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Date : 20220210


Dossier : IMM‑6061‑20

Référence : 2022 CF 173

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 10 février 2022

En présence de monsieur le juge Favel

ENTRE :

ABUBAKARI ABDULAI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. La nature de l’affaire

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision datée du 4 novembre 2020 [la décision] de la Section d’appel des réfugiés [la SAR]. La SAR a souscrit à la conclusion de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] selon laquelle M. Abdulai [le demandeur] n’avait ni qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger. Selon la SAR, la question déterminante était celle de l’identité du demandeur.

[2] La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

II. Le contexte

[3] Le demandeur prétend être un citoyen du Ghana. Il demande l’asile au Canada parce qu’il s’identifie comme étant bisexuel. Il craint sa famille, à l’exception de sa mère, ainsi que les lois et les normes sociales homophobes du Ghana. Il craint que sa famille ne le tue s’il est renvoyé au Ghana. S’il est renvoyé dans une autre région du Ghana, il craint d’être assassiné ou d’être emprisonné lorsque les gens découvriront son orientation sexuelle.

[4] En janvier 2016, la famille du demandeur a trouvé une photo montrant ce dernier nu avec son partenaire masculin. Son frère a menacé de le tuer puis l’a frappé avec une pièce de bois, le blessant à l’épaule et au genou. Il a ensuite été pris en chasse par sa famille et par une foule. Il a réussi à s’échapper grâce à un ami qui passait en voiture. Cet ami l’a emmené dans une ville voisine pour y recevoir des soins médicaux, et dans laquelle il est resté quelques semaines. L’ami du demandeur est retourné dans la ville d’origine du demandeur pour rendre visite à de la famille. La famille du demandeur l’a approché pour lui dire que s’il ne leur disait pas où se trouvait le demandeur, ils le tiendraient responsable de toute disgrâce qu’ils subissaient en raison de l’homosexualité du demandeur. L’ami est retourné à l’endroit où se trouvait le demandeur et lui a dit qu’il ne pouvait plus l’aider. La mère du demandeur a remis le passeport du demandeur à l’ami, puis ce dernier a fourni au demandeur de l’argent, un billet d’avion et un hébergement à l’hôtel afin qu’il puisse s’enfuir en Équateur.

[5] En février 2016, le demandeur a atterri en Équateur. Il a voyagé vers le nord jusqu’à ce qu’il atteigne les États‑Unis [É.‑U.] le 10 juin 2016. Il a été détenu dans un centre de détention pour immigrants aux É.‑U. jusqu’au 16 décembre 2016. Avec l’aide d’un avocat, il a déposé une demande d’asile aux É.‑U. et une audience a été fixée au 20 septembre 2018. Il a perdu confiance en l’avocat et est donc venu au Canada en mars 2018.

III. Les décisions

A. La décision de la SPR

[6] La SPR a rejeté la demande d’asile du demandeur le 1er mars 2019. Selon la SPR, l’identité et la crédibilité du demandeur étaient les questions déterminantes.

[7] Pour établir son identité devant la SPR, le demandeur a présenté une copie générée par ordinateur de son certificat de naissance [le certificat de naissance de 2011], un permis de conduire datant de 2008 [le permis de conduire] et un dossier scolaire. Le demandeur a affirmé avoir perdu son passeport. Le demandeur a également affirmé que la Cour de l’immigration de New York avait en sa possession la version originale du certificat de naissance de 2011. Le tout premier certificat de naissance du demandeur [le premier certificat de naissance], délivré à sa naissance en 1983, a été perdu il y a un certain temps. Le demandeur a obtenu le certificat de naissance de 2011 auprès d’un hôpital au Ghana lorsqu’il s’est inscrit à l’assurance maladie.

[8] La SPR a formulé un certain nombre de conclusions à l’égard de cet élément de preuve :

  1. Un hôpital a délivré le certificat de naissance de 2011, qui indique le 14 mars 2011 comme date d’enregistrement. Le certificat de naissance de 2011 est suspect, puisque a) le demandeur a déclaré dans son témoignage que sa naissance avait fait l’objet d’un enregistrement alors qu’il était beaucoup plus jeune et b) le certificat de naissance de 2011 désigne le père du demandeur comme informateur, mais le demandeur a déclaré que son père est décédé en 2002;

  2. Le demandeur a déclaré qu’en 2008, lorsque le demandeur avait commencé à travailler pour une compagnie de taxi au Ghana, il avait fourni son certificat de naissance original à l’employeur. Aux fins de la demande d’asile, l’ami du demandeur a communiqué avec cette compagnie de taxi pour obtenir une copie du certificat de naissance original, mais celle‑ci n’a jamais été fournie;

  3. Le permis de conduire, délivré en 2008, aurait été délivré sur la base du certificat de naissance original du demandeur. Cependant, seule la copie du certificat de naissance de 2011 a été présentée à la SPR;

  4. Le dossier scolaire comporte un code QR permettant de « contre‑vérifier » les résultats des candidats. La SPR n’avait pas de téléphone Android pour lire le code QR; elle n’a donc pas pu confirmer l’existence du dossier scolaire.

