrairement aux exigences présentées aux sous‐alinéas 207(3)d)(i) et 207(3)d)(ii) du RPM, les exigences relatives au quart à la passerelle et au quart dans la salle des machines présentées aux sous‐alinéas 207(4)b)(i) et 207(4)b)(ii) ne renvoient pas aux articles 213 et 223 du RPM, ce qui signifie que la détermination de l’effectif minimal pour répondre à une situation d’urgence ne doit pas prendre en compte le Code STCW. En d’autres mots, toute restriction qui peut composer le Code STCW concernant la réaffectation de membres de l’équipage qui remplissent des fonctions de quart ne s’applique pas à l’évaluation de l’effectif minimal requis pour répondre à une situation d’urgence conformément au paragraphe 207(4) du RPM. À mon avis, l’une des raisons de cette distinction est, comme il a été mentionné ci‐dessus, qu’un bâtiment ne fera généralement pas route dans des situations d’urgence ou même dans des situations d’évacuation et après l’abandon du bâtiment; les moteurs du bâtiment auraient été coupés. Je tiens également compte du paragraphe 207(2) qui dispose que tout membre d’équipage exerçant les fonctions d’un poste énuméré dans le document spécifiant les effectifs de sécurité peut être assigné à diverses fonctions de façon à satisfaire aux exigences de plus d’une disposition de l’article 207 du RPM.

[43] Je conviens avec le syndicat que le Canada devrait respecter ses engagements lorsqu’il signe des traités internationaux, mais la portée de l’incorporation de toute convention internationale est assujettie à la façon dont cette convention ou cet instrument international a été adopté en droit canadien; bien que la Convention STCW soit inscrite à l’Annexe 1 de la Loi, elle peut avoir force de loi au Canada par règlement, en tout ou en partie (paragraphe 29(1) et alinéa 35(1)d) de la Loi).

(9) Le résumé des éléments du RPM, de la matrice A et du rôle d’appel

[44] Je pense qu’il est important d’énoncer les différents éléments du RPM, de la matrice A remplie par l’équipe de l’effectif minimal de sécurité dans le cadre du processus d’évaluation relatif au permis C et du rôle d’appel, car ils peuvent être quelque peu déroutants.

[45] L’article 207 du RPM présente les exigences relatives à l’effectif minimal selon divers scénarios : l’effectif minimal doit satisfaire, le cas échéant, aux exigences prévues au paragraphe 207(3) pour l’exploitation du bâtiment (exploitation normale) de même qu’au paragraphe 207(4) pour répondre à une situation d’urgence, et doit aussi être suffisant en nombre pour mettre en œuvre, dans le cas d’un bâtiment transportant des passagers, le plan d’évacuation exigé par le Règlement sur l’équipement de sauvetage, CRC, c 1436 (le RES) (paragraphe 207(5)) et pour faire face à la situation après l’abandon du bâtiment (paragraphe 207(6)). L’alinéa 207(4)d) prévoit aussi, pendant une situation d’urgence, certaines tâches que les personnes faisant partie de l’effectif minimal doivent effectuer simultanément, en plus des autres tâches prévues au paragraphe 207(4) du RPM.

[46] La matrice A compte quatre sections qui sont le reflet des scénarios prévus à l’article 207 du RPM : a) exploitation normale, b) urgence, c) évacuation (abandon du bâtiment) et d) après l’abandon. Comme il a déjà été mentionné, chacune des quatre sections de la matrice A compte une série axée sur des options méthodiques de tableaux et de notes qui renvoient aux diverses exigences du RPM, que l’équipe de l’effectif minimal de sécurité s’efforce de remplir après l’évaluation de l’information fournie par BC Ferries et qu’elle utilise pour calculer le nombre total de membres d’équipage requis pour chacune des quatre sections; le nombre le plus élevé parmi les quatre sections devient le niveau d’effectif minimal de sécurité du bâtiment.

[47] Le rôle d’appel soumis par BC Ferries dans le cadre de sa demande de document spécifiant les effectifs de sécurité pour la classe C traite des procédures d’urgence et d’évacuation et présente les fonctions de l’équipage pendant les phases d’intervention d’urgence et deux types d’urgence en particulier : (1) réponse initiale, (2) postes d’urgence (3) postes de préparation à l’évacuation, (4) plan d’abandon du bâtiment, (5) postes de canot de secours (personne tombée à la mer) et (6) urgence médicale. Le rôle d’appel permet d’orienter l’équipe de l’effectif minimal de sécurité sur la détermination des niveaux d’effectif minimal de sécurité et aide celle‐ci à remplir les sections de la matrice A, ce qui permet de déterminer le niveau de conformité (d’une manière ou d’une autre) aux exigences relatives à l’effectif minimal dans les scénarios prévus à l’article 207 du RPM; au bout du compte, l’évaluation et la détermination du niveau d’effectif minimal de sécurité sont menées par l’équipe de l’effectif minimal de sécurité en fonction du RPM.

[48] Comme il a déjà été mentionné, la matrice A compte quatre sections ou tableaux qui sont le reflet des scénarios prévus à l’article 207 du RPM.

a) Le tableau 1 de la matrice A – exploitation normale

[49] Pour ce qui est de l’exploitation normale (aucune urgence), l’équipe de l’effectif minimal de sécurité a rempli les cases du tableau 1 de la matrice A conformément aux exigences prévues au paragraphe 207(3) du RPM et, plus particulièrement, au Code STCW. L’équipage de la passerelle est composé d’un capitaine (qui, en raison de l’établissement de trois quarts à la passerelle, a été compté comme un membre du quart à la passerelle) et l’officier de pont comme personne supplémentaire, les deux étant en mesure de remplir les fonctions de veille radioélectrique. Le syndicat convient qu’une deuxième personne supplémentaire n’est pas requise dans ce cas‐ci. La matrice A prévoit aussi un membre d’équipage pour le quart dans la salle des machines et deux autres membres pour l’exécution de toute autre tâche au besoin, ce qui fait donc un effectif de cinq membres d’équipage. Le syndicat ne conteste pas cette partie.

b) Le tableau 2 de la matrice A – situations d’urgence

[50] Pour ce qui est des situations d’urgence, l’équipe de l’effectif minimal de sécurité a rempli de la façon suivante les cases du tableau 2 de la matrice A conformément aux exigences prévues au paragraphe 207(4) du RPM concernant la nécessité d’avoir un effectif de cinq membres d’équipage :

a) quart à la passerelle – le capitaine, qui agit aussi à titre d’officier de quart (alinéa 207(4)a) et sous‐alinéa 207(4)(b)(i) du RPM) et une personne supplémentaire dûment brevetée, pourraient tous deux, comme le syndicat l’a admis dans ce cas‐ci, agir à titre de préposé principal aux transmissions (alinéa 207(4)c)) et remplir des fonctions de veille radioélectrique (sous‐alinéa 207(4)b)(iii));

b) quart dans la salle des machines – un membre d’équipage pour le quart dans la salle de machines (sous‐alinéa 207(4)b)(ii) du RPM);

c) En ce qui concerne le besoin d’avoir d’autres personnes en situation d’urgence : deux membres d’équipage supplémentaires, dont l’ajout est validé par l’équipe de l’effectif minimal de sécurité au moyen des documents fournis par BC Ferries, seraient nécessaires pour permettre à l’effectif minimal d’effectuer simultanément les tâches présentées à l’alinéa 207(4)d) du RPM :

(i) une personne supplémentaire pour faire fonctionner et utiliser l’équipement et les systèmes d’extinction d’incendie (sous‐alinéa 207(4)d)(i))

(ii) une personne supplémentaire pour diriger et encadrer jusqu’à 150 passagers à bord (sous‐alinéa 207(4)d)(iv)) en se fondant sur le fait qu’il y a un compartiment généralement occupé par des passagers et un seul poste de rassemblement.

[51] La matrice A confirme également que l’équipe de l’effectif minimal de sécurité a été en mesure de valider, au moyen des documents fournis par BC Ferries, que l’exigence pour faire fonctionner le système de pompage et d’alimentation en électricité de secours d’un navire (sous‐alinéa 207(4)d)(iii)) pourrait être entreprise simultanément — le syndicat convient que le chef mécanicien s’acquitterait de cette tâche —, tout comme l’exigence d’assurer la communication entre la personne directement responsable du bâtiment et les personnes chargées de diriger et d’encadrer les passagers (sous‐alinéa 207(4)d)(v)) — le syndicat convient que le capitaine pourrait s’acquitter de cette tâche. La case du préposé principal aux transmissions (alinéa 207(4)c)) a été biffée dans le modèle de matrice A — encore une fois, le syndicat convient qu’une personne supplémentaire n’est pas requise, car cette tâche peut être accomplie par l’officier de quart.

[52] Toutefois, la case associée à la préparation de la mise à l’eau des bateaux de sauvetage qui sont à bord (sous‐alinéa 207(4)d)(ii)) est également biffée dans le modèle de matrice A, ce que le syndicat qualifie de déraisonnable, parce qu’il s’agit d’une tâche précise qui doit être entreprise en même temps que les tâches restantes énoncées à l’alinéa 207(4)d) du RPM; j’aborderai cette question plus en détail dans ma décision.

[53] Les notes explicatives de la matrice A indiquent que lorsqu’un bâtiment est doté de tourelles de lutte contre l’incendie commandées à distance, il peut être convenable de réduire le personnel affecté à l’équipe de lutte contre les incendies si cette mesure est validée par l’équipe de l’effectif minimal de sécurité (ce que le code de couleur de la matrice A dans le dossier a confirmé). Le code de couleur de la matrice A confirme aussi que l’équipe de l’effectif minimal de sécurité a validé la mesure au moyen des évaluations et des explications fournies par BC Ferries dans le formulaire de demande A qui indique que l’équipage affecté au rôle d’appel a pu diriger et encadrer les 145 passagers à bord du bâtiment. Il faut se rappeler que l’équipe de l’effectif minimal de sécurité disposait du rapport d’évaluation des risques liés à l’effectif minimal de sécurité et l’exercice sur table de BC Ferries.

c) Tableau 3 de la matrice A – évacuation (abandon du bâtiment)

[54] Contrairement aux paragraphes 207(3) et 207(4), le paragraphe 207(5) du RPM, qui traite du scénario d’évacuation des passagers, n’énonce pas de détails au sujet de ce que doit être l’effectif minimal d’un bâtiment. Ce paragraphe indique plutôt que l’effectif minimal est composé « des personnes en nombre suffisant pour effectuer l’évacuation et, dans le cas d’un bâtiment transportant des passagers, pour mettre en œuvre le plan d’évacuation exigé par le » RES. La section sur l’évacuation (abandon du bâtiment) de la matrice A ne renvoie donc pas aux fonctions de quart à la passerelle. Étant donné que les traversiers de classe Island étaient déjà équipés d’un dispositif d’évacuation en mer, l’équipe de l’effectif minimal de sécurité a désigné un membre d’équipage responsable de l’évacuation, un membre en poste au sommet du toboggan d’évacuation et un autre (par tranche de 150 passagers) affecté au contrôle des foules. De plus, la matrice A indique fait état de l’affectation de deux membres d’équipage aux opérations de sauvetage au moyen de canots de secours, ce qui donne un effectif total de cinq membres d’équipage.

d) Tableau 4 de la matrice A – après l’abandon du bâtiment

[55] Comme pour le scénario d’évacuation, le scénario de la situation après l’abandon du bâtiment du paragraphe 207(6) du RPM ne présente pas les particularités de l’effectif minimal d’un bâtiment, mais indique simplement que l’effectif minimal d’un bâtiment est composé, pour faire face à la situation après l’abandon du bâtiment, de personnes brevetées en nombre suffisant; dans ce cas‐ci, l’équipe de l’effectif minimal de sécurité a jugé qu’une seule personne était requise pour faire face à une telle situation en raison des paramètres présentés dans la matrice A.

