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Date : 20051027

Dossier : IMM-2766-05

Référence : 2005 CF 1462

Vancouver (Colombie-Britannique), le jeudi 27 octobre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM                            

ENTRE :

                                                        NIRMAL SINGH BHARAJ

                                                                                                                                        demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Le demandeur est citoyen indien et homme d'affaires. Le 23 décembre 2002, le demandeur a présenté une demande de visa de résidence permanente au Haut-commissariat du Canada à Singapour. Le demandeur sollicitait un visa de résident permanent en qualité de membre de la « catégorie des gens d'affaires » .


LA DÉCISION ATTAQUÉE

[2]                L'agent des visas a examiné la demande de résidence permanente présentée par le demandeur et décidé qu'il ne répondait pas à la définition d' « entrepreneur » figurant au paragraphe 88(1) du Règlement.

[3]                Le paragraphe 97(2) du Règlement énonce que, si l'étranger n'est pas un « entrepreneur » au sens du paragraphe 88(1) du Règlement, l'agent des visas qui examine la demande de résidence permanente présentée par l'étranger doit la rejeter.

LES ARGUMENTS DU DEMANDEUR

[4]                Le demandeur présente deux arguments principaux :

1.       L'agent des visas a violé les principes d'équité pour les raisons suivantes :

i.        Il n'a pas suffisamment motivé le rejet de la demande.

ii.        Il n'a pas informé le demandeur de ses préoccupations et ne lui a pas donné la possibilité d'y répondre.

iii.       Il n'a pas eu d'entretien avec le demandeur.

[5]                Je vais rapidement mettre de côté les points i. et ii. Le juge Simpson a déclaré, dans Bellido c. MCI, 2005 CF 452, au paragraphe 35 :


[35]          Il appartient à la demanderesse de prouver que sa demande satisfait aux critères du visa et il n'existe aucune obligation positive de donner à la demanderesse l'occasion de fournir une réponse aux objections de l'agent des visas à l'égard de sa demande (Nehme c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [2004] A.C.F. no 49, paragraphe 18)). Comme le mentionne le juge Muldoon, dans Asghar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1997] A.C.F. no 1091 (CFPI), au paragraphe 21 :

[I]l est possible de conclure, [...] que cette [obligation d'équité] ne prend pas simplement naissance du fait qu'après avoir soupesé la preuve, l'agent des visas n'est toujours pas convaincu du bien-fondé de la demande. La tâche de l'agent des visas consiste précisément à soupeser les éléments de preuve présentés par le requérant. Comme la Cour l'a dit, étant donné qu'il incombe au requérant de présenter une preuve, il n'est pas évident que l'agent des visas devrait être obligé de lui faire part du « résultat intermédiaire » à chaque stade de la procédure [Covrig c. M.C.I. (1995), 104 F.T.R. 41].

2.    La décision de l'agent des visas est déraisonnable parce que celui-ci a omis de prendre en considération tous les faits pertinents.

LES ARGUMENTS DU DÉFENDEUR

[6]                Le défendeur soutient que l'agent des visas a traité la demande de résidence permanente du demandeur de façon équitable et raisonnable.

LA NORME DE CONTRÔLE

[7]                Les demandes de visa sont évaluées en fonction de la norme de contrôle de la décision raisonnable simpliciter, Sahota c. MCI, 2005 CF 856, au paragraphe 11.

[8]                Il s'agit d'une analyse mixte, étant donné que l'agent des visas applique le droit aux faits.

LES DISPOSITIONS PERTINENTES DE LA LIPR ET DU RÈGLEMENT

[9]                En l'espèce, il convient d'examiner plusieurs dispositions de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR) et du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés (le Règlement). Je vais commencer par citer les dispositions pertinentes.


[10]            Dans la section des Résidents permanents, le paragraphe 12(2) de la LIPR énonce :

12. (2) La sélection des étrangers de la catégorie « immigration économique » se fait en fonction de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada.

12. (2) A foreign national may be selected as a member of the economic class on the basis of their ability to become economically established in Canada.

