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Date : 20220302


Dossier : IMM-3242-21

Référence : 2022 CF 296

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 2 mars 2022

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

ADEYEMI NURUDEEN GANIYU

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Rendus oralement à l’audience tenue par vidéoconférence le 1er mars 2022)

[1] Le demandeur affirme avoir été persécuté par des membres d’une secte de son village de l’État d’Ogun, au Nigéria, qui l’ont menacé de mort parce qu’il avait refusé d’accepter sa nomination en tant que prochain oracle de son clan. En janvier 2015, il a quitté le Nigéria et a passé deux semaines aux États-Unis dans l’espoir que la situation se résolve, mais il affirme qu’à son retour, des fidèles de la secte avaient saccagé son domicile, à Lagos, et avaient laissé une lettre de menace.

[2] Le demandeur a fait déménager sa famille dans un autre endroit dans l’État de Lagos, à quelque 40 minutes de la ville. Il est lui-même ensuite retourné aux États-Unis en 2015, puis il est finalement entré au Canada en 2019 où il a demandé l’asile. Sa famille est demeurée dans l’État de Lagos, et rien n’indique qu’elle ait subi des préjudices de la part des membres de la secte ni qu’elle a eu des contacts avec ceux-ci.

[3] Le 22 avril 2021, la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a confirmé la conclusion de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] selon laquelle le demandeur disposait de possibilités de refuge intérieur [PRI] viables à Abuja, à Port Harcourt, à Benin City et à Ibadan, dans l’État de Lagos. Par conséquent, la demande d’asile du demandeur a été rejetée. Pour arriver à cette conclusion, la SAR a appliqué le critère en deux volets relatif à la PRI, à savoir que le demandeur n’a pas fourni d’éléments de preuve suffisants pour démontrer (i) que l’agent de persécution avait les moyens ou la motivation de le poursuivre dans les villes proposées comme PRI de sorte qu’il serait persécuté ou qu’il serait exposé à un danger s’il s’installait dans l’une ou l’autre de ces villes; (2) qu’il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur de se réinstaller dans les PRI (voir Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2000 CanLII 16789 (CAF), [2001] 2 CF 164).

[4] Le demandeur conteste les conclusions de la SAR concernant les PRI, alléguant qu’elles sont déraisonnables, qu’elles sont dénuées de justification, de transparence et d’intelligibilité (voir Vavilov c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) , 2019 CSC 65, au para 99).

[5] Tout d’abord, le demandeur affirme que la SAR s’est fondée à tort sur son guide jurisprudentiel (dossier de la SAR no TB7-19851, 17 mai 2018 [le Guide]), qui a été révoqué en 2020 dans un avis de révocation de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la CISR]. Dans cet avis, la CISR a souligné que des faits nouveaux survenus au Nigéria « y compris ceux ayant trait à la capacité des femmes célibataires de déménager dans les diverses villes proposées dans le guide jurisprudentiel sur le Nigéria en tant que PRI, ont amoindri la valeur de la décision à titre de guide jurisprudentiel ».

[6] Le demandeur soutient que le libellé de l’avis ne donne pas à penser que le guide a été révoqué pour des motifs uniquement liés à la viabilité des PRI pour les femmes célibataires au Nigéria, puisque l’expression « y compris » y figure, par opposition à l’adverbe [traduction] « principalement » (que la SAR a employé au paragraphe 8 de ses motifs).

[7] Cependant, comme la Cour l’a déjà souligné, il était loisible au tribunal d’énumérer les PRI qui figuraient dans le Guide, pour les personnes qui ne sont pas des Nigérianes célibataires et qui fuient des acteurs non étatiques. Le demandeur, un homme qui a une famille, est du nombre de ces personnes. En outre, dans de nombreuses décisions récentes, la Cour a confirmé les conclusions relatives à la PRI dans les cas où le Guide avait été mentionné, mais où la SAR avait rendu sa décision en fonction des faits précis dont elle disposait (voir, par exemple, Adegbenro c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 290, au para 3 et Olusesi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2021 CF 1147, au para 34).

[8] Enfin, il est important de souligner que, dans la présente situation, la SAR ne s’est pas fondée sur le guide jurisprudentiel, mais qu’elle a seulement répondu aux arguments que lui avait présentés le demandeur, en s’appuyant sur l’évaluation de la SPR. La SAR a plutôt examiné la question de la PRI de façon indépendante, en fonction de la norme de la décision correcte. En se fondant sur les éléments de preuve au dossier, elle a conclu que le demandeur n’avait pas démontré qu’il serait poursuivi dans les villes proposées comme PRI, ni qu’il serait déraisonnable pour lui de déménager à ces endroits avec sa famille.

[9] En ce qui concerne l’analyse de la SAR, le demandeur affirme qu’elle a commis une erreur en se fondant sur le fait que son épouse et ses enfants habitaient toujours dans l’État de Lagos pour conclure qu’il y existait des PRI. Je ne suis pas du même avis. Il était raisonnable pour la SAR de supposer que le demandeur ne serait pas poursuivi dans cet État, compte tenu de l’expérience récente de sa famille, et de tirer les conclusions qu’elle a tirées (voir A.B. c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 90, aux para 64-65).

[10] Le demandeur soutient également que la SAR n’a pas tenu compte des arguments concernant les perspectives d’emploi, les questions de langue, le logement et l’absence de membres de sa famille dans les villes proposées comme PRI. Or, parmi toutes ces questions, le demandeur n’a soulevé que celle de l’emploi devant la SPR. Comme la Cour l’a déclaré au paragraphe 37 de la décision M.T.A. c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1508, la « SAR doit effectuer sa propre évaluation des éléments de preuve, en l’absence de nouveaux éléments de preuve relatifs à une question, [mais] elle ne peut pas prendre en compte un nouvel argument, qui est avancé pour la première fois dans le cadre d’un appel ». La SAR n’a pas l’obligation d’émettre des conjectures sur ce qui aurait pu être une meilleure démarche pour l’appel d’un demandeur compte tenu des risques qui n’ont pas été soulevés par le demandeur d’asile en premier lieu, puisque la SAR n’a pas pour rôle de combler les lacunes de la demande d’asile présentée en premier lieu (voir Ogunjinmi c Canada (Citoyenneté et Immigration) , 2021 CF 109, au para 16).

[11] Enfin, je ne vois, dans l’analyse des perspectives d’emploi faite par la SAR, aucune erreur susceptible de contrôle, compte tenu des antécédents du demandeur, notamment son niveau de scolarité élevé, et sa vaste expérience de travail dans les domaines de la finance et de l’économie. Lorsqu’il s’agit de démontrer ce qui objectivement déraisonnable, les conditions sont très élevées au deuxième volet du critère applicable à l’analyse de la PRI (voir Hamdan c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 643). La Cour a également souligné que de faibles perspectives d’emploi ou un taux de chômage élevé ne suffisent pas à rendre une PRI objectivement déraisonnable (voir Onjoko c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1006, au para 22).


JUGEMENT dans le dossier IMM-3242-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Alan S. Diner »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mélanie Vézina


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

IMM-3242-21

 

INTITULÉ :

ADEYEMI NURUDEEN GANIYU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 1ER MARS 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 2 MARS 2022

 

COMPARUTIONS :

TAIWO OLALERE

KEHINDE OLALERE

 

POUR LE DEMANDEUR

 

ALEXANDRA PULLANO

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

OLALERE LAW OFFICE

OTTAWA (ONTARIO)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

MINISTÈRE DE LA JUSTICE CANADA

OTTAWA (ONTARIO)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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