Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20220217


Dossier : IMM-5167-21

Référence : 2022 CF 202

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 17 février 2022

En présence de madame la juge en chef adjointe Gagné

ENTRE :

EVLIN ROBERTO DURAN ALEMAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La Section d’appel des réfugiés [la SAR] a rejeté la demande d’asile de M. Evlin Roberto Duran Aleman [le demandeur] au motif qu’il disposait d’une possibilité de refuge intérieur [PRI] à Santa Barbara, au Honduras. Le demandeur sollicite à présent le contrôle judiciaire de la décision de la SAR. Il affirme que l’auteur du préjudice, soit l’ex-conjoint de sa sœur, dispose à la fois des moyens et de la motivation de le retrouver à l’endroit proposé comme PRI.

II. Décision faisant l’objet du contrôle

[2] La SAR a confirmé la décision défavorable de la Section de la protection des réfugiés [la SPR]. Bien qu’elle ait relevé plusieurs erreurs dans la décision de la SPR, la SAR était convaincue que la preuve au dossier était suffisante pour confirmer la conclusion de la SPR selon laquelle le demandeur avait une PRI viable à Santa Barbara, au Honduras.

[3] La SAR a conclu que l’auteur du préjudice était motivé à retrouver le demandeur à l’endroit proposé comme PRI, mais qu’il n’avait pas les moyens de le faire, ce qui suffisait en soi à étayer la conclusion selon laquelle Santa Barbara constitue une PRI convenable.

[4] La SAR a également confirmé que le demandeur ne s’était pas acquitté de son fardeau de démontrer qu’il serait déraisonnable pour lui de déménager à Santa Barbara. Selon la SAR, la preuve montre qu’il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur de chercher refuge à Santa Barbara, que ce soit à la ferme de sa sœur ou ailleurs.

[5] En ce qui concerne l’observation du demandeur selon laquelle la SPR a mal compris que vivre à la ferme équivalait à vivre caché, la SAR a souligné qu’il y a une distinction entre demeurer caché pour éviter des problèmes et disposer d’une possibilité de refuge intérieur viable. La PRI donne au demandeur la possibilité de vivre et de travailler en toute sécurité dans un endroit où il ne serait plus exposé à la persécution ou au préjudice qu’il craint, y compris dans une région éloignée. La SAR a fait remarquer que vivre et travailler dans une région éloignée, hors de portée de l’auteur du préjudice, n’équivaut pas à vivre dans la clandestinité.

III. Question en litige et norme de contrôle

[6] La seule question que soulève la présente demande est celle de savoir si la SAR a commis une erreur en concluant que le demandeur disposait d’une PRI viable à Santa Barbara, au Honduras.

[7] Il n’est pas contesté que la question doit être appréciée en fonction de la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 25).

IV. Analyse

[8] Suivant le critère à deux volets permettant de déterminer s’il existe une PRI viable, le décideur doit être convaincu de ce qui suit : i) le demandeur d’asile ne serait pas exposé, à l’endroit proposé comme PRI, à une possibilité sérieuse de persécution, au risque d’être soumis à la torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités; et ii) il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur d’asile, compte tenu de toutes les circonstances, y compris celles qui lui sont propres, de chercher refuge à l’endroit proposé comme PRI (Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589 aux p 593, 597). Les deux volets du critère doivent être satisfaits pour que la SPR ou la SAR conclue qu’il existe une PRI viable (Olusola c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 799 au para 9). Lorsque la question de l’existence d’une PRI est soulevée, il incombe au demandeur de prouver que la PRI n’est pas viable (Thirunavukkarasu, aux p 594-595).

[9] Respectueusement, le problème avec la décision de la SAR, c’est qu’il n’est pas clair si la PRI proposée est la ville de Santa Barbara ou l’endroit où est située la ferme de la sœur du demandeur. Bien que la ferme soit située dans le département de Santa Barbara, elle se trouve dans une région assez éloignée, à quelques heures de route au moins de la ville de Santa Barbara. La SAR semble confondre les deux endroits. Elle semble laisser entendre que la ferme est située près de la ville de Santa Barbara, ce qui n’est apparemment pas le cas. La confusion qui en résulte, à mon avis, rend la décision inintelligible. L’appréciation des deux volets du critère de la PRI et, par conséquent, l’examen de cette appréciation par la Cour pourraient mener à un résultat différent, selon que la SAR envisage un endroit ou l’autre comme PRI.

[10] Pour ce seul et unique motif, j’accueille la demande de contrôle judiciaire et je renvoie l’affaire à la SAR pour nouvel examen.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-5167-21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Jocelyne Gagné »

Juge en chef adjointe

Traduction certifiée conforme

Noémie Pellerin Desjarlais


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5167-21

 

INTITULÉ :

EVLIN ROBERTO DURAN ALEMAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 JANVIER 2022

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE EN CHEF ADJOINTE GAGNÉ

 

DATE DES MOTIFS :

LE 17 FÉVRIER 2022

 

COMPARUTIONS :

Dean D. Pietrantonio

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Aminollah Sabzevari

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dean D. Pietrantonio

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.