Dossier : IMM-6809-19
Référence : 2022 CF 183
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 11 février 2022
En présence de monsieur le juge McHaffie
ENTRE :
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AMOS OLADIPO OLADIMEJI
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1] La question visée par la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si 50 points supplémentaires auraient dû être attribués à Amos Oladimeji dans le cadre de l’évaluation de sa demande de résidence permanente au moyen du système Entrée Express au titre de la catégorie de l’expérience canadienne. M. Oladimeji est un pasteur qui travaille depuis février 2013 pour The Redeemed Christian Church of God, Canada à Waterloo, en Ontario. Il fait valoir qu’il aurait dû recevoir les 50 points attribués à ceux qui disposent d’une « offre d’emploi réservé admissible »
, un terme défini dans les Instructions ministérielles concernant le système Entrée express. Un agent d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a conclu que M. Oladimeji ne satisfaisait pas aux conditions d’attribution des 50 points et est resté du même avis au cours des deux demandes de réexamen. Les parties conviennent que ces 50 points étaient ce qu’il manquait à M. Oladimeji pour être admissible à la résidence permanente au moyen du système Entrée express.
[2] Comme nous le verrons plus en détail ci-après, je conclus que la décision de l’agent était raisonnable. Le terme « offre d’emploi réservé admissible »
est défini de manière précise à l’article 29 des Instructions ministérielles. Essentiellement, M. Oladimeji affirme que, suivant cette disposition, il respecte l’exigence selon laquelle « l’offre est faite par un employeur qui est mentionné sur son permis de travail »
. M. Oladimeji n’était pas muni d’un permis de travail qui mentionne son employeur. Même s’il aurait pu être admissible à ce type de permis de travail lors de la délivrance de son permis de travail ouvert en 2017, et même s’il ne devait pas forcément détenir un permis pour travailler dans le domaine religieux, M. Oladimeji ne respectait pas les exigences relatives à une « offre d’emploi réservé admissible »
au sens des Instructions ministérielles. L’agent pouvait donc raisonnablement conclure que M. Oladimeji n’était pas admissible aux 50 points. Je conclus également que le processus décisionnel était équitable, car M. Oladimeji a eu toutes les possibilités de présenter ses observations et l’agent n’a tiré aucune conclusion défavorable en matière de crédibilité.
[3] La demande de contrôle judiciaire est par conséquent rejetée.
II.
Questions en litige et norme de contrôle applicable
[4] Bien que M. Oladimeji ait formulé les questions en litige d’une manière quelque peu différente, les points qu’il soulève dans la présente demande sont essentiellement les suivants :
La décision par laquelle l’agent a rejeté la demande de résidence permanente était-elle déraisonnable du fait que celui-ci n’a pas interprété ni appliqué d’une manière raisonnable les Instructions ministérielles ou qu’il n’a pas apprécié adéquatement la preuve relative à la situation de M. Oladimeji?
L’agent a-t-il manqué à son obligation d’équité procédurale en ne donnant pas à M. Oladimeji la possibilité de dissiper ses réserves?
[5] Les parties conviennent que la première question porte sur le fond de la décision de l’agent et que cette décision est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 16‑17, 23‑25. Une décision raisonnable est transparente, justifiée et intelligible, c’est-à-dire qu’elle est suffisamment motivée, qu’elle est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et qu’elle est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov, aux para 15, 84–86.
[6] La seconde question, qui porte sur l’équité du processus décisionnel, est susceptible de contrôle selon une norme qui s’apparente à celle de la décision correcte, même si, à proprement parler, aucune norme de contrôle n’est appliquée : Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54; Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196 au para 35. Selon la norme applicable en matière d’équité procédurale, la Cour doit se demander si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances : Chemin de fer Canadien Pacifique, au para 54.
III.
Analyse
A.
La décision était raisonnable.
1)
Les cadres législatif et réglementaire
[7] La section 0.1 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] établit un régime particulier dans le cadre duquel un étranger peut être invité à présenter une demande de résidence permanente. Selon ce régime, l’étranger soumet une « déclaration d’intérêt »
au moyen d’un système électronique appelé le système Entrée express : LIPR, art 10.1(3)c). Si le ministre décide, sur la foi de la déclaration d’intérêt, que le demandeur est admissible et qu’il occupe un rang suffisamment élevé, il l’invitera à présenter une demande de résidence permanente : LIPR, art 10.1(1) et 10.2(1)). Le processus est régi par les instructions données par le ministre en vertu de l’article 10.3 de la LIPR.
