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Date : 20 220 224


Dossier : T-1271-20

Référence : 2022 CF 264

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 24 février 2022

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

MAC BERRY FARMS LIMITED

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, REPRÉSENTANT LE MINISTRE DE L’AGRICULTURE ET DE L’AGROALIMENTAIRE DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée par Mac Berry Farms Ltd. [la demanderesse ou Mac Berry] à l’égard de la décision datée du 22 septembre 2020 par laquelle Mme Tammy Abel, directrice, Direction générale des programmes, Direction des programmes du revenu agricole d’Agriculture et Agroalimentaire Canada [Agroalimentaire Canada], a refusé de réexaminer le calcul des paiements de la demanderesse au titre du programme Agri-stabilité pour 2018.

Contexte

[2] Agri-stabilité est l’un des quatre programmes de gestion des risques de l’entreprise [GRE] (Agri-stabilité, Agri-protection, Agri-investissement et Agri-relance) qui visent à aider les producteurs (agriculteurs) qui font face à des pertes de revenu et de production. Les programmes de GRE, y compris Agri-stabilité, sont administrés conformément à des lignes directrices. Jusqu’au 31 mars 2018, et aux fins de la présente affaire, le programme Agri-stabilité était administré suivant le document d’orientation Cultivons l’avenir 2 – Agri-stabilité – Lignes directrices du programme [les lignes directrices]. Depuis avril 2018, le programme est administré conformément aux Lignes directrices du programme Agri-stabilité du Partenariat canadien pour l’agriculture.

[3] Agri-stabilité est un programme fondé sur des marges conçu pour aider les producteurs (agriculteurs) à gérer les baisses de revenu importantes. Essentiellement, les participants au programme Agri-stabilité versent un montant calculé pour chaque année de programme (art. 3.4.1 des lignes directrices). Une fois les demandes de remboursement pour perte traitées, l’administrateur du programme est tenu d’envoyer aux participants un avis de calcul des paiements du programme indiquant la marge de l’année de programme (la marge de production de l’année en cours s’entendant de la différence entre les revenus admissibles et les dépenses admissibles, tels que définis par les lignes directrices du programme et sous réserve des rajustements énoncés dans ces dernières) et la marge de référence (telle qu’elle est définie à l’art. 4.5 des lignes directrices). Conformément aux règles et aux critères d’admissibilité du programme, si la marge de l’année de programme a diminué par rapport à la marge de référence, les montants qui seront versés au participant seront indiqués sur l’avis de calcul des bénéfices du programme (art. 3.5.1 des lignes directrices; les termes en italiques sont définis dans les lignes directrices).

[4] Le programme Agri-stabilité prévoit le versement d’un montant aux producteurs dont le revenu a considérablement diminué par rapport à la moyenne des cinq années précédentes (un paiement au titre de la marge positive), c’est-à-dire lorsque la marge de l’année de programme du participant a baissé de plus de 30 % par rapport à la marge de référence du participant (art. 3.7 des lignes directrices).

[5] De plus, au titre du programme, les producteurs dont les dépenses admissibles dépassent leur revenu admissible (paiement au titre de la marge négative) auront droit à un paiement, pourvu qu’ils satisfassent à certaines autres conditions (art. 3.8 des lignes directrices). Tout producteur qui ne participe pas au programme Agri-protection au niveau de la couverture minimale (tel qu’il est défini dans les lignes directrices, à savoir généralement 70 %) verra son paiement au titre de la marge négative réduit de 70 % du bénéfice présumé d’Agri-protection, lequel représente l’indemnité qu’il aurait reçue s’il avait participé au programme Agri-protection, moins le montant de la prime qu’il aurait dû verser (art. 3.8.1 des lignes directrices). Pour les besoins du calcul du bénéfice présumé, un participant qui ne s’est pas procuré de couverture d’Agri-protection verra la valeur présumée de la couverture, des primes, des pertes et du bénéfice de chacun des produits assurables établie au niveau de la couverture minimale d’Agri-protection. Selon les lignes directrices, les agents compétents d’Agri-protection calculent le bénéfice présumé en fonction des informations fournies par l’administrateur et, à cette fin, peuvent communiquer avec le participant afin d’obtenir toute autre information requise pour le calcul du bénéfice présumé. Dans le cas d’un participant n’ayant aucune donnée historique sous Agri-protection, on établit la valeur de la couverture, de la prime et de la perte (s’il y a lieu) comme s’il s’agissait d’une nouvelle inscription à un programme d’Agri-protection. Cela peut nécessiter l’utilisation d’informations provenant d’une « moyenne régionale ou provinciale » plutôt que le recours à la procédure habituelle de souscription individuelle.

[6] Mac Berry est une entreprise de culture fruitière de la Nouvelle-Écosse.

