Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20211229


Dossier : T‑1170‑19

Référence : 2021 CF 1479

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 29 décembre 2021

En présence de monsieur le juge Pamel

ENTRE :

SHIN IMAI

demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS PUBLICS

(Jugement et motifs confidentiels prononcés le 29 décembre 2021)

I. Aperçu

[1] La mine Marlin, une mine d’or située au Guatemala et appartenant à l’époque à une filiale de la société minière canadienne Goldcorp Inc. [Goldcorp], a mis fin à ses activités en mai 2017, mais non sans avoir suscité au préalable une certaine réprobation à l’échelon international en raison de présumés manquements sur les plans environnemental et humanitaire. En fait, en mai 2010, sept ans avant la fermeture de la mine, la Commission interaméricaine des droits de l’homme [la Commission], une institution de l’Organisation des États américains [l’OEA], dont le Canada est membre, a rendu une décision en matière de mesures conservatoires à l’encontre du gouvernement du Guatemala à la suite du dépôt, en 2007, d’une pétition relative aux droits de l’homme de la part des communautés mayas Mam et Sipakepa vivant dans les municipalités de Sipacapa et de San Miguel Ixtahuacán, une organisation soutenue par les communautés autochtones établies dans les environs de la mine; cette décision en matière de mesures conservatoires comportait une demande portant que le gouvernement du Guatemala suspende les activités menées à la mine Marlin en attendant la tenue d’une enquête complète sur les présumés abus commis sur les plans de l’environnement et des droits de la personne, ainsi que sur les effets de la mine sur les communautés mayas autochtones vivant à proximité de cette dernière.

[2] Dans sa réponse officielle à la décision en matière de mesures conservatoires de la Commission, le gouvernement du Guatemala a déclaré que les allégations de contamination de l’environnement étaient sans fondement, mais qu’il lancerait sa propre enquête à ce sujet. Le Canada n’a pas pris part à la décision de la Commission ni aux travaux menés devant celle-ci; la question mettait en cause la Commission et le gouvernement du Guatemala et, dans cette affaire, ni le Canada ni Goldcorp n’avaient qualité pour agir devant la Commission. Cependant, pendant tout le mois de juin 2010, et après la demande de soutien de Goldcorp, le gouvernement canadien et le personnel de l’ambassade en poste au Guatemala ont eu des contacts avec le gouvernement du Guatemala, la Commission et Goldcorp au sujet de la situation de la mine Marlin. Le demandeur, le professeur Shin Imai, a fait valoir devant moi que ce que nous avons alors vu n’était pas le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement – aujourd’hui Affaires mondiales Canada [Affaires mondiales ou le Ministère] – agissant d’une manière conforme à sa politique officielle après avoir été informé qu’une entreprise canadienne commettait peut-être des abus sur le plan des droits de la personne et de l’environnement à l’étranger, c’est-à-dire faire enquête sur la situation et se servir de ses bureaux à l’étranger en vue d’entamer un dialogue avec les parties intéressées pour trouver une réparation constructive et axée sur les résultats au cas où les préoccupations soulevées quant à d’éventuels abus seraient confirmées, mais plutôt Affaires mondiales venant en aide à Goldcorp en intervenant auprès de la Commission et du gouvernement du Guatemala dans un effort stratégique visant à promouvoir la position de Goldcorp.

[3] En fin de compte, les activités minières n’ont pas été suspendues et, le 7 décembre 2011, la Commission a modifié sa décision en levant la demande faite au gouvernement du Guatemala pour qu’il suspende les activités à la mine Marlin, mais elle a continué de demander que le gouvernement du Guatemala veille à ce que les 18 communautés mayas touchées par la mine aient accès à de l’eau potable ainsi qu’à de l’eau d’irrigation.

[4] Depuis la fermeture de la mine en mai 2017, Goldcorp et, plus tard, Newmont Mining Corporation [Newmont Corporation], qui s’est portée acquéreuse de la mine en avril 2019, ont entrepris sur les lieux des activités de remise en état.

