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Date : 20211130


Dossier : T-1404-20

Référence : 2021 CF 1317

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 30 novembre 2021

En présence de madame la juge Rochester

ENTRE :

DALE RICHARDSON

demandeur

et

L’ÉGLISE ADVENTISTE DU SEPTIÈME JOUR,

LA COMMISSION CIVILE D’EXAMEN ET DE TRAITEMENT DES PLAINTES,

GRAND LODGE OF SASKATCHEWAN, LA COUR D’APPEL DE LA SASKATCHEWAN, LE JUGE CALDWELL, LES SERVICES DE CITOYENNETÉ ET D’IMMIGRATION DES ÉTATS‑UNIS, LE SERVICE DE L’IMMIGRATION ET DE L’APPLICATION DES MESURES DOUANIÈRES DES ÉTATS‑UNIS, LE SERVICE DES DOUANES ET DE LA PROTECTION DES FRONTIÈRES DES ÉTATS-UNIS, LE DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE DES ÉTATS-UNIS, CORECIVIC, DEREK ALLCHURCH, LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA, LE GENDARME BURTON ROY, BATTLEFORDS SEVENTH-DAY ADVENTIST CHURCH, JAMES KWON, MAZEL HOLM, GARY LUND, DAWN LUND, CIPRIAN BOLAH, JEANNIE JOHNSON, MANITOBA-SASKATCHEWAN CONFERENCE, MICHAEL COLLINS, MATRIX LAW GROUP, CLIFFORD HOLM, PATRICIA J. MEIKLEJOHN, CHANTELLE THOMPSON, JENNIFER SCHMIDT, MARK CLEMENTS, CHAD GARTNER, BRAD APPEL, IAN MCARTHUR, BRYCE BOHUN, KATHY IRWIN, JASON PANCHYSHYN, CARY RANSOME, LA RÉGIE DE LA SANTÉ DE LA SASKATCHEWAN, DALABI, RIKKI MORRISSON, CORA SWERID, DR ELEKWEM, DSUNDAY, LA COUR DU BANC DE LA REINE DE LA SASKATCHEWAN, JILL COOK, GLEN METIVER, LE JUGE R.W. ELSON, LA JUGE CROOKS, OWZW LAWYERS LLP, VIRGIL A. THOMSON, LA COUR PROVINCIALE DE LA SASKATCHEWAN, LE JUGE M. PELLETIER, RAYMOND HEBERT, LINDA HEBERT, EMI HOLM, CHAR BLAIR, COMMUNITY FUTURES, LISA CIMMER ET KIMBERLEY RICHARDSON

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1] VU la requête par laquelle M. Dale Richardson, le demandeur, qui agit pour son propre compte, a sollicité les mesures de réparation suivantes à la séance générale du 17 novembre 2021 :

a) Une ordonnance annulant les ordonnances rendues par la protonotaire Tabib le 26 octobre 2021;

b) Une ordonnance fixant une date de séance spéciale pour trancher sur le fond la question de la torture du demandeur par des agents malfaisants du département de la sécurité intérieure des États‑Unis ainsi que toute autre action qui emporte complicité;

c) Une ordonnance fixant une date de séance spéciale pour entendre des questions constitutionnelles découlant du dossier no T-1404-20;

d) Une ordonnance autorisant le dépôt de questions constitutionnelles en dépit des règles en vigueur compte tenu du caractère impérativement public de la trahison et du préjudice extrême subi par le demandeur;

e) Une ordonnance mettant la gestion de l’instance sur pause jusqu’à la conclusion d’une enquête approfondie et impartiale portant uniquement sur le fond de l’affaire.

[2] ET APRÈS examen du dossier de requête déposé par le demandeur le 29 octobre 2021, y compris les observations écrites qu’il renferme;

[3] ET APRÈS avoir pris note du fait que les défendeurs ont avisé la Cour qu’ils ne présenteraient pas d’observations en réponse;

[4] ET APRÈS examen des observations orales présentées par le demandeur à l’audience;

