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Date : 20220301


Dossier : IMM-3999-17

Référence : 2022 CF 278

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 1er mars 2022

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

DINDUP TSERING

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision du 16 juin 2017 par laquelle la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a rejeté la demande d’asile du demandeur au motif qu’il n’avait pas établi son identité de façon crédible.

[2] Avant l’audition de la demande en l’espèce, l’avocat du demandeur a demandé et obtenu, après avoir tenté d’en informer son client, une ordonnance lui permettant de cesser d’occuper, car il n’était pas en mesure d’obtenir des instructions de sa part. Par la suite, l’avocat du défendeur a convenu que la demande devrait être tranchée sur la foi des documents écrits présentés par les parties.

[3] Je conclus que la décision sur l’identité est raisonnable de façon globale, et la demande sera rejetée.

Contexte

[4] Le demandeur affirme qu’il s’appelle Dindup Tsering et qu’il est né dans le Kyidong, au Tibet.

[5] Le demandeur déclare que ses parents ont fui avec lui au Népal lorsqu’il était très jeune et qu’il n’a aucun souvenir de sa vie au Tibet. Il a vécu à Manang, au Népal, jusqu’à l’âge de huit ans. Il a ensuite été emmené pour vivre et étudier dans un monastère bouddhiste tibétain en Inde, mais il n’a pas eu de succès dans ses études. Le demandeur a quitté le monastère à l’âge de 18 ans, et sa famille l’a encouragé à se rendre en Occident.

[6] Le demandeur a obtenu un faux passeport népalais avec sa photo et le nom de Dindup Chhiring Punel. Il a utilisé ce passeport pour obtenir un visa pour les États‑Unis au bureau des visas de Katmandou, au Népal. Il s’est rendu aux États‑Unis et affirme qu’il a ensuite renvoyé le faux passeport au Népal. Le demandeur a apporté sa carte d’identité du monastère avec lui. Il dit que son vrai nom y figurait, mais qu’elle a été volée dans l’appartement où il vivait avec plusieurs autres personnes sans papiers. Il n’a pas signalé le vol en raison de son statut d’immigrant.

[7] Le demandeur a demandé l’asile aux États-Unis en 2002 ou 2003, mais sa demande a été rejetée. La demande d’asile a été présentée sous le nom figurant sur son faux passeport népalais, c’est-à-dire Dindup Chhiring Punel. Le demandeur n’a pas assisté à l’audience. Il a présenté une nouvelle demande d’asile en 2010, toujours sous le nom de Dindup Chhiring Punel, et a affirmé être né à Katmandou, au Népal. Sa demande a été rejetée de nouveau. Dans sa demande de 2010, il a déclaré qu’il ne s’était pas présenté à l’audition de sa première demande parce qu’il craignait que la femme qui l’avait aidé à remplir sa demande n’ait pas inscrit les bonnes informations sur sa demande et qu’elle ait plutôt affirmé qu’il vivait au Tibet avant d’arriver aux États-Unis.

[8] En mars 2012, le demandeur a été détenu par les services d’immigration des États-Unis, qui recherchaient son colocataire. Le demandeur affirme que les autorités ont pris son livret vert, une forme d’identification pour les Tibétains délivrée par le gouvernement tibétain en exil, qu’elles ont conservé l’original et qu’elles lui ont donné une copie.

[9] En 2013, le demandeur a demandé à ses parents de lui obtenir des documents d’identité auprès du bureau d’aide sociale des réfugiés tibétains au Népal. Il a reçu un certificat de naissance tibétain accompagné d’une lettre [les documents du bureau d’aide sociale des réfugiés tibétain].

[10] Le demandeur a vécu et travaillé aux États-Unis sans statut jusqu’au 11 mars 2017, date à laquelle il est venu au Canada. Le demandeur est entré au Canada de manière irrégulière afin d’éviter l’effet de l’Entente sur les tiers pays sûrs. À son arrivée, il a présenté une demande d’asile.