[56] Étant donné que le niveau d’effectif minimal de sécurité doit être le nombre le plus élevé de chacune des quatre sections de la matrice A, dans le cas des traversiers de classe Island, ce niveau a été fixé à cinq membres d’équipage.

[57] Comme il est écrit dans l’arrêt Vavilov, en l’absence de motifs, mon examen portera davantage sur le résultat de la décision de délivrer le permis C que sur le processus de raisonnement de l’équipe de l’effectif minimal de sécurité.

B. Questions soulevées par le syndicat

(1) Était‐il déraisonnable de la part de Transports Canada de décider qu’un équipage composé de cinq membres pouvait effectuer le quart à la passerelle et le quart dans la salle des machines de façon sécuritaire en situation d’urgence, comme l’exige les sous‐alinéas 207(4)b)(i) et (ii) du RPM?

[58] Comme il a déjà été mentionné, la matrice A a confirmé l’exécution par le capitaine d’un quart à la passerelle à titre d’officier de quart et l’ajout d’une personne sur le pont conformément aux articles 214 à 216 du RPM, ainsi que l’ajout d’une personne effectuant le quart dans la salle des machines en situation d’urgence, ce qui permet à deux membres d’équipage d’effectuer toute autre tâche requise. Le syndicat affirme que deux membres d’équipage ne suffisent pas pour remplir les fonctions d’urgence, car dans une telle situation à bord du bâtiment, au moins un membre d’équipage doit obligatoirement quitter son poste à la passerelle ou dans la salle des machines pour aider à d’autres tâches, ce qui fait que les exigences relatives aux quarts à la passerelle et dans la salle des machines ne sont plus respectées.

[59] Le syndicat reprend l’exemple du scénario d’une personne tombée à la mer et soutient que le rôle d’appel pendant la phase des postes de canots de secours (personne tombée à la mer) fait en sorte qu’en raison de l’intervention de trois membres d’équipage, il ne reste que le capitaine et le chef mécanicien sur le pont, ce qui compromet la conformité aux exigences relatives aux quarts à la passerelle et dans la salle des machines du paragraphe 207(3). Cependant, comme je l’ai déjà mentionné, je ne souscris pas à l’argument selon lequel les exigences relatives à l’effectif minimal dans un scénario de personne tombée à la mer soient évaluées en application du paragraphe 207(3) du RPM.

[60] Par ailleurs, le syndicat soutient que même si l’effectif minimal dans le scénario d’une personne tombée à la mer doit être évalué en application du paragraphe 207(4), le fait de n’avoir que deux membres d’équipage disponibles pour répondre à la situation d’une personne tombée à la mer créé néanmoins une situation qui compromet encore la conformité aux exigences relatives aux quarts à la passerelle et dans la salle des machines des sous‐alinéas 207(4)b)(i) et (ii). Le syndicat renvoie à la Launch and Recovery of Rescue and Shepherd Boats Policy [LRRSBP], qui fait partie des documents du MPB qui régissent la mise à l’eau des canots de secours dans le cas, notamment, d’une situation de personne tombée à la mer, qui permet à un équipage de quatre membres (le responsable, le patron d’embarcation, l’assistant au bateau et l’opérateur de bossoir) de participer à l’opération de sauvetage d’une personne tombée à la mer au moyen d’un canot de secours. Ainsi, le syndicat soutient qu’un équipage de cinq membres ne suffit toujours pas à assurer les quarts obligatoires à la passerelle et dans la salle des machines pendant que cet équipage s’occupe de la mise à l’eau du canot de secours et de sa récupération en situation d’urgence.

[61] D’abord, l’idée d’associer l’argument du syndicat aux politiques et procédures s’appliquant aux traversiers de classe Island est vouée à l’échec, car l’équipe de l’effectif minimal de sécurité ne disposait pas de la LRRBSP lors de la délivrance du permis C et elle n’avait pas à en disposer non plus. Comme j’ai précédemment mentionné, la version des documents du MPB qui fait partie du dossier du syndicat a été préparée selon le fait que les traversiers de classe Island ont obtenu leurs permis A et B (lorsque l’équipage compte plus de cinq membres à bord disponibles) et est en ce moment mise à jour pour prendre en compte la délivrance du permis C. Il est fort possible qu’une fois révisée et avec un équipage de cinq membres à bord seulement, la LRRSBP combine les fonctions du responsable et de l’opérateur de bossoir, un peu comme ce que la LRRSBP prévoit dans un scénario d’abandon du bâtiment/de mise à l’eau dans le cadre d’une évacuation, même si à ce stade, il ne s’agit que d’une hypothèse.

[62] Quoi qu’il en soit, je ne peux accepter l’argument du syndicat sur cette question; le rôle d’appel pendant la phase des postes de canots de secours (personne tombée à la mer) prévoit que le déploiement et l’assujettissement du canot de secours soient effectués par l’officier de pont (qui agit à titre de responsable) et que l’équipage du canot de secours soit composé du matelot de pont (qui agit à titre de patron d’embarcation) et du matelot (qui agit à titre d’assistant au bateau) pendant que le capitaine demeure sur le pont (qui agit à titre d’officier à la passerelle) en compagnie du chef mécanicien (au quart dans la salle des machines et à titre de personne supplémentaire pour le quart à la passerelle). J’aborde la question de l’opérateur de bossoir ci‐dessous, mais je ne vois aucun compromis pour le quart à la passerelle ou celui dans la salle des machines dans ce scénario en lien avec les exigences des sous‐alinéas 207(4)b)(i) et (ii); le chef mécanicien est sur le pont pendant toutes les phases du rôle d’appel et il ne m’a pas été démontré qu’il n’est pas qualifié pour agir à titre de « personne supplémentaire » et ainsi satisfaire aux exigences des articles 214 à 216 du RPM.

[63] De plus, le syndicat ne m’a pas convaincu du fait que le déploiement et l’utilisation du canot de secours pour venir en aide à une personne tombée à la mer sont effectués dans le cadre de la tâche « parer pour la mise à l’eau des bateaux de sauvetage » prévue au sous‐alinéa 207(4)d)(ii) du RPM, qui traite du RES et, de façon plus appropriée, du dispositif d’évacuation en mer du bâtiment. Je reconnais, comme je l’indique ci‐dessous, que le canot de secours sert d’unité d’alimentation pour le radeau de sauvetage gonflable. Cependant, je trouve que le contexte du sous‐alinéa 207(4)d)(ii) du RPM ne semble pas prévoir l’utilisation du canot de secours dans une situation de personne tombée à la mer et je ne suis pas convaincu que le canot de secours doit être intégré à la notion de « bateau de sauvetage » au sous‐alinéa 207(4)d)(ii) du RPM. En fait, le rôle d’appel prévoit seulement la mise à l’eau ou le déploiement du dispositif d’évacuation en mer lors des phases des postes de préparation à l’évacuation et du plan d’abandon du bâtiment, à un moment où le chef mécanicien est la personne qui déploie le dispositif d’évacuation en mer. Le dispositif d’évacuation en mer ne doit pas être déployé pendant la phase des postes de canots de secours (personne tombée à la mer); c’est plutôt l’officier de pont (qui agit à titre de responsable) qui déploie et rattache le canot de secours.

[64] Le syndicat soutient aussi que les exigences relatives aux effectifs des bâtiments doivent être souples dans une certaine mesure pour permettre la gestion des situations imprévues sans devoir faire de compromis sur les exigences relatives aux quarts à la passerelle et dans la salle des machines. Selon moi, cette question n’est pas liée aux exigences réglementaires des niveaux d’effectif minimal de sécurité, mais plutôt à la politique des propriétaires de bâtiments. Transports Canada a l’obligation de fixer des niveaux d’effectif minimal de sécurité qui sont conformes aux règlements tout en gardant à l’esprit l’exploitation proposée des bâtiments telle qu’elle est prévue dans la demande du document spécifiant les effectifs de sécurité. Si les propriétaires jugent qu’un plus grand nombre de membres d’équipage est ensuite requis pour accorder un peu de souplesse au capitaine pour gérer des situations particulières ou imprévues qui peuvent survenir pendant cette exploitation, alors ils peuvent au besoin mettre en place des niveaux d’effectif plus élevés. Ce qui est clair, c’est qu’au bout du compte le capitaine ne doit pas exploiter un bâtiment canadien, à moins que l’équipage ne soit suffisant en nombre et compétent pour assurer l’exploitation sécuritaire du bâtiment pendant son voyage projeté (paragraphe 82(2) de la Loi); le maintien des niveaux d’effectif minimal n’est pas un gage de sécurité ou de la navigabilité du bâtiment en toutes circonstances.