[9] La SPR a conclu que ces documents n’établissaient pas l’identité du demandeur, laquelle sert de fondement à toute demande d’asile.

B. La décision de la SAR

[10] La SAR a rejeté l’appel du demandeur en concluant que l’identité du demandeur était la question déterminante. La SAR n’a pas évalué la crédibilité du demandeur, parce que l’affaire pouvait être tranchée sur la seule question de l’identité.

[11] Le demandeur n’a jamais sollicité une audience auprès de la SAR. Après avoir déposé son dossier de l’appelant, le demandeur a déposé des éléments de preuve supplémentaires, lesquels ont été acceptés par la SAR. Parmi les nouveaux éléments de preuve les plus pertinents, il y avait un certificat de naissance délivré en 2019 [le certificat de naissance de 2019] et une déclaration sous serment de la mère du demandeur attestant qu’elle avait agi à titre d’informatrice pour le certificat de naissance de 2019 [la déclaration solennelle].

[12] La SAR a conclu que les nouveaux éléments de preuve ne soulevaient pas « de questions importantes en ce qui concerne la crédibilité [du demandeur] ».

[13] La SAR a examiné chaque élément de preuve se rapportant à l’identité du demandeur présenté par ce dernier, puis elle a tiré les conclusions suivantes :

  1. La version originale du certificat de naissance de 2011 : Le demandeur savait que l’absence de la version originale du certificat de naissance de 2011 posait problème pour la SPR. Le demandeur disposait de 20 mois avant que la SAR n’examine son appel, mais il n’a tout de même pas soumis la version originale du certificat de naissance de 2011. Le demandeur n’a pas fait d’autres efforts pour obtenir une autre pièce d’identité avec photo du Ghana.
  2. La copie du certificat de naissance de 2011 : L’informateur, le père allégué du demandeur, est décédé en 2002; pourtant, ce document est daté du 17 mars 2011. Le demandeur a fait valoir que le nom de l’informateur a été « reproduit » à partir du certificat de naissance original. Le demandeur ne fournit pas de preuve démontrant qu’il s’agit d’une pratique courante en ce qui concerne les certificats de naissance du Ghana. Le certificat de naissance de 2019 fait état du contraire, car la mère du demandeur a agi à titre d’informatrice pour ce dernier. Le demandeur n’a pas pu expliquer comment son ancien employeur pouvait posséder une copie du certificat de naissance de 2011, alors qu’il la lui aurait donnée en 2008. De son propre aveu, le demandeur n’a obtenu le certificat de naissance de 2011 qu’en 2011 lorsqu’il a cherché à souscrire une assurance maladie. Le demandeur n’a présenté aucune preuve démontrant que les hôpitaux ghanéens sont responsables de délivrer ces documents.
  3. Le certificat de naissance de 2019 : Contrairement à ce qui était le cas pour le certificat de naissance de 2011, la mère du demandeur a agi à titre d’informatrice pour ce document. D’une part, cela remet en question l’argument du demandeur selon lequel il y le nom de l’informateur a été « reproduit »; l’authenticité du certificat de naissance de 2011 est donc mise en doute. D’autre part, si l’on considère que le nom des informateurs a été « reproduit », le certificat de naissance de 2019 n’est pas un document fiable. En outre, les certificats de naissance de 2011 et de 2019 portent tous deux la date d’enregistrement du 14 mars 2011. La preuve documentaire objective suggère qu’une date antérieure (la date à laquelle la naissance a fait l’objet d’un enregistrement pour la première fois) devrait être inscrite comme date d’enregistrement. Toutes ces informations contradictoires minent la crédibilité des certificats de naissance.
  4. Le permis de conduire : Le demandeur soutient avoir obtenu le permis de conduire en 2008 sur la base de son certificat de naissance original, qui aurait fait l’objet d’un enregistrement à sa naissance. Le demandeur soutient que le certificat de naissance de 2011 est une copie du même certificat de naissance qu’il avait fourni pour obtenir le permis de conduire. Selon le demandeur, l’année 2011 figure comme date d’enregistrement sur le certificat de naissance de 2011, car cette année‑là, le Ghana est passé à un système électronique d’enregistrement des naissances. La SAR a conclu qu’elle avait déjà rejeté le certificat de naissance de 2011 et qu’elle ne disposait pas du certificat de naissance original, de sorte que le permis de conduire ne pouvait être considéré comme fiable. En outre, le nom figurant sur le permis de conduire est légèrement différent de celui figurant sur le certificat de naissance de 2011.
  5. Le dossier scolaire : Si le demandeur voulait que la SPR « contre‑vérifie » les résultats du dossier d’examen, il aurait pu imprimer lui‑même ces résultats. Le fardeau de la preuve incombe au demandeur, et non à la SPR. Le dossier scolaire soumis par le demandeur n’établit pas son identité, parce qu’il ne contient pas de renseignements permettant de l’identifier, comme une photo.
  6. La déclaration solennelle : Ce document indique que la mère a agi à titre d’informatrice pour le certificat de naissance de 2019. Le demandeur n’a présenté aucun élément de preuve qui démontre qu’un certificat de naissance faisant état d’un changement d’informateur constitue un document authentique. Aucun poids ne peut être accordé à ce document.