[11] Le 12 mars 2017, le demandeur a été interrogé par un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC]. Le demandeur a indiqué que son nom complet était Dindup Tsering. Lorsqu’on lui a demandé où il était né, il a répondu : [traduction] « Mes parents disent que je suis né entre le Népal et le Tibet. Ils appellent cet endroit Manang, je ne le connais pas vraiment. »

[12] Le demandeur a déclaré à l’agent que les informations figurant dans son livret vert et dans les documents du bureau d’aide sociale des réfugiés tibétains étaient correctes, mais lorsqu’on lui a demandé pourquoi les documents indiquaient qu’il était né dans le Kyidong au Tibet, le demandeur a répondu que ses parents [traduction] « ont dû mentir là-bas parce que l’ambassade du Népal ne [l]’accepte pas ». Lorsqu’on lui a demandé sa nationalité, le demandeur a répondu : « Je n’en ai aucune idée. Je n’arrive pas à comprendre parce que je suis né à Manang, mais le Népal ne me reconnaît pas parce que je suis Tibétain. »

[13] Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il avait déclaré être né à Katmandou dans sa demande d’asile de 2010 aux États-Unis, le demandeur a indiqué que son avocat avait dû inscrire cette information [traduction] « parce [qu’il] lui [avait] dit Manang et que cela n’apparaissait pas ».

[14] L’agent a ensuite demandé au demandeur s’il était réellement né à Manang ou si son certificat de naissance était authentique. Le demandeur a répondu : [TRADUCTION] « Je suis né dans le Kyidong. Je suis désolé. »

[15] Une audience a été tenue par la SPR le 23 mai 2017. Le demandeur était représenté par un avocat.

[16] Le 16 juin 2017, la SPR a rejeté la demande d’asile du demandeur. Elle a conclu que les questions déterminantes dans la demande de protection étaient « l’identité (c’est-à-dire le défaut de l’appelant d’établir son identité personnelle et son ou ses pays de citoyenneté) et la crédibilité ».

[17] La SPR a conclu que le demandeur n’était pas un témoin crédible et qu’il n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve fiables et dignes de foi pour établir son identité selon la prépondérance des probabilités. Plus précisément, la SPR a conclu que le demandeur n’avait pas établi son nom, sa date de naissance, son lieu de naissance, son pays de naissance et son pays de citoyenneté.

[18] La SPR a indiqué qu’en tirant cette conclusion, elle tenait compte des allégations du demandeur concernant sa mauvaise mémoire, son degré de discernement et le stress de la salle d’audience. La SPR a également tenu compte des difficultés que les Tibétains doivent surmonter pour obtenir des documents d’identification personnelle.

Questions en litige

[19] Dans son mémoire, le demandeur énonce les questions suivantes : (1) La SPR a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur n’a pas établi son identité de manière crédible? (2) La SPR a-t-elle commis une erreur en n’examinant pas la question de savoir si le demandeur serait persécuté au Népal ou en Chine, indépendamment de la question de savoir s’il est né au Népal ou en Chine?

[20] Si le demandeur ne peut établir son identité à la satisfaction de la SPR, la demande doit être rejetée. Comme je conclus que la décision concernant l’identité est raisonnable, je n’ai pas à examiner la deuxième question énoncée.

Analyse

[21] Comme je l’ai déjà indiqué, le demandeur doit établir son identité personnelle comme condition préalable à l’évaluation d’une demande et tout manquement à cette obligation est fatal.

[22] Au paragraphe 15 de la décision, la SPR explique ainsi le fondement de l’exigence préliminaire selon laquelle l’identification doit être établie :

En l’absence d’une conclusion selon laquelle un demandeur d’asile a établi son identité personnelle et sa nationalité selon la prépondérance des probabilités, il n’est pas possible de procéder dûment à l’évaluation du bien-fondé potentiel de la demande d’asile. Lorsque l’identité personnelle et la nationalité d’un demandeur d’asile n’ont pas été établies selon la prépondérance des probabilités, il n’y a pas lieu d’évaluer le reste de la demande d’asile.

À l’appui de cette proposition, la SPR cite la décision Husein c Canada (Citoyenneté et Immigration), [1998] ACF no 726 (CF, 1re inst), dans laquelle le juge Joyal a déclaré ce qui suit au paragraphe 13 : « Je suis d’avis qu’il n’était pas nécessaire que la Commission poursuive son analyse de la preuve après avoir conclu que l’identité des revendicateurs n’était pas établie ou que la principale demanderesse n’avait pas prouvé qu’elle était bien la personne qu’elle prétendait être. La question de l’identité revêtait une importance cruciale en l’espèce. Le défaut de la demanderesse principale de prouver qu’elle appartenait bien à un clan victime de persécution a véritablement porté atteinte à la crédibilité de sa prétention qu’elle avait une crainte bien fondée d’être persécutée. »

[23] Je souscris à cette observation. En l’absence d’une conclusion sur l’identité, il est impossible d’évaluer s’il existe un fondement crédible à la protection demandée. De plus, comme l’a fait remarquer la SPR, il incombe aux demandeurs d’asile de fournir des documents d’identité acceptables. S’ils ne le font pas, ils doivent fournir une explication raisonnable pour justifier l’absence de documents ou démontrer que des mesures raisonnables ont été prises pour les obtenir.

