Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20220301


Dossier : IMM-1206-21

Référence : 2022 CF 279

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 1er mars 2022

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

SABA YEMANE MEBRAHTU

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision datée du 29 janvier 2021 par laquelle la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a rejeté la demande d’asile de la demanderesse et a conclu à une absence de minimum de fondement de la demande d'asile. Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

Le contexte

[2] La demanderesse, qui serait originaire d’Érythrée, a présenté une demande d’asile. Son exposé circonstancié contient les informations qui suivent.

[3] En 2000, elle a quitté sa ville natale de Massawa et s’est rendue à Asmara pour éviter le service militaire obligatoire. Elle a été arrêtée par la police et mise en détention. Elle a été libérée après cinq jours et après avoir promis de se présenter à l’armée, mais elle ne l’a pas fait et est restée cachée.

[4] La demanderesse a été attrapée de nouveau en janvier 2005 et a été emprisonnée. En prison, elle a été battue et torturée et elle a subi des blessures qui l’ont rendue inapte au service militaire.

[5] Même si la demanderesse n’était plus tenue de servir dans l’armée en raison de ses blessures, son défaut de le faire a continué à lui causer des difficultés. On lui demandait souvent de prouver qu’elle avait fait son service militaire. Elle a donc dû verser des pots-de-vin pour obtenir certains documents, dont un permis d’exploitation pour son entreprise.

[6] Au début de 2019, la demanderesse a aidé sa demi-sœur à s’enfuir au Soudan après qu’un homme ayant des liens avec le gouvernement eut tenté de faire d’elle sa deuxième femme. La demanderesse a été placée en détention en avril 2019. Elle croit que c’était à la demande de cet homme. Pendant sa détention, elle a été interrogée, battue et forcée d’avouer qu’elle avait aidé sa demi-sœur à s’enfuir et qu’elle était en communication avec les mouvements d’opposition en Éthiopie.

[7] La demanderesse a été remise en liberté sous condition au bout d’une semaine. Craignant d’être arrêtée de nouveau, elle s’est enfuie au Soudan. Une fois sur place, on lui a dit que le Soudan n’était pas sécuritaire et elle a donc décidé de venir au Canada à titre de réfugiée.

[8] La demanderesse est arrivée au Canada le 20 mai 2019 en compagnie d’un passeur, se faisant passer pour son épouse. Elle dit avoir utilisé un passeport marron contenant sa photo, mais elle ne sait pas dans quel pays le passeport avait été délivré ni le nom qui y figurait.

[9] Après avoir passé les douanes, le passeur a pris le passeport et tous les documents de voyage de la demanderesse et lui a dit de prendre un taxi pour se rendre dans n’importe quel restaurant érythréen.

[10] La demanderesse craint d’être arrêtée et torturée en Érythrée parce qu’elle est une opposante politique et une ennemie du gouvernement, qu’elle a quitté le pays illégalement, qu’elle a violé les conditions de sa libération et qu’elle a présenté une demande d’asile au Canada.

[11] La demanderesse affirme qu’elle n’a plus de contact avec personne en Érythrée. Sa mère a été tuée en 1990 pendant la guerre, et elle n'a eu aucun contact avec son père depuis 1998. Elle ne sait pas où se trouve sa demi-sœur.

[12] Dans le cadre de sa demande d’asile au Canada, elle a fourni son certificat de naissance érythréen, une photocopie du permis d’exploitation d’un restaurant délivré en 2004 et deux lettres d’amis érythréens qui se trouvent maintenant au Canada.

[13] Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile [le ministre] est intervenu dans le dossier de la demanderesse en décembre 2020 au motif « de la crédibilité, de l’identité et de l’intégrité du programme ».