[14] La SAR a conclu que les nouveaux éléments de preuve ne permettaient pas d’établir l’identité du demandeur. La SAR a relevé qu’il incombe aux demandeurs de prouver leur identité et de fournir des documents acceptables (Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001 c 27, art 106 [la LIPR]; Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012‑256, art 11 [les Règles de la SPR]). Le demandeur ne s’était pas acquitté de ce fardeau.

IV. La question préliminaire : l’admissibilité de la déclaration sous serment du demandeur datée du 10 janvier 2021

(1) La position du demandeur

[15] Le demandeur a soumis une déclaration sous serment datée du 10 janvier 2021. Il y déclare que la SAR l’a traité injustement en refusant de lui accorder une audience et que, s’il en avait eu l’occasion lors d’une audience, il aurait expliqué que sa mère avait agi à titre d’informatrice pour le certificat de naissance de 2019, puisque ce dernier était un tout nouveau certificat de naissance distinct du certificat de naissance de 2011. La déclaration sous serment est admissible, parce qu’elle fournit des éléments de preuve visant à établir l’existence d’un manquement à l’équité procédurale et dont le tribunal n’était pas saisi.

(2) La position du défendeur

[16] La déclaration sous serment n’est pas admissible, car elle ne cadre pas avec l’une des exceptions établies permettant l’admission de nouveaux éléments de preuve dans le cadre d’un contrôle judiciaire (Association des universités et collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency [Access Copyright], 2012 CAF 22 aux para 19‑20 [Access Copyright]). Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, la Cour est limitée à l’examen des éléments de preuve dont disposait le décideur (Anquilero c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 140 aux para 30‑32). La déclaration sous serment est un nouvel élément de preuve que le demandeur aurait pu soumettre à la SAR, mais il ne l’a pas fait.

(3) Conclusion

[17] La déclaration sous serment du demandeur datée du 10 janvier 2021 n’est pas admissible. Comme le souligne le défendeur, la jurisprudence prévoit que le dossier de la preuve dans le contexte d’une demande de contrôle judiciaire se limite aux éléments de preuve dont disposait le décideur. Par conséquent, les éléments de preuve qui n’avaient pas été déposés devant la SAR et qui ont trait au fond de l’affaire sont inadmissibles dans le cadre d’un contrôle judiciaire (Access Copyright au para 19; Sharma c Canada (Procureur général), 2018 CAF 48 au para 8). Aucune des exceptions à cette règle ne s’applique en l’espèce.

[18] Le demandeur fait valoir que la déclaration sous serment relève de l’exception relative aux vices de procédure qu’on ne peut déceler dans le dossier de preuve dont disposait le décideur. Je ne suis pas de cet avis. Le contenu de la déclaration sous serment du demandeur révèle ce que ce dernier aurait soutenu, s’il avait eu droit à une audience. La Cour a refusé d’admettre des déclarations sous serment contenant de [TRADUCTION] « nouveaux éléments de preuve » ou des « explications » après le prononcé de la décision faisant l’objet du contrôle. Cette règle s’applique même lorsque le demandeur invoque un argument fondé sur l’équité procédurale (Kidane c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1325 aux para 12‑14, 17; Bains c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 57 aux para 26‑27).

[19] Comme il est indiqué dans la section ci‑dessous relative à la norme de contrôle, la décision de la SAR de ne pas tenir d’audience au titre du paragraphe 110(6) ne relève pas d’une question d’équité procédurale. Cependant, même si c’était le cas, la déclaration sous serment du demandeur ne fournit pas de renseignements à la Cour au sujet d’un manquement allégué à l’équité procédurale. En l’espèce, la déclaration sous serment du demandeur vise simplement à fournir des « explications » en complément des observations que ce dernier a présentées devant la SAR, qui portent sur le fond de l’affaire. En tant que telle, la déclaration sous serment ne relève pas d’une exception établie et est inadmissible.

V. Les questions en litige

[20] Les questions en litige sont les suivantes :

(1) La conclusion de la SAR selon laquelle le demandeur n’a pas réussi à établir son identité était‑elle raisonnable?

(2) La SAR a‑t‑elle agi raisonnablement lorsqu’elle a choisi de ne pas tenir d’audience?

VI. La norme de contrôle

[21] En l’espèce, les questions en litige ne soulèvent pas l’une des exceptions énoncées dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, [Vavilov] aux paragraphes 16‑17. Par conséquent, la présomption relative à l’applicabilité de la norme de la décision raisonnable s’applique quant au bien‑fondé de la décision. Un contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable exige que la Cour apprécie l’intelligibilité, la transparence et la justification de la décision et exige qu’elle se demande si la décision « est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Vavilov au para 99). Si les motifs du décideur permettent à la cour de révision de comprendre le raisonnement à l’appui de la décision et d’établir si celle‑ci appartient aux issues acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, la décision sera jugée raisonnable (Vavilov, aux para 85‑86). Lorsqu’elle effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la cour de révision doit tenir compte à la fois du résultat de la décision et du raisonnement à l’origine de ce résultat (Vavilov, au para 87).

