Dossier : IMM-3378-21
Référence : 2022 CF 199
Ottawa (Ontario), le 14 février 2022
En présence de monsieur le juge Grammond
ENTRE :
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NERTHO THERMITUS
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ROSELINE DESTINA
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KYSHA DIANA EXANTUS
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demandeurs
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
(jugement prononcé sur le banc le 14 février 2022 à Ottawa (Ontario))
[1] M. Thermitus, son épouse, Mme Destima, et la fille de celle-ci, Kysha, sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision refusant leur demande de dispense pour considérations humanitaires [demande CH]. M. Thermitus et Mme Destima sont citoyens haïtiens. Kysha est citoyenne américaine et est âgée de 4 ans. M. Thermitus et Mme Destima ont aussi un fils, Lovinsky, né au Canada et âgé de 2 ans.
[2] J’accueille leur demande, puisque l’agente a commis deux erreurs qui rendent sa décision déraisonnable.
[3] Premièrement, l’agente n’a pas analysé le meilleur intérêt des enfants de manière raisonnable. Elle a tout d’abord déploré l’absence de preuve détaillée concernant l’environnement de vie actuel des enfants. Par exemple, elle souligne l’absence d’un rapport de progression, d’un agenda ou d’un rapport de rencontre des parents émanant de la garderie fréquentée par les enfants. Bien qu’elle considère les conditions de vie en Haïti, où les enfants seraient renvoyés, elle souligne que les impacts d’une relocalisation seraient amoindris par le jeune âge des enfants. Elle conclut que « les demandeurs n’ont pas démontré qu’ils ne seraient pas en mesure de veiller au bien-être général de leurs enfants advenant un retour en Haïti d’une manière telle qu’il compromettrait leur développement »
.
[4] Le raisonnement de l’agente est identique en tous points à celui qui a été jugé déraisonnable dans la décision Sebbe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 813. Dans cette affaire, mon collègue le juge Russell Zinn a affirmé que l’agent n’analyse pas vraiment l’intérêt de l’enfant s’il se borne à constater que ses besoins essentiels seront satisfaits dans le pays de renvoi. En d’autres termes, ce genre de remarques ne témoigne pas de l’empathie dont doivent faire preuve les agents qui examinent des demandes CH. Je renvoie également aux décisions Teweldemedhn v Canada (Citizenship and Immigration), 2022 FC 36; Obeid v Canada (Citizenship and Immigration), 2022 FC 88. De plus, je vois difficilement en quoi l’agente pouvait reprocher aux demandeurs de ne pas avoir fourni de rapports ou de documents émanant de la garderie. Comme le souligne à juste titre le procureur des demandeurs, la Cour peut prendre connaissance d’office du type d’activités offertes aux enfants en garderie.
[5] Deuxièmement, l’agente n’accorde qu’un poids moyen aux conditions de vie en Haïti. S’appuyant sur la décision Lalane c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 6, elle conclut que ces conditions sont généralisées et que les demandeurs n’ont pas « démontré en quoi ils seraient particulièrement affectés »
. Or, dans la décision Marafa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 571, j’ai fait une étude de la jurisprudence plus récente de notre Cour et j’ai démontré que la décision Lalane ne pouvait plus être suivie à cet égard; voir également Quiros v Canada (Citizenship and Immigration), 2021 FC 1412. Au contraire, dans la décision Marafa, j’ai souligné que « l’agent ne doit pas limiter son examen des difficultés que subirait le demandeur dans son pays d’origine à celles qui se rattachent à une caractéristique personnelle du demandeur »
. Cela ne signifie pas que tous les citoyens de certains pays doivent voir leur demande CH accueillie, mais plutôt que l’agent doit tenir compte des conditions réelles de vie dans le pays de renvoi. Or, en l’espèce, l’agente a minimisé ces conditions en affirmant que les demandeurs n’ont pas démontré en quoi ils seraient affectés d’une manière différente des autres citoyens haïtiens. Il s’agit là d’un motif additionnel qui rend sa décision déraisonnable.
[6] Je tiens à préciser que ma décision n’équivaut pas à attribuer une pondération différente aux facteurs examinés par l’agente. Le problème tient plutôt au fait que l’agente propose un raisonnement en porte-à-faux avec les principes qui doivent guider l’examen d’une demande CH, tels qu’énoncés par la CSC dans l’arrêt Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 626, [2015] 3 RCS 909, et précisés par notre Cour, notamment dans les décisions citées plus haut.
[7] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie. Aucune question ne sera certifiée.
JUGEMENTdans le IMM-3378-21
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie. Aucune question ne sera certifiée.
« Sébastien Grammond »
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-3378-21
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INTITULÉ :
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NERTHO THERMITUS, ROSELINE DESTIMA, KYSHA DIANA EXANTUS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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PAR VISIOCONFÉRENCE
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 14 février 2022
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JUGEMENT ET motifs :
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LE JUGE GRAMMOND
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DATE DES MOTIFS :
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LE 14 février 2022
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COMPARUTIONS :
Mohammed Diaré
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Pour les demandeurs
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Suzon Létourneau
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Pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Avocat
Montréal (Québec)
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Pour les demandeurs
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Procureur général du Canada
Montréal (Québec)
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Pour le défendeur
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