[8] Ces instructions peuvent notamment porter sur les catégories applicables, les critères d’admissibilité, la base du classement, le rang qu’un étranger doit occuper pour recevoir une invitation et le nombre d’invitations à délivrer : LIPR, art 10.3(1)a), e), h), i), et j). Plus particulièrement, le paragraphe 10.3(5) prévoit que les critères énumérés dans les Instructions ministérielles peuvent être plus sévères que les critères prévus sous le régime d’une autre section de la LIPR.
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[9] Lorsqu’une demande de résidence permanente est présentée à la suite d’une invitation formulée en vertu de la section 0.1, un visa ou un autre document sera délivré seulement si le demandeur répond aux critères prévus dans les Instructions ministérielles et a les attributs sur la base desquels il a été classé aux fins de l’invitation : LIPR, art 11.2(1).
[10] En 2014, le ministre a d’abord établi les Instructions ministérielles concernant le système Entrée Express conformément à l’article 10.3. Comme l’exige le paragraphe 10.3(4) de la LIPR, les Instructions ministérielles concernant le système Entrée Express ont été publiées dans la Gazette du Canada, Partie 1, volume 148, édition spéciale no 10. Depuis, les instructions ont fait l’objet de plusieurs modifications au fil du temps. J’utiliserai le terme « Instructions ministérielles »
pour désigner les instructions en vigueur à l’époque du dépôt de la demande de M. Oladimeji.
[11] Les Instructions ministérielles prévoient un certain nombre de catégories assujetties au paragraphe 10.1(1) de la LIPR, dont la « catégorie de l’expérience canadienne »
mentionnée au paragraphe 87.1(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le RIPR]. Elles instituent également un « système de classement global »
qui prévoit l’attribution des points en fonction des renseignements communiqués dans une déclaration d’intérêt. Le système de classement global prévoit un total de 1 200 points à attribuer selon 17 facteurs divisés en quatre catégories.
[12] La présente demande porte sur l’attribution de 50 points pour le facteur de « l’offre d’emploi réservé admissible »
. Ce facteur est prévu à l’article 29 des Instructions ministérielles, lesquelles sont entièrement reproduites à l’annexe A. M. Oladimeji fait valoir qu’il avait droit à ces 50 points parce qu’il était visé par le sous-alinéa 29(2)a)(iii) en raison de son emploi dans le domaine religieux. Les parties pertinentes de l’article 29 des Instructions ministérielles sont libellées de la façon suivante :
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[13] Essentiellement, les Instructions ministérielles disposent que 50 points seront attribués à l’étranger qui a reçu une « offre d’emploi réservé admissible »
, à savoir un « emploi réservé »
au sens du paragraphe 82(1) du RIPR qui répond également aux exigences visées. Selon les exigences prévues au sous-alinéa 29(2)a)(iii) des Instructions ministérielles, l’étranger doit 1) être titulaire d’un permis de travail valide au titre des alinéas 204 a) ou c), ou de l’article 205 du RIPR; 2) disposer d’une offre faite par un employeur mentionné sur son permis de travail; 3) travailler pour cet employeur; 4) avoir accumulé au moins une année d’expérience de travail au Canada auprès de cet employeur. Je fais remarquer que, bien que la version anglaise du paragraphe 29(2) utilise le terme « qualifying offer of employment »
, cette disposition semble vouloir renvoyer à la notion de « qualifying offer of arranged employment »
, laquelle constitue l’objet de cet article. Cette conclusion semble évidente à la lumière du titre du paragraphe et du fait que le terme « qualifying offer of employment »
n’apparaît nulle part ailleurs dans la version anglaise des Instructions ministérielles et que la version française des instructions fait partout usage du terme « offre d’emploi réservé admissible »
.
[14] L’alinéa 29(2)a) des Instructions ministérielles reprend la définition du terme « emploi réservé »
prévue au paragraphe 82(1) du RIPR. L’article 82 est visé par une série de dispositions du RIPR qui régissent les critères de sélection des membres de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) : RIPR, art 76–83. Cet article détermine les points qui seront attribués au travailleur qualifié pour l’exercice d’un « emploi réservé »
. Cette expression est définie de la manière suivante :
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[15] Les principaux arguments de M. Oladimeji dans le cadre de la présente demande reposent sur le rapport entre les Instructions ministérielles et trois autres dispositions du RIPR, à savoir le paragraphe 82(2), l’alinéa 186l) et l’alinéa 205d).