[5] La présente requête constitue notamment un appel interjeté à l’encontre de l’ordonnance rendue le 26 octobre 2021 par la juge responsable de la gestion de l’instance dans la présente action, la protonotaire Tabib [l’ordonnance], à la suite de la conférence de gestion de l’instance du 25 octobre 2021. Dans l’ordonnance, la protonotaire Tabib a établi les dates limites relatives aux différentes étapes à franchir avant de fixer la date d’audition de la requête des défendeurs visant à obtenir un jugement déclaratoire fondé sur l’article 40 (Poursuites vexatoires) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7 [la requête fondée sur l’article 40]. L’ordonnance accueillait également la requête présentée par l’un des défendeurs en vue d’être autorisé à intervenir dans la requête fondée sur l’article 40 au motif qu’il est déjà désigné comme défendeur dans la présente action. Finalement, la protonotaire Tabib a ordonné que [traduction] « toutes les autres procédures dans la présente action restent en suspens jusqu’à ce que la Cour rende une ordonnance ou présente des directives supplémentaires ». Pour l’essentiel, le présent appel concerne l’ordonnance fixant l’échéancier rendue par la protonotaire Tabib, la juge responsable de la gestion de l’instance.

[6] C’est la deuxième fois que le demandeur porte en appel une ordonnance rendue par la juge responsable de la gestion de l’instance établissant les différentes étapes à franchir avant de fixer la date d’audition de la requête fondée sur l’article 40. Dans la décision Richardson c Église adventiste du septième jour, 2021 CF 1105 [Richardson], le demandeur a interjeté appel de l’ordonnance fixant l’échéancier rendue par la protonotaire Tabib le 31 août 2021. Dans la décision Richardson, j’ai énoncé le contexte de l’action en détail et présenté un résumé des différentes étapes ayant été réalisées à ce jour. Pour ne citer qu’une brève partie de cette décision, je réitère les mesures que le demandeur sollicite dans la présente action :

[6] …une déclaration portant que le Grand Lodge of Saskatchewan, qu’il appelle les maçons, [traduction] « est responsable des actes de tous ses représentants, en particulier de ceux qui travaillent comme mandataire ou fonctionnaire de l’État dans » diverses entités mentionnées, dont des autorités de santé publique, une assemblée législative provinciale, la GRC, les cours provinciales de la Saskatchewan, la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale, l’Agence du revenu du Canada et le ministère de la Justice du Canada. Le demandeur sollicite également une déclaration selon laquelle lesdits représentants maçons travaillent en tant que mandataires ou fonctionnaires des États-Unis au sein des diverses entités gouvernementales mentionnées, sont des [traduction] « agents malfaisants des églises chrétiennes », sont des [traduction] « agents malfaisants des banques » et d’autres entités.

[7] Le demandeur sollicite en outre des déclarations selon lesquelles les diverses entités et personnes mentionnées, qu’il définit comme étant des [traduction] « terroristes maçonniques canadiens », ont, entre autres choses, i) [traduction] « participé à des activités terroristes canadiennes, les ont dissimulées ou ont autrement donné des instructions à d’autres personnes relativement à ces activités », ii) [traduction] « pratiqué l’apartheid », iii) [traduction] « se sont livrés à un génocide » et iv) [traduction] « ont sanctionné la torture en commettant des crimes contre l’humanité ». Le demandeur sollicite des déclarations semblables à l’égard des entités qu’il définit comme étant des [traduction] « conspirateurs maçonniques américains » et des [traduction] « terroristes maçonniques transnationaux ».

[8] Le demandeur sollicite de nombreuses déclarations selon lesquelles il a subi des contraintes, des sanctions, des punitions, des actes de torture et qu’il a été victime d’oppression systémique. Il avance aussi de nombreuses allégations relativement à des crimes présumés qu’auraient commis [traduction] « l’État profond et l’Église profonde ». Parmi les réparations réclamées par le demandeur figure une déclaration selon laquelle [traduction] « les défendeurs sont responsables envers le demandeur des dommages causés par un manquement à leurs obligations prévues par la Constitution, les lois, les traités et la common law, et que le procureur général est responsable de la confiscation des biens de l’État profond et de l’Église profonde et, par conséquent, de l’indemnisation du demandeur… » et du versement de dommages pécuniaires d’un montant de 1 000 000 $.