[7] En octobre 2018, Mac Berry a présenté une demande de paiement provisoire au titre d’Agri-stabilité pour 2018. D’après un avis de calcul du paiement (ACP; avis de calcul des bénéfices dans les lignes directrices) provisoire au titre d’Agri-stabilité pour 2018, il a été déterminé que le demandeur avait droit à un paiement au titre de la marge positive de 68 628,79 $. La demanderesse a reçu ce montant en deux versements égaux, soit un paiement provisoire le 6 novembre 2018 et un paiement final le 31 mai 2019. Le 31 mai 2019, Agri-stabilité a envoyé l’ACP final au titre d’Agri-stabilité de Mac Berry pour 2018. Celui-ci comprenait un résumé du calcul du paiement au titre de la marge positive de Mac Berry, et indiquait également que la marge de l’année de programme (perte) de Mac Berry était de 44 721,00 $, ce qui signifie que les dépenses admissibles de Mac Berry dépassaient ses revenus admissibles à hauteur de ce montant. L’avis précisait ce qui suit : [TRADUCTION] « Votre marge de l’année de programme est négative. Ce calcul détermine la valeur de la marge positive de votre paiement d’Agri-stabilité. Nous calculerons votre marge négative plus tard. »

[8] Mac Berry a présenté sa demande de paiement d’Agri-stabilité finale pour 2018 le 23 janvier 2019. Dans celle-ci, Mac Berry a indiqué qu’elle prévoyait recevoir un paiement au titre de la marge négative pour 2018 et qu’elle avait reçu un tel paiement en lien avec sa demande de 2017, lequel avait été basé sur un examen par Agri-stabilité des données de production réelles de Mac Berry. Mac Berry a décrit la façon dont le paiement au titre de la marge négative serait, selon elle, calculé par Agri-protection en l’absence d’assurance-récolte, a expliqué que cette méthode ne serait pas représentative de sa situation, a expliqué pourquoi la couverture d’Agri-protection ne profiterait pas à ses activités et a joint son historique de production de bleuets en corymbe sur 10 ans et le calcul de sa marge négative pour 2017.

[9] Le 27 juin 2019, Mac Berry a présenté une demande d’appel par écrit auprès d’Agri-stabilité de la décision qui a été prise à l’égard de sa demande de 2018 au titre du programme, plus précisément concernant le non-versement de son paiement au titre de la marge négative pour 2018. Mac Berry prétendait avoir droit à 70 % de la marge négative calculée de 44 721,00 $, soit 31 304,70 $. Mac Berry a notamment fait valoir qu’elle avait fourni des données de production réelle sur plus de 10 ans et qu’il n’était donc pas nécessaire d’utiliser d’autres données de production (moyennes provinciales) pour déterminer si elle aurait été admissible à l’assurance-récolte. Elle a affirmé que d’après ses données, elle n’aurait pas été admissible aux bénéfices d’assurance-récolte et qu’elle ne devait donc pas être pénalisée pour ne pas avoir participé à ce programme. De plus, Mac Berry soutient que ses données avaient été utilisées pour sa demande au titre d’Agri-stabilité en 2017, et que le calcul avait donné lieu à un paiement au titre de la marge négative.

[10] L’appel du demandeur a été rejeté dans une lettre datée du 8 novembre 2019. Le Comité d’appel d’Agri-stabilité s’exprime ainsi dans cette lettre : [traduction] « [V]otre demande a été traitée conformément aux règles énoncées dans les lignes directrices du programme Agri-stabilité, et rien ne permet de faire exception aux lignes directrices dans votre cas. » On y cite ensuite un extrait de l’article 3.8.1 des lignes directrices, qui précise que le bénéfice présumé du demandeur est calculé en fonction des informations fournies par l’administrateur, et que dans le cas d’un participant n’ayant aucune donnée historique sous Agri-protection, on établit la valeur de la demande comme s’il s’agissait d’une nouvelle inscription à un programme d’Agri-protection, processus pouvant nécessiter l’utilisation d’informations provenant d’une moyenne régionale ou provinciale plutôt que le recours à la procédure habituelle de souscription individuelle. Dans la lettre, on précise que la demande de paiement de la demanderesse [traduction] « va à l’encontre des règles du programme décrites précédemment. »

[11] Le 20 février 2020, Mac Berry a présenté un deuxième appel auprès d’Agri-stabilité. Dans cet appel, elle a contesté la décision d’Agri-stabilité de récupérer une partie du paiement qui lui avait été versé en 2017 ainsi que le refus de lui verser un paiement au titre de marge négative pour 2018. Mac Berry a expliqué pourquoi elle n’avait pas souscrit d’assurance auprès d’Agri-protection, en précisant notamment qu’elle avait envisagé de devenir une [traduction] « nouvelle participante » cinq ans auparavant, mais que, compte tenu du jeune âge de ses bleuetiers, l’assurance d’Agri-protection aurait constitué une dépense injustifiée, car le régime n’aurait pas couvert la perte qu’elle aurait pu subir avant l’arrivée à maturité de ses plants, soit 12 à 15 ans plus tard. D’après le calcul sur 10 ans effectué par Mac Berry pour 2017 et 2018, lequel avait été fourni à Agri-stabilité, Mac Berry n’aurait eu droit à aucun paiement d’Agri-protection. De plus, si Mac Berry était traitée comme une nouvelle participante au programme Agri-protection (selon les lignes directrices), elle n’aurait eu droit à aucun bénéfice, parce que son niveau de production était supérieur au niveau de couverture minimale de 70 %. Mac Berry a fait valoir qu’elle ne devrait pas voir son paiement au titre de la marge négative réduit par toute indemnité présumée d’Agri-protection, qui aurait été nulle de toute façon. Mac Berry a de nouveau fait valoir que les lignes directrices précisent qu’on « peut » avoir recours aux moyennes provinciales, mais n’exige pas l’utilisation de moyennes provinciales ou régionales. Dans le cas de Mac Berry, le recours aux moyennes n’était pas nécessaire, puisque Mac Berry avait déjà fourni des données de production fiables à utiliser pour le calcul.