[65] Le syndicat soutient aussi que le MEF et le MPB de BC Ferries pour les traversiers de classe Island nécessitent trois membres d’équipage sur la passerelle, y compris le capitaine, en situation d’urgence, alors que le rôle d’appel ne prévoit que deux membres d’équipage sur la passerelle; le syndicat renvoie à la politique de gestion des ressources à la passerelle (la politique de GRP), qui fait partie du MPB et qui prévoit un effectif de trois personnes sur la passerelle, c.‐à‐d. un navigateur, un timonier et un observateur, en situation de zone rouge. Hormis encore une fois le fait que l’équipe de l’effectif minimal de sécurité ne disposait pas de la politique de GRP, je crois que le syndicat interprète mal le document; la politique de GRP indique parfaitement ce qu’est une situation de zone rouge : [TRADUCTION« l’approche d’un quai, la navigation dans un passage étroit, la navigation par visibilité réduite et toute autre circonstance qui nécessite une vigilance accrue ». Cependant, il faut faire la distinction entre une situation où la navigation d’un bâtiment nécessite une vigilance accrue et une situation d’urgence comme un incendie, une collision, un échouement ou tout événement qui nécessite l’évacuation du bâtiment et pour lequel le rôle d’appel est préparé. L’intervention en situation d’urgence est déterminée par la nature de l’urgence (par exemple, la réponse à un incendie comparativement à une situation d’une personne tombée à la mer). Bref, la politique de GRP traite les niveaux d’effectif sur la passerelle en situations non urgentes à haut risque, alors que le rôle d’appel traite l’effectif en situation d’urgence.

[66] Le syndicat soutient aussi que la politique des équipes d’intervention d’urgence, qui fait partie du MPB pour les traversiers de classe Island et qui est à l’origine de la formation de quatre équipes d’intervention d’urgence, nécessite la présence d’un effectif de six membres d’équipage en situation d’urgence, ce qui comprend un assistant de la salle des machines. C’est donc dire qu’un effectif de cinq membres d’équipage ne suffirait pas pour être conforme aux politiques et procédures de sécurité. Cependant, BC Ferries démontre, à la suite de la délivrance du permis C, que la politique des équipes d’intervention d’urgence est en cours de révision pour supprimer l’exigence de présence d’un assistant de la salle des machines.

[67] La question est plutôt de juger si la décision de l’équipe de l’effectif minimal de sécurité selon laquelle l’ajout de deux membres d’équipage, en plus de deux personnes au quart à la passerelle et d’une personne au quart dans la salle des machines, suffisait pour éviter de compromettre les exigences relatives aux quarts à la passerelle et dans la salle des machines en situation d’urgence et pour assurer la conformité au paragraphe 207(4) du RPM était déraisonnable. Je n’ai pas été convaincu que tel était le cas.

(2) Était‐il déraisonnable de la part de Transports Canada de décider qu’un équipage composé de cinq membres pourrait remplir simultanément des fonctions d’urgence précises comme l’exige l’alinéa 207(4)d) du RPM?

[68] Le syndicat soutient que l’un des aspects déraisonnables de la décision de délivrer un permis C est que l’exercice sur table soumis par BC Ferries, tout comme la façon dont les phases d’urgence sont gérées dans le rôle d’appel, indiquent que les tâches prévues aux sous‐alinéas 207(4)d)(i) à (v) du RPM sont exécutées de façon séquentielle, alors que le RPM exige qu’elles soient effectuées simultanément. Le syndicat affirme que toutes les tâches qui doivent être effectuées simultanément pour satisfaire à l’alinéa 207(4)d) sont menées en deux phases du rôle d’appel. Par exemple, la tâche de « lutte contre l’incendie » prévue au sous‐alinéa 207(4)d)(i) est menée pendant la phase des postes d’urgence, tandis que la tâche « parer pour la mise à l’eau des bateaux de sauvetage » prévue au sous‐alinéa 207(4)d)(ii) est effectuée pendant la phase des postes de préparation à l’évacuation; les tâches sont effectuées les unes après les autres plutôt que simultanément comme l’exige l’alinéa 207(4)d) du RPM.

[69] Je reconnais que l’objectif de l’initiative de [traduction« validation par le rôle d’appel » est que le rôle d’appel puisse informer l’équipe de l’effectif minimal de sécurité de la nécessité de valider la conformité aux règlements, un exercice qui a déjà été mené dans le cadre des exercices d’évacuation et de sécurité. Cependant, l’équipe de l’effectif minimal de sécurité n’est pas tenue de s’assurer que le rôle d’appel est conforme aux règlements; c’est plutôt à BC Ferries de s’en assurer. C’est d’ailleurs pourquoi Transports Canada a renvoyé expressément à l’obligation de l’entreprise de s’assurer de l’efficacité continue des rôles d’appel des bâtiments pour satisfaire aux exigences de la réglementation lors de la délivrance du permis C à BC Ferries. Le défi repose, selon moi, dans la tentative d’arrimer les phases du rôle d’appel aux tâches prévues aux sous‐alinéas 207(4)d)(i) à (v) du RPM. Il est difficile de relever ce défi, car le rôle d’appel a comme autre objectif de refléter l’évolution d’une intervention d’urgence, en établissant les fonctions de l’équipage pendant chaque phase d’une situation d’urgence, y compris la mise en œuvre du plan d’évacuation (paragraphe 207(5)) et la gestion d’une situation après l’abandon du bâtiment (paragraphe 207(6) du RPM). Ces phases sont séquentielles. Il y a un aspect temporel au rôle d’appel, qui est de refléter le besoin de d’abord relever et évaluer l’urgence, puis de gérer et d’atténuer le risque; la situation peut justifier le besoin de se préparer à l’évacuation des passagers et de l’équipage et, si la situation ne s’est pas stabilisée, de mettre en œuvre le plan d’évacuation exigé par le RES. Il serait illogique d’évaluer la réponse initiale à une urgence tout en abandonnant le navire; on doit comprendre la nature de l’urgence avant de décider de la façon d’y réagir et chaque membre d’équipage doit comprendre son rôle lors de chaque phase. Si, par exemple, un incendie se déclare dans l’un des quelques espaces non dotés d’un système de protection contre l’incendie et de gicleurs automatiques, comme le salon des passagers, le vestiaire de l’équipage ou les bureaux, dont le risque d’incendie est considéré comme étant faible ou nul, cet incendie peut être contenu et éteint par un membre d’équipage à l’aide d’un extincteur portatif; la situation ne pourra pas dégénérer à un point où le chef mécanicien doive faire fonctionner le système de pompage et d’alimentation en électricité de secours du bâtiment (sous‐alinéa 207(4)d)(iii) du RPM) ou que le capitaine sonne l’alarme générale, ce qui déclenche l’obligation de se préparer à la mise à l’eau du bateau de sauvetage qui est à bord (en supposant que la préparation était requise) prévue au sous‐alinéa 201(4)d)(ii) du RPM. L’équipage n’aurait donc pas besoin par la suite de passer des fonctions de la phase des postes d’urgence aux fonctions du rôle d’appel de la phase des postes de préparation à l’évacuation, qui nécessitent le déploiement du dispositif d’évacuation en mer.

[70] Par ailleurs, l’alinéa 207(4)d) du RPM représente un instantané, qui exige la preuve que l’effectif minimal serait en mesure d’effectuer simultanément les cinq tâches telles qu’elles sont prévues aux sous‐alinéas 207(4)d)(i) à (v). Comme je l’ai mentionné précédemment, je dois admettre que l’alinéa 207(4)d) du RPM me semble quelque peu désuet et ne semble pas tenir compte facilement des progrès réalisés par la théorie et les systèmes de la lutte contre l’incendie ou du bateau de sauvetage moderne. Si je mets de côté le besoin de moderniser la réglementation, en passant en revue la matrice A conjointement avec l’exercice sur table, un compte rendu étape par étape du déroulement des exercices d’évacuation et de sécurité par les phases d’intervention d’urgence illustrées dans le rôle d’appel, je ne trouve pas la décision de l’équipe de l’effectif minimal de sécurité déraisonnable dans les circonstances; le capitaine, aux commandes et à titre d’officier de quart, demeure sur la passerelle et est en communication avec la personne qui dirige et encadre les passagers (sous‐alinéa 207(4)d)(v)); le chef mécanicien est la personne supplémentaire sur la passerelle qui fait fonctionner l’équipement de lutte contre l’incendie, qui prépare l’activation du dispositif d’évacuation en mer et qui fait fonctionner les systèmes de pompage et d’alimentation en électricité de secours (sous‐alinéas 207(4)d)(i), (ii) et (iii); l’officier de pont responsable sur place ainsi que le matelot et le matelot de pont assurent l’encadrement des passagers (sous‐alinéa 207(4)d)(iv)).

[71] Cela étant dit, le rôle d’appel assure bien la conformité du niveau d’effectif minimal de sécurité pour le permis C aux exigences du RPM. Accent sur la phase des postes d’urgence du rôle d’appel :

  1. Sous‐alinéa 207(4)d)(i) – On s’occupe de l’incendie au moyen de systèmes d’extinction d’incendie qui sont activés automatiquement ou par le chef mécanicien sur la passerelle. Évidemment, c’est en supposant que l’incendie n’a pas été éteint par l’officier de pont qui serait arrivé le premier sur place pendant la phase d’intervention initiale. Les notes 8 et 9 du rôle d’appel indiquent clairement que l’officier de pont et le matelot remplissent les fonctions principales de lutte contre les incendies et toute fonction spéciale assignée en ce qui concerne l’équipement et les installations de lutte contre l’incendie. BC Ferries démontre que même si l’officier de pont et le matelot sont chargés de la lutte contre les incendies, le système met moins l’accent sur le fait que les membres d’équipage doivent lutter contre l’incendie à bord, ce qui leur laisse plus de temps pour exécuter d’autres tâches comme l’intervention et l’évaluation initiales, la détermination que l’équipement de lutte contre l’incendie a été activé et l’encadrement des passagers au besoin. Le syndicat soutient que certaines parties du bâtiment ne sont pas dotées d’un équipement fixe de lutte contre les incendies, des parties dont le risque d’incendie est considéré comme étant faible ou nul. Si un incendie mineur se déclarait, à titre d’exemple dans le salon des passagers, l’officier de pont pourrait utiliser un extincteur portatif à sa première présence sur place, auquel cas la probabilité que la situation ne dégénère et qu’il faille abandonner le bâtiment reste très faible;