[16] Le paragraphe 82(2) dispose que dix points sont attribués pour l’exercice d’un emploi réservé dans l’une des quatre situations visées aux alinéas 82(2)a) à d). L’alinéa 82(2)d) précise que les points sont attribués au travailleur qualifié qui est titulaire d’un permis de travail valide « ou [qui] est autorisé à travailler au Canada au titre de l’article 186 »
si les conditions visées à certains sous-alinéas ne sont pas réunies.
[17] Suivant l’article 186 du RIPR, un étranger peut travailler au Canada sans permis de travail dans différentes situations, notamment lorsqu’il agit « à titre de personne chargée d’aider une communauté ou un groupe à atteindre ses objectifs spirituels et dont les fonctions consistent principalement à prêcher une doctrine, à exercer des fonctions relatives aux rencontres de cette communauté ou de ce groupe ou à donner des conseils d’ordre spirituels »
: RIPR, art 186l).
[18] Enfin, l’alinéa 205d) du RIPR prévoit qu’un permis de travail peut être délivré à l’étranger qui entend exercer un travail « d’ordre religieux ou charitable »
.
2)
Le rejet de la demande de résidence permanente de M. Oladimeji
[19] M. Oladimeji est un pasteur. Il travaille pour The Redeemed Christian Church of God, Canada depuis qu’il a quitté le Nigéria pour venir au Canada en février 2013. Entre 2013 et le début de 2015, il a travaillé au Canada sans être titulaire d’un permis de travail comme il en a le droit par application de l’alinéa 186l) du RIPR.
[20] Puis, entre 2015 et 2017, M. Oladimeji a passé deux ans à s’instruire en vue de décrocher une maîtrise en théologie tout en travaillant à temps partiel pour la même église. Après avoir reçu son diplôme, il est retourné travailler à temps plein pour l’église et a présenté une demande visant à obtenir un nouveau permis de travail. Il était alors toujours dispensé de l’obligation d’être muni d’un permis de travail au titre de l’alinéa 186l). Or, en juin 2017, il a obtenu un permis de travail postdiplôme valide pour trois ans.
[21] M. Oladimeji a soumis une déclaration d’intérêt en ligne au moyen du système Entrée express. Au vu des renseignements présentés, il a été invité à présenter une demande de résidence permanente dans la catégorie de l’expérience canadienne au début de septembre 2018. L’invitation était fondée sur des renseignements fournis par M. Oladimeji et comportait 50 points pour l’exercice d’un « emploi réservé »
.
[22] Le 25 septembre 2018, M. Oladimeji a présenté une demande de résidence permanente au titre de la catégorie de l’expérience canadienne. Sa demande a été rejetée le 24 septembre 2019. La principale raison du rejet tenait au fait qu’il n’avait pas obtenu les 50 points attribués pour l’exercice d’un emploi réservé. L’agent qui a examiné la demande a signalé que M. Oladimeji n’avait fourni aucune étude d’impact sur le marché du travail, qu’il n’était pas titulaire d’un permis de travail valide délivré sur la foi de ce document et qu’il n’était pas muni d’un permis de travail lié à un employeur précis. L’agent a donc jugé que M. Oladimeji n’avait pas reçu une offre d’emploi réservé admissible conformément au paragraphe 29(2) des Instructions ministérielles. Par conséquent, le total de ses points a chuté, ce qu’il l’a placé sous le rang de la personne la moins bien classée ayant été invitée à poser sa candidature, et il ne répondait pas exigences énoncées à l’article 11.2 de la LIPR.
[23] M. Oladimeji a présenté une demande de réexamen de cette décision où il a invoqué le paragraphe 82(2) et les alinéas 186l) et 205d) du RIPR. Selon lui, il était dispensé, en tant que pasteur, de l’obligation d’obtenir une étude d’impact sur le marché du travail et n’avait pas besoin d’un permis de travail lié à un employeur précis, ou même, de n’importe quel type de permis de travail. La demande de réexamen a été rejetée. Dans une lettre du 21 octobre 2019, l’agent a conclu qu’il n’existait pas de motifs suffisants pour rouvrir le dossier de demande. L’agent a signalé que l’expérience de travail avait été accumulée par M. Oladimeji alors qu’il était titulaire d’un [traduction] « permis de travail ouvert postdiplôme C43 »
délivré en juin 2017, et non pas d’un permis de travail lié à un employeur précis. Il a également souligné que l’offre d’emploi n’était pas appuyée par une étude d’impact sur le marché du travail valide, que l’employeur n’était pas mentionné sur le permis de travail et que M. Oladimeji n’était pas muni d’un permis de travail délivré au titre des alinéas 204a) ou c), ou de l’article 205 du RIPR.