[12] Dans une lettre datée du 12 mars 2020, Agri-stabilité a confirmé à la fois le rejet des demandes au titre d’Agri-stabilité de 2017 (récupération) et de 2018 (marge de programme négative) en s’exprimant ainsi : [traduction] « Comme il n’y a aucune preuve démontrant que les règles du programme ont été appliquées incorrectement dans le calcul de votre paiement au titre d’Agri-stabilité, votre dossier d’appel a été clos. »

[13] Le 31 mai 2019, Agri-stabilité a envoyé à Mac Berry son ACP d’Agri-stabilité de 2018. Le 23 juin 2020, Agri-stabilité a envoyé à Mac Berry un ACP révisé pour 2018, dans lequel la marge de l’année de programme de Mac Berry a été ajustée, celle-ci affichant maintenant une perte de 70 258,00 $. Le 15 juillet 2020 (puis à nouveau le 8 septembre 2020), Mac Berry a présenté un troisième appel du calcul du paiement au titre de la marge négative effectué par Agri-stabilité. Mac Berry y faisait valoir que la marge négative de l’année de programme révisée à la hausse justifiait un paiement au titre de la marge négative encore plus important, à savoir un montant de 49 180,60 $, et y répétait les arguments précédents qu’elle avait présentés à l’appui de sa position.

[14] Dans une lettre datée du 22 septembre 2020, Agri-stabilité a de nouveau rejeté l’appel de Mac Berry. C’est cette décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

Extraits pertinents des lignes directrices

Agri-stabilité : Cultivons l’avenir 2 – Lignes directrices du programme

Définitions

Administrateur

entité ou organisme provincial ou fédéral qui assure l’administration du programme pour une province ou un territoire donné.

Niveau de la couverture minimale d’Agri-protection

couverture à 70 % pour chacun des produits assurables; ou, au plus bas niveau offert lorsque ce dernier est supérieur à 70 %, sauf pour ceux assujettis aux exemptions provinciales

Marge de production

différence entre les revenus admissibles et les dépenses admissibles, tels que définis par les lignes directrices du programme et sous réserve des rajustements énoncés dans ces dernières

Marge de l’année de programme

marge de production de l’année de programme en cours

Marge de référence

montant déterminé en vertu de l’article 4.5.

3.8 Paiements au titre de la marge négative

En plus du montant à verser aux termes de l’article 3.7, si la marge de l’année de programme du participant est inférieure à zéro (marge négative), le participant aura droit à un paiement pour couvrir la partie de la baisse de marge qui se situe en marge négative, pourvu qu’il satisfasse aux critères suivants durant cette année de programme :

1. il a subi une marge négative en raison de risques hors de son contrôle;

2. il a utilisé de saines pratiques de gestion;

3. il a une marge de référence positive, ou sa marge de production (telle que déterminée aux fins de calcul de la marge de référence) est positive au cours d’au moins deux des trois années de programme utilisées pour calculer la marge de référence en incluant les années de programme pour lesquelles les marges de production ont été estimées conformément à l’alinéa 3.13.2 de l’Accord, et en excluant les années de programme qui ont été exclues aux termes de l’alinéa 3.13.1 de l’Accord.

Les paiements seront calculés sur la base de 70 % de la partie de la baisse de la marge de l’année de programme qui se situe dans la marge négative, moins tout montant ajusté en vertu de l’article 3.8.1.

3.8.1 Bénéfice présumé d’Agri-protection

Quiconque n’a pas participé à un programme d’Agri-protection au niveau de la couverture minimale d’Agri-protection verra son paiement au titre de la marge négative réduit de 70 % du bénéfice présumé d’Agri-protection (bénéfice présumé), lequel représente l’indemnité qu’il aurait reçue s’il avait participé au programme Agri-protection, moins le montant de la prime qu’il aurait dû verser pour participer au programme Agri-protection.

[...]

Pour les besoins du calcul du bénéfice présumé, un participant qui ne s’est pas procuré de couverture d’Agri-protection verra la valeur présumée de la couverture, des primes, des pertes et du bénéfice de chacun des produits assurables établie au niveau de la couverture minimale d’Agri-protection. Un participant qui s’est procuré une couverture d’Agri-protection, mais à un niveau inférieur au niveau de la couverture minimale d’Agri-protection, verra la valeur présumée de la couverture, des primes, des pertes et du bénéfice pour chacun des produits assurables établie au niveau de la couverture minimale d’Agri-protection, moins la valeur de la couverture réellement souscrite.