[11]            Le paragraphe 12(2) de la LIPR et l'article 97 du Règlement doivent être interprétés ensemble. L'article 97 énonce :

97. (1) Pour l'application du paragraphe 12(2) de la Loi, la catégorie des entrepreneurs est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent devenir résidents permanents du fait de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada et qui sont des entrepreneurs au sens du paragraphe 88(1).(2) Si le demandeur au titre de la catégorie des entrepreneurs n'est pas un entrepreneur au sens du paragraphe 88(1), l'agent met fin à l'examen de la demande et la rejette.

97. (1) For the purposes of subsection 12(2) of the Act, the entrepreneur class is hereby prescribed as a class of persons who may become permanent residents on the basis of their ability to become economically established in Canada and who are entrepreneurs within the meaning of subsection 88(1).

(2) If a foreign national who makes an application as a member of the entrepreneur class is not an entrepreneur within the meaning of subsection 88(1), the application shall be refused and no further assessment is required.

[12]            Par conséquent, si le demandeur n'est pas un « entrepreneur » au sens du paragraphe 88(1), l'agent des visas doit rejeter la demande de résidence permanente du demandeur et mettre un terme à l'examen de cette demande.

[13]            L'étranger qui demande la résidence permanente au Canada dans la « catégorie des entrepreneurs » doit répondre à la définition d' « entrepreneur » qui se trouve au paragraphe 88(1) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés.

[14]            Le paragraphe 88(1) du Règlement définit « entrepreneur » de la façon suivante :

« entrepreneur » Étranger qui, à la fois :

a) a de l'expérience dans l'exploitation d'une entreprise;

b) a l'avoir net minimal et l'a obtenu licitement;

c) fournit à un agent une déclaration écrite portant qu'il a l'intention et est en mesure de remplir les conditions visées aux paragraphes 98(1) à (5).

"entrepreneur" means a foreign national who

(a) has business experience;

(b) has a legally obtained minimum net worth; and

(c) provides a written statement to an officer that they intend and will be able to meet the conditions referred to in subsections 98(1) to (5).

[15]            Il convient maintenant de définir « expérience dans l'exploitation d'une entreprise » selon le paragraphe 88(1) du Règlement :

« expérience dans l'exploitation d'une entreprise » :

b) s'agissant d'un entrepreneur, autre qu'un entrepreneur sélectionné par une province, s'entend de l'expérience d'une durée d'au moins deux ans composée de deux périodes d'un an d'expérience dans la gestion d'une entreprise admissible et le contrôle d'un pourcentage des capitaux propres de celle-ci au cours de la période commençant cinq ans avant la date où la demande de visa de résident permanent est faite et prenant fin à la date où il est statué sur celle-ci;

"business experience", in respect of

(b) an entrepreneur, other than an entrepreneur selected by a province, means a minimum of two years of experience consisting of two one-year periods of experience in the management of a qualifying business and the control of a percentage of equity of the qualifying business during the period beginning five years before the date of application for a permanent resident visa and ending on the day a determination is made in respect of the application;

[16]            Enfin, il faut définir « entreprise admissible » conformément au paragraphe 88(1) du Règlement.


« entreprise admissible » Toute entreprise -- autre qu'une entreprise exploitée principalement dans le but de retirer un revenu de placement, tels des intérêts, des dividendes ou des gains en capitaux -- à l'égard de laquelle il existe une preuve documentaire établissant que, au cours de l'année en cause, elle satisfaisait à deux des critères suivants :

a) le pourcentage des capitaux propres, multiplié par le nombre d'équivalents d'emploi à temps plein, est égal ou supérieur à deux équivalents d'emploi à temps plein par an;

b) le pourcentage des capitaux propres, multiplié par le chiffre d'affaires annuel, est égal ou supérieur à 500 000 $;

c) le pourcentage des capitaux propres, multiplié par le revenu net annuel, est égal ou supérieur à 50 000 $;

d) le pourcentage des capitaux propres, multiplié par l'actif net à la fin de l'année, est égal ou supérieur à 125 000 $.