[14] Le ministre était d’avis que la demanderesse n’avait pas prouvé son identité et que son récit concernant son arrivée au Canada n’était pas vraisemblable. Il a fait valoir que, jusqu’à preuve du contraire, il y a lieu de présumer que la demanderesse est une ressortissante du pays ayant délivré le passeport qu’elle a utilisé pour voyager. Le ministre a souligné qu’au terme de la recherche effectuée dans le cadre de la demande d’asile de la demanderesse, il n’y a eu aucune correspondance d’empreintes digitales, ce qui laissait croire que cette dernière était ressortissante d’un pays dispensé de visa. Comme l’Érythrée ne bénéficie pas d’une telle dispense, le ministre a soutenu que la demanderesse n’avait pas voyagé avec un passeport érythréen et qu’elle n’avait pas établi qu’elle était érythréenne.

[15] Le 9 janvier 2021, deux jours après l’audience, le ministre a déposé des observations supplémentaires. Il a fait valoir que la demanderesse était une ressortissante italienne appelée Rahel Mokenen, qui est entrée au Canada le 14 avril 2019, soit cinq semaines avant la date à laquelle elle prétendait être arrivée.

[16] Le ministre a présenté une photo de Mme Mokenen prise en mai 2018 au poste d’inspection primaire de l’aéroport Pearson et l’a comparée à une photo de la demanderesse qui figurait dans le dossier de sa demande d’asile. Il a ainsi soutenu que la demande d’asile de la demanderesse était frauduleuse.

[17] En réponse, la demanderesse a présenté des observations à la SPR et a affirmé qu’elle n’était pas Rahel Mokenen et que les photos ne permettaient pas de conclure qu’il s’agissait de la même personne.

La décision contestée

[18] La SPR a examiné la preuve documentaire présentée par la demanderesse à l’audience ainsi que son témoignage. Elle a constaté qu’à cette audience, on a demandé à la demanderesse quelles instructions ou directives elle avait reçues du passeur. La demanderesse a répondu qu’on lui avait simplement dit de garder le silence. Elle a déclaré à la SPR qu’à son arrivée, on ne lui avait pas posé de questions et que seul le passeur avait discuté avec les autorités.

[19] La demanderesse a affirmé que le passeur avait pris tous les documents qui pouvaient corroborer son voyage et son arrivée au Canada. Le conseil de la demanderesse a fait valoir que le passeur avait donné le moins de renseignements possible à celle-ci afin de se protéger.

[20] La SPR n’a pas accepté cette explication. Elle a conclu que, compte tenu de la probabilité que la demanderesse soit interrogée à son arrivée au Canada ou lors de l’une des escales de son voyage, il serait raisonnable de s’attendre à ce que le passeur lui ait donné plus d’instructions et se soit assuré qu’elle connaisse le nom figurant dans le passeport qu’elle utilisait pour voyager. Elle a également conclu que le défaut de produire son passeport et l’incapacité de la demanderesse à fournir des détails à ce sujet, comme le nom qui y figurait ou le pays l’ayant délivré, ont semé le doute quant à son identité et à sa crédibilité.

[21] La SPR a noté que le certificat de naissance fourni par la demanderesse avait été délivré à Asmara, et non à Massawa, où elle prétendait être née. Lorsque la SPR lui a posé des questions à ce sujet, la demanderesse a répondu qu’elle avait présenté une demande de certificat de naissance alors qu’elle vivait à Asmara, puisqu’elle en avait besoin pour obtenir son permis d’exploitation pour son entreprise. Elle a ajouté qu’elle avait dû soudoyer quelqu’un pour obtenir le certificat. La SPR a reconnu que l’explication concernant le lieu de délivrance était vraisemblable, mais, comme le certificat de naissance avait été obtenu en échange d’un pot-de-vin, elle n’a accordé aucun poids à cette explication.

[22] La SPR a ensuite examiné le permis d’exploitation de la demanderesse. Elle a observé qu’il comportait la photo d’une jeune femme « qui pourrait être la demandeure d’asile en 2004 ». La SPR a indiqué qu’à l’audience, on avait demandé à la demanderesse l’adresse de son entreprise, mais qu’elle avait répondu ne pas s’en souvenir, parce que cela faisait très longtemps. La SPR a conclu que, même si l’entreprise était fermée depuis 11 ou 12 ans, il était raisonnable de s’attendre à ce que la demanderesse se souvienne de l’adresse d’une entreprise qu’elle avait exploitée pendant quatre ans. Comme pour le certificat de naissance, la SPR avait des doutes quant à la fiabilité d’un document obtenu en échange d’un pot-de-vin. Elle n’a donc accordé aucun poids au permis.