Les agents compétents d’Agri-protection calculent le bénéfice présumé en fonction des informations fournies par l’administrateur, conformément aux règles normatives servant à établir la couverture, les primes et les pertes relatives à chacun des programmes d’Agri-protection en vigueur au moment où cette couverture aurait été prise. Les agents compétents d’Agri-protection peuvent communiquer avec le participant afin d’obtenir toute autre information requise pour le calcul du bénéfice présumé. L’administrateur décide de l’année de récolte correspondant à l’année financière du participant pour chaque culture devant être imputée.

Dans le cas d’un participant n’ayant aucune donnée historique sous Agri-protection, on établit la valeur de la couverture, de la prime et de la perte (s’il y a lieu) comme s’il s’agissait d’une nouvelle inscription à un programme d’Agri-protection. Cela peut nécessiter l’utilisation d’informations provenant d’une « moyenne régionale ou provinciale » plutôt que le recours à la procédure habituelle de souscription individuelle.

Dans le cas d’un participant ayant des données historiques sous Agri-protection, on utilise son dossier pour établir la valeur de la couverture, de la prime et de la perte conformément aux normes en vigueur dans la province ou le territoire. Lorsque les données historiques ne correspondent pas aux pratiques de gestion actuelles et au potentiel de capacité productive, les agents compétents d’Agri-protection peuvent rajuster la couverture et la prime.

[...]

Décision faisant l’objet du contrôle

[15] Dans sa lettre datée du 22 septembre 2020, Agri-stabilité indique ce qui suit :

[traduction] Nous avons bien reçu votre lettre datée du 8 septembre 2020 dans laquelle vous sollicitez un appel de votre demande au titre d’Agri-stabilité pour 2018. Vous avez demandé à l’administration de revoir le calcul de la marge négative de 2018. Après avoir procédé à un examen minutieux de votre demande d’appel, l’administration a établi que votre demande a été traitée conformément aux règles énoncées dans les lignes directrices du programme Agri-stabilité, et que rien ne permet de faire exception aux lignes directrices dans votre cas. L’article 3.8.1. des lignes directrices du programme Agri-stabilité est libellé ainsi :

« Les agents compétents d’Agri-protection calculent le bénéfice présumé en fonction des informations fournies par l’administrateur, conformément aux règles normatives servant à établir la couverture, les primes et les pertes relatives à chacun des programmes d’Agri-protection en vigueur au moment où cette couverture aurait été prise. Les agents compétents d’Agri-protection peuvent communiquer avec le participant afin d’obtenir toute autre information requise pour le calcul du bénéfice présumé. L’administrateur décide de l’année de récolte correspondant à l’année financière du participant pour chaque culture devant être imputée.

Dans le cas d’un participant n’ayant aucune donnée historique sous Agri-protection, on établit la valeur de la couverture, de la prime et de la perte (s’il y a lieu) comme s’il s’agissait d’une nouvelle inscription à un programme d’Agri-protection. Cela peut nécessiter l’utilisation d’informations provenant d’une « moyenne régionale ou provinciale » plutôt que le recours à la procédure habituelle de souscription individuelle. »

Quiconque n’a pas participé à un programme d’Agri-protection au niveau de la couverture minimale d’Agri-protection verra son paiement au titre de la marge négative réduit de 70 % du bénéfice présumé d’Agri-protection (bénéfice présumé), lequel représente l’indemnité qu’il aurait reçue s’il avait participé au programme Agri-protection, moins le montant de la prime qu’il aurait dû verser pour participer au programme Agri-protection. La décision de souscrire une assurance relève de la direction et il appartient à chaque producteur de décider si pareille souscription est bénéfique ou non pour son entreprise. Agri-stabilité fait partie de la série de programmes de gestion des risques qui offrent une couverture en cas de volatilité extrême et de catastrophes. Comme l’assurance-récolte était disponible et que vous n’avez pas assuré votre produit au niveau de 70 %, votre paiement au titre de la marge négative a été réduit.

L’administration a examiné les documents que vous avez fournis et les circonstances entourant votre cas. Comme elle n’a trouvé aucune preuve démontrant que les règles du programme ont été mal appliquées dans le calcul de votre paiement au titre d’Agri-stabilité, votre dossier d’appel a été clos.

Nous vous remercions de votre patience pendant l’examen de cette affaire.

Question en litige et norme de contrôle

[16] La présente affaire ne soulève qu’une seule question, soit celle de savoir si la décision d’Agri-stabilité était raisonnable.

[17] Les parties soutiennent, et je suis d’accord avec elles, que la norme de la décision raisonnable s’applique au présent contrôle judiciaire du bien-fondé de la décision d’Agri-stabilité (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], aux para 23, 24).