[22] Dans de nombreuses décisions récentes, la Cour établit également que la décision de la SAR de ne pas tenir d’audience au titre du paragraphe 110(6) est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Akinyemi‑Oguntunde c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 666 au para 15; Muhammad Faysal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 324 au para 13; Vavilov au para 25). Des préoccupations relatives à l’équité procédurale peuvent être soulevées lorsque le processus suivi par la SAR pour rendre sa décision au titre du paragraphe 110(6) était inéquitable sur le plan procédural (Mohamed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1145 au para 9). Ce n’est toutefois pas ce qui s’est produit en l’espèce.

VII. Les positions des parties

A. La conclusion de la SAR selon laquelle le demandeur n’a pas réussi à établir son identité était‑elle raisonnable?

(1) La position du demandeur

[23] Premièrement, il était déraisonnable pour la SAR de rejeter les certificats de naissance du demandeur, au motif que la date d’enregistrement était le 14 mars 2011. Le Ghana est passé à un système électronique pour l’enregistrement des naissances en février 2011. La SAR n’envisage pas la possibilité que la date d’enregistrement du 14 mars 2011 reflète la date à laquelle le certificat de naissance a été enregistré de façon numérique.

[24] La SAR affirme que « [l]es éléments de preuve documentaire objectifs montrent qu’une date antérieure devrait être indiquée pour la date d’enregistrement, à savoir la date à laquelle la naissance a été enregistrée la première fois », mais elle ne renvoie à aucun élément de preuve documentaire à cet égard. Par conséquent, la décision est déraisonnable. Le défendeur affirme que la SAR s’est fondée sur un élément de preuve documentaire datant de 2015 (2015 GHA 105228) lorsqu’elle a formulé cette déclaration. Bien que le document 2015 GHA 105228 soutienne la position de la SAR selon laquelle une date d’enregistrement antérieure (telle que la date de naissance du demandeur) aurait dû figurer sur le certificat de naissance du demandeur, ce document ne traite pas de la possibilité que le 14 mars 2011 puisse être la date à laquelle les autorités compétentes ont enregistré de façon numérique le certificat de naissance. Ainsi, une « ambiguïté » subsiste dans la preuve documentaire.

[25] Deuxièmement, la SAR a rejeté de manière déraisonnable le certificat de naissance de 2019 et la déclaration solennelle, parce que les certificats de naissance de 2019 et de 2011 comportent des informateurs différents. Rien dans la documentation relative à la situation dans le pays n’indique que deux certificats de naissance différents ne peuvent comporter deux informateurs différents, ce qui a été reconnu par la SAR. Pourtant, la SAR reproche au demandeur de n’avoir fourni aucun élément de preuve démontrant qu’un document comportant un informateur différent devrait être considéré comme authentique.

[26] La SAR a également rejeté de manière déraisonnable le certificat de naissance de 2019 parce qu’il y avait de « l’information contradictoire sur la façon dont le document a[vait] été obtenu et l’identité de l’informateur ». Cette déclaration est déraisonnable, parce que la SAR ne disposait pas de renseignements sur la façon dont le certificat de naissance de 2019 avait été obtenu. Par conséquent, l’information en question ne peut être contradictoire. Le défendeur soutient que la SAR fait référence au fait que les certificats de naissance de 2011 et 2019 comportent des informateurs différents. Cela ne peut pas être le cas, puisque la SAR ne faisait référence qu’au deuxième certificat de naissance lorsqu’elle a soulevé « l’information contradictoire ».

[27] Enfin, le demandeur soutient que la phrase suivante de la décision de la SAR est incohérente : « Il prétend que les autorités américaines sont en possession du document et tout effort de sa part pour l’obtenir. » Il s’agit d’un autre exemple qui illustre le fait que la décision n’est pas transparente, intelligible ou justifiée.

(2) La position du défendeur

[28] La SAR a raisonnablement conclu que le demandeur n’a pas réussi à établir son identité. Il incombe au demandeur d’établir son identité au moyen d’une preuve suffisante. Si la preuve du demandeur est insuffisante, l’agent n’est tenu d’examiner que les éléments de preuve dont il est saisi et il n’est pas tenu de demander au demandeur de présenter une meilleure preuve ou une preuve additionnelle (Ormankaya c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1089 au para 31 [Ormankaya]).

[29] En l’espèce, le demandeur n’a fourni aucune preuve objective expliquant pourquoi :

  • la date de délivrance était le 14 mars 2011 pour le certificat de naissance de 2011 et le certificat de naissance de 2019, malgré le fait qu’il soit né à une date antérieure;
  • les certificats de naissance de 2011 et de 2019 comportent des informateurs différents, ou pourquoi un certificat de naissance comportant un informateur différent constituerait un document authentique;
  • le nom d’un informateur décédé figurant sur un enregistrement papier original serait reproduit sur un enregistrement électronique;
  • son ancien employeur possédait une copie du certificat de naissance de 2011 alors que le demandeur le lui avait remis en 2008;
  • un hôpital au Ghana était en mesure de délivrer des certificats de naissance officiels.