[7] Depuis le dépôt de la déclaration, les parties ont déposé de nombreuses requêtes et demandes informelles, y compris une requête en injonction par le demandeur ainsi que plusieurs appels. Plus tôt cette année, le demandeur a été détenu aux États‑Unis pendant plusieurs mois parce que, selon le récit qu’il a présenté à la Cour, il a fui le Canada en avril 2021 pour rejoindre les États‑Unis et y demander l’asile et la protection contre la torture, ainsi que pour communiquer des éléments de preuve relatifs à la persécution, la torture, le terrorisme, la fraude hypothécaire, la trahison et d’autres crimes dont il aurait été victime. Le demandeur a participé à plusieurs conférences de gestion de l’instance ainsi qu’à l’audition de la requête en injonction interlocutoire par téléphone depuis son lieu de détention aux États‑Unis. Le 1er septembre 2021, le demandeur a été renvoyé au Canada par le département de la sécurité intérieure des États‑Unis. L’ordonnance faisant l’objet du présent appel a été rendue après la conférence de gestion de l’instance du 25 octobre 2021, à la suite du retour du demandeur au Canada.

[8] Le demandeur a déposé de nombreux documents dans son dossier de requête. Dans la présente requête, le dossier est composé de 1648 pages et contient un avis de requête, un affidavit du demandeur ainsi que les pièces qui y sont jointes, des observations écrites, ainsi qu’une liste de jurisprudence et de doctrine. Dans ses observations écrites, le demandeur a regroupé ses différents arguments selon les rubriques suivantes :

[traduction]

I. La Cour est utilisée pour commettre des crimes;

Α. Des intervenants de l’État et du secteur privé ont comploté dans le but de frauder et torturer le demandeur;

B. Le 23 juillet 2020, les parties ont comploté pour commettre une trahison;

C. La Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan ou toute autre partie associée n’a pas respecté la Convention contre la torture des Nations Unies;

D. Les comploteurs dans les tribunaux et d’autres organismes américains ont commis des actes compatibles avec une trahison à l’égard des États-Unis;

E. La poursuite constante de l’objet du complot à l’échelle transnationale.

[9] La conclusion formulée par le demandeur dans les observations écrites est la suivante :

[traduction]

Si la présente requête en appel n’est pas accueillie, le préjudice extrême causé par des intervenants de l’État au Canada et aux États‑Unis sera maintenu, et ceux‑ci pourront utiliser efficacement les tribunaux pour commettre des crimes et réduire le demandeur au silence, violer la Constitution, commettre une trahison et torturer le demandeur, un enfant innocent, ainsi que punir Robert A. Cannon, une partie n’étant engagée dans aucune instance devant la Cour fédérale du Canada. Personne ne devrait utiliser les tribunaux pour commettre des crimes, et les parties sont toutes concernées par les allégations de torture du demandeur.

[10] Les défendeurs n’ont pas déposé de dossier de requête en réponse.

[11] Au début de l’audience, le demandeur a soutenu que j’étais partiale et a demandé qu’un autre juge soit chargé d’entendre sa requête. En réponse à la demande du demandeur visant à ajourner l’audience et à la confier à un autre juge, je l’ai informé que j’entendrais la requête et qu’elle ne sera pas reportée. Mon seul rapport avec le demandeur, avant la présente requête, a été l’audition d’une de ses requêtes antérieures, qui a mené à la décision Richardson, précitée. Dans cette décision, j’ai accueilli la demande de prorogation de délai du demandeur pour signifier et déposer son appel interjeté à l’encontre de l’ordonnance de la juge responsable de la gestion de l’instance, mais j’ai finalement rejeté l’appel.

[12] Une interprétation juste de l’allégation de partialité formulée par le demandeur montre que celui‑ci est en profond désaccord avec l’ordonnance que j’ai rendue dans la décision Richardson et les motifs qu’elle contient. Le demandeur est libre d’exprimer son désaccord à l’égard des motifs de la décision Richardson, ainsi que ceux en l’espèce, en interjetant appel auprès de la Cour d’appel fédérale. En ce qui concerne l’allégation de partialité formulée par le demandeur et sa requête visant à ce qu’un autre juge se saisisse de l’affaire, c’est moi qui suis chargée d’entendre et de trancher l’affaire, et j’ai l’obligation de le faire en l’absence d’une raison valable de me récuser. Je conclus que le critère de la partialité, à savoir si une personne raisonnable et bien renseignée, qui étudierait la question en profondeur, conclurait qu’il est plus probable que le contraire que, consciemment ou non, je ne rende pas une décision juste, n’est pas rempli (Committee for Justice and Liberty c L’Office national de l’énergie, [1978] 1 RCS 369 à la page 394 [Committee for Justice and Liberty]). Le fait que j’aie rejeté l’appel antérieur du demandeur ne conduirait pas une personne raisonnable et bien renseignée à conclure que je ne poursuivrais pas l’instruction avec un esprit ouvert ou que j’aurais un parti pris contre le demandeur.