[18] Lors du contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable, la Cour « doit s’assurer de bien comprendre le raisonnement suivi par le décideur afin de déterminer si la décision dans son ensemble est raisonnable. Elle doit donc se demander si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Vavilov, au para 99).

Analyse

Position de la demanderesse

[19] Mac Berry soutient que, selon la méthode de calcul utilisée dans les lignes directrices d’Agri-protection, le montant de son rendement annuel réel de 2018 (2 083 kg/acre) a dépassé son niveau de production garanti (2 046 kg/acre). Par conséquent, elle n’aurait pas été admissible au bénéfice d’Agri-protection et aucun montant d’assurance (bénéfice présumé d’Agri-protection) n’aurait dû être déduit du paiement au titre de la marge négative de Mac Berry au titre du programme. Mac Berry fait également valoir qu’étant donné qu’elle a fourni à Agri-stabilité ses données de rendement historiques réelles sur dix ans, il n’y avait aucune raison d’appliquer les moyennes de rendement provinciales dans le calcul du bénéfice présumé d’Agri-protection et que, ce faisant, Agri-stabilité a commis une erreur de droit.

Position du défendeur

[20] Le défendeur soutient que Mac Berry était visée par l’article 3.8.1 des lignes directrices, puisqu’elle était une participante n’ayant aucune donnée historique sous Agri-protection, [traduction] « ce qui rend l’article applicable ». Le défendeur fait valoir que tout écart par rapport aux lignes directrices dans le traitement de la demande présentée par Mac Berry en 2018 aurait été susceptible d’attirer l’attention des tribunaux. Toutefois, les dispositions des lignes directrices ont été appliquées objectivement et une décision raisonnable a été rendue. Agri-stabilité n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle.

[21] Le défendeur affirme qu’on ne pouvait pas retenir la prétention de Mac Berry selon laquelle, à la lumière des données de production sur dix ans fournies à l’appui de sa demande d’Agri-stabilité de 2018, il était déraisonnable pour Agri-stabilité de continuer à utiliser des moyennes régionales ou provinciales, plutôt que le processus habituel de souscription individuelle conformément à l’article 3.8.1.

Analyse

[22] Les parties semblent convenir que l’article 3.8.1 des lignes directrices était applicable et que, conformément à cette disposition, Agri-stabilité avait le pouvoir de déterminer le bénéfice présumé d’Agri-protection aux fins du calcul du paiement au titre de la marge négative de Mac Berry. Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si Agri-stabilité a correctement appliqué l’article 3.8.1 et s’il a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable dans ce cas.

[23] Ce processus a débuté lorsque Mac Berry a présenté une demande de paiement provisoire au titre d’Agri-stabilité pour 2018. Dans ce formulaire, le demandeur doit cocher « oui » ou « non » en réponse à un certain nombre de questions, notamment :

2 c) Est-ce que l’un de vos produits est ou aurait pu être assuré par Agri-protection (assurance-récolte ou assurance-production)?

[24] Mac Berry a répondu « oui ».

Avez-vous assuré à 70 % ou plus la majorité (plus de la moitié) de vos cultures assurables?

[25] Mac Berry a répondu « non ».

[26] Mac Berry a également indiqué qu’elle n’avait pas reçu et ne s’attendait pas à recevoir de montant pour l’année de programme 2018 au titre d’Agri-protection et a fourni des données projetées sur sa production agricole (en livres) et le prix par livre.

[27] Agri-stabilité a présenté l’affidavit de Mme Tammy Abel, directrice, Direction générale des programmes, Direction des programmes du revenu agricole d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, souscrit le 11 janvier 2021, à l’appui de sa réponse à la demande de contrôle judiciaire de Mac Berry [l’affidavit de Mme Abel]. C’est Mme Abel qui a pris la décision relative au programme Agri-stabilité faisant l’objet du présent contrôle judiciaire. Dans son affidavit, Mme Abel indique qu’Agri-stabilité a reçu la [traduction] « demande définitive au titre d’Agri-stabilité pour 2018 » de Mac Berry le 23 janvier 2018, dont une copie est jointe en tant que pièce à cet affidavit. Dans cette demande, Mac Berry fait référence à son paiement au titre de la marge négative de 2017, qui avait été versé par Agri-stabilité. Mac Berry a également expliqué pourquoi elle n’avait pas souscrit d’assurance auprès d’Agri-protection et pourquoi, même si elle l’avait fait, elle n’aurait eu droit à aucun bénéfice compte tenu de ses circonstances particulières. Mac Berry a fait remarquer que, parce qu’elle n’avait jamais bénéficié de cette couverture, Agri-protection n’aurait disposé d’aucun dossier sur ses données de production agricole réelles. Mac Berry a également inclus l’historique de production de bleuets en corymbe sur 10 ans et le calcul de son paiement au titre de la marge négative pour 2017.