[30] Par conséquent, la présomption de validité a été réfutée et la SAR a raisonnablement refusé d’accorder un poids aux certificats de naissance.

[31] En l’espèce, la SAR a raisonnablement conclu que la date d’enregistrement du 14 mars 2011 remettait en cause l’authenticité du certificat de naissance de 2011 et du certificat de naissance de 2019. La SAR s’est appuyée sur deux éléments de preuve documentaire sur la situation dans le pays (2017 GHA 106008.E et 2015 GHA 105228) lorsqu’elle a conclu que « [l]es éléments de preuve documentaire objectifs montrent qu’une date antérieure devrait être indiquée pour la date d’enregistrement ». La SAR n’a pas fourni une référence précise en appui de cette déclaration; toutefois, les motifs d’un décideur ne doivent pas nécessairement être parfaits (Vavilov au para 91).

[32] La preuve documentaire sur la situation dans le pays appuie la conclusion de la SAR selon laquelle les certificats de naissance n’étaient pas fiables. Selon ces documents, chaque certificat de naissance du Ghana comporte un [TRADUCTION] « numéro d’enregistrement » qui se termine par quatre chiffres indiquant l’année où le certificat de naissance a été enregistré (la date d’enregistrement). Dans la preuve documentaire sur la situation dans le pays, il y a l’exemple d’un certificat de naissance enregistré en 1954. Ce dernier aurait un numéro d’enregistrement semblable à XXXXXX‑XXXX‑1954. Les quatre derniers chiffres de ce certificat de naissance n’ont pas changé, même après que le Ghana fut passé à un système électronique pour l’enregistrement des naissances. Au contraire, selon la preuve, le numéro d’enregistrement reste [TRADUCTION] « unique à chaque enregistrement de naissance et reste le même sur toutes les copies » (2017 GHA 106008.E). Par conséquent, la SAR a raisonnablement conclu que l’année d’enregistrement qui figure sur le certificat de naissance du demandeur aurait dû être une année suivant de près sa naissance, et non 2011.

[33] Deuxièmement, [TRADUCTION] « la section “Date d’enregistrement” du document renferme la date à laquelle la naissance a initialement été enregistrée » (2015 GHA 105228). Cela signifie que la naissance du demandeur a initialement été enregistrée en 2011. Le demandeur a déclaré que son père avait initialement procédé à l’enregistrement de sa naissance en 1983, mais ses certificats de naissance indiquent autre chose. Contrairement à ce que soutient le demandeur, la preuve documentaire sur la situation dans le pays ne présente aucune ambiguïté. Il était raisonnable pour la SAR de refuser d’accorder un poids aux certificats de naissance.

[34] Troisièmement, la SAR a raisonnablement refusé d’accorder du poids au permis de conduire et au dossier scolaire. Le certificat de naissance utilisé pour obtenir le permis de conduire n’a pas été présenté à la SPR ni à la SAR. De plus, le permis de conduire était illisible et le nom du demandeur qui y figurait n’était pas écrit de la même façon que sur les certificats de naissance. De même, le nom du demandeur n’était pas écrit de la même façon dans le dossier scolaire et ce dernier ne renfermait pas d’autres renseignements d’identification. Lorsqu’il est lu, le code QR ne fournit que des résultats scolaires, ce qui ne prouve pas l’identité du demandeur.

[35] Quatrièmement, il était raisonnable pour la SAR de conclure que la déclaration solennelle ne permettait pas d’établir l’identité du demandeur. La déclaration solennelle n’explique pas comment ou pourquoi un changement d’informateur ferait du certificat de naissance un document authentique.

[36] Enfin, la décision de la SAR n’est pas déraisonnable, au motif qu’une seule phrase a mal été consignée. D’après le contexte, il est clair que la phrase devrait être formulée de la façon suivante : [TRADUCTION] « Le demandeur prétend que les autorités américaines sont en possession de la version originale du certificat de naissance de 2011, mais rien ne prouve qu’il a fait des efforts pour l’obtenir. » Il s’agissait d’une simple erreur de transcription.

B. La SAR a‑t‑elle agi raisonnablement lorsqu’elle a choisi de ne pas tenir d’audience?

(1) La position du demandeur

[37] La SAR a enfreint le droit du demandeur à l’équité procédurale en ne tenant pas d’audience. Si la SAR avait tenu une audience, le demandeur aurait pu aborder les principales conclusions de la SAR qui ont finalement mené au rejet de sa demande. La décision était déraisonnable, puisque les motifs pour lesquels la SAR n’a pas tenu d’audience ne sont pas transparents, intelligibles ou justifiés.