[5] En novembre 2014, le professeur Imai a, par voie de demande [la demande fondée sur la LAI] présentée en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, LRC (1985), c A‑1 [la Loi], demandé qu’Affaires mondiales lui communique les documents relatifs à la réponse du gouvernement canadien à la décision en matière de mesures conservatoires rendue par la Commission en 2010 ainsi qu’à son rôle dans l’annulation, par la Commission, de cette décision et, en particulier, les communications entre Affaires mondiales, Goldcorp, l’OEA, la Commission et le gouvernement du Guatemala.

[6] En réponse à la demande fondée sur la LAI, Affaires mondiales a communiqué plusieurs centaines de pages de documents au professeur Imai, ce qui a donné lieu en fin de compte à une demande plus limitée, portant précisément sur les communications qu’il y avait eues entre Affaires mondiales, Goldcorp et la Commission entre la date à laquelle la Commission avait demandé au Guatemala de suspendre les activités à la mine Marlin et celle à laquelle la Commission avait annulé sa décision.

[7] Au fil du temps, Affaires mondiales a communiqué d’autres documents en réponse à la demande fondée sur la LAI, et le point culminant a été atteint le 28 février 2018, quand le Ministère a transmis au professeur Imai sa cinquième et dernière série de documents [la série de documents de février 2018], qui contenait 36 pages de documents dont une vingtaine avaient été caviardées sur le fondement des paragraphes 15(1) et 19(1) ainsi que des alinéas 13(1)a), 13(1)b), 20(1)b), 20(1)c), 20(1)d), 21(1)a) et 21(1)b) de la Loi. Le 26 novembre 2020, Affaires mondiales a divulgué d’autres renseignements au professeur Imai, et le fait d’avoir invoqué l’alinéa 20(1)d) n’a plus été pertinent. Cependant, la présente demande se limite aux caviardages effectués sur les 20 pages contenues dans la série de documents de février 2018.

[8] Dans le compte rendu final qu’il a produit le 5 juin 2019 conformément au paragraphe 37(2) de la Loi [le compte rendu du CI], le Commissariat à l’information [le CI] a conclu qu’Affaires mondiales avait appliqué les exceptions prévues aux paragraphes 15(1) et 19(1) ainsi qu’aux alinéas 20(1)b), 20(1)c), 21(1)a) et 21(1)b) d’une manière conforme à la Loi, et que, dans les cas où cette application était de nature discrétionnaire, Affaires mondiales avait exercé son pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable. De plus, étant donné que d’autres exceptions avaient été appliquées à certains des mêmes renseignements en vertu des alinéas 13(1)a), 13(1)b) et 20(1)d) de la Loi, le CI n’a pas jugé nécessaire de vérifier si le refus de divulguer les mêmes renseignements pouvait également se justifier en vertu de ces autres dispositions.

[9] Le 18 juillet 2019, le professeur Imai a introduit la présente demande à l’encontre de Sa Majesté la Reine, représentée en l’espèce par le ministre des Affaires étrangères [le ministre], en vertu de l’article 41 de la Loi. Il sollicite le contrôle judiciaire de la série de documents de février 2018 et nie qu’Affaires mondiales pouvait exercer son pouvoir discrétionnaire de refuser de divulguer des renseignements lorsqu’il a communiqué la série de documents de février 2018 et conteste, le cas échéant, la raisonnabilité de cet exercice. En particulier, il soutient qu’Affaires mondiales ne s’est pas acquitté de son fardeau de preuve et que dans la mesure où s’appliquent les exceptions prévues au paragraphe 15(1) et aux alinéas 21(1)a) et 21(1)b), le Ministère n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de communiquer des documents de manière raisonnable. Il est de plus d’avis que la manière dont Affaires mondiales a traité sa demande comportait des erreurs, des mesures inexpliquées et des incohérences. En fin de compte, il sollicite la communication d’une version non caviardée des documents, conformément aux articles 49 et 50 de la Loi.