[28] Le 31 mai 2019, Agri-stabilité a envoyé l’ACP final au titre d’Agri-stabilité pour 2018. Il s’agissait du calcul final du paiement au titre de la marge positive ajusté pour tenir compte du paiement provisoire de 34 313,83 $ et d’un autre paiement du même montant pour un paiement total de 68 627,66 $, et indiquant qu’aucun paiement (0,00 $) n’avait été versé à ce moment-là. L’ACP final comprend un [traduction] « Résumé du calcul de la marge de référence d’Agri-stabilité pour 2018, de la marge de référence appliquée et de la marge de l’année de programme ». Selon le calcul, la marge de l’année de programme de Mac Berry pour 2018 s’établissait à -44 721,00 $. La note de bas de page liée à cet élément est rédigée en ces termes :

[traduction] 3 Votre marge de l’année de programme est négative, car vos dépenses admissibles sont supérieures à vos revenus admissibles. Vous pourriez recevoir un paiement pouvant aller jusqu’à 70 % de votre marge de l’année de programme négative si vous n’avez pas déjà reçu le paiement annuel maximum. Le présent ACP n’indique que la partie de votre paiement d’Agri-stabilité au titre de la marge positive. Nous calculerons votre paiement au titre de la marge négative ultérieurement.

[29] Une note de bas de page similaire figure à la page suivante de l’avis.

[30] Le dossier certifié du tribunal [le DCT] ne contient pas de calcul ultérieur pour le paiement au titre de la marge négative. L’affidavit de Mme Abel n’aborde pas non plus cette question.

[31] Comme nous l’avons indiqué précédemment, Agri-stabilité s’est appuyée sur l’article 3.8.1 des lignes directrices pour rejeter l’appel de Mac Berry, et en a cité un extrait dans sa décision. Dans cette décision, Agri-stabilité indique ensuite que quiconque n’a pas participé à un programme d’Agri-protection au niveau de la couverture minimale d’Agri-protection verra son paiement au titre de la marge négative réduit de 70 % du bénéfice présumé, lequel représente l’indemnité qu’il aurait reçue s’il avait participé au programme Agri-protection. De plus, la décision de souscrire une assurance relève de la direction et il appartient à chaque producteur de décider si pareille souscription est bénéfique ou non pour son entreprise. [traduction] « Comme l’assurance-production était disponible et que vous n’avez pas assuré votre produit au niveau de 70 %, votre paiement au titre de la marge négative a été réduit. » Selon Agri-stabilité, la documentation et les circonstances de Mac Berry ont été prises en compte, mais [traduction] « comme [Agri-stabilité] n’a trouvé aucune preuve démontrant que les règles du programme ont été mal appliquées dans le calcul de votre paiement au titre d’Agri-stabilité, votre dossier d’appel a donc été clos ».

[32] Le dossier ne permet pas de déterminer comment Agri-stabilité a calculé le paiement au titre de la marge négative.

[33] Il est clair à la lumière des observations de Mac Berry que cette dernière a supposé qu’Agri-stabilité a demandé à Agri-protection d’évaluer sa demande de remboursement comme si elle était une nouvelle participante au programme Agri-protection, conformément à l’article 3.8.1. Toutefois, lorsque la Cour a demandé au défendeur pourquoi, dans ce cas, il n’y avait aucun renseignement dans le dossier sur une communication quelconque entre Agri-stabilité et Agri-protection à ce sujet, celui-ci a répondu qu’Agri-protection n’avait pas participé à l’établissement du bénéfice présumé. Au contraire, étant donné que la demande initiale indiquait que la culture de bleuets de Mac Berry n’était pas assurée au titre d’Agri-protection, c’est Agri-stabilité elle-même qui a fait le calcul.

[34] Il ne fait aucun doute qu’Agri-protection avait le pouvoir de calculer le bénéfice présumé aux termes de l’article 3.8.1. En effet, en application de cet article, Agri-protection peut, selon les circonstances et à sa discrétion, décider de communiquer avec un participant pour obtenir des renseignements supplémentaires ou d’utiliser des données sur les moyennes régionales ou provinciales.

[35] Si Agri-stabilité se met à la place d’Agri-protection, le problème qui se pose est qu’il n’y a rien dans le dossier qui explique comment le bénéfice présumé de Mac Berry pour 2018 a réellement été calculé. Dans sa dernière demande et dans chaque appel ultérieur, Mac Berry a expliqué pourquoi elle n’avait pas souscrit d’assurance auprès d’Agri-protection et a précisé que, même si elle avait souscrit une assurance-récolte, elle n’aurait eu droit à aucun bénéfice. En d’autres termes, comme elle n’aurait pas reçu de bénéfice d’Agri-protection même si elle avait participé au programme au niveau de la couverture minimale requise, son bénéfice présumé n’aurait pas dû être réduit de 70 %. Mac Berry a également fourni des données de production sur dix ans et a expliqué pourquoi, à son avis, ces données historiques donneraient une image plus juste et plus précise de sa situation que ne le ferait une moyenne provinciale. Le dossier ne contient aucun renseignement indiquant qu’Agri-stabilité a pris en considération cette position et que, le cas échéant, a interprété et appliqué l’article 3.8.1 de manière à réduire automatiquement de 70 % le bénéfice de Mac Berry parce que cette dernière ne détenait pas d’assurance d’Agri-protection. Le dossier ne contient non plus aucun calcul étayant pareille réduction.