  2. Sous‐alinéa 207(4)d)(ii) – j’accepte le fait qu’il y ait une distinction à faire entre la « préparation » à la mise à l’eau et la « mise à l’eau » du bateau de sauvetage. On doit garder à l’esprit que le sous‐alinéa renvoie à la préparation à la mise à l’eau conformément au RES. La seule disposition du RES qui traite de la préparation du bateau de sauvetage concerne le besoin de fournir un éclairage convenable dans la zone de préparation (paragraphe 139(2)), la préparation d’un bateau de sauvetage dans une zone qui n’interfère pas avec les exigences correspondantes d’autres postes de mise à l’eau du bateau de sauvetage (paragraphe 143(4)) et la façon dont le bateau de sauvetage doit être arrimé (alinéa 143(5)c)). Dans ce cas‐ci, le dispositif d’évacuation en mer est automatisé et c’est pour cela que j’accepte le fait qu’aucune préparation « conformément au RES » ne soit requise avant le déploiement de la même façon, par exemple, que par le passé, lorsque les embarcations de sauvetage ne devaient pas être amarrées, mais simplement placées en position pour la mise à l’eau par l’équipage. Dans ce cas‐ci, la mise à l’eau est effectuée pendant la phase des postes de préparation à l’évacuation du rôle d’appel, sans qu’aucune autre préparation ne soit requise. De plus, l’exercice sur table indique clairement que le déploiement se fait au poste de rassemblement plutôt que sur la passerelle, de façon à ce que le chef mécanicien puisse être bien placé pour indiquer aux passagers de se laisser glisser dans le toboggan jusqu’au radeau de survie (comme l’indique l’exercice sur table). De plus, comme je l’indique ci‐dessous, je ne souscris pas à l’affirmation du syndicat selon laquelle le canot de secours fait partie du bateau de sauvetage qui doit être préparé à la mise à l’eau au titre de cette exigence. Nous voyons, dans le rôle d’appel, que BC Ferries s’occupe du déploiement du canot de secours à la phase des postes de préparation à l’évacuation, de façon raisonnable, en application du paragraphe 207(5) plutôt qu’en application du paragraphe 207(4) du RPM;

  3. Sous‐alinéa 207(4)d)(iii) – le syndicat a reconnu que le chef mécanicien est la personne qui fait fonctionner le système de pompage et d’alimentation en électricité de secours au pupitre de passerelle. On ne m’a pas démontré que le chef mécanicien est incapable d’exécuter à la fois cette tâche et la tâche de déploiement du dispositif d’évacuation en mer et du système fixe d’extinction d’incendie;

  4. Sous‐alinéa 207(4)d)(iv) – la direction et l’encadrement des passagers sont assurés par le matelot, qui est assisté par le matelot de pont;

  5. Sous‐alinéa 207(4)d)(v) – le syndicat reconnaît aussi que le capitaine peut assurer la communication avec le matelot qui encadre les passagers.

[72] La page 8 du formulaire de demande du document spécifiant les effectifs de sécurité démontre que le niveau d’effectif minimal de sécurité suffit pour gérer une situation d’urgence, y compris l’évacuation des passagers. L’équipe de l’effectif minimal de sécurité aurait examiné la preuve et le processus qui, comme l’a indiqué BC Ferries, reposait sur une approche fondée sur le risque pour déterminer le niveau d’effectif minimal de sécurité. Le syndicat n’a pas réussi à me démontrer le non‐respect du paragraphe 207(4) et ne m’a donc pas convaincu du non‐respect de l’alinéa 207(4)d) du RPM pendant l’exploitation du bâtiment pour le permis C.

(3) La détermination d’un équipage suffisant en nombre pour effectuer certaines tâches requises était‐elle déraisonnable?

a) La lutte contre les incendies

[73] Le syndicat compare le plan d’urgence en cas d’incendie des traversiers de classe Island, un document du MPB, au rôle d’appel et soutient qu’il était déraisonnable pour Transports Canada de juger, comme le démontre clairement la matrice A, qu’une seule personne suffit pour combattre un incendie, alors que, d’après le plan d’urgence en cas d’incendie et le rôle d’appel, trois personnes sont nécessaires. Bref, le syndicat soutient que Transports Canada et BC Ferries ont une compréhension différente de la lutte contre les incendies. Je ne suis pas de cet avis.

[74] Je tiens d’abord à préciser que la détermination par l’équipe de l’effectif minimal de sécurité du besoin d’une personne supplémentaire pour faire fonctionner et utiliser l’équipement et les systèmes d’extinction d’incendie (sous‐alinéa 207(4)d)(i) du RPM) ne signifie pas, comme le syndicat le suggère, que c’est toujours une seule personne qui « [lutte] contre l’incendie ». Les traversiers de classe Island sont dotés de systèmes fixes d’extinction d’incendie qui peuvent être activés à distance à partir de la passerelle ou du poste de commande dans la salle des machines, comme je l’ai déjà indiqué. La matrice A confirme la décision prise par l’équipe de l’effectif minimal de sécurité d’ajouter un membre d’équipage à l’effectif afin de permettre à ce dernier de faire fonctionner et d’utiliser l’équipement et les systèmes d’extinction d’incendie simultanément avec d’autres tâches telles qu’elles sont prévues à l’alinéa 207(4)d) du RPM. Cela ne signifie pas que c’est toujours une seule personne qui lutte contre l’incendie. De plus, le rôle d’appel n’indique pas, comme le suggère le syndicat, l’intervention de trois personnes à un incendie; dans la phase d’intervention d’urgence, seul l’officier de pont est sur place pour intervenir au besoin. Comme je l’ai énoncé précédemment, le système met moins l’accent sur le fait que les membres d’équipage doivent lutter contre l’incendie à bord, ce qui laisse plus de temps à l’officier de pont d’évaluer l’incident et d’intervenir, possiblement en y réagissant rapidement à l’aide d’un extincteur pour éteindre un incendie mineur, et d’assurer l’encadrement des passagers dans la zone au besoin. Le capitaine est sur la passerelle, aux commandes, le matelot de pont aide le capitaine, l’officier de pont indique au matelot de l’aider à exécuter des fonctions de base de lutte contre l’incendie ou de faire le ratissage des espaces destinés aux passagers et le chef mécanicien est sur la passerelle en train de déployer, dans la mesure requise, les systèmes d’alerte d’incendie ajustables et automatisés.

[75] Je comprends que le système à bord des traversiers de classe Island, contrairement à des bâtiments plus vieux, n’est pas réglé pour l’exécution manuelle des fonctions de sécurité; les membres d’équipage à bord des traversiers de classe Island ne doivent pas en fait lutter eux‐mêmes contre un incendie, ce qui signifie qu’ils sont disposés à remplir d’autres fonctions de sécurité. Comme il a été mentionné précédemment, BC Ferries démontre que la [traduction« politique prépondérante relative à l’intervention en cas d’incendie privilégie la préservation de la vie plutôt que des biens et c’est pour cette raison que l’exigence pour l’équipage de lutter lui‐même contre l’incendie est devenue dépassée », comme l’indique le rôle d’appel. Le rôle de l’officier de pont et du matelot est d’évaluer et de coordonner l’intervention en cas d’incendie à la phase d’intervention initiale; un extincteur portatif est toujours accessible sur place lors de la détection initiale d’un incendie. Contrairement au plan d’urgence en cas d’incendie, les détails des avancements technologiques en matière d’intervention en cas d’incendie, le rapport d’évaluation des risques liés à l’effectif minimal de sécurité et l’exercice sur table étaient tous à la disposition de l’équipe de l’effectif minimal de sécurité et je dois supposer que les cinq membres du panel en ont tenu compte au moment de prendre la décision de délivrer le permis de classe C.

[76] Le syndicat soutient aussi que le rôle d’appel nécessite la présence de l’officier de pont sur place pour répondre à un incendie, aidé par un matelot pour rassembler les passagers pendant la lutte contre l’incendie et l’exécution des fonctions à cet effet. Ces fonctions, soutient le syndicat, ne peuvent pas être exécutées simultanément de façon sécuritaire et en temps opportun. Cependant, le rôle d’appel indique que, pendant la phase d’intervention d’urgence, le matelot doit suivre les consignes de l’officier de pont, soit en aidant celui‐ci sur place à exécuter des fonctions de lutte contre l’incendie ou en faisant le ratissage des espaces destinés aux passagers à partir des ponts. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas été convaincu par cet argument qui repose sur le fait que la lutte contre un incendie nécessite toujours l’intervention de plusieurs membres d’équipage. Ce n’est pas le cas et le syndicat ne tient pas compte du fait que les traversiers de classe Island sont dotés de systèmes d’extinction d’incendie qui peuvent être activés à distance. Sur ce point, le rôle d’appel permet aussi d’assigner des fonctions de lutte contre l’incendie au chef mécanicien comme une indication de son rôle de manipulation d’équipement automatisé de lutte contre l’incendie à partir de la passerelle.

[77] Le syndicat soutient que le rôle d’appel nécessite que le chef mécanicien ferme toutes les portes et toutes les ouvertures à bord du bâtiment, comme les portes étanches, les portes coupe‐feu, les soupapes et les claires‐voies, plusieurs des éléments devant être activés manuellement, et se rende sur la passerelle pour faire fonctionner le système de lutte contre l’incendie à distance, en plus d’occuper son rôle au sein de l’équipe de lutte contre les incendies. Il se peut que le syndicat interprète mal le document. En fait, les fonctions de fermeture des portes étanches à bord du bâtiment, d’activation des systèmes fixes de lutte contre l’incendie, de même que de fermeture de la ventilation et des pompes sont commandées à distance à partir de la passerelle et ne nécessite aucune manipulation de l’équipage. C’est donc pour cela que je ne crois pas qu’il soit déraisonnable que le chef mécanicien s’acquitte de ces fonctions.

[78] Je n’ai pas été convaincu que la façon dont la lutte contre l’incendie est traitée dans le rôle d’appel est déraisonnable ou qu’elle gêne ou est incompatible avec l’exécution simultanée des tâches prévues à l’alinéa 207(4) d) du RPM. Le rôle d’appel, dans le contexte d’un incendie, concorde avec la matrice A, qui satisfait au RPM.

b) L’encadrement des passagers

[79] La section de la matrice A qui traite de la direction et de l’encadrement des passagers comporte une série d’affirmations factuelles qui mène à une formule pour calculer le nombre de membres d’équipage requis pour assurer la conformité au sous‐alinéa 207(4)d)(iv) du RPM. La section est composée de deux parties : la première prévoit l’affectation d’un membre d’équipage à chaque compartiment habituellement occupé par les passagers (les compartiments comprennent les salons, les ponts découverts, les ponts‐garage et les zones d’incendie verticales sur les ponts d’habitation) et l’affectation d’un membre d’équipage au ratissage des espaces destinés aux passagers par tranche de trois ponts [traduction« accessibles, mais généralement non occupés par des passagers ». L’équipe de l’effectif minimal de sécurité a affecté un membre d’équipage à cette partie. La deuxième partie prévoit l’affectation d’un membre d’équipage par poste de rassemblement (ici, un seul poste est établi, car il y a moins de 150 passagers à bord) et l’affectation d’un membre d’équipage pour chaque tranche de 150 passagers en plus des 150 passagers à chaque poste de rassemblement. L’équipe de l’effectif minimal de sécurité a de nouveau affecté un membre d’équipage à cette partie. Le nombre le plus élevé des deux parties correspond au nombre assigné à cette section de la matrice A (ici, un membre d’équipage est affecté à la direction et à l’encadrement des passagers). C’est peut‐être aussi ce qui explique l’évaluation d’un équipage de six membres (plutôt que de cinq membres, comme l’a initialement proposé BC Ferries) pour le permis B.

