Date : 20220218
Dossier : IMM-255-21
Référence : 2022 CF 219
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 18 février 2022
En présence de monsieur le juge Phelan
ENTRE :
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DOMINIK JANUV
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Introduction
[1] La présente demande de contrôle judiciaire vise la décision par laquelle un agent d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [l’agent] a rejeté la demande de permis de séjour temporaire [PST] et la demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire présentées par le demandeur au titre de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, article 25.
[2] Le demandeur s’est appuyé sur son établissement, notamment sur ses trois années de résidence, sur son travail et sur son engagement communautaire à titre de bénévole et auprès de l’église. Il s’est également appuyé sur l’intérêt supérieur de son frère âgé de 15 ans, qui vit en Slovaquie, et sur celui d’Oliver, le fils de son amie Maria, qui vit au Canada. Les difficultés alléguées par le demandeur se rapportent à la discrimination dont il serait victime en tant que personne à moitié rom et à la situation économique en Slovaquie.
II.
Contexte
[3] Le demandeur, un homme à moitié rom dans la mi-vingtaine, est venu au Canada en octobre 2017 pour échapper à des [traduction] « usuriers »
qui, selon ses dires, le harcelaient à cause d’un prêt contracté par son père, avec qui il n’avait aucun contact. Les autres membres de sa famille sont restés en Slovaquie, et il leur envoie de l’argent pour rembourser les usuriers.
[4] L’agent a rejeté la demande de PST parce qu’il a conclu qu’il était peu probable que le demandeur quitte le Canada à la fin de son séjour temporaire. L’agent a rejeté la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. C’est ce dernier rejet qui fait principalement l’objet du présent contrôle judiciaire.
[5] En ce qui concerne l’établissement du demandeur, l’agent a souligné que celui-ci s’était établi au Canada en demeurant illégalement au pays pendant deux ans et demi et en travaillant sans autorisation. L’agent a ajouté que les liens que le demandeur avait tissés au sein de la collectivité et avec ses amis constituaient les liens sociaux normaux qu’aurait créés toute personne ayant vécu au Canada pendant deux ans et demi.
[6] Sur le plan des difficultés, l’agent a souligné que le demandeur, dont la famille vit toujours en Slovaquie, n’aurait aucune difficulté à réintégrer la société slovaque.
[7] En ce qui concerne les difficultés auxquelles le demandeur serait exposé à son retour dans son pays d’origine, l’agent a reconnu que le demandeur était à moitié rom, mais il a eu du mal à accepter l’histoire selon laquelle celui-ci devait rester au Canada afin de gagner suffisamment d’argent pour rembourser une dette contractée par son père, lequel avait coupé les ponts avec la famille lorsque le demandeur avait 10 ans.
[8] L’agent a reconnu que le demandeur était travailleur et qu’il pourrait avoir de la difficulté à obtenir un emploi équivalent, mais que ses compétences lui seraient d’une grande utilité.
[9] Le demandeur conteste la conclusion de l’agent selon laquelle il n’a pas fourni de preuve concernant la discrimination dont il aurait été victime personnellement. Il soutient que l’agent n’a pas tenu compte du fait que, de façon générale, les Roms font l’objet de discrimination et que, par conséquent, l’agent aurait dû déduire qu’il serait traité comme les autres membres du groupe.
[10] Enfin, le demandeur affirme que l’agent a adopté une approche trop restrictive à l’égard de l’intérêt supérieur de l’enfant en concentrant son attention uniquement sur la question de savoir si les besoins essentiels des enfants seraient comblés.
III.
Analyse
[11] Il n’est pas contesté que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, conformément à l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65.
[12] Il est évident que l’agent a estimé que les efforts déployés par le demandeur visaient à contourner le système d’immigration normal – en utilisant la dispense pour des considérations d’ordre humanitaire comme un processus d’immigration parallèle pour entrer au Canada – et qu’ils étaient fondés sur le désir de conserver une meilleure situation économique. Cette conclusion générale est raisonnable dans les circonstances.
A.
Établissement
[13] L’agent a analysé et pris en compte les facteurs de façon raisonnable. Il a, à juste titre, mis l’accent sur la résidence illégale du demandeur, sur son mépris de la loi et sur le fait qu’il n’avait pas tenté d’entrer au Canada pour d’autres motifs. On ne peut pas, à première vue, faire du séjour illégal d’une personne un motif légitime pour rester au Canada en l’absence d’autres facteurs.
[14] Compte tenu de la faiblesse des éléments de preuve concernant l’établissement, il était raisonnable pour l’agent de conclure que la conduite du demandeur ne méritait pas l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire fondé sur des considérations d’ordre humanitaire.
[15] En ce qui concerne les difficultés, le demandeur n’a pas présenté d’éléments de preuve importants. Il est injuste de reprocher à l’agent de s’être attendu à ce que le demandeur ait été personnellement victime de discrimination et de ne pas avoir inféré qu’il serait traité comme les autres Roms. La cause du demandeur était fondée sur le fait qu’il était identifié comme une personne d’origine rom en raison de son apparence. Toutefois, il est à moitié rom et il n’a pas été en mesure d’établir qu’il serait associé à la communauté rom et qu’il subirait donc la discrimination dont les autres Roms sont manifestement victimes. Le demandeur s’est contenté de formuler une affirmation, non étayée, selon laquelle il pourrait subir un préjudice.
[16] La conclusion tirée par l’agent à cet égard est aussi raisonnable.
B.
Intérêt supérieur de l’enfant
[17] Enfin, en ce qui concerne l’intérêt supérieur de l’enfant, l’agent a souligné, à juste titre, l’absence d’éléments de preuve à l’appui, même concernant le frère du demandeur en Slovaquie. L’agent a tenu compte de l’intérêt du fils de Maria et du fait que celui-ci n’aurait pas à quitter le Canada – un facteur qui distingue la présente affaire de la jurisprudence invoquée par le demandeur. En l’absence d’éléments de preuve démontrant une interdépendance importante, rien ne justifiait une conclusion favorable relativement à l’intérêt supérieur d’Oliver.
IV.
Conclusion
[18] Ayant examiné la décision dans son ensemble et appliqué les éléments principaux d’une analyse des considérations d’ordre humanitaire, je conclus que la décision de l’agent était raisonnable. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
[19] Il n’y a aucune question à certifier.
JUGEMENT dans le dossier IMM-255-21
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.
« Michael L. Phelan »
Juge
Traduction certifiée conforme
Geneviève Bernier
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-255-21
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INTITULÉ :
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DOMINIK JANUV c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 7 FÉVRIER 2022
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE PHELAN
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DATE DES MOTIFS :
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LE 18 FÉVRIER 2022
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COMPARUTIONS :
Rylee Raeburn-Gibson
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POUR LE DEMANDEUR
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Charles J. Jubenville
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Mamann, Sandaluk & Kingwell LLP
Avocats
Toronto (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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