[13] En ce qui concerne l’ordonnance de la protonotaire Tabib, la norme de contrôle est la suivante : La Cour d’appel fédérale prévoit que « les ordonnances discrétionnaires des protonotaires ne devraient être infirmées que lorsqu'elles sont erronées en droit, ou fondées sur une erreur manifeste et dominante quant aux faits » (Corporation de soins de la santé Hospira c Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215 au para 64 [Hospira]). Cette norme de contrôle appelle un degré élevé de retenue. On suppose que le juge responsable de la gestion de l’instance connaît très bien les questions et les faits particuliers de l’instance, et ses décisions sont traitées avec déférence, particulièrement les questions de fait (Hughes c Canada (Commission des droits de la personne), 2020 CF 986 au para 67).

[14] Puisque le demandeur agit pour son propre compte, je lui ai rappelé à de nombreuses reprises au cours de l’audience qu’il lui incombait de montrer que l’ordonnance de la protonotaire Tabib était erronée en droit ou fondée sur une erreur manifeste et dominante à l’égard des faits. Le demandeur soutient essentiellement que la protonotaire Tabib est au courant d’actes de [traduction] « torture », de « trahison », de « complot » ainsi que de « crimes », mais qu’elle a tout de même permis que l’échéancier des étapes menant à l’audience de la requête fondée sur l’article 40 soit établi. Dans ses observations, le demandeur soutient notamment que la protonotaire Tabib est complice de la torture qu’il a subie et qu’elle permet à la Cour d’appel fédérale d’être utilisée pour commettre des crimes, y compris la trahison. Le demandeur soutient que la protonotaire Tabib est tenue d’empêcher que la requête fondée sur l’article 40 se poursuive et soit entendue puisque cela lui causerait un [traduction] « préjudice extrême ».

[15] Les allégations de torture et autres crimes ont trait à des événements qui sont énoncés dans la déclaration en l’espèce, y compris des allégations liées à un accord de non‑divulgation [AND] intervenu avec Innovation Credit Union, à un litige relatif au divorce et à la garde, à des mandats délivrés par la Gendarmerie royale du Canada [la GRC], à l’arrestation du demandeur par la GRC et à sa détention au Battleford Mental Health Centre, ainsi qu’à des instances connexes en Saskatchewan. Bon nombre des événements relatés dans la déclaration sont aussi exposés en détail dans le dossier de requête. Au cours de l’audience, le demandeur a mis l’accent sur les événements entourant l’AND, ses rapports avec la GRC, les mandats délivrés par la GRC, son arrestation par la GRC, son admission au Battleford Mental Health Centre, ainsi que sa plainte subséquente pour torture déposée auprès du détachement de la GRC situé à Battleford, en Saskatchewan.

[16] Au cours de l’audience, j’ai avisé le demandeur à plusieurs reprises qu’en plaidant les allégations énoncées plus haut, il cherchait à faire examiner sur le fond les allégations portées contre les défendeurs dans l’action sous‑jacente plutôt que de se concentrer sur le critère qu’il est tenu de remplir afin d’obtenir gain de cause dans un appel fondé sur l’article 51 des Règles des Cours fédérales, DORS 98-106. Le demandeur a exprimé sa frustration parce qu’il est d’avis que ses allégations de torture doivent être entendues sur le fond rapidement. Il se fonde sur l’article 13 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 10 décembre 1987, 1465 RTNU 85 [la Convention des NU contre la torture] pour faire valoir que ses allégations de torture doivent être entendues au cours de l’appel interjeté contre l’ordonnance, ou à tout le moins avant la requête fondée sur l’article 40. L’article 13 de la Convention des NU contre la torture prévoit ce qui suit :

Tout État partie assure à toute personne qui prétend avoir été soumise à la torture sur tout territoire sous sa juridiction le droit de porter plainte devant les autorités compétentes dudit État qui procéderont immédiatement et impartialement à l’examen de sa cause. Des mesures seront prises pour assurer la protection du plaignant et des témoins contre tout mauvais traitement ou toute intimidation en raison de la plainte déposée ou de toute déposition faite.