[24] La SPR a résumé le récit allégué par le demandeur. Elle a également souligné les incohérences entre la demande actuelle du demandeur et sa demande d’asile aux États-Unis de 2010. Le demandeur a allégué à l’audience que la demande de 2010 ne lui avait pas été traduite; la SPR a toutefois souligné qu’il avait affirmé parler couramment l’anglais dans sa demande de 2010. Devant la SPR, le demandeur a indiqué que ce n’était pas vrai; cependant, la SPR a souligné les nombreux antécédents professionnels du demandeur aux États-Unis, notamment en tant que commis d’une épicerie de quartier pendant deux ans, serveur dans un restaurant pendant quatre ans et employé dans une épicerie fine pendant plus d’un an.

[25] À la lumière de ces faits, la SPR pouvait conclure, comme elle l’a fait, que les « réponses du demandeur d’asile témoign[aient] d’une tentative délibérée de minimiser sa connaissance de la langue anglaise afin de tromper le tribunal quant à sa participation personnelle à la saisie et à la présentation de renseignements dans sa demande d’asile aux États-Unis qui, affirme-t-il maintenant, n’étaient pas vrais ». La SPR pouvait raisonnablement tirer une conclusion négative en matière de crédibilité sur la base de ces faits.

[26] La SPR a conclu que s’il était possible que le demandeur ait été induit en erreur par un conseiller juridique peu scrupuleux lors de sa première demande d’asile, il était peu probable que le demandeur ait continué à utiliser une fausse identité pour présenter « une deuxième demande d’asile au moyen de la même fausse identité, huit ans après son arrivée, après avoir occupé trois emplois et après avoir appris suffisamment bien l’anglais pour s’orienter ». La SPR n’admet pas « que cela pourrait s’expliquer par une mauvaise mémoire ou l’ignorance de ce qui était écrit dans la deuxième demande d’asile ».

[27] Je ne puis conclure qu’il s’agit d’une évaluation déraisonnable. Comme sa demande a été rejetée une première fois au motif qu’il l’avait présentée sous un faux nom, il est permis de se demander pourquoi sa deuxième demande pourrait être accueillie s’il utilise de nouveau le même faux nom. Cela est d’autant plus curieux que le demandeur n’a apparemment eu aucune difficulté à affirmer sa « vraie identité » dans sa demande d’asile pour le Canada.

[28] La SPR a conclu que l’affirmation du demandeur selon laquelle il avait apporté ses vrais papiers d’identité aux États-Unis en plus de son faux passeport népalais était déraisonnable. Il est risqué de voyager avec des documents d’identité contradictoires. S’ils avaient été découverts, l’entrée aux États-Unis lui aurait été refusée et il aurait été renvoyé. La SPR a tiré une conclusion négative en matière de crédibilité et a estimé que, selon toute probabilité, le demandeur a voyagé aux États-Unis avec des documents d’identité au nom de Dindup Chhiring Punel uniquement. J’estime que cette conclusion est raisonnable.

[29] La SPR a examiné les diverses déclarations du demandeur concernant son lieu de naissance, y compris dans les demandes d’asile pour les États-Unis et durant son entrevue avec l’agent de l’ASFC, et a constaté qu’elles étaient incohérentes, même celles qu’il avait faites tout récemment lorsqu’il a été interrogé par l’agent de l’ASFC. Cet élément a également pesé dans la conclusion de crédibilité défavorable de la SPR.

[30] En ce qui concerne les documents du bureau d’aide sociale des réfugiés tibétains, la SPR a examiné les difficultés que rencontrent certains Tibétains pour obtenir des documents d’identité. Toutefois, au paragraphe 23, elle a conclu que le demandeur en l’espèce était en quelque sorte une exception à la norme :

Le tribunal fait remarquer qu’en l’espèce, le demandeur d’asile a fait ses études dans un monastère tibétain en Inde et vit aux États‑Unis depuis quinze ans. Il indique qu’il peut communiquer en anglais et qu’il a été en mesure de communiquer avec ses parents, qui sont au Népal, pour obtenir de l’aide. Par conséquent, le tribunal doit évaluer sa demande d’asile à la lumière de ces allégations, car cela donne foi au fait que le demandeur d’asile possède un meilleur degré de discernement, ainsi que des capacités et des connaissances plus élevées que certains autres Tibétains quant aux documents d’identité auxquels il aurait accès et à la façon de se les procurer.