"qualifying business" means a business -- other than a business operated primarily for the purpose of deriving investment income such as interest, dividends or capital gains -- for which, during the year under consideration, there is documentary evidence of any two of the following:

(a) the percentage of equity multiplied by the number of full time job equivalents is equal to or greater than two full-time job equivalents per year;

(b) the percentage of equity multiplied by the total annual sales is equal to or greater than $500,000;

(c) the percentage of equity multiplied by the net income in the year is equal to or greater than $50,000; and

(d) the percentage of equity multiplied by the net assets at the end of the year is equal to or greater than $125,000.

[17]            Enfin, il faut définir « pourcentage des capitaux propres » conformément au paragraphe 88(1).

« pourcentage des capitaux propres »

a) Dans le cas d'une entreprise à propriétaire unique non dotée de la personnalité morale, la totalité des capitaux propres contrôlés par l'étranger ou son époux ou conjoint de fait;

b) dans le cas d'une société par actions, la part des actions du capital social avec droit de vote émises et en circulation que contrôle l'étranger ou son époux ou conjoint de fait;

c) dans le cas d'une société de personnes ou d'une coentreprise, la part des bénéfices ou des pertes portée à l'actif ou au passif de l'étranger ou de son époux ou conjoint de fait.

"percentage equity" means

(a) in respect of a sole proprietorship, 100 per cent of the equity of the sole proprietorship controlled by a foreign national or their spouse or common-law partner;

(b) in respect of a corporation, the percentage of the issued and outstanding voting shares of the capital stock of the corporation controlled by a foreign national or their spouse or common-law partner; and

(c) in respect of a partnership or joint venture, the percentage of the profit or loss of the partnership or joint venture to which a foreign national or their spouse or common-law partner is entitled.


ANALYSE

[18]            Dans sa décision, l'agent des visas commence par exposer le contexte juridique de la LIPR et de son règlement. À la page deux de sa décision, l'agent des visas affirme que le demandeur ne l'a pas convaincu que Bharaj & Co. est une « entreprise admissible » au sens du paragraphe 88(1) du Règlement. La seule raison mentionnée par l'agent des visas était que le demandeur avait indiqué que le chiffre d'affaires annuel total de l'entreprise pour 1997-1998 était de 35 686 302 roupies mais que, d'après le rapport du vérificateur du demandeur, le chiffre d'affaires annuel réel était de 3 568 302 roupies.

[19]            Je vais revenir sur les deux définitions suivantes : « entreprise admissible » et « pourcentage des capitaux propres » .

« entreprise admissible » - Toute entreprise¼ à l'égard de laquelle il existe une preuve documentaire établissant que, au cours de l'année en cause [1996-1997], elle satisfait à deux des critères suivants :

a) le pourcentage des capitaux propres, multiplié par le nombre d'équivalents d'emploi à temps plein, est égal ou supérieur à deux équivalents d'emploi à temps plein par an;

b) le pourcentage des capitaux propres, multiplié par le chiffre d'affaires annuel, est égal ou supérieur à 500 000 $;

c) le pourcentage des capitaux propres, multiplié par le revenu net annuel, est égal ou supérieur à 50 000 $;

d) le pourcentage des capitaux propres, multiplié par l'actif net à la fin de l'année, est égal ou supérieur à 125 000 $.

« pourcentage des capitaux propres » veut dire [compte tenu des faits]

a)       Dans le cas d'une entreprise à propriétaire unique non dotée de la personnalité morale, la totalité des capitaux propres contrôlés par l'étranger ou son époux ou conjoint de fait;


[20] En termes simples, le demandeur doit démontrer qu'une « entreprise admissible » désigne une entreprise dont il est le propriétaire unique, à l'égard de laquelle il existe une preuve documentaire établissant deux des quatre éléments suivants, au cours de deux années faisant partie de la période commençant cinq ans avant la date où la demande de visa de résident permanent est faite et prenant fin à la date où il est statué sur celle-ci :

a)      Au moins deux équivalents d'emploi à temps plein par année

b)      Un chiffre d'affaires égal ou supérieur à 5000 000 $ par an

c)      Un revenu net égal ou supérieur à 50 000 $ par an

d)      Un actif net égal ou supérieur à 125 000 $ à la fin de l'année.