[38] Premièrement, le demandeur aurait pu se pencher sur la raison pour laquelle la date d’enregistrement figurant sur les certificats de naissance est le 14 mars 2011. La SAR aurait dû donner au demandeur la possibilité de traiter de la preuve documentaire (2015 GHA 105228), laquelle appuie la thèse selon laquelle une date antérieure aurait dû être inscrite. Le document de 2015 sur lequel s’est appuyée la SAR ne fait pas partie du cartable national de documentation [CND] le plus récent sur le Ghana, datant de 2017. Il n’est pas raisonnable de penser que les observations du demandeur pourraient traiter d’une ambiguïté se rapportant aux documents relatifs à la situation dans le pays qui n’a pas été relevée dans le CND le plus récent.

[39] Deuxièmement, la SAR aurait dû tenir une audience afin que le demandeur puisse traiter de « l’information contradictoire » concernant la façon dont le certificat de naissance de 2019 a été obtenu. De même, si une audience avait été tenue, le demandeur aurait pu expliquer pourquoi le certificat de naissance de 2019 fait état d’un changement d’informateur.

[40] Subsidiairement, si la crédibilité n’était pas en litige en l’espèce, la SAR a alors commis une erreur en ne posant pas ces questions par écrit.

(2) La position du défendeur

[41] Il était raisonnable pour la SAR de ne pas tenir d’audience. Les nouveaux éléments de preuve dont la SAR était saisie ne soulevaient pas une question d’importance quant à la crédibilité du demandeur qui était déterminante dans le cadre de la demande d’asile. Ce faisant, aucun nouvel élément de preuve à l’appui de la demande d’asile n’aurait permis à la SAR d’accepter ou de rejeter cette dernière. La question n’est pas de savoir si les nouveaux éléments de preuve sont crédibles en soi, mais si ces derniers soulèvent une préoccupation importante quant à la crédibilité générale du demandeur (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Singh, 2016 CAF 96 au para 44 [Singh]). En l’espèce, les nouveaux éléments de preuve ont été soupesés parallèlement aux éléments de preuve existants, mais il n’en ressortait qu’un seul des nombreux facteurs à prendre en considération. Par conséquent, la tenue d’une audience n’était pas nécessaire.

[42] En outre, le demandeur, qui était représenté par un conseil, a expressément demandé à la SAR de ne pas tenir d’audience. Il est inapproprié pour le demandeur d’invoquer maintenant un manquement à l’équité procédurale en raison du fait qu’il n’a pas présenté une preuve suffisante devant la SAR (Sanchez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 737 au para 7). Le demandeur aurait pu remettre à la SAR la déclaration sous serment qu’il cherche maintenant à faire admettre dans le cadre d’un contrôle judiciaire, chose qu’il a choisi de ne pas faire. Même s’il l’avait remise, les explications personnelles du demandeur n’auraient pas traité des problèmes inhérents aux nouveaux éléments de preuve. Il aurait simplement fait part de ses opinions, au lieu de présenter des éléments de preuve objectifs provenant d’autorités compétentes.

VIII. Analyse

A. La conclusion de la SAR selon laquelle le demandeur n’a pas réussi à établir son identité était‑elle raisonnable?

[43] Le demandeur ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait d’établir son identité. Il est bien établi en droit que c’est le demandeur d’asile qui a le fardeau d’établir son identité. La SAR a relevé, à juste titre, cette exigence en s’appuyant sur l’article 106 de la LIPR et sur la l’article 11 des Règles de la SPR. Dans la décision Edobor c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1064, au paragraphe 11, le juge Norris explique l’interaction entre ces dispositions :

Lorsqu’ils sont lus ensemble, les articles 11 des Règles et 106 de la LIPR disposent clairement qu’il incombe au demandeur d’asile de prendre les mesures nécessaires pour obtenir les documents acceptables afin d’établir son identité. Si le demandeur ne peut pas obtenir de tels documents, il doit présenter une justification au défaut de production de documents. Un tel fardeau est lourd (Su au par. 4; Malambu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 763, au par. 41; Tesfagaber c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 988, au par. 28). Ce qui constitue des « papiers d’identité acceptables » n’est défini ni dans la LIPR ni dans les Règles; il incombe à la SPR de le déterminer au cas par cas (il existe une possibilité d’interjeter appel à la SAR et de demander un contrôle judiciaire). En outre, la SPR « prend » cela en compte, « s’agissant de [la] crédibilité » du demandeur. Si le demandeur ne produit pas les papiers d’identité acceptables pour établir son identité et ne donne pas la raison justifiant le défaut de production de documents, cela peut entraîner une grave inférence défavorable quant à sa crédibilité.

[Non souligné dans l’original.]

[44] Je conclus que le demandeur ne fait qu’essentiellement plaider de nouveau les mêmes arguments que ceux qu’il avait présentés à la SAR. La cour de révision n’a pas pour fonction de soupeser de nouveau la preuve.

[45] Je conclus également que la SAR a appliqué la présomption de validité et d’exactitude des documents étrangers, mais qu’elle a jugé que la présomption était réfutée en raison des problèmes liés aux éléments de preuve présentés par le demandeur, comme l’a souligné le défendeur.

[46] La SAR n’a pas non plus jugé qu’il fallait accorder peu de poids au dossier scolaire parce que la SPR n’avait pas de téléphone Android. Elle a plutôt conclu que « [peu importe que] la SPR [ait eu] un téléphone Android à sa disposition […], la SPR n’a pas la responsabilité de chercher ou de vérifier l’information. Il incombe à l’appelant de fournir les documents qu’il veut que la SPR examine » [non souligné dans l’original].