[17] Le demandeur soutient que les actes qu’auraient perpétrés les défendeurs constituent notamment de la torture et que, par conséquent, la Cour a l’obligation d’intervenir à ce stade‑ci. Le demandeur fait valoir qu’il en va de même pour les actions commises par la protonotaire Tabib en sa qualité de juge responsable de la gestion de l’instance.

[18] Les allégations formulées contre les défendeurs à l’égard d’événements qui se seraient produits par le passé ont trait à l’action sous‑jacente sur le fond et il ne m’appartient pas de rendre une conclusion à cet égard dans le contexte d’un appel interjeté à l’encontre de l’ordonnance de la protonotaire Tabib. En d’autres termes, elles ne sont pas visées par la présente requête présentée en vertu de l’article 51 des Règles, qui constitue un appel à l’égard d’une ordonnance fixant l’échéancier rendue par la juge responsable de la gestion de l’instance.

[19] J’examinerai maintenant les observations du demandeur selon lesquelles les actions ayant mené la protonotaire Tabib à rendre l’ordonnance constituent de la torture. L’article premier de la Convention des NU contre la torture offre une définition du mot torture pour les besoins de la Convention. Cette définition a été incorporée presque textuellement au paragraphe 169.1(2) du Code criminel, LRC 1985, c C‑46, dans le contexte de l’infraction de torture commise par un représentant officiel :

torture Acte, commis par action ou omission, par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne :

torture means any act or omission by which severe pain or suffering, whether physical or mental, is intentionally inflicted on a person

a) soit afin notamment :

(a) for a purpose including

(i) d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou une déclaration,

(i) obtaining from the person or from a third person information or a statement,

(ii) de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis,

(ii) punishing the person for an act that the person or a third person has committed or is suspected of having committed, and

(iii) de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider une tierce personne ou de faire pression sur celle-ci;

(iii) intimidating or coercing the person or a third person, or

b) soit pour tout autre motif fondé sur quelque forme de discrimination que ce soit.

(b) for any reason based on discrimination of any kind,

La torture ne s’entend toutefois pas d’actes qui résultent uniquement de sanctions légitimes, qui sont inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles. (torture)

but does not include any act or omission arising only from, inherent in or incidental to lawful sanctions. (torture)

[20] Je souligne que la définition exige qu’il y ait une intention d’infliger une douleur ou des souffrances à une personne. En outre, même lorsqu’une telle douleur ou souffrance a été infligée, il ne s’agit pas, par définition, d’un acte de torture lorsque cette douleur ou souffrance résulte de sanctions légitimes, qui sont inhérents à celles‑ci ou occasionnés par elles.

[21] Rien ne prouve que la protonotaire Tabib avait l’intention d’infliger une douleur ou des souffrances au demandeur, ou qu’elle a contrevenu à la loi d’une manière ou d’une autre en établissant l’échéancier des différentes étapes procédurales menant à l’audition de la requête fondée sur l’article 40. En effet, le fait d’établir l’échéancier des étapes procédurales en vue de l’audition d’une requête déposée par une partie à l’instance relève directement de ses fonctions à titre de juge responsable de la gestion de l’instance. Les actions posées par la protonotaire Tabib pour rendre l’ordonnance ne constituent pas de la « torture » selon la définition fournie précédemment. Au contraire, la protonotaire Tabib, à titre de juge responsable de la gestion de l’instance, a géré l’instance et exercé son pouvoir discrétionnaire conformément à l’alinéa 385(1)a) des Règles des Cours fédérales.

[22] Il est évident que le demandeur souhaite empêcher que la requête fondée sur l’article 40 suive son cours. Néanmoins, je rappelle au demandeur qu’il est libre de s’opposer à la requête fondée sur l’article 40 et qu’il aura l’occasion d’exprimer son opposition dans son dossier de requête présenté en réponse ainsi qu’à l’audition de la requête fondée sur l’article 40.