[31] La SPR était en droit de tirer une conclusion de crédibilité défavorable compte tenu des réponses sur son lieu de naissance qu’il a fournies à l’agent de l’ASFC. L’agent de l’ASFC a questionné le demandeur sur la raison pour laquelle les documents du bureau d’aide sociale des réfugiés tibétains indiquent qu’il est né dans le Kyidong, au Tibet, alors qu’il a affirmé être né à Manang. Ce n’est qu’à ce moment que le demandeur a déclaré que ses parents avaient menti pour obtenir ces documents. Il a manifestement proposé cette réponse pour expliquer cette divergence. Toutefois, lorsqu’on lui a demandé par la suite si les documents du bureau d’aide sociale des réfugiés tibétains étaient frauduleux, le demandeur a modifié son témoignage et affirmé qu’il était né dans le Kyidong.

[32] La SPR a raisonnablement conclu au paragraphe 39 que ces réponses contradictoires portaient atteinte à la crédibilité du demandeur :

Le tribunal estime que le témoignage du demandeur d’asile sur la façon dont ses parents ont obtenu les documents est très vague et nébuleux. Le tribunal n’est pas convaincu que ces documents ont été délivrés sur la base d’informations fiables et dignes de foi démontrant que le demandeur d’asile est effectivement né [dans le] Kyidong ni que le bureau disposait même d’informations fiables attestant l’existence du demandeur d’asile et le fait qu’il est le fils des personnes qui se sont présentées au Népal pour obtenir les documents. Le tribunal estime que le témoignage du demandeur d’asile contredit ses affirmations antérieures selon lesquelles il est né à Manang. Le tribunal conclut que le témoignage de vive voix du demandeur d’asile en ce qui concerne son lieu de naissance est incohérent. Le tribunal tire une conclusion défavorable quant à la crédibilité.

[33] En plus de ces conclusions, la SPR a également examiné les photographies soumises avec la preuve documentaire, le livret vert et deux lettres, la première de Tulku Dawa Gyalpo [M. Gyalpo], vice-président du Centre Palyul Pema Mani à Toronto, et la seconde du secrétaire général de Thegchog Namdrol Shedrub Dargeyling [le monastère Namdroling] en Inde.

[34] La SPR a souligné que les photographies figurant sur les documents du bureau d’aide sociale des réfugiés tibétains et le livret vert ne ressemblaient pas, selon elle, au demandeur à l’audience ou dans les autres documents qu’il a fournis, comme sa demande d’asile aux États‑Unis. La SPR a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, ces documents ont été délivrés sur la base de faux renseignements ou ont été délivrés à une autre personne nommée Dindup Tsering.

[35] Le demandeur fait valoir que la SPR n’a pas tenu compte du fait que ses parents auraient utilisé une photo plus ancienne de leur fils. Il fait également valoir que ses sourcils sont le seul trait que la SPR a explicitement jugé différent. Le demandeur ne convient pas que les photographies semblent différentes et fait remarquer que ni l’avocat ni la SPR ne sont des experts en reconnaissance faciale à partir de photos. Le demandeur fait valoir que, pour qu’une telle conclusion soit déterminante, elle doit s’appuyer sur l’opinion d’un expert ou sur une technologie de reconnaissance faciale appropriée.