[47] La SAR ne s’attendait pas nécessairement à ce que le demandeur ait en sa possession la version originale du certificat de naissance de 2011. La SAR a plutôt dûment tenu compte des « mesures nécessaires [prises par le demandeur] pour obtenir les documents acceptables » (Edobor c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1064 au para 11). La SAR a relevé que le demandeur n’avait pas tenté d’obtenir la version originale du certificat de naissance de 2011 des É.‑U. ou tout autre document du Ghana, même s’il savait, depuis l’audience devant la SPR, que l’établissement de son identité était une question fondamentale.

[48] La phrase que le demandeur qualifie d’« incohérente » ne rend pas, à elle seule, la décision déraisonnable. Je conviens avec le défendeur que, compte tenu du contexte, cette phrase est censée être formulée ainsi : [TRADUCTION] « Le demandeur prétend que les autorités américaines sont en possession de l’original du certificat de naissance de 2011, mais rien ne prouve qu’il a fait des efforts pour l’obtenir. »

[49] Enfin, je juge que la SAR s’est penchée sur l’argument du demandeur selon lequel le nom de son père pouvait avoir été « reproduit » sur le certificat de naissance de 2011. La SAR a simplement rejeté cet argument, en relevant que le demandeur n’a pas fourni de preuve démontrant que cela relève d’une pratique établie. L’argument en question a également été contredit par le certificat de naissance de 2019 désignant la mère comme étant l’informatrice.

[50] En ce qui concerne la date d’enregistrement du 14 mars 2011 des certificats de naissance, il ressort clairement de l’examen du dossier que la SAR était au courant du passage de l’enregistrement papier à l’enregistrement numérique des certificats de naissance au Ghana. De même, la SAR a pris en considération la position du demandeur selon laquelle le 14 mars 2011 pouvait renvoyer à la date d’enregistrement numérique du certificat de naissance. La SAR a simplement conclu que le demandeur n’a apporté aucune preuve à l’appui de cette position et que les éléments de preuve objectifs démontraient le contraire.

[51] La SAR a cité deux documents relatifs à la situation dans le pays (2015 GHA 105228 et 2107 GHA 106008.E). Il ressort du dossier que la SAR a tenu compte du passage cité par le défendeur faisant état du fait que le numéro d’enregistrement reste [TRADUCTION] « unique à chaque enregistrement de naissance et reste le même sur toutes les copies » (2017 GHA 106008.E). Je conviens avec le défendeur que le fait que la SAR n’ait pas fourni une référence précise à cet égard ne rend pas la décision déraisonnable (Vavilov au para 91). Même si la Cour admet qu’il existe une certaine ambiguïté dans la preuve documentaire sur la situation dans le pays, ce qui n’est pas le cas, le fardeau d’établir que la date d’enregistrement de 2011 résultait d’un passage à un système électronique reposait toujours sur le demandeur. En l’absence d’une telle preuve, il est raisonnable pour la SAR de s’appuyer sur les éléments de preuve objectifs dont elle dispose.

[52] En ce qui concerne l’informateur désigné sur le certificat de naissance de 2019, le demandeur conteste la déclaration de la SAR selon laquelle il y avait de « l’information contradictoire » sur la façon dont le certificat de naissance de 2019 a été obtenu et sur l’identité de l’informateur. À mon avis, si l’on examine les paragraphes se rapportant à cette conclusion, la SAR fait référence au fait que les certificats de naissance comportent deux informateurs différents.

[53] Si le demandeur souhaite établir qu’un changement d’informateur sur les certificats de naissance est possible, il lui incombe de le démontrer au moyen d’une preuve. Le demandeur ne s’est pas acquitté de ce fardeau. Il était raisonnable pour la SAR de reprocher au demandeur de ne pas avoir fourni une preuve documentaire attestant qu’un document sur lequel figure un informateur différent devrait être considéré comme authentique, au regard notamment de son argument précédent selon lequel les informateurs désignés sont « reproduits » d’un document à l’autre.

[54] D’un point de vue global et contextuel, la partie de la décision de la SAR traitant du défaut du demandeur d’établir son identité était raisonnable. La jurisprudence établit que le défaut d’un demandeur d’établir son identité ne peut donner lieu à un examen plus approfondi d’une demande d’asile (Rahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 319; Flores c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2005 CF 1138).

B. La SAR a‑t‑elle agi raisonnablement lorsqu’elle a choisi de ne pas tenir d’audience?

[55] Il était raisonnable pour la SAR de ne pas tenir une audience au titre du paragraphe 110(6) de la LIPR. Ce dernier prévoit ce qui suit :

La section peut tenir une audience si elle estime qu’il existe des éléments de preuve documentaire visés au paragraphe (3) qui, à la fois :

a) soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité de la personne en cause;

b) sont essentiels pour la prise de la décision relative à la demande d’asile;

c) à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que la demande d’asile soit accordée ou refusée, selon le cas.