[80] Le syndicat remet en cause l’exécution par l’équipe de l’effectif minimal de sécurité de la première partie de cette section. Il soutient que les traversiers de classe Island comptent quatre compartiments [traduction« généralement accessibles aux passagers » : le pont‐garage principal, le salon des passagers, le pont‐garage de la cuisine et le pont‐terrasse. Il trouve donc déraisonnable qu’un seul membre d’équipage soit affecté à ces compartiments dans la première partie de la section de la matrice A qui traite de l’encadrement des passagers. Le syndicat ajoute que, même si l’on se fie à la preuve de BC Ferries selon laquelle seuls deux ponts sont accessibles aux passagers, cela équivaudrait à une interprétation erronée de la preuve par l’équipe de l’effectif minimal de sécurité. Cependant, les compartiments qui sont [traduction« généralement accessibles » aux passagers ne sont pas nécessairement [traduction« généralement occupés » par les passagers et la section de la matrice A renvoie à cette dernière option. La matrice A confirme aussi que l’équipe de l’effectif minimal de sécurité en est venue à sa décision en se basant sur [traduction]°« les évaluations et les explications figurant sur le formulaire de demande ». Le syndicat n’a pas réussi à me démontrer dans le contexte du permis C que l’affectation d’un membre d’équipage était déraisonnable. Sur cette question, je conviens que la configuration de la matrice A n’est pas claire et, comme l’a reconnu Transports Canada avant moi, que la matrice A est un outil administratif qui doit encore être peaufiné. Le rôle d’appel prévoit le ratissage du salon et du pont‐terrasse, les deux compartiments, pendant la phase des postes d’urgence. Par conséquent, je ne suis pas disposé à indiquer précisément ce qui semble ne pas fonctionner dans l’exécution de la matrice A et qui est déterminant dans l’évaluation du bien‐fondé de la décision de délivrer un permis C.

[81] Le syndicat soutient aussi qu’une seule personne ne peut assurer l’encadrement des passagers, puisque le bâtiment compte quatre ponts et que leur encadrement ne se résume pas simplement à les rassembler dans le salon des passagers (poste ou lieu de rassemblement) pendant une urgence; il faut aussi s’assurer que les passagers ne s’éloignent pas du lieu de rassemblement et que les passagers ayant besoin d’assistant puissent la recevoir. Le syndicat soutient de plus que la capacité des postes de rassemblement ne suffit pas pour accueillir les passagers des bâtiments de classe Island en cas d’urgence. Le syndicat poursuit en affirmant que le salon des passagers, qui sert de zone de rassemblement des passagers, ne peut accueillir plus de 100 personnes, alors que si l’on s’attend à ce que 140 passagers s’y rassemblent.

[82] On ne sait pas pourquoi le syndicat affirme que la zone du salon de passagers ne peut pas accueillir plus de 100 personnes, car les traversiers de classe Island comptent deux postes de rassemblement, chacun pouvant accueillir 225 personnes, même si un seul est utilisé selon le permis C. De plus, le RES exige « une superficie dégagée d’au moins 1 m2 pour chaque groupe de quatre passagers qui y sont affectés pour le rassemblement et l’instruction » (alinéa 133b) du RES). Pour 145 passagers, cela signifierait un poste de rassemblement de 36 m2. La preuve démontre que les postes de rassemblement des traversiers de classe Island sont d’au moins 93,5 m2, ce qui suffit conformément aux exigences du RES. Le syndicat soutient que la superficie du salon des passagers n’est pas « dégagée » et ne peut donc pas servir de zone de rassemblement. Je trouve que l’argument du syndicat sur cette question ne suffit pas à me convaincre de son point de vue. Quoi qu’il en soit, comme j’ai précédemment mentionné, la matrice A confirme que l’équipe de l’effectif minimal de sécurité était satisfaite des évaluations et des explications fournies par BC Ferries selon lesquelles les membres d’équipage désignés au rôle d’appel ont pu diriger et encadrer les 145 passagers à bord du bâtiment. Étant donné qu’une seule zone de rassemblement peut accueillir jusqu’à 145 passagers et que les passagers peuvent être dirigés par le système d’intercommunication du bâtiment, je n’ai aucune raison de croire que l’ajout d’un seul membre d’équipage à l’effectif permettrait de mieux diriger et encadrer les passagers, y compris le ratissage des espaces destinés aux passagers, serait déraisonnable. La lutte contre l’incendie, le fait que l’équipe de l’effectif de sécurité n’ait affecté qu’une seule personne à l’encadrement des passagers ne signifie pas que, lors des multiples phases d’intervention d’urgence, une seule personne remplira cette fonction à n’importe quel moment. Le rôle d’appel indique que les fonctions d’encadrement des passagers commencent par l’annonce aux passagers au moyen du haut‐parleur de l’urgence pendant la phase d’intervention initiale. Pendant la phase des postes d’urgence, le matelot dirige et encadre les passagers, avec l’aide du matelot de pont au besoin, et fait le ratissage des espaces destinés aux passagers en commençant par le pont‐terrasse. En passant à la phase des postes de préparation à l’évacuation, le matelot et le matelot de pont se déplacent vers le canot de secours, pendant que la fonction de l’encadrement des passagers (les passagers étant maintenant dans la zone de rassemblement) est maintenant assurée par l’officier de pont, le mécanicien menant un deuxième ratissage des ponts destinés aux passagers. Le rôle d’appel nous indique que les cinq membres d’équipage échangent leurs fonctions, y compris l’encadrement des passagers, selon l’évolution de l’urgence.

[83] Le syndicat soutient que la procédure d’encadrement des passagers du bâtiment, qui fait partie du MPB, prévoit l’aide aux passagers en situation d’urgence aux deux points de rassemblement sur le point 2, y compris l’aide aux passagers handicapés, les communications, le dénombrement des personnes et la distribution des gilets de sauvetage. Cependant, le rôle d’appel prévoit qu’il y a un seul point de rassemblement pour les passagers et que le chef mécanicien et l’officier de pont partagent les fonctions d’encadrement à ce point de rassemblement sur le pont 2, en plus de mettre à l’eau le canot de secours sur le pont 4 et de faire le ratissage des espaces destinés aux passagers sur le pont 4 du bâtiment. Si l’on met de côté le fait que la procédure d’encadrement des passagers du bâtiment a été préparée avec la supposition qu’un équipage de plus de cinq membres serait à bord selon les permis A et B et que cette procédure est en ce moment en processus de mise à jour, de manière à ce qu’elle tienne compte du permis C, l’argument du syndicat qui repose sur le fait que les tâches pendant les diverses phases d’une situation d’urgence sont toutes effectuées en même temps est inexact. Le rôle d’appel prévoit que les membres d’équipage remplissent différentes fonctions de sécurité lors de chaque phase et l’intervention à cet effet dépend de la nature de l’urgence. Il semble que la procédure d’encadrement des passagers du bâtiment reflétera les paramètres du permis C et qu’avec seulement 145 passagers à bord, l’encadrement des passagers sera effectué à un seul point de rassemblement. Cette procédure s’harmonise avec le fait que les traversiers de classe Island comptent deux dispositifs d’évacuation en mer à leur bord, les deux étant équipés de façon à accommoder 150 personnes au total. De plus, lorsqu’on passe d’une phase d’urgence à une autre, on se rend compte que certaines tâches ont déjà été effectuées et n’ont donc pas besoin d’être répétées; la tâche d’encadrement des passagers de la phase de préparation à l’évacuation suppose que le rassemblement des passagers a déjà été effectué à la précédente phase des postes d’urgence.

c) La préparation à la mise à l’eau du bateau de sauvetage

[84] Un dispositif d’évacuation en mer est défini dans le Règlement sur les exercices d’incendie et d’embarcation comme un « dispositif permettant de transborder rapidement des personnes du pont d’embarquement du bâtiment à un bateau de sauvetage flottant » et dans le RES comme un « équipement de sauvetage composé d’un ou de plusieurs radeaux de sauvetage gonflables, d’un toboggan ou d’une glissière permettant d’embarquer dans les radeaux, et dans le cas d’un dispositif composé de plusieurs radeaux, d’une plate‐forme de sauvetage gonflable ». C’est pourquoi le « bateau de sauvetage » est le « radeau de sauvetage gonflable » qui fait partie du dispositif d’évacuation en mer.

[85] Comme il a été mentionné précédemment, dans le modèle de matrice A que l’équipe de l’effectif minimal de sécurité a utilisé pour évaluer la demande par BC Ferries d’un document spécifiant les effectifs de sécurité pour la classe C, la case utilisée pour la préparation de la mise à l’eau des bateaux de sauvetage qui sont à bord (sous‐alinéa 207(4)d)(ii)) est biffée, ce qui, selon le syndicat, est déraisonnable, car aucune explication n’a été fournie qui en tiendrait compte, car cette tâche doit être entreprise en même temps que les autres tâches énoncées à l’alinéa 207(4)d) du RPM. En fait, le syndicat ajoute que, dans la matrice utilisée dans le formulaire de demande B et dans l’ancienne matrice utilisée dans le cadre du processus d’évaluation du niveau d’effectif minimal de sécurité, la case n’est pas biffée, ce qui signifie que Transports Canada devrait tenir compte de la tâche de préparation à la mise à l’eau des bateaux de sauvetage qui sont à bord pour établir les niveaux d’effectif minimal de sécurité.