[36] Contrairement aux observations du demandeur, la SPR a le pouvoir de déterminer qu’un demandeur est ou n’est pas la personne figurant sur une photographie, et elle n’est pas tenue de s’appuyer sur des preuves d’expert pour le faire (voir Olaya Yauce c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 784 au para 9). Par ailleurs, le demandeur a raison lorsqu’il affirme que ses sourcils sont le seul trait explicite identifié, mais cela doit être interprété dans le contexte de la conclusion générale de la SPR au paragraphe 41 selon laquelle les personnes figurant sur les photographies sont différentes :

Les autres papiers d’identité officiels au nom de Dindup Tsering sont les documents du bureau d’aide sociale des réfugiés tibétains. Outre les préoccupations exposées précédemment au sujet de l’information fournie par les parents du demandeur d’asile et de la manière dont ils ont pu obtenir ces documents, le tribunal a examiné les photographies sur les deux documents. Il semble que des photographies similaires figurent sur le livret vert destiné aux Tibétains et les deux documents provenant du bureau d’aide sociale des réfugiés tibétains. Le tribunal a eu l’occasion de consulter les originaux de ces deux documents. Après les avoir examinés attentivement à l’audience et les avoir comparés aux autres photographies du demandeur d’asile (celles figurant sur ses documents des États-Unis et son visa des États-Unis, ainsi que ses photographies), le tribunal ne voit aucune ressemblance entre l’image de la personne figurant sur les documents du Tibet et les images de la personne figurant sur les documents des États-Unis. Les documents des États-Unis et les photographies semblent appartenir au demandeur d’asile. Toutefois, le tribunal estime, selon la prépondérance des probabilités, que les documents du Tibet ne présentent pas l’image du demandeur d’asile. Cela est particulièrement évident à l’examen des sourcils et d’autres traits. Si les photographies ont été prises en 2013 ou même avant, le tribunal ne voit pas comment l’image peut être celle du demandeur d’asile. [Non souligné dans l’original.]

[37] La SPR a attiré l’attention sur les sourcils comme exemple précis, mais il est clair, d’après ces motifs, qu’elle ne voyait aucune ressemblance avec le demandeur.

[38] La SPR a également examiné le livret vert qui a été présenté pour établir l’identité. Contrairement à l’exigence de l’article 42 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012-256, le demandeur n’avait fourni qu’une copie. Aucune explication n’a été offerte quant à la raison pour laquelle l’original n’aurait pu être obtenu auprès des autorités des États‑Unis, ou si une tentative avait été faite. La SPR a également souligné qu’il était difficile de savoir comment l’identité du demandeur avait été établie de sorte que le livret vert ait pu être délivré. La SPR a donc raisonnablement refusé d’accorder un poids significatif à ce document.

[39] La SPR a également examiné les lettres de M. Gyalpo et du secrétaire général du monastère de Namdroling en Inde. La SPR a souligné que les auteurs n’ont pas témoigné à l’audience et qu’aucune des lettres n’indiquait comment l’auteur avait obtenu les renseignements qu’il attestait. La SPR a accordé peu de poids à ces lettres. Je conviens avec le demandeur que le défaut des auteurs de témoigner n’est pas pertinent lorsqu’il s’agit d’évaluer le poids; toutefois, le fait qu’aucun des auteurs n’a indiqué comment il a obtenu les renseignements qu’il attestait est très pertinent. La SPR n’a commis aucune erreur à cet égard en écartant ces lettres.

[40] La SPR a souligné que le demandeur avait fourni un témoignage oral concernant son enfance et qu’il s’était exprimé par l’entremise d’un interprète tibétain à l’audience. La SPR a fait remarquer que, malgré les problèmes liés aux documents d’identité, les témoignages sous serment demeurent inattaquables, « [e]xception faite de cas où une conclusion de fraude clairement démontrée et étayée jette un doute sur l’ensemble de la preuve produite par un demandeur » (citant Tran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1080). La SPR a conclu que le témoignage du demandeur au sujet de son enfance « ne suffit pas à compenser les préoccupations soulevées » étant donné la preuve que le demandeur avait utilisé une fausse identité aux États-Unis de manière soutenue. À mon avis, les questions cernées par la SPR ont laissé planer un doute sérieux sur l’ensemble de la preuve présentée par le demandeur sur son identité quant à son nom, sa date de naissance, son lieu de naissance, son pays de naissance et son pays de citoyenneté.

[41] En résumé, je conclus que la SPR a examiné tous les éléments de preuve relatifs à l’identité, qu’elle en a fait une évaluation raisonnable et qu’elle en a tiré des conclusions raisonnables. Pour ces motifs, la présente demande doit être rejetée.

[42] Aucune question à certifier n’a été proposée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-3999-17

LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée et qu’aucune question n’est certifiée.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3999-17

 

INTITULÉ :

DINDUP TSERING c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 JANVIER 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 1ER MARS 2022

 

COMPARUTIONS :

Phil Trotter

POUR LE DEMANDEUR

Leanne Briscoe

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aucun

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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