[Non souligné dans l’original.]

[56] Il s’agit d’une disposition discrétionnaire. La SAR s’est penchée sur la question de savoir s’il fallait tenir une audience et a déclaré explicitement que les nouveaux éléments de preuve « ne soulèvent pas de questions importantes en ce qui concerne la crédibilité de la personne en cause, ne sont pas essentiels pour la prise de la décision relative à la demande d’asile et ne justifieraient pas que la demande d’asile soit accordée ou refusée, selon le cas. Les nouveaux éléments de preuve seront plutôt soupesés dans le contexte de l’ensemble des éléments de preuve; ils ne constituent qu’un facteur parmi plusieurs. Je conclus qu’il n’est pas nécessaire d’examiner ces documents ou de questionner l’appelant davantage dans le cadre d’une audience. » Contrairement à ce que le demandeur a allégué dans ses observations, ce passage fait état de motifs transparents, intelligibles et justifiés de ne pas tenir une audience.

[57] Même si le certificat de naissance de 2019 et la déclaration solennelle satisfont aux exigences des alinéas b) et c) du paragraphe 110(6), l’exigence prévue à l’alinéa a) n’est pas satisfaite. Aucun des nouveaux éléments de preuve présentés par le demandeur n’a remis en question la crédibilité générale du demandeur (Singh, au para 44). Le demandeur ne soutient pas que la SAR a tiré de nouvelles conclusions quant à sa crédibilité justifiant la tenue d’une audience. En fait, le demandeur soutient essentiellement que la SAR aurait dû tenir une audience afin qu’il puisse répondre aux réserves de la SAR concernant les nouveaux éléments de preuve. Il n’y a pas d’obligation de tenir une audience pour évaluer la crédibilité d’un nouvel élément de preuve (AB c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 61 au para 17).

[58] La présente affaire est semblable à l’affaire Abdi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 172. Dans cette dernière, le demandeur a déclaré que la SAR aurait dû tenir une audience puisqu’« [i]l aurait été avantageux de dissiper toute confusion et de [lui] demander de fournir d’autres éléments de preuve sur des questions de crédibilité, ce qui est l’intention de la disposition législative prévoyant la tenue d’une audience » (au para 58). Au paragraphe 62 de cette décision, le juge Russell a déclaré que la :

[…] confusion (qui comprenait des contradictions importantes dans la preuve) ne signifie pas que le demandeur a satisfait aux critères énoncés au paragraphe 110(6) ni qu’il avait droit à une audience pour corriger les erreurs et les lacunes dans ses observations écrites présentées à la SAR. Comme l’a conclu la Cour dans l’affaire Sanchez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 737, au paragraphe 7 :

Une audience ne constitue pas simplement une occasion de confirmer des renseignements ou de fournir les renseignements manquants dans les éléments de preuve présentés. En l’espèce, même si le demandeur a signé personnellement les arguments présentés à l’agent d’ERAR, il est évident qu’il a obtenu l’aide d’un professionnel tel qu’un avocat ou un consultant en immigration pour rédiger les documents. À un certain moment, le demandeur, y compris les personnes qu’il a embauchées, doit assumer une certaine part de responsabilité afin de s’assurer que les documents présentés sont exacts et suffisants. S’ils ne le sont pas, le demandeur ne peut pas se contenter d’espérer qu’une audience soit tenue ou, si une audience n’est pas tenue, de se plaindre à la Cour qu’il a été privé de son droit à l’équité procédurale.

[Non souligné dans l’original.]

[59] Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que cela est d’autant plus le cas, puisque le demandeur n’a même jamais sollicité d’audience (Jystina c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 912 au para 28). Dans les circonstances, il était raisonnable que la SAR examine les éléments de preuve objectifs dont elle disposait, ce qu’elle a fait.

[60] Je ne suis pas d’accord avec l’argument subsidiaire du demandeur selon lequel, même si aucune question de crédibilité ne se posait, la SAR a commis une erreur en ne lui soumettant pas de questions par écrit. Comme le souligne le défendeur, la réponse du demandeur aurait constitué des opinions et des conjectures, et non des éléments de preuve objectifs.

[61] La décision de la SAR de ne pas tenir d’audience était raisonnable. La SAR a examiné les exigences énoncées au paragraphe 110(6) et a conclu que le cadre législatif applicable en l’espèce n’était pas respecté. Le demandeur ne peut pas se plaindre d’un manquement à l’équité procédurale parce qu’il n’a pas soumis tous les éléments de preuve pertinents dont il pouvait disposer (Ormankaya, au para 32). Les motifs de la SAR démontrent que la décision satisfait aux exigences de transparence, d’intelligibilité et de justification.

IX. Conclusion

[62] La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑6061‑20

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Paul Favel »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

IMM‑6061‑20

 

INTITULÉ :

ABUBAKARI ABDULAI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 SEPTEMBRE 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FAVEL

DATE DES MOTIFS :

LE 10 FÉVRIER 2022

COMPARUTIONS :

David Matas

pour le demandeur

 

Cynthia Lau

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocat

Winnipeg (Manitoba)

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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