[10] Le 30 juin 2020, la Cour a rendu une ordonnance de confidentialité faisant droit à la demande d’Affaires mondiales de déposer une version confidentielle de son affidavit justificatif. La Cour a également ordonné à Affaires mondiales de fournir au professeur Imai une série de documents révisés et annotés en vue d’expliciter les exceptions invoquées dans la série de documents de février 2018, de façon, d’une part, à clarifier celles que le Ministère avait appliquées aux renseignements caviardés, notamment dans les cas où d’autres exceptions avaient été appliquées aux mêmes renseignements, et, d’autre part, à corriger les erreurs que comportait l’une des pièces.

[11] En bref, je suis convaincu qu’Affaires mondiales s’est fondé correctement sur les exceptions à la Loi concernées et qu’il a exercé raisonnablement le pouvoir discrétionnaire dont il disposait pour les appliquer, le cas échéant. En conséquence, et pour les motifs qui suivent, je rejette la présente demande de contrôle judiciaire.

II. Les questions en litige

[12] Aux dires du professeur Imai, la divulgation des renseignements serait un moyen non seulement de rendre compte devant le public des mesures prises par Affaires mondiales à l’égard de la décision de la Commission – ce qui est dans l’intérêt public –, mais aussi de faire avancer le débat public quant à la manière dont le Canada veille à ce que les entreprises canadiennes se conforment aux lois relatives aux droits de la personne et aux normes environnementales quand elles exercent leurs activités à l’étranger. De plus, il soutient que les questions étroites qui sont en litige en l’espèce cachent un élément essentiel qui touche au droit autochtone, une étude de cas sur la manière dont le gouvernement canadien met en balance les droits des Autochtones et les intérêts des entreprises. En décembre 2020, le gouvernement fédéral a déposé un projet de loi visant à mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones [la DNUDPA] de manière à ce que toutes ses lois soient conformes à cette politique, et le professeur Imai fait valoir qu’il serait très difficile de faire changer la politique si les gens n’étaient pas en mesure d’avoir accès à des renseignements sur la façon dont le Canada respecte les droits des peuples autochtones à l’étranger. Dans la présente affaire, dit-il, la divulgation des renseignements contribuera à un débat plus sérieux sur les changements que le Canada doit apporter à ses lois au regard de la DNUDPA et, en particulier à la Loi, ainsi que sur les changements qu’il doit apporter sur le plan de la politique diplomatique étrangère ou des mécanismes de contrôle législatifs lorsqu’il examine les facteurs d’intérêt public qui militent en faveur de la divulgation de renseignements sous le régime de la Loi.

[13] Les 20 pages pertinentes de la série de documents de février 2018, laquelle comporte deux notes d’information et une série de courriels internes, sont résumées dans le tableau qui suit, où figurent aussi les numéros de pages correspondants et les exceptions prévues par la Loi qu’invoque Affaires mondiales. Le ministre demande à la Cour de garder à l’esprit que ces documents illustrent ce qui demeure contesté par rapport à une série de plusieurs communications comportant un nombre considérable de renseignements, et qu’il ne s’agit que d’un moment précis dans le temps dans le contexte de certaines des questions d’intérêt public de nature plus générale qu’a invoquées le professeur Imai.

[traduction]

Doc

De/À

Date en 2010

Page

Exception(s) appliquée(s)

Texte caviardé (de/jusqu’à)

1

Note d’information

Juin

29

15(1)/20(1)c)

Mine/

Background

2a

Note d’information

Juin

26

19

IACHR/

Naturally

2b

 

 

26

19

with/However

2c

 

 

26

13(1)a) et b)/15(1)

Commission/

who

2d

 

 

26

13(1)a) et b)/15(1)

Information/Our

2e

 

 

26

15(1)

Guatémala/The

2f

 

 