[24] Mr Oladimeji a sollicité un second réexamen de sa demande en octobre 2019 en se fondant sur les mêmes dispositions du RIPR. Dans sa demande, il mentionnait que son travail au Canada ne nécessitait pas la présentation d’une étude d’impact sur le marché du travail et que, conformément au sous-alinéa 82(2)d)(i) du RIPR, il n’était pas tenu de travailler pour un employeur mentionné sur son permis de travail. Il y expliquait également que lorsqu’il a sollicité un nouveau permis de travail en 2017, il avait expressément demandé que le nom de son employeur soit indiqué sur son permis de travail, mais s’était fait dire qu’il était plutôt admissible à un permis de travail ouvert.
[25] La demande a de nouveau été rejetée dans la décision visée par la présente demande de contrôle judiciaire. La lettre de rejet reprenait les motifs de la première décision de rejet, à savoir que M. Oladimeji ne répondait pas aux exigences prévues à l’article 29 des Instructions ministérielles, car il n’avait pas fourni d’étude d’impact sur le marché du travail valide, son employeur n’était pas mentionné sur son permis de travail et n’était pas titulaire d’un permis de travail valide délivré au titre de l’article 205 du RIPR.
3)
La décision par laquelle la demande de résidence permanente de M. Oladimeji a été rejetée était raisonnable
[26] M. Oladimeji soutient que la décision de rejeter sa demande était déraisonnable, surtout concernant les 50 points pour l’exercice d’un emploi réservé qui lui ont été refusés. Je ne peux souscrire à cet argument.
[27] Comme je l’ai expliqué plus tôt, le système Entrée express est un programme particulier assujetti aux exigences énoncées dans les Instructions ministérielles. Celles-ci prévoient des critères de notation précis qui s’appliquent au programme, et, surtout, aux étrangers appartenant à la catégorie de l’expérience canadienne. Ces critères peuvent être, et sont, plus sévères que les critères énoncés dans d’autres sections de la LIPR ou du RIPR : LIPR, art 10.3(5).
[28] Fait important, sous le régime de l’article 29 des Instructions ministérielles, les points ne sont pas attribués pour n’importe quel emploi réservé, mais le sont pour une « offre d’emploi réservé admissible »
. Les attributs d’une « offre admissible »
aux fins de la disposition sont expressément énoncés au paragraphe 29(2). On y indique que pour être admissible au titre du sous-alinéa 29(2)a)(iii), le demandeur doit :
avoir un
« emploi réservé »
au sens du paragraphe 82(1);être titulaire d’un permis de travail valide délivré selon les conditions prévues aux alinéas 204a) ou c), ou à l’article 205 du RIPR;
avoir reçu une offre d’emploi faite par un employeur mentionné sur le permis de travail;
avoir accumulé au moins un an d’expérience de travail à temps plein, ou l’équivalent à temps partiel, au Canada pour cet employeur et continuer à travailler pour celui-ci.
[29] L’agent a conclu que M. Oladimeji ne satisfaisait pas aux conditions prévues par cette disposition parce qu’il ne disposait pas d’un permis de travail valide délivré en vertu de l’article 205 du RIPR, et qu’il n’avait pas reçu d’offre d’emploi faite par un employeur mentionné sur son permis de travail.
[30] Il semble que l’agent pourrait avoir commis une erreur au regard de l’existence d’un permis de travail délivré en vertu de l’article 205. La lettre de rejet visant la première demande de réexamen faisait état d’un [traduction] « permis de travail ouvert postdiplôme C43 »
. La Cour constate qu’un tel permis est délivré au titre du sous-alinéa 205c)(ii) du RIPR. Par conséquent, bien que M. Oladimeji ait plaidé en faveur de son admissibilité au permis délivré en vertu de l’alinéa 205d), qui ne le visait pas, il semble qu’il aurait pu néanmoins être titulaire d’un permis de travail délivré en vertu de l’article 205.