[23] La SPR a examiné les lettres fournies par la demanderesse, lesquelles ont été rédigées par deux personnes qui affirment l’avoir connue en Érythrée. Elle a constaté qu’aucun des auteurs n’avait comparu comme témoin et que les lettres étaient presque identiques et contenaient peu de renseignements sur la demanderesse. Elle n’a accordé aucun poids à ces lettres.

[24] La SPR a souligné que la demanderesse n’avait fourni aucune autre pièce d’identité, mais elle a tenu compte des observations de son conseil selon lesquelles il ne restait personne en Érythrée pour lui obtenir des documents ou pour confirmer son identité.

[25] La SPR a ensuite examiné les observations postérieures à l’audience présentées par le ministre selon lesquelles la demanderesse était en fait une ressortissante italienne. Elle a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, les deux photos montraient la même personne. La SPR a noté qu’« [o]utre les similarités dans le teint de la peau et les traits du visage, l’élément de preuve le plus convaincant est la présence du grain de beauté se trouvant essentiellement au même endroit (l’arrière du pont du nez) ».

[26] La SPR ayant conclu que la demanderesse avait falsifié sa demande d'asile, elle l'a rejeté et a jugé qu’il y avait absence de minimum de fondement, ce qui, au titre de l’alinéa 110(2)c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, empêchait la demanderesse d’interjeter appel à la Section d’appel des réfugiés.

Les questions en litige

[27] La demanderesse soulève les questions suivantes : (1) La conclusion de la SPR selon laquelle elle n’a ni qualité de réfugié ni celle de personne à protéger est-elle raisonnable? (2) La conclusion d’absence de minimum de fondement tirée par la SPR est-elle raisonnable?

Analyse

[28] Les parties conviennent que la décision est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov].

[29] La demanderesse soutient que, compte tenu des répercussions personnelles importantes de la décision, la norme de contrôle de la décision raisonnable est encore plus rigoureuse, citant le paragraphe 133 de l’arrêt Vavilov :

Il est bien établi que les individus ont droit à une plus grande protection procédurale lorsque la décision sous examen est susceptible d’avoir des répercussions personnelles importantes ou de leur causer un grave préjudice : Baker, par. 25. Toutefois, ce principe a également une incidence sur la manière dont une cour de justice effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Le point de vue de la partie ou de l’individu sur lequel l’autorité est exercée est au cœur de la nécessité d’une justification adéquate. Lorsque la décision a des répercussions sévères sur les droits et intérêts de l’individu visé, les motifs fournis à ce dernier doivent refléter ces enjeux. Le principe de la justification adaptée aux questions et préoccupations soulevées veut que le décideur explique pourquoi sa décision reflète le mieux l’intention du législateur, malgré les conséquences particulièrement graves pour l’individu concerné. Cela vaut notamment pour les décisions dont les conséquences menacent la vie, la liberté, la dignité ou les moyens de subsistance d’un individu.

Les pièces d’identité

[30] La demanderesse soutient que la SPR a tiré des conclusions déraisonnables concernant la fiabilité de ses pièces d’identité. Elle souligne que le défendeur a admis que la façon dont le certificat de naissance a été traité était déraisonnable.

[31] La demanderesse soutient que la conclusion selon laquelle le certificat de naissance n’est pas fiable, parce qu’il a été obtenu en échange d’un pot-de-vin est déraisonnable. Elle affirme que la SPR n’a pas tenu compte de la preuve documentaire selon laquelle la corruption est si répandue en Érythrée qu’elle est nécessaire pour obtenir les services auxquels les citoyens ont droit.