[23] Le demandeur a aussi fait valoir que la protonotaire Tabib entretient entre autres un [traduction] « préjugé extrême » à son encontre, qu’elle a « abusé de sa position », qu’elle « participe activement à commettre les pires crimes », et qu’elle a permis à « la Cour fédérale du Canada d’être utilisée pour commettre une trahison contre le Canada et les États‑Unis, ainsi que d’autres crimes pouvant entraîner l’extradition vers les États‑Unis et qui sont passibles de la peine de mort en vertu des lois américaines ».

[24] Il est évident que le demandeur n’est pas d’accord avec l’ordonnance rendue par la protonotaire Tabib. Néanmoins, cela ne veut pas dire qu’elle a fait preuve de partialité ou qu’elle a commis un crime en rendant une ordonnance défavorable. Comme je l’ai déjà mentionné, le critère de la partialité consiste à se demander si une personne raisonnable et bien renseignée qui étudierait la question en profondeur conclurait qu’il est plus probable que le contraire qu’un juge, consciemment ou non, ne rendrait pas une décision juste (Committee for Justice and Liberty, à la page 394). En outre, il existe une forte présomption d’intégrité et d’impartialité judiciaires, et il incombe à la partie cherchant à réfuter la présomption de présenter une preuve convaincante pour appuyer une allégation aussi grave (Cojocaru c British Columbia Women’s Hospital and Health Centre, 2013 CSC 30 au para 18; Hociung c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CAF 214 au para 52). Je conclus que les allégations de partialité et de comportement criminel à l’égard de la protonotaire Tabib sont dénuées de tout fondement.

[25] Les mesures de réparation sollicitées par le demandeur dans la présente requête, telles qu’elles sont citées au premier paragraphe de la présente ordonnance et des motifs connexes, comprennent une ordonnance annulant l’ordonnance de la protonotaire Tabib, ainsi que : « b) Une ordonnance fixant une date de séance spéciale pour trancher sur le fond la question de la torture du demandeur par des agents malfaisants du département de la sécurité intérieure des États‑Unis ainsi que toute autre action qui emporte complicité; c) Une ordonnance fixant une date de séance spéciale pour entendre des questions constitutionnelles découlant du dossier no T‑1404-20; d) Une ordonnance autorisant le dépôt de questions constitutionnelles en dépit des règles en vigueur compte tenu du caractère impérativement public de la trahison et du préjudice extrême subi par le demandeur; e) Une ordonnance mettant la gestion de l’instance sur pause jusqu’à la conclusion d’une enquête approfondie et impartiale portant uniquement sur le fond de l’affaire. » L’ordonnance de la protonotaire Tabib prévoit que, mis à part les étapes prévues dans le contexte de la requête fondée sur l’article 40, toutes les autres procédures de l’action restent en suspens jusqu’à ce que la Cour rende une ordonnance ou présente des directives supplémentaires. Le demandeur n’a pas établi que l’ordonnance est erronée en droit ou fondée sur une erreur manifeste et dominante quant aux faits. Par conséquent, l’ordonnance est maintenue et toutes les autres procédures de l’action demeurent suspendues, y compris les quatre procédures supplémentaires sollicitées par le demandeur dont il est question plus haut.


ORDONNANCE dans le dossier T-1404-20

LA COUR ORDONNE :

  1. L’appel du demandeur fondé sur l’article 51 des Règles des Cours fédérales à l’encontre de l’ordonnance de la protonotaire Tabib du 26 octobre 2021 est rejeté;

  2. La demande du demandeur en vue d’obtenir des ordonnances fixant des dates de séances spéciales pour « a) trancher […] la question de la torture du demandeur par des agents malfaisants du département de la sécurité intérieure des États‑Unis » et b) entendre des questions constitutionnelles découlant de la présente action est rejetée;

  3. La requête du demandeur visant à obtenir une ordonnance permettant le dépôt de questions constitutionnelles est rejetée;

  4. La requête du demandeur en vue de mettre fin à la gestion de l’instance est rejetée;

  5. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Vanessa Rochester »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1404-20

INTITULÉ :