[36] La chaîne de courriels internes d’Agri-stabilité qui figure dans le DCT n’apporte que peu de lumière sur la question. On y retrouve entre autres un courriel daté du 4 juin 2020 de la part d’Allyson Krentz qui est adressé à Mme Abel, dans lequel Mme Krentz déclare ce qui suit :

[traduction] Après avoir examiné le calcul des paiements pour 2018, il semble qu’AUCUNE somme additionnelle ne sera versée au producteur. Le paiement au titre de la marge positive de 68 628,79 $ reste inchangé. S’il y avait eu un changement pour l’année, celui-ci aurait été apporté au paiement au titre de la marge négative. Cependant, nous savons qu’il n’y avait pas droit, car la valeur imputée nous a fait prendre conscience du problème à cette ligne.

[37] Je ne suis pas en mesure de déterminer le sens ou la signification, le cas échéant, de cette communication dans le contexte de la question qui m’est soumise.

[38] Dans une autre chaîne de courriels internes d’Agri-stabilité se trouve un courriel d’Allyson Krentz daté du 14 septembre 2020 qui est adressé à divers destinataires. Au sujet d’une réponse à Mac Berry, Mme Krentz affirme ce qui suit :

[traduction] Les questions qu’il soulève dans sa lettre concernent la façon dont Agri-protection a calculé sa valeur imputée – ce qui ne peut être contesté. Je ne pense pas que nous devrions discuter de la façon dont les valeurs imputées sont calculées ou déterminées, car elles sont fondées sur la méthodologie d’Agri-protection et ses politiques.

[39] Ainsi, d’une part, le défendeur soutient qu’Agri-stabilité a lui-même décidé que le paiement au titre de la marge négative était de néant (mais rien dans le dossier n’explique comment Agri-stabilité a calculé le paiement ou a établi que les observations de Mac Berry ne justifiaient pas l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu à l’article 3.8.1) et, d’autre part, on retrouve des courriels sans justification d’Agri-stabilité dans lesquels on affirme que c’est Agri-protection qui a effectué le calcul relatif à la marge négative (bien que ces calculs ne figurent pas dans le dossier et qu’on ne sache pas non plus si Agri-stabilité a transmis les observations de Mac Berry concernant le rendement réel de ses cultures et d’autres observations à Agri-protection afin que celles-ci soient prises en compte au moment du calcul du bénéfice présumé par Agri-protection, le cas échéant).

[40] De plus, dans ses observations écrites en réponse à la présente demande de contrôle judiciaire, Agri-stabilité fait seulement valoir que la position de Mac Berry est indéfendable (sans fournir d’explication quant à cette conclusion) et que [traduction] « tout écart par rapport aux lignes directrices dans le traitement de la demande de paiement présentée par Mac Berry aurait été susceptible d’attirer l’attention des tribunaux ». Le défendeur ne présente aucune observation expliquant pourquoi il conteste la manière dont Mac Berry a perçu l’interprétation et l’application de cet article. Dans ses observations limitées, le défendeur affirme seulement que Mac Berry [traduction] « répond aux critères énoncés à l’article 3.8.1. des lignes directrices, à savoir qu’il s’agit d’une participante qui n’a aucune donnée historique sous Agri-protection, ce qui rend l’article applicable ». Je tiens à souligner que la partie de l’article 3.8.1 qui traite de l’absence de données historique sous Agri-protection est rédigée en ces termes : « Dans le cas d’un participant n’ayant aucune donnée historique sous Agri-protection, on établit la valeur de la couverture, de la prime et de la perte (s’il y a lieu) comme s’il s’agissait d’une nouvelle inscription à un programme d’Agri-protection. Cela peut nécessiter l’utilisation d’informations provenant d’une moyenne régionale ou provinciale plutôt que le recours à la procédure habituelle de souscription individuelle. » Si cette partie de l’article 3.8.1 s’applique à la situation de Mac Berry, cela soulève à nouveau la question de savoir si le pouvoir discrétionnaire d’utiliser les moyennes régionales ou provinciales, plutôt que les renseignements propres à Mac Berry, a été exercé et, dans l’affirmative, s’il l’a été de façon raisonnable.

[41] À mon avis, si Agri-stabilité a été autorisée à se mettre à la place d’Agri-protection pour appliquer l’article 3.8.1 – et je ne tire aucune conclusion à cet égard – alors Agri-stabilité était tenue d’examiner les arguments de Mac Berry quant à la façon dont le bénéfice présumé serait calculé, compte tenu des circonstances particulières de Mac Berry. Il est vrai que Mac Berry n’a pas souscrit d’assurance auprès d’Agri-protection, mais elle soutient que même si elle l’avait fait, elle n’aurait pas reçu de bénéfice. Selon Mac Berry, cela aurait dû entrer en ligne de compte dans l’interprétation et l’application de l’article 3.8.1. Dans sa décision communiquée par lettre, Agri-stabilité indique que quiconque n’a pas participé au programme Agri-protection au niveau de couverture minimale d’Agri-protection verrait son paiement au titre de la marge négative réduite de 70 % du bénéfice présumé, « lequel représente l’indemnité qu’il aurait reçue s’il avait participé au programme Agri-protection » (je souligne). Cette information ne répond pas à l’argument de Mac Berry selon lequel elle n’aurait pas reçu de bénéfice, et ce, même si elle avait participé au programme Agri-protection.