[31] Dans tous les cas, cependant, même si M. Oladimeji avait été muni d’un permis de travail délivré en vertu de l’article 205, il n’avait pas en main une offre d’emploi faite par un employeur mentionné sur son permis de travail. Il ne satisfaisait donc pas aux exigences énoncées à l’article 29 et la conclusion de l’agent portant qu’il n’était pas admissible à la résidence permanente par l’intermédiaire de ce programme était raisonnable.
[32] M. Oladimeji soutient en fait que puisqu’il n’était pas tenu d’être muni d’un permis de travail lié à un employeur précis, ou même de n’importe quel permis, l’exigence selon laquelle l’offre doit être faite par un employeur mentionné sur le permis de travail devrait être jugée remplie ou inapplicable. Il fait valoir qu’il travaille légalement au Canada, et qu’il faut tenir compte de l’al. 186l) pour chercher à savoir s’il était titulaire d’une offre d’emploi réservé admissible. Il soutient donc que l’agent a, de manière déraisonnable, omis de tenir compte de sa situation personnelle en tant que travailleur dans le domaine religieux lorsqu’il a refusé de lui attribuer les 50 points au motif que son offre d’emploi n’était pas une offre d’emploi faite par un employeur mentionné sur son permis de travail.
[33] Je ne suis pas de cet avis. Le ministre a le droit de déterminer les critères particuliers selon lesquels les points seront attribués sous le régime du système Entrée express. Le ministre a précisé que, pour obtenir les points visés par l’article 29 des Instructions ministérielles, l’offre d’emploi doit provenir d’un employeur mentionné sur le permis de travail. Cette exigence signifie donc que les titulaires d’un permis de travail ouvert ou les étrangers dispensés d’un permis de travail au titre de l’article 186 du RIPR ne peuvent se voir attribuer ces 50 points. Il ne revient pas à la Cour de remettre en question la décision du ministre d’inclure cette exigence dans les Instructions ministérielles.
[34] L’agent a valablement conclu qu’un permis de travail ouvert ou une dispense accordée conformément à l’article 186 du RIPR ne soustrait personne à l’exigence visée par le sous‑alinéa 29(a)a)(iii) voulant que l’offre d’emploi provienne d’un employeur mentionné sur le permis de travail. Malgré l’argument de M. Oladimeji visant l’interprétation contextuelle de l’exigence au vu de l’article 186, je ne peux conclure que le raisonnement de l’agent est déraisonnable.
[35] À cet égard, je conviens avec le ministre que M. Oladimeji a eu tort d’invoquer le paragraphe 82(2) du RIPR. Ce paragraphe prévoit l’attribution d’un nombre variable de points dans différents contextes. Le ministre a choisi d’incorporer dans les Instructions ministérielles la définition « d’emploi réservé »
prévue au paragraphe 82(1). Cette définition est autonome et n’est pas assujettie au paragraphe 82(2). Le ministre a décidé d’exclure les différents critères qui balisent l’attribution des dix points visés par le paragraphe 82(2), et a plutôt adopté un ensemble de critères qui s’appliquent à l’attribution des 50 points sous le régime du système Entrée express. Ce sont les critères énoncés dans les Instructions ministérielles qui s’appliquent, et non ceux prévus au paragraphe 82(2). Importer les critères énoncés au paragraphe 82(2) aurait pour effet de remettre en cause le choix du ministre de retenir des critères différents dans le cadre du système Entrée express.
[36] M. Oladimeji a également eu tort de s’appuyer sur la décision Singh rendue par la Cour : Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 69. Cette affaire concernait un prêtre sikh qui soutenait avoir droit aux 10 points prévus pour l’exercice d’un emploi réservé en application du paragraphe 82(2) du RIPR : Singh, au para 16. Le juge Blais a accueilli la demande en raison d’une certaine confusion suscitée par les lignes directrices du ministre et les communications de l’époque : Singh, aux para 22-26. Ce faisant, il a rejeté l’argument selon lequel il avait déjà été jugé que les professions énumérées à l’article 186 avaient des effets positifs ou neutres sur le marché du travail canadien, de sorte que les points devaient être attribués même si les critères énoncés au paragraphe 82(2) n’avaient pas été remplis : Singh, aux para 19-21.