[86] Tout d’abord, bien que nous puissions formuler des hypothèses sur la raison pour laquelle la case relative à la préparation de la mise à l’eau des bateaux de sauvetage à bord est biffée dans le modèle de la matrice A, je ne suis pas convaincu que Transports Canada ou l’équipe de l’effectif minimal de sécurité aient restreint leur pouvoir discrétionnaire en utilisant la matrice A quand ils ont examiné la nécessité de préparer la mise à l’eau des bateaux de sauvetage à bord et le respect du RPM. Rien dans la preuve ne laisse croire que l’équipe de l’effectif minimal de sécurité renoncerait à son processus de prise de décision pour la raison qu’une case dans un outil d’évaluation est biffée, et bien que cela demeure un peu mystérieux, en supposant bien sûr que la case est biffée dans le modèle, le fait que la question est traitée de façon moins détaillée dans la matrice A peut s’expliquer par les connaissances spécialisées des décideurs dans la présente affaire (Vavilov, aux para 91 et 93). Quoi qu’il en soit, si l’on fait abstraction de toute comparaison avec d’autres matrices, que je trouve non pertinentes, la question peut en quelque sorte venir brouiller les cartes, car je souscris à l’affirmation de Transports Canada selon laquelle il n’est pas nécessaire de prévoir des membres d’équipage pour cette tâche particulière, vu que le dispositif d’évacuation en mer ne nécessite aucune préparation pour la mise à l’eau : il s’agit d’un processus automatisé, à laquelle l’équipe de l’effectif minimal de sécurité aurait accès. La mise à l’eau ou le déploiement des bateaux de sauvetage à bord a lieu pendant l’étape d’évacuation de l’intervention et selon le scénario décrit au paragraphe 207(5) du RPM.

[87] Cela dit, le syndicat soutient que le dispositif d’évacuation en mer est limité à la combinaison d’un toboggan et d’un radeau autogonflable et que, même si nous acceptons l’affirmation de BC Ferries selon le dispositif d’évacuation en mer n’a pas besoin d’être « préparé » à la mise à l’eau en raison de son activation à distance, le sous‐alinéa 207(4)d)(ii) du RPM ne renvoie pas à la préparation à la mise à l’eau du « dispositif d’évacuation », mais bien à celle du « bateau de sauvetage ». Dans ce cas‐ci, le syndicat soutient que le « bateau de sauvetage » est non seulement le radeau gonflable, mais aussi le canot de secours, qui sert d’unité d’alimentation, de « bateau‐remorqueur » du radeau de sauvetage gonflable avec à bord les passagers ayant quitté le traversier de classe Island, qui pouvait être en feu à ce moment. La préparation à la mise à l’eau du canot de secours nécessite que l’équipage se prépare en conséquence et prenne part à des séances d’information, un processus très prenant qui ne se limite pas à appuyer sur un bouton du pupitre sur la passerelle pour activer le dispositif d’évacuation en mer et qui est seulement prévu dans le rôle d’appel à la phase des postes de préparation à l’évacuation. En conséquence, cette tâche ne peut pas être combinée avec les autres tâches prévues à l’alinéa 207(4)d) du RPM.

[88] Le syndicat n’a pas réussi à me convaincre que le concept de « bateau de sauvetage » au titre du sous‐alinéa 207(4)d)(ii) devrait s’appliquer non seulement au dispositif d’évacuation en mer, mais aussi au canot de secours. Je reconnais que le plan d’évacuation prévoit une solution à deux embarcations, le canot de sauvetage devenant l’unité d’alimentation du radeau gonflable, mais on ne m’a pas démontré que le RES renvoie à deux unités d’alimentation distinctes dans la définition d’un bateau de sauvetage. En fait la définition de « bateau de sauvetage » dans le RES indique « embarcation de sauvetage, canot de secours, embarcation de secours, embarcation appropriée, engin flottant, radeau de sauvetage ou plate‐forme de sauvetage gonflable » (non souligné dans l’original). Un canot de secours peut être un bateau de sauvetage, mais seulement s’il est utilisé de la même façon avec les autres types d’embarcations dans la définition (c.‐à‐d. comme une embarcation qui transporte des passagers). Quant au traversier de classe Island, il sert de « bateau‐remorqueur » du bateau de sauvetage. Une telle interprétation est appuyée par la définition d’un « canot de secours » dans le RES, qui indique un « bâtiment conçu à des fins de sauvetage de personnes en détresse et de rassemblement des bateaux de sauvetage ». Dans ce cas‐ci, le canot de secours sert à des fins de « rassemblement » et n’est pas utilisé comme bateau de sauvetage.

[89] De plus, je note que l’appendice B2 sur l’équipement réglementé qui a été soumis avec les demandes de classes A et B, lesquelles ont été présentées par BC Ferries et prises en compte par l’équipe de l’effectif minimal de sécurité dans la demande de document spécifiant les effectifs de sécurité de classe C, indique ce qui suit : [TRADUCTION« La passerelle est dotée d’un système de libération électronique à distance (ERRS) pour faciliter la mise à l’eau à distance [des bateaux de sauvetage] ». Je partage l’avis du syndicat selon lequel on ne peut avoir un radeau de survie non motorisé avec des passagers à bord qui ne peut s’éloigner d’un bâtiment qui semble en feu et qui va à la dérive dans les eaux libres, en plus du fait que le bateau de sauvetage est essentiel à l’efficacité globale du radeau de sauvetage gonflable en tant que bateau de sauvetage. C’est probablement un autre sur lequel une mise à jour de la réglementation s’impose. Cependant, on ne m’a pas démontré que le RES prévoit comme bateau de sauvetage autre chose que le radeau de sauvetage gonflable qui compose le dispositif d’évacuation en mer et qui nécessite la préparation à la mise à l’eau conformément au sous‐alinéa 207(4)d)(ii) du RPM. En conséquence, je trouve qu’il est raisonnable que la section qui renvoie au sous‐alinéa 207(4)d)(ii) du RPM soit biffée dans la matrice A et qu’un membre d’équipage ne soit pas ajouté pour l’exécution de la tâche de préparation à la mise à l’eau du bateau de sauvetage pour les bâtiments dotés d’un dispositif d’évacuation en mer.

[90] Aussi, on ne m’a pas convaincu du fait que l’équipe de l’effectif de sécurité n’a pu confirmer la conformité aux dispositions réglementaires selon les documents au dossier, qui nécessite l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire pour demander à ce que l’exercice d’évacuation et de sécurité soit effectué à bord et que les politiques et procédures de sécurité soient finalisées et classées avant de délivrer le permis C. Le processus d’évaluation pour déterminer l’effectif minimal de sécurité à bord des bâtiments nécessite une compréhension et une connaissance approfondies de plusieurs éléments, notamment le vaste éventail de technologies à bord des bâtiments et leurs limites, la formation des membres de l’équipage et leur façon de travailler à bord des bâtiments, ce que font les bâtiments, et comment tout fonctionne ensemble et comment tous travaillent ensemble pour les interventions d’urgence, qui font certainement partie des activités maritimes. Cet exercice hautement technique nécessite d’adopter une approche pratique par rapport à l’évaluation et à la détermination de l’effectif minimal et de procéder simplement en tentant de faire concorder le rôle d’appel avec la matrice A, puis avec le paragraphe 207(4) du RPM, tout en renvoyant aux politiques et procédures de sécurité, mais sans faire référence au rapport d’évaluation des risques liés à l’effectif minimal de sécurité et à l’exercice sur table. En somme, cet exercice n’est pas de tout repos. Je comprends cependant qu’en l’absence de motifs quant à la décision de délivrer un permis C, c’est tout ce que nous avons pour la révision judiciaire.

(4) Était‐il déraisonnable de la part de Transports Canada de décider qu’un équipage composé de cinq membres pourrait exécuter les procédures d’évacuation prévues par le RES comme indiqué au paragraphe 207(5) du RPM?

[91] Le syndicat soutient que les documents soumis par BC Ferries ne satisfont pas aux exigences réglementaires relatives à un plan d’évacuation. Il renvoie aux commentaires formulés dans divers rapports d’incidents maritimes rédigés par le Bureau de la sécurité des transports du Canada (le BST) concernant des rôles d’appel spécifiques à bord d’autres bâtiments et à la décision de Transports Canada de ne pas exiger la tenue d’un exercice de sécurité à bord dans le cadre du processus de détermination de l’effectif minimal de sécurité.

a) Le rôle d’appel

[92] Le paragraphe 207(5) du RPM prévoit qu’un bâtiment transportant des passagers est composé des personnes en nombre suffisant pour mettre en œuvre le plan d’évacuation exigé par le RES. La seule autre exigence réglementaire liée au plan d’évacuation est l’article 111 du RES qui prévoit l’évacuation du chargement en personnes dans un délai de 30 minutes après le moment où le signal d’abandon du navire est donné.

[93] Le syndicat soutient que le rôle d’appel et les documents à l’appui soumis par BC Ferries ne satisfont pas à l’exigence relative au plan d’évacuation prévue au paragraphe 201(5) du RPM. Le syndicat affirme que le rôle d’appel n’est pas une procédure d’évacuation et ne permet pas à Transports Canada de juger si le bâtiment peut être évacué en moins de 30 minutes. Plus précisément, le syndicat soutient que le rôle d’appel ne convient pas à l’évacuation, car il ne contient aucune consigne sur ce qui suit :

  1. comment et par qui seraient initialement effectuées la fouille et la vérification de tous les espaces du bâtiment pour faire évacuer les passagers;

  2. comment parvenir à faire un décompte rapide et exact de tous les passagers au poste de rassemblement;

  3. comment répondre au besoin d’aide des personnes blessées ou handicapées;

  4. comment et par qui seraient effectués la localisation et le sauvetage de tout passager manquant à l’appel.

[94] À l’appui de cet argument, le syndicat se fonde largement sur les rapports du BST. Le BST a compétence exclusive pour enquêter sur les accidents de transport et pour mener des enquêtes conformément au paragraphe 14(3) de la Loi sur le Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports (LC 1989, c 3). Je reconnais que les rapports du BST ont été soumis à la Cour pour lui fournir un contexte sur l’importance d’avoir un équipement suffisant en nombre pendant une situation d’évacuation et les conséquences possibles lorsque ce n’est pas le cas. L’équipe de l’effectif de sécurité a mal évalué le plan présenté par BC Ferries. Les demandes de document spécifiant l’effectif de sécurité comportaient des renseignements détaillés sur l’affectation de membres de l’équipage à une situation d’évacuation et les tâches que chacun d’eux exécuterait. De plus, si l’on met de côté pour l’instant la question de savoir s’il était déraisonnable de cesser les exercices à bord en présence d’inspecteurs de la sécurité maritime pour déterminer le niveau d’effectif minimal de sécurité, la preuve de BC Ferries montre que les membres d’équipage (peut‐être pas nécessairement les dirigeants syndicaux cependant) ont pris part à des [traduction« exercices de rendement temporels [...] pour évaluer l’exécution des fonctions de sécurité par des niveaux d’effectif différents » et ont fourni des commentaires sur la phase d’évaluation des risques, ce qui a mené à la préparation du rapport d’évaluation des risques liés à l’effectif minimal de sécurité qui a démontré, comme l’indique l’exercice sur table produit par BC Ferries, que les traversiers de classe Island pouvaient être évacués en moins de 20 minutes après le moment où le signal d’abandon du navire a été donné. Ces documents indiquent que l’équipe de l’effectif minimal de sécurité a considéré qu’un équipage de cinq membres satisfait à l’exigence de mise en œuvre d’un plan d’évacuation prévue au paragraphe 207(5) du RPM. Je ne vois rien de déraisonnable dans cette conclusion.

b) Les exercices d’évacuation

[95] Le syndicat remet en cause la décision de Transports Canada de ne pas exiger systématiquement des exercices d’évacuation et de sécurité dans le cadre du nouveau processus d’évaluation de l’effectif minimal de sécurité et affirme que, dans les circonstances, il était déraisonnable de la part de Transports Canada d’avoir délivré le permis C sans avoir exigé les exercices à bord qui auraient permis d’établir si les niveaux d’équipage suffisaient pour l’exécution d’une procédure d’évacuation. De plus, le syndicat soutient que, compte tenu du dossier incomplet présenté à l’équipe de l’effectif de sécurité et des incohérences apparentes entre la matrice A et les rôles d’appel fournis par BC Ferries, l’équipe de l’effectif de sécurité aurait dû exiger la tenue d’un exercice à bord. Le syndicat s’appuie encore une fois sur les rapports du BST pour étayer l’allégation selon laquelle les exercices jouent un rôle important pour la détermination des niveaux d’effectif minimal de sécurité.