[42] De même, on souligne dans cette lettre qu’il n’y aucune preuve démontrant que les règles du programme ont été mal appliquées dans le calcul du paiement au titre d’Agri-stabilité de Mac Berry. Encore une fois, cette information ne répond pas aux observations de Mac Berry.

[43] Comme il a été mentionné précédemment, un examen du dossier ne permet pas de connaître la démarche adoptée par Agri-stabilité pour arriver à sa décision.

[44] Qui plus est, si Agri-protection a procédé à l’évaluation pour le compte d’Agri-stabilité, alors, encore une fois, le dossier ne me permet pas de déterminer si Agri-protection a exercé le pouvoir discrétionnaire dont elle bénéficie aux termes de l’article 3.8.1 pour calculer le bénéfice présumé ou, en fait, comment elle a établi que Mac Berry n’avait droit à aucun paiement au titre de la marge négative.

[45] Agri-stabilité précise dans sa lettre de décision que comme il n’y a aucune preuve démontrant que les règles du programme ont été mal appliquées dans le calcul du paiement de Mac Berry au titre d’Agri-stabilité, le dossier d’appel de Mac Barry a été clos. À mon avis, le problème que pose ce raisonnement tient au fait que les observations de Mac Berry n’ont pas été considérées dans la lettre de décision ou dans le dossier. Ni la lettre ni le dossier ne décrit la manière dont les observations de Mac Berry ont été examinées et évaluées au regard de l’article 3.8.1. Ils n’indiquent pas si ou pourquoi les dispositions discrétionnaires de l’article 3.8.1 mentionnées par Mac Berry ont été jugées non applicables, comment (ou par qui) le bénéfice présumé a été calculé et comment cela a été appliqué à la détermination de la marge négative. Par conséquent, je ne suis pas d’accord avec le défendeur pour dire que la décision est [traduction] « fondée sur la logique, la raison, et est justifiée à la lumière des contraintes factuelles et juridiques auxquelles le décideur est assujetti ». Je ne suis pas non plus d’accord avec l’argument selon lequel la décision appartient aux issues possibles acceptables. Comme l’a déclaré la Cour suprême dans l’arrêt Vavilov, une cour de justice qui applique la norme de la décision raisonnable « ne tente pas de prendre en compte l’“éventail” des conclusions qu’aurait pu tirer le décideur » (Vavilov, au para 83).

[46] En fin de compte, la position de Mac Berry pourrait être valable ou non. Une décision ou un processus décisionnel plus transparent ou justifié aurait pu étayer la conclusion d’Agri-stabilité. Faute de cela, toutefois, je conclus que la décision n’est pas raisonnable, parce qu’elle n’est pas justifiée, intelligible ou transparente (Vavilov, aux para 85, 95, 97, 99 et 105).

[47] Cela dit, je tiens à signaler que le dossier était limité, et qu’en plus de cela, les observations des deux parties quant à l’interprétation et à l’application de l’article 3.8.1 des lignes directrices étaient au mieux sommaires. Par conséquent, la décision ne reflète que le dossier et l’analyse limités présentés dans le cadre de la présente affaire.

Dépens

[48] Le défendeur réclame un montant de 2 500 $ au titre des dépens. La demanderesse fait valoir que, puisqu’il ne s’agissait pas d’une affaire complexe, des dépens de l’ordre de 1 500 $ à 2 000 $ seraient appropriés. Dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, conformément à l’article 400 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, je conclus qu’une somme forfaitaire de 1 500 $ en faveur de Mac Berry est appropriée dans les circonstances de la présente affaire.


JUGEMENT dans le dossier T-1271-20

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. La décision relative au calcul du paiement au titre de la marge négative de Mac Berry sera renvoyée à un autre décideur pour nouvel examen en tenant compte des présents motifs.

  3. Mac Berry a droit à une somme forfaitaire de 1 500 $, tout compris, au titre des dépens.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1271-20

 

INTITULÉ :

MAC BERRY FARMS LIMITED c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA REPRÉSENTANT LE MINISTRE DE L’AGRICULTURE ET DE L’AGROALIMENTAIRE DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE AU MOYEN DE ZOOM

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 février 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

Le 24 février 2022

 

COMPARUTIONS :

Jonathan G. Cuming

 

Pour la demanderesse

 

Kaitlin Stephens

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Taylor MacLellan Cochrane

Kentville (Nouvelle-Écosse)

 

Pour la demanderesse

 

Ministère de la Justice

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

Pour le défendeur

 

 

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