[21] D'après le demandeur, il répond à la définition d' « entreprise admissible » , étant donné qu'il répond aux deux premiers critères. Le premier est le suivant :

a)       le pourcentage des capitaux propres, multiplié par le nombre d'équivalents d'emploi à temps plein, est égal ou supérieur à deux équivalents d'emploi à temps plein par an;

Le demandeur énonce, au paragraphe 3 de son affidavit, qu'il a employé entre quatre et six employés en 1996-1997.

[22] Le second critère est le suivant :

b)       le pourcentage des capitaux propres, multiplié par le chiffre d'affaires annuel, est égal ou supérieur à 500 000 $;


Le demandeur affirme être le propriétaire unique de Bharaj & Co. Le nom de l'entreprise, « Bharaj & Co. » , pourrait laisser croire que l'entreprise du demandeur est une société. Cependant, d'après les faits, M. Bharaj est le propriétaire unique de son entreprise agricole. Il a un avoir net de plus de 500 000 $CAN, principalement en raison de la valeur des terres agricoles qu'il possède en Inde et qui valent 400 000 $CAN. Les biens personnels du demandeur font également partie des biens de son entreprise, puisqu'il s'agit d'une entreprise à propriétaire unique et non pas d'une personne morale. À la page 5 de la pièce A, dans la case Avoir net, l'avoir net du demandeur, tel que calculé par l'agent d'immigration, est de 591 576 $CAN.

[23] Il répond, par conséquent, à la seconde condition.

[24] L'agent des visas n'a pas examiné ces deux facteurs dans sa décision. Étant donné qu'il est nécessaire de tenir compte de ces facteurs pour déterminer si le demandeur possède une « entreprise admissible » , il me paraît fondamental que l'agent des visas mentionne ces facteurs dans ses motifs. L'agent des visas a cité la LIPR et le Règlement mais n'a pas clairement appliqué le droit cité aux faits.


[25] Je suis en outre convaincu que l'agent des visas n'a pas motivé adéquatement sa décision, parce qu'il n'a fourni qu'un seul motif : l'écart entre les chiffres d'affaires annuels. L'agent des visas a écrit :

[Traduction]

¼ Vous avez indiqué que le chiffre d'affaires annuel total de votre entreprise pour l'année 1997-1998 était de 35 686 302 roupies, alors que le chiffre d'affaires réel, d'après le rapport du vérificateur, était de 3 568 302 roupies.

[26] Cette explication, la seule qui a été fournie, n'est pas suffisante. L'agent des visas n'a même pas mentionné quel était l'élément du critère d' « entreprise admissible » auquel le demandeur ne se conformait pas. Je ne suis donc pas convaincu que l'agent des visas ait examiné tous les faits pertinents.

CONCLUSION

[27] Pour les motifs mentionnés ci-dessus, la décision de l'agent des visas est déraisonnable; il sera fait droit à la demande de contrôle judiciaire.

[28] La demande de visa du demandeur sera renvoyée pour nouvel examen à un autre agent des visas qui rendra une nouvelle décision pleinement motivée et fondée sur les faits portés à sa connaissance.

[29] Aucune question n'a été proposée pour certification.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          Il est fait droit à la demande de contrôle judiciaire.

2.          La demande de visa du demandeur sera renvoyée pour nouvel examen à un autre agent des visas qui rendra une nouvelle décision pleinement motivée et fondée sur les faits portés à sa connaissance.

« Max M. Teitelbaum »

    Juge

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.                  


                                     COUR FÉDÉRALE

                     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :              IMM-2766-05

INTITULÉ:              NIRMAL SINGH BHARAJ

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                            VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                          LE 26 OCTOBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                 LE JUGE TEITELBAUM

DATE DES MOTIFS

ET DE L'ORDONNANCE :                        LE 27 OCTOBRE 2005

COMPARUTIONS:

Mir Huculak               POUR LE DEMANDEUR

R. Keith Reimer        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Mir Huculak               POUR LE DEMANDEUR

Avocat

Vancouver (C.-B.)

John H. Sims, c.r.     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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