DALE RICHARDSON c L’ÉGLISE ADVENTISTE DU SEPTIÈME JOUR, LA COMMISSION CIVILE D’EXAMEN ET DE TRAITEMENT DES PLAINTES, GRAND LODGE OF SASKATCHEWAN, LA COUR D’APPEL DE LA SASKATCHEWAN, LE JUGE CALDWELL, LES SERVICES DE CITOYENNETÉ ET D’IMMIGRATION DES ÉTATS-UNIS, LE SERVICE DE L’IMMIGRATION ET DE L’APPLICATION DES MESURES DOUANIÈRES DES ÉTATS-UNIS, LE SERVICE DES DOUANES ET DE LA PROTECTION DES FRONTIÈRES DES ÉTATS-UNIS, LE DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE DES ÉTATS-UNIS, CORECIVIC, DEREK ALLCHURCH, LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA, LE GENDARME BURTON ROY, BATTLEFORDS SEVENTH-DAY ADVENTIST CHURCH, JAMES KWON, MAZEL HOLM, GARY LUND, DAWN LUND, CIPRIAN BOLAH, JEANNIE JOHNSON, MANITOBA-SASKATCHEWAN CONFERENCE, MICHAEL COLLINS, MATRIX LAW GROUP, CLIFFORD HOLM, PATRICIA J. MEIKLEJOHN, CHANTELLE THOMPSON, JENNIFER SCHMIDT, MARK CLEMENTS, CHAD GARTNER, BRAD APPEL, IAN MCARTHUR, BRYCE BOHUN, KATHY IRWIN, JASON PANCHYSHYN, CARY RANSOME, LA RÉGIE DE LA SANTÉ DE LA SASKATCHEWAN, DALABI, RIKKI MORRISSON, CORA SWERID, DELEKWEM, DSUNDAY, LA COUR DU BANC DE LA REINE DE LA SASKATCHEWAN, JILL COOK, GLEN METIVER, LE JUGE R.W. ELSON, LA JUGE CROOKS, OWZW LAWYERS LLP, VIRGIL A. THOMSON, LA COUR PROVINCIALE DE LA SASKATCHEWAN, LE JUGE M. PELLETIER, RAYMOND HEBERT, LINDA HEBERT, EMI HOLM, CHAR BLAIR, COMMUNITY FUTURES, LISA CIMMER ET KIMBERLEY RICHARDSON

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec) TENUE PAR vidéoconfÉrence

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 NOVEMBRE 2021

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE ROCHESTER

DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS:

LE 30 NOVEMBRE 2021

COMPARUTIONS :

Dale Richardson

POUR SON PROPRE COMPTE

MJustin Stevenson

Me Chantelle Eisner

Me Marie K. Stack

Me Cheryl Giesbrecht

Me Healther J. Laing

POUR LES DÉFENDEURS LE MINISTÈRE DE LA JUSTICE DU CANADA ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

POUR LES DÉFENDEURS LA RÉGIE DE LA SANTÉ DE LA SASKATCHEWAN ET CORA SWERID

POUR LE DÉFENDEUR LE JUGE R.W. ELSTON

POUR LES DÉFENDEURS LA COMMISSION CIVILE D’EXAMEN ET DE TRAITEMENT DES PLAINTES ET AL. MINISTÈRE DE LA JUSTICE

POUR LES DÉFENDEURS LES JUGES CROOKS ET CALDWELL

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dale Richardson

North Battleford (Saskatchewan)

POUR SON PROPRE COMPTE

Procureur général du Canada

Saskatchewan (Saskatchewan)

McDougall Gauley LLP

Saskatoon (Saskatchewan)

McKercher LLP

Saskatoon (Saskatchewan)

Ministère de la Justice (Région des Prairies)

McDougall Gauley LLP

Saskatoon (Saskatchewan)

POUR LES DÉFENDEURS LE MINISTÈRE DE LA JUSTICE DU CANADA ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

POUR LES DÉFENDEURS LA RÉGIE DE LA SANTÉ DE LA SASKATCHEWAN ET CORA SWERID

POUR LE DÉFENDEUR LE JUGE R.W. ELSTON

POUR LES DÉFENDEURS LA COMMISSION CIVILE D’EXAMEN ET DE TRAITEMENT DES PLAINTES ET AL. MINISTÈRE DE LA JUSTICE

POUR LES DÉFENDEURS LES JUGES CROOKS ET CALDWELL

 

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