[32] La demanderesse soutient que, pour les mêmes motifs, il est également déraisonnable de tenir compte du fait qu’elle a obtenu son permis d’exploitation d’entreprise grâce à la corruption. Elle affirme qu’il est raisonnable qu’elle ait dû verser un pot-de-vin pour recevoir un document légitime puisqu’elle n’avait aucun moyen de prouver qu’elle avait accompli son service militaire ou qu’elle avait obtenu une dispense.

[33] La SPR a également critiqué le fait que la demanderesse ne se souvenait pas de l’adresse de son entreprise. La demanderesse fait remarquer qu’elle a été en mesure de décrire la partie du district où l’entreprise était située et soutient qu’il n’est pas invraisemblable de diriger les gens vers son entreprise en décrivant son emplacement plutôt qu’en donnant l’adresse civique précise. Elle fait donc valoir qu’il n’est pas invraisemblable qu’elle ait oublié l’adresse après 12 ans.

[34] La demanderesse affirme qu’elle n’a plus de famille ou d’amis en Érythrée qui pourraient obtenir des documents pour elle, et elle soutient qu’il serait déraisonnable de tirer une conclusion défavorable du fait qu’elle n’a que deux documents.

[35] Bien que le défendeur reconnaisse qu’il est déraisonnable que la SPR n’ait accordé aucun poids au certificat de naissance de la demanderesse parce qu’il a été obtenu par la corruption, je suis d’accord avec lui pour dire que la conclusion concernant le permis d’exploitation est raisonnable.

[36] Il est raisonnable de s’attendre à ce que la demanderesse se rappelle de l’adresse de son entreprise. Comme, en plus, le document aurait été obtenu en échange d’un pot-de-vin et que l’original n’a pas été fourni, il était loisible à la SPR de n’accorder aucun poids au permis d’exploitation.

[37] Je souscris à l’argument du défendeur selon lequel l’erreur concernant le certificat de naissance n’est pas nécessairement fatale à la conclusion finale. Aux paragraphes 59 et 60 de la décision Lin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1235, la Cour a déclaré ce qui suit :

[59] Même en supposant que la SPR a eu tort de conclure que le certificat de compétence jetait un doute sur la crédibilité du demandeur, je suis convaincu que la décision dans son ensemble est raisonnable compte tenu des autres conclusions de la SPR concernant la crédibilité. Dans Stelco Inc c British Steel Canada Inc., [2000] ACF no 286, le juge Evans a affirmé ce qui suit au paragraphe 22 :

même si le Tribunal a commis une erreur susceptible de révision à l’égard de certaines conclusions de fait, la décision qu’il a rendue au sujet de l’annulation serait néanmoins confirmée s’il y avait d’autres faits sur lesquels il était raisonnablement possible de fonder sa conclusion finale.

[60] Notre Cour s’est inspirée de ces remarques du juge Evans à plusieurs reprises dans le cadre de décisions ayant trait à l’immigration. Voir par exemple Zazay c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2008 CF 182; Ogiriki c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2006 CF 342, et Agbon c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2005 FC 1573. En l’espèce, la SPR s’est fondée sur plusieurs facteurs autres que le certificat de compétence pour conclure que le demandeur n’était pas crédible. Il y avait suffisamment d’autres éléments de preuve pour étayer la conclusion selon laquelle il n’était pas crédible et n’avait pas établi son identité.

[38] À mon avis, la contestation des éléments de preuve de la demanderesse concernant le permis d’exploitation et la question de l’identification à partir des photos fournies par le ministre sont plus que suffisantes pour l’emporter sur toute décision déraisonnable en ce qui concerne le certificat de naissance.

La fausse identité

[39] La demanderesse souligne que les tribunaux se préoccupent depuis longtemps des dangers d’une mauvaise identification. Elle fait valoir que, dans l’arrêt R c Nikolovski, [1996] RCS 1197, la Cour suprême du Canada a conclu qu’un juge peut juger seul une affaire en fonction de ses propres observations de la preuve vidéo, mais a souligné au paragraphe 22 qu’il fallait « que la bande vidéo [soit] de bonne qualité et qu’elle donne une image claire des événements et de l’auteur du crime ».