[96] Compte tenu de mes conclusions précédentes, il n’est pas nécessaire d’aborder cette question. Premièrement, je ne partage pas le point de vue du syndicat sur les prétendues incohérences qu’il a soulevées. De plus, je ne suis pas convaincu que le rôle d’appel et les autres documents remis par BC Ferries jettent un doute raisonnable sur le caractère adéquat de l’évaluation des niveaux d’effectif minimal de sécurité au point qu’il soit déraisonnable, pour Transports Canada, de ne pas avoir ordonné des exercices d’évacuation et de sécurité réels dans le cadre du processus d’évaluation devant un inspecteur de la sécurité maritime, ce qui aurait eu pour effet de rendre déraisonnable la décision de délivrer le document spécifiant les effectifs de sécurité.

[97] En fin de compte, je prends acte de l’argument du syndicat et je suis conscient des conséquences d’un manque de personnel à bord des navires; je ne peux pas être en désaccord avec le syndicat lorsqu’il soutient qu’il y a eu trop d’incidents lors desquels un ou deux membres d’équipage supplémentaires auraient eu pour effet d’améliorer le cours des choses en cas d’urgence maritime et lorsqu’il soulève que les rapports du BST regorgent de recommandations sur les exigences en matière d’effectifs sécuritaires, surtout en ce qui concerne la clarté, l’exhaustivité et la sécurité des procédures d’évacuation. Toutefois, comme c’est le cas pour la question du transfert des domaines de surveillance de la réglementation maritime aux sociétés de classification, les principes qui sous‐tendent la détermination de l’effectif minimal de sécurité et la façon dont ces principes sont reflétés dans la réglementation constituent des questions de politique et devraient être laissés entre les mains du gouvernement, lequel sera conseillé par des intervenants du secteur maritime de l’industrie et du public. Comme il a été mentionné précédemment, le syndicat n’a pas demandé de contrôle judiciaire du nouveau processus d’évaluation de l’effectif minimal de sécurité. Dans le contexte actuel, le rôle de la Cour se limite à la surveillance judiciaire des décisions administratives par rapport aux exigences législatives et réglementaires existantes, avec peu de possibilités de tenir compte des enjeux de politique plus vastes qui sous‐tendent la pertinence de telles décisions. Transports Canada conserve le pouvoir discrétionnaire et la capacité d’ordonner que des exercices d’évacuation et de sécurité soient effectués lors de l’évaluation des niveaux d’effectif minimal de sécurité. Je ne peux pas dire en quoi l’élimination des exercices réels devant l’inspecteur de la sécurité maritime en faveur des exercices sur table et de la [traduction« validation au moyen des rôles d’appel » fait progresser l’impératif de sécurité maritime, mais dans la présente affaire, je n’ai pas été convaincu que le fait de ne pas mener les exercices réels rendait la décision de délivrer le permis C déraisonnable dans les circonstances. Le déroulement des exercices de sécurité demeure conforme au SGS des navires, mais pas nécessairement en présence d’un inspecteur de la sécurité maritime de Transports Canada.

[98] Dans l’ensemble, le syndicat ne m’a pas démontré que Transports Canada ne s’est pas conformé à ses obligations légales et je n’ai pas été convaincu que les niveaux d’effectif minimal de sécurité établis conformément à la matrice A contreviennent au RPM. Par conséquent, je ne vois rien de déraisonnable dans la décision de Transports Canada de délivrer le permis C. La demande de contrôle judiciaire du syndicat sera donc rejetée.

V. Dépens

[99] Pour ce qui est des dépens, le ministre et le syndicat se sont entendus pour fixer les dépens à 2 000 $ par jour pour les deux premiers jours et pour rajouter 1 000 $ aux dépens accordés si un troisième jour d’audience était nécessaire, en plus des débours raisonnables et les taxes applicables. En ce qui concerne BC Ferries, le syndicat propose que, puisque la société a joué un rôle moins important dans cette instance, les dépens entre eux se limitent à 1 000 $ par jour, plus les débours raisonnables et les taxes applicables. L’audience a duré trois jours. BC Ferries conteste toute prétention selon laquelle elle aurait joué un moindre rôle. Elle affirme qu’elle est disposée à accepter le montant de 8 000$ au titre des dépens dans l’éventualité où elle obtienne gain de cause. La question des dépens est discrétionnaire. J’admets que BC Ferries a constitué un dossier de preuve considérable, mais à l’audience, ses observations se sont limitées à la question de la norme de contrôle appropriée, complémentant ainsi les observations que Transports Canada avait déjà formulées. Lors de l’audience, c’est Transports Canada qui a assumé le gros du travail qui consistait à défendre sa décision de délivrer le permis C. Dans les circonstances, je ne suis pas disposé à accorder à BC Ferries les dépens qu’elle réclame. Je considère plutôt que l’entente conclue entre le ministre et le syndicat est également appropriée, dans les circonstances.

 


JUGEMENT dans le dossier T‐655‐20

LA COUR ORDONNE :

1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2. Le demandeur doit payer à chacun des défendeurs le montant de 5 000$ au titre des dépens.

« Peter G. Pamel »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


ANNEXE

Règlement sur le personnel maritime, DORS/2007‐115

Exigences relatives aux effectifs de sécurité

 

Safe Manning Requirements

 

202(1) Le représentant autorisé d’un bâtiment assujetti à la Convention sur la sécurité veille à ce que ce bâtiment soit conforme aux exigences relatives aux effectifs de sécurité, établies par l’Administration pour ce bâtiment conformément à la résolution A.890(21) de l’OMI, intitulée Principes à observer pour déterminer les effectifs de sécurité, ou à toute autre résolution qui la remplace.

 

202(1) The authorized representative of a Safety Convention vessel shall ensure that the vessel meets the safe manning requirements established for the vessel by the Administration in accordance with IMO Resolution A.890(21), Principles of Safe Manning, or any other resolution that replaces it.

 

(2) Si l’une des exigences relatives aux effectifs de sécurité établies conformément au paragraphe (1) prévoit qu’une personne doit être titulaire d’un brevet ou d’un certificat de compétence, le brevet ou le certificat doit :

 

(2) If one of the safe manning requirements established in accordance with subsection (1) sets out that a person shall hold a certificate, the certificate shall be

 

a) être délivré par l’Administration ou être assorti d’un visa délivré par celle‐ci;

 

(a) issued or endorsed by the Administration; and

 

b) être assorti d’un visa attestant sa conformité aux exigences de la Convention STCW.

 

(b) endorsed as meeting the requirements of the STCW Convention.

 

(3) Le représentant autorisé d’un bâtiment canadien doit demander au ministre et celui‐ci délivre, suite à cette demande :

(3) The authorized representative of a Canadian vessel shall apply to the Minister for the following document and the Minister shall issue the document following that application:

 

a) dans le cas d’un bâtiment assujetti à la Convention sur la sécurité, un document spécifiant les effectifs de sécurité qui est conforme à la résolution A.890(21) de l’OMI, intitulée Principes à observer pour déterminer les effectifs de sécurité, ou de toute autre résolution qui la remplace;

 

(a) in the case of a Safety Convention vessel, a Safe Manning Document that complies with IMO Resolution A.890(21), Principles of Safe Manning, or any other resolution that replaces it; and

 

b) dans le cas de tout bâtiment autre qu’un bâtiment qui est assujetti à la Convention sur la sécurité et qui est tenu de transporter un certificat d’inspection, un document spécifiant les effectifs de sécurité, valide pour une période d’au plus cinq ans après la date de sa délivrance, dans lequel figurent les exigences suivantes :

 

(b) in the case of a vessel that is not a Safety Convention vessel and that is required to carry an inspection certificate, a Safe Manning Document, valid for a maximum of 5 years after the day of its issuance, that specifies

 

(i) le nombre minimal de membres de l’effectif,

(i) the minimum number of members of the complement,

 

(ii) les brevets ou certificats de compétence dont doivent être titulaires les membres de l’effectif,

 

(ii) the certificates required to be held by the members of the complement,

 

(iii) le cas échéant, les visas, conditions ou restrictions figurant sur les brevets ou certificats de compétence visés au sous‐alinéa (ii),

 

(iii) any endorsements, conditions or limitations on the certificates referred to in subparagraph (ii),

 

(iv) la description des voyages que le bâtiment est autorisé à effectuer,

 

(iv) the voyages that the vessel is authorized to engage on, and

 

(v) le cas échéant, le nombre de passagers que le bâtiment est autorisé à transporter.

(v) if applicable, the number of passengers that the vessel is authorized to have on board.

 

(4) L’alinéa (3)b) ne s’applique qu’à compter de la date du dernier des événements suivants à survenir :

 

(4) Paragraph (3)(b) does not apply until the later of

 

a) la première inspection périodique du bâtiment;

(a) the date of the next periodical inspection of the vessel, and

 

b) un an après l’entrée en vigueur du présent article.

(b) 1 year after the day on which this section comes into force.

 

(5) Le représentant autorisé d’un bâtiment canadien qui est assujetti à la Convention sur la sécurité ou d’un bâtiment qui est tenu de transporter un certificat d’inspection veille à ce que soit à bord le document spécifiant les effectifs de sécurité qui a été délivré par le ministre pour ce bâtiment en vertu du paragraphe (3).