[37] Contrairement à ce que plaide M. Oladimeji, rien n’indique que l’agent n’a pas tenu compte de son offre d’emploi ou de son statut de travailleur dans le domaine religieux. L’agent a plutôt conclu que l’employeur qui avait fait cette offre n’était pas mentionné sur le permis de travail de M. Oladimeji, alors qu’il s’agit d’un critère obligatoire pour l’attribution des 50 points en cause. Bien que M. Oladimeji ait pu préférer qu’une exception à ce critère soit prévue dans les Instructions ministérielles ou soit consentie par l’agent eu égard à son statut au titre du sous-alinéa 186l) du RIPR, les instructions n’en prévoient aucune et il ne revient pas à la Cour d’en imposer une.
[38] Enfin, je ne peux également pas souscrire à l’argument de M. Oladimeji portant que, lorsqu’il a présenté une demande de visa en 2017, il était admissible à un permis de travail en vertu de l’alinéa 205d) et que ce permis aurait pu mentionner son employeur. Sans égard aux permis de travail auxquels M. Oladimeji aurait pu être admissible en 2017, le permis qu’il a obtenu était un permis de travail postdiplôme qui ne mentionnait pas d’employeur. La décision de délivrer ce permis de travail n’est pas contestée en l’espèce. Je ne dispose en outre d’aucun élément de preuve montrant que M. Oladimeji a présenté une demande de permis de travail lié à un employeur précis ou qu’il a reçu un permis de travail ouvert par erreur. Les Instructions ministérielles comportent un critère particulier qui prévoit l’attribution des 50 points uniquement au demandeur titulaire d’une offre d’emploi réservé qui émane d’un employeur mentionné sur son permis de travail. Comme je l’ai expliqué plus haut, ces points ne peuvent, par définition, être attribués à un demandeur dont le permis de travail ne mentionne pas l’employeur. Rien dans les Instructions ministérielles ne permet de conclure que les points devraient être attribués à un demandeur admissible à un permis de travail lié à un employeur précis, mais qui ne l’a pas obtenu.
[39] Je juge donc raisonnable la conclusion de l’agent voulant que M. Oladimeji n’était pas admissible aux 50 points attribuables à un demandeur titulaire d’une « offre d’emploi réservé admissible »
.
B.
La décision était équitable
[40] En plus de contester le fond de la décision, M. Oladimeji plaide qu’elle n’était pas équitable parce qu’il n’a pas eu l’occasion de dissiper les réserves de l’agent. Je conviens avec le ministre qu’il n’y a eu aucune atteinte à l’équité procédurale, et ce, pour deux raisons.
[41] Premièrement, un agent des visas n’est pas tenu de fournir à un demandeur l’occasion de dissiper des réserves qui découlent directement de la LIPR et du RIPR : Hassani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1283 au para 24. À cet égard, je rejette la prétention de M. Oladimeji selon laquelle la décision de l’agent était fondée sur une conclusion défavorable en matière de crédibilité et qu’il devait donc avoir la possibilité d’y répondre. La conclusion de l’agent n’était pas fondée sur la crédibilité de M. Oladimeji. Son fondement tenait au fait que M. Oladimeji n’était pas muni d’une offre d’emploi d’un employeur mentionné sur son permis de travail. Cette situation ne faisait intervenir aucune question de crédibilité.
[42] Deuxièmement, et dans tous les cas, M. Oladimeji a présenté des observations supplémentaires à deux reprises dans le cadre de ses demandes de réexamen, et ce, après avoir pris connaissance des réserves de l’agent. Celui-ci les a examinées et a statué sur le bien-fondé des demandes de réexamen. L’argument voulant que M. Oladimeji n’ait pas eu la possibilité de répondre aux réserves de l’agent est donc insoutenable.
IV.
Conclusion
[43] La demande de contrôle judiciaire est par conséquent rejetée. Ni l’une ni l’autre partie n’a proposé de question à certifier, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.
JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-6809-19
LA COUR STATUE :
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Juge
Traduction certifiée conforme
Mélanie Lefebvre
ANNEXE « A »
Modification des Instructions ministérielles pour le système de gestion des demandes Entrée express
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COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-6809-19
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INTITULÉ :
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AMOS OLADIPO OLADIMEJI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 25 août 2021
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE MCHAFFIE
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DATE DES MOTIFS :
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Le 11 février 2022
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COMPARUTIONS :
Florence Thomas
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POUR LE DEMANDEUR
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Nick Continelli
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Florence Thomas Law Firm
Avocats
Waterloo (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR
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Procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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