[40] La demanderesse fait remarquer que la SPR a commenté la qualité de la transmission vidéo à l’audience, mais pas la qualité des photos. Elle soutient que, compte tenu de la qualité des photos, il n’était pas possible de conclure qu’il s’agissait de la même personne.

[41] Le défendeur fait remarquer à juste titre que l’arrêt cité s’inscrit dans un contexte de droit pénal. Je reconnais que la qualité de la preuve visuelle est importante lors de l’évaluation du caractère raisonnable des décisions fondées sur la comparaison de photos, mais la demanderesse a comparu devant le décideur par vidéoconférence, et rien ne laisse croire à la Cour qu’il n’était pas raisonnablement loisible au décideur de faire la comparaison qu’il a faite. En effet, après avoir examiné et comparé les photos figurant dans le dossier certifié du tribunal, la Cour serait très probablement parvenue à la même décision que le commissaire.

La vraisemblance du récit de l’arrivée de la demanderesse

[42] La demanderesse soutient que la SPR a conclu de manière déraisonnable que son témoignage concernant son passeport et son arrivée au Canada était invraisemblable.

[43] Elle fait valoir que c’est une erreur de tirer une conclusion défavorable à l’égard du fait qu’un demandeur d'asile a utilisé un faux passeport ou s’est conformé aux directives de son mandataire (voir Gulamsakhi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 105 au para 9; Rasheed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2004 CF 587 au para 18).

[44] La demanderesse souligne que, selon la preuve, elle voyageait avec le passeur et qu’ils se faisaient passer pour un couple. Elle ajoute que la preuve du ministre concernant les procédures d’entrée montre que les familles sont traitées comme une unité. Le ministre a laissé entendre que la demanderesse pourrait avoir utilisé un passeport européen. D’après la demanderesse, tous ces facteurs auraient réduit le risque qu’elle soit interrogée.

[45] Je conviens avec le défendeur que la SPR a le droit de tirer des conclusions en matière de crédibilité de l’incapacité d’un demandeur à fournir des détails au sujet de son passeport et de l’identité sous laquelle il voyageait. Dans la décision Su c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 680, le juge Barnes a conclu que le fait que les demandeurs prétendaient avoir suivi les instructions n’expliquait pas pourquoi ils n’étaient pas en mesure de fournir des renseignements de base au sujet de leurs documents de voyage. Je conviens en outre qu’il serait raisonnable de s’attendre à ce qu’un passeur compétent fournisse au migrant clandestin des renseignements d’identité de base au cas où il serait interrogé par les agents des services frontaliers.

[46] Le défendeur a également raison de souligner que, contrairement à ce que la demanderesse a fait observer, la SPR n’a pas tiré de conclusion défavorable du fait qu’elle voyageait avec de faux documents. La conclusion défavorable était fondée sur le manque de crédibilité de son témoignage et sur le manque de détails concernant les documents. Encore une fois, je conviens avec le défendeur qu’il était raisonnable de s’attendre à ce que le passeur donne plus de directives que de simplement se taire et à ce qu’il s’assure que la demanderesse connaissait le nom figurant dans son passeport (voir p. ex. Ahmedin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1127 au para 42).

Conclusion

[47] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la décision faisant l’objet du contrôle est raisonnable, autant en ce qui concerne la conclusion selon laquelle la demanderesse n’a ni qualité de réfugié ni celle de personne à protéger et que la conclusion d’absence de minimum de fondement de la demande d’asile.

[48] Aucune question à certifier n’a été proposée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-1206-21

LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée et qu’aucune question n’est certifiée.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mélanie Vézina


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1206-21

 

INTITULÉ :

SABA YEMANE MEBRAHTU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 JANVIER 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 1ER MARS 2022

 

COMPARUTIONS :

Jack C. Martin

POUR LA DEMANDERESSE

Kevin Spykerman

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jack C. Martin

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.