 

(5) The authorized representative of a Canadian Safety Convention vessel or a vessel that is required to carry an inspection certificate shall ensure that the Safe Manning Document issued by the Minister for that vessel under subsection (3) is carried on board.

 

[...]

. . .

 

Effectif minimal

 

Minimum Complement

 

207(1) Le représentant autorisé d’un bâtiment veille à ce que l’effectif minimal de ce bâtiment soit conforme aux exigences du présent article.

207(1) The authorized representative of a vessel shall ensure that the minimum complement of the vessel meets the requirements of this section.

 

(2) Toute personne exerçant les fonctions d’un poste énuméré dans le document spécifiant les effectifs de sécurité peut être assignée à diverses fonctions de façon à satisfaire aux exigences de plus d’une disposition du présent article.

 

(2) A person performing the duties of a position listed on the Safe Manning Document may be assigned to various duties in order to meet the requirements of more than one provision of this section.

 

(3) L’effectif minimal d’un bâtiment doit être suffisant en nombre pour satisfaire aux exigences prévues aux articles 320 à 322 et être composé des personnes suivantes :

(3) The minimum complement of a vessel shall be sufficient in number to ensure compliance with the requirements set out in sections 320 to 322 and shall consist of

 

a) le capitaine;

(a) the master;

 

b) si requis par l’alinéa 212(4)b), un premier officier de pont;

 

(b) if required by paragraph 212(4)(b), the chief mate;

 

c) une personne chargée des machines du bâtiment, sauf dans le cas des bâtiments suivants :

 

(c) a person in charge of the machinery, except if the vessel

 

(i) les bâtiments qui sont des bâtiments transportant des passagers et dont la puissance de propulsion est d’au plus 75 kW,

 

(i) is a passenger‐carrying vessel and has a propulsive power of not more than 75 kW,

 

(ii) les bâtiments qui ne sont pas des bâtiments transportant des passagers et dont la puissance de propulsion est d’au plus 750 kW,

 

(ii) is not a passenger‐carrying vessel and has a propulsive power of not more than 750 kW, or

 

(iii) les bâtiments exemptés de l’application des articles 218 à 226 en vertu de l’article 217;

(iii) is exempted under section 217 from the application of sections 218 to 226;

 

d) les personnes qui sont tenues d’effectuer les activités suivantes :

 

(d) the persons required to keep

 

(i) le quart à la passerelle tel qu’il est prévu aux articles 213 à 216,

 

(i) the deck watch as set out in sections 213 to 216,

 

(ii) le quart dans la salle des machines tel qu’il est prévu aux articles 223 à 225,

(ii) the engineering watch as set out in sections 223 to 225, and

 

(iii) la veille radioélectrique telle qu’elle est prévue aux articles 266 et 267;

 

(iii) the radio watch as set out in sections 266 and 267;

 

e) si le Règlement sur la sécurité contre l’incendie des bâtiments exige que le bâtiment ait un service de ronde d’incendie, un nombre suffisant de personnes pour satisfaire aux exigences de ce règlement;

 

(e) if the Vessel Fire Safety Regulations require that the vessel be provided with a fire patrol, a sufficient number of persons to ensure compliance with those Regulations;

 

f) si le bâtiment n’est pas un bâtiment de pêche et s’il effectue un voyage d’une durée de plus de trois jours qui est un voyage illimité ou un voyage à proximité du littoral, classe 1, une personne désignée pour assumer la responsabilité des soins médicaux à bord du bâtiment, laquelle est :

 

(f) if the vessel is not a fishing vessel and is engaged on a voyage of a duration of more than three days that is an unlimited voyage or a near coastal voyage, Class 1, a person designated to take charge of medical care on board the vessel who is

 

(i) un médecin, lorsque le bâtiment transporte au moins 100 membres d’équipage,

(i) a physician, if the vessel is carrying 100 or more crew members, or

 

(ii) une personne qualifiée conformément à l’alinéa 205(8)b), lorsque le bâtiment transporte moins de 100 membres d’équipage;

 

(ii) qualified in accordance with paragraph 205(8)(b) if the vessel is carrying less than 100 crew members;

 

g) une personne désignée pour prodiguer les premiers soins à bord du bâtiment, laquelle est qualifiée conformément au paragraphe 205(9);

(g) a person designated to provide first aid on board the vessel, that person being qualified in accordance with subsection 205(9);

 

h) pour chaque canot de secours rapide à bord, deux équipes composées des personnes suivantes :

 

(h) for each fast rescue boat on board the vessel, two teams of

 

(i) deux personnes titulaires du brevet ou du visa d’aptitude à l’exploitation des canots de secours rapides, lorsque le bâtiment effectue un voyage à proximité du littoral, classe 2 ou un voyage en eaux abritées,

(i) two persons holding a Proficiency in Fast Rescue Boats certificate or endorsement, if the vessel is engaged on a near coastal voyage, Class 2 or a sheltered waters voyage, and

 

(ii) trois personnes titulaires du brevet ou du visa d’aptitude à l’exploitation des canots de secours rapides, lorsque le bâtiment effectue un voyage illimité ou un voyage à proximité du littoral, classe 1;

(ii) three persons holding a Proficiency in Fast Rescue Boats certificate or endorsement, if the vessel is engaged on an unlimited voyage or a near coastal voyage, Class 1; and

 

i) toute personne supplémentaire dont la présence à bord peut être nécessaire, selon la pratique ordinaire des marins, à l’exploitation normale et sécuritaire du bâtiment, notamment à l’accostage, à l’ancrage et à l’avitaillement.

 

(i) any additional persons who may be required on board by the ordinary practice of seamen for normal safe operation of the vessel, including docking, anchoring and fuelling.

 

(4) L’effectif minimal d’un bâtiment est composé des personnes suivantes pour répondre à une situation d’urgence :

 

(4) The minimum complement of a vessel, in order to deal with an emergency situation, shall consist of

 

a) un capitaine;

(a) a master;

 

b) les personnes qui sont tenues d’effectuer les activités suivantes :

 

(b) the persons required to keep

 

(i) le quart à la passerelle tel qu’il est prévu aux articles 214 à 216, mais la personne supplémentaire à bord d’un bâtiment d’une jauge brute de moins de 300 et la deuxième personne supplémentaire à bord d’un bâtiment d’une jauge brute de moins de 3 000 peuvent également être affectées à d’autres tâches,

 

(i) the deck watch as set out in sections 214 to 216, but the additional person on board a vessel of less than 300 gross tonnage and the second additional person on board a vessel of less than 3 000 gross tonnage may also be assigned to other duties,

 

(ii) le quart dans la salle des machines tel qu’il est prévu aux articles 224 et 225,

(ii) the engineering watch as set out in sections 224 and 225, and

 

(iii) la veille radioélectrique telle qu’elle est prévue à l’article 266;

 

(iii) the radio watch as set out in section 266;

 

c) le préposé principal aux transmissions tel qu’il est prévu à l’article 267;

 

(c) the principal communicator as set out in section 267; and

 

d) les personnes nécessaires pour effectuer simultanément les tâches suivantes:

(d) the persons needed to simultaneously carry out the following tasks:

 

(i) faire fonctionner et utiliser l’équipement et les systèmes d’extinction d’incendie exigés par le Règlement sur la sécurité contre l’incendie des bâtiments ou approuvés en vertu de ce règlement afin de lutter contre un incendie à tout endroit à bord du bâtiment,

 

(i) operate and use the fire extinguishing equipment and systems required by or approved under the Vessel Fire Safety Regulations to fight a fire at any one location on the vessel,

 

(ii) parer pour la mise à l’eau des bateaux de sauvetage qui sont à bord conformément au Règlement sur l’équipement de sauvetage,

 

(ii) prepare for launching the survival craft carried in accordance with the Life Saving Equipment Regulations,

 

(iii) faire fonctionner le système de pompage et d’alimentation en électricité de secours,

 

(iii) operate the vessel’s pumping and emergency power system,

 

(iv) diriger et encadrer les passagers qui sont à bord,

(iv) direct and control the passengers who are on board, and

 

(v) assurer la communication entre la personne directement responsable du bâtiment et les personnes chargées de diriger et d’encadrer les passagers.

(v) provide communication between the person in immediate charge of the vessel and the persons directing and controlling the passengers.

 

(5) L’effectif minimal d’un bâtiment est composé des personnes en nombre suffisant pour effectuer l’évacuation et, dans le cas d’un bâtiment transportant des passagers, pour mettre en œuvre le plan d’évacuation exigé par le Règlement sur l’équipement de sauvetage.

 

(5) The minimum complement of a vessel shall consist of a sufficient number of persons to carry out an evacuation and, in the case of a passenger‐carrying vessel, to implement the evacuation plan required by the Life Saving Equipment Regulations.

 

(6) Sous réserve du paragraphe (7), l’effectif minimal d’un bâtiment est composé, pour faire face à la situation après l’abandon du bâtiment, des personnes brevetées en nombre suffisant pour satisfaire aux exigences des articles 208 à 210.

 

(6) Subject to subsection (7), the minimum complement of a vessel, in order to deal with a post‐abandonment situation, shall consist of a sufficient number of certificated persons to meet the requirements of sections 208 to 210.

 

(7) Afin de faire face à une situation d’évacuation ou à une situation survenant après l’abandon du bâtiment, le capitaine peut, malgré le paragraphe 209(2), au lieu des deux équipes exigées par ce paragraphe assigner une équipe à chacun des canots de secours rapides qui se trouvent à bord.

 

(7) In order to deal with an evacuation situation or a post‐abandonment situation, the master may, despite subsection 209(2), assign one team for each fast rescue boat carried on board instead of the two teams required by that subsection.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

T‐655‐20

 

INTITULÉ :

BRITISH COLUMBIA FERRY AND MARINE WORKERS’ UNION c CANADA (MINISTRE DES TRANSPORTS) ET BRITISH COLUMBIA FERRY SERVICES INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 12 mai 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PAMEL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 17 février 2022

 

COMPARUTIONS :

Craig D. Bavis

 

Pour le demandeur

Adrienne Copithorne

Daniel Nunez

POUR LE DÉFENDEUR

Ministre des Transports

 

Donald J. Jordan, c.r.

Virginie Vigeant

 

Pour la défenderesse

British Columbia Ferry Services Inc.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Victory Square Law Office LLP

Vancouver (Colombie‐Britannique)

 

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‐Britannique)

 

Pour le défendeur

Ministre des Transports

 

Harris & Company LLP

Vancouver (Colombie‐Britannique)

Pour la défenderesse

British Columbia Ferry Services Inc.

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