Date : 20220304
Dossier : IMM-2444-21
Référence : 2022 CF 307
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 4 mars 2022
En présence de monsieur le juge Phelan
ENTRE :
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LUIS ANTONIO MINTEGUI FERREIRA
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LAURA ELVIRA SOLE POUY
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ADRIEL DOMINGUEZ SOLE (MINEUR)
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NAHIARA DOMINGUEZ SOLE (MINEURE)
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demandeurs
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Introduction
[1] La Section d’appel des réfugiés [la SAR] a confirmé la conclusion de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] selon laquelle les demandes d’asile que les demandeurs ont présentées au titre des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], devaient être rejetées, car les demandeurs n’étaient pas crédibles. La Cour est saisie du contrôle judiciaire de la décision de la SAR. Les demandeurs soulèvent également la question du refus de la SAR d’autoriser de nouveaux éléments de preuve.
II.
Contexte
[2] Les demandeurs forment une famille de quatre (4) personnes, dont deux enfants, et sont originaires de l’Uruguay. Leur demande est fondée sur les activités politiques de M. Ferreira [le demandeur principal] et sur l’appartenance de la famille à la nation Charrúa, un groupe minoritaire autochtone.
[3] Le demandeur principal travaillait pour la société d’État qui fabrique des produits pétroliers. Il était gestionnaire et participait aux efforts de syndicalisation. Il affirme avoir appris qu’un vice-président de la société [RS] était impliqué dans un détournement de fonds. C’est lorsque RS est devenu vice-président de l’Uruguay que les problèmes du demandeur principal auraient commencé. Ce dernier soutient qu’il a été harcelé, menacé et battu par des partisans du parti de RS.
[4] Les demandeurs ont déménagé à Villa Argentina, chez de la famille. Lorsque le demandeur principal est retourné chez lui, des partisans de RS se sont présentés à son domicile et ont menacé sa femme. Quelques mois plus tard, le demandeur principal a été agressé et un coup de feu a été tiré en sa direction; après cet incident, il a fui le pays et est venu au Canada.
[5] La SPR a rejeté la demande d’asile du demandeur principal. La question déterminante était celle de sa crédibilité. Le demandeur principal a donné des versions contradictoires de ses activités politiques, n’a pas fourni d’éléments de preuve démontrant qu’il avait révélé l’existence de corruption au sein du Parti national, n’a pas fourni de preuve écrite et a présenté une preuve médicale vague et peu détaillée, qui contredisait en outre son témoignage quant à l’endroit où il se trouvait au moment pertinent.
[6] En ce qui concerne son allégation de persécution ethnique, il n’a pas produit de preuve de la discrimination dont il aurait été victime ou des difficultés qu’il aurait eues à obtenir des services sociaux en raison de son origine ethnique.
[7] Enfin, le demandeur principal aurait omis de réfuter la présomption de protection de l’État.
[8] Devant la SAR, le demandeur principal a présenté de nouveaux éléments de preuve, à savoir une attestation d’hospitalisation, des renseignements sur ses activités politiques ainsi que deux articles sur l’histoire des Charrúa.
[9] La SAR a confirmé les conclusions de la SPR et a statué que les nouveaux éléments de preuve étaient inadmissibles parce que les événements mentionnés s’étaient produits avant que la SPR rende sa décision et parce que le demandeur principal aurait pu ou dû les présenter à la SPR.
[10] La SAR a accordé beaucoup d’importance au fait que les demandeurs n’ont pas contesté bon nombre des conclusions en matière de crédibilité tirées par la SPR.
III.
Analyse
[11] À l’inverse des demandeurs, le défendeur s’est attardé à la norme de contrôle. Je suis d’accord avec lui pour dire qu’à la lumière des enseignements de l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable.
[12] Je conviens en outre que les paragraphes 21 à 32 de l’affidavit concernant les nouveaux éléments de preuve contiennent des arguments et sont donc inadmissibles. Or, plutôt que de radier tout l’affidavit, la Cour se contentera de ne pas tenir compte des paragraphes irréguliers.
[13] Je n’accepte pas la position des demandeurs selon laquelle ils peuvent, d’une manière ou d’une autre, invoquer à l’égard du paragraphe 110(4) de la LIPR les obligations d’équité procédurale énoncées au paragraphe 62(6) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012-256, qui portent sur la réouverture d’une demande dont le désistement a été prononcé dans les cas où un manquement à un principe de justice naturelle est établi.
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[14] Il n’est pas question d’équité procédurale au paragraphe 110(4) de la LIPR, et cette disposition établit un critère strict en ce qui concerne l’admissibilité de nouveaux éléments de preuve, lequel critère ne permet pas l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire. Les éléments de preuve doivent appartenir à l’une des trois catégories énoncées, sans quoi ils ne sont pas admissibles.
[15] Le fait que les demandeurs aient agi pour leur propre compte n’est pas pertinent. En effet, même s’ils avaient été représentés par un avocat, les prétendus nouveaux éléments de preuve n’auraient pas été admissibles.
[16] Les demandeurs contestent en particulier l’évaluation, par la SAR, de la protection de l’État. Les demandeurs ont eu raison de soutenir que la SAR était tenue de procéder à une évaluation indépendante de la preuve sur cette question, et c’est ce qu’elle a fait.
[17] Ils prétendent cependant que la SAR n’a pas tenu compte des raisons qu’ils avaient données pour expliquer pourquoi ils ne s’étaient pas adressés à la police uruguayenne. Pourtant, la SAR a expressément abordé cette question au paragraphe 19 de sa décision.
[18] À mon avis, il ressort d’une lecture juste de la décision de la SAR que cette dernière a bel et bien effectué une analyse indépendante de la protection de l’État. Je souligne que la SAR n’est pas tenue de commenter chaque élément de preuve. Les demandeurs ne sont pas d’accord avec la SAR, mais ils n’arrivent pas à démontrer qu’elle a commis une erreur. Il est important de noter que les demandeurs n’ont présenté aucune preuve du pouvoir qu’aurait eu le vice-président d’exercer un contrôle sur la police qui permettrait de réfuter la présomption de la protection de l’État et la preuve relative aux conditions dans le pays à cet égard.
[19] Enfin, la contestation par les demandeurs des conclusions que la SAR a tirées au sujet de leur crédibilité n’est pas fondée. La SAR, bien qu’elle ait eu le droit d’examiner les conclusions de la SPR au regard de la norme de la décision correcte, a procédé à son propre examen des incohérences apparentes, tant internes qu’externes, dans le récit du demandeur principal.
[20] Il n’y a rien de déraisonnable dans l’analyse ou les conclusions de la SAR.
IV.
Conclusion
[21] La présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.
JUGEMENT dans le dossier IMM-2444-21
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.
« Michael L. Phelan »
Juge
Traduction certifiée conforme
Julie Blain McIntosh
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-2444-21
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INTITULÉ :
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LUIS ANTONIO MINTEGUI FERREIRA, LAURA ELVIRA SOLE POUY, ADRIEL DOMINGUEZ SOLE (MINEUR), NAHIARA DOMINGUEZ SOLE (MINEURE) c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 9 FÉVRIER 2022
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE PHELAN
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DATE DES MOTIFS :
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LE 4 MARS 2022
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COMPARUTIONS :
Dariusz Wroblewski
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POUR LES DEMANDEURS
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Gordon Lee
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Dariusz Wroblewski
Avocat
Guelph (Ontario)
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POUR LES DEMANDEURS
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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