26

15(1)/20(1)c)

itself/the end

3a

Marder/

Patterson

14 juin – 16 h 45

27/331

15(1)/20(1)c)

Canada/High

3b

 

 

27/331

15(1)/20(1)c)

MINT/Anything

3c

 

 

27/331

15(1)/21(1)a)

Tuesday/the end

4a

Patterson/
Marder

14 juin – 18 h 12

330

15(1)/20(1)b)

Canada/Jeff

4b

 

 

330

13(1)b)/19

with/of

4c

 

 

330

13(1)a) et b)/15(1)/20

(1)b)

information/sect sect 19

4d

 

 

330

19

sect 19/

indicated

4e

 

 

330

13(1)a) et b)/15(1)

case/Given

4f

 

 

330

15(1)

IACHR/Please

5a

Marder/

Patterson

14 juin – 20 h 12

330

15(1)/20(1)b)

Canada/Thanks

5b

 

 

330

15(1)

helpful/At

5c

 

 

330

15(1)

IACHR/Mil

6a

Moffett/

Culham

13 oct. – 10 h 19

1/5/10

13(1)a) et b)/15(1)

Guatemala/à

6b

 

 

2/5/10/11

20(1)b)/21(1)b)

effet (et)/Votre

7a

Culham/

Moffett

13 oct. – 15 h 13

4/9

15(1)/21(1)b)

Corp./over 2 lines

7b

 

 

4/9/10

15(1)/21(1)a)

over 3 lines

7c

 

 

4/10

15(1)

Over 3 lines/That

7d

 

 

4/10

15(1)

party/to

8a

Moffett/

Culham

13 oct. – 18 h 02

3/8

15(1)/20(1)b)

yesterday/over 3 lines

8b

 

 

3/8/9

15(1)/21(1)b)

over 7 lines

8c

 

 

3/9

15(1)/20(1)b)

over 3 lines/I

9a

Labrom/

Janoff

13 oct. – 19 h 26

7/8

15(1)/21(1)a)

application/over 7 lines

9b

 

 

7/8

15(1)

over 3 lines/Regards

10

Labrom/

Janoff

14 oct. – 6 h 53

7

15(1)/20(1)b)

oversight/the end

11a

Moffett/

Labrom

14 oct. – 7 h 46

6

15(1)/21(1)b)

cas/Cependant

11b

 

 

6

15(1)/21(1)b)

l’IACHR/Leur

11c

 

 

7

15(1)

soulevés/over 10 lines

11d

 

 

7

15(1)/20(1)b)

over 3 lines

11e

 

 

7

15(1)

over 7 lines/to end

12a

Moffett/

Janoff

26 oct.– 9 h 49

22

15(1)/20(1)b)/21(1)b)

(official)/Two

12b

 

 

22

19

N\A – already released

12c

 

 

22/23

15(1)/20(1)b)

non-official/Next

13a

Janoff/

Culham

15 nov. – 12 h 53

24

15(1)/20(1)b)

Oct 25/6 Amb.

13b

 

 

25

15(1)/20(1)b)

challenge/For

13c

 

 

25

15(1)/20(1)b)

systems;/he

13d

 

 

25

15(1)/20(1)b)

Representative/

the end

[14] Ce tableau a été établi à partir de la série de documents annotés, révisés et codés par couleur que le ministre a fournie. Les 20 pages sont tirées de 13 documents distincts, dont certains figurent en double et certains chevauchent plusieurs pages; comme je l’ai mentionné plus tôt, bon nombre des 13 documents sont visés par d’autres exceptions prévues par la Loi qui ont été appliquées aux mêmes caviardages. J’ai donc inclus dans le tableau les mots qui figurent juste avant et après chaque passage caviardé afin qu’on puisse aisément les trouver.

[15] Je dois également mentionner que les parties ont réglé entre elles les problèmes relatifs à l’application du paragraphe 19(1) de la Loi. En tout état de cause, une simple revue des renseignements relevés dans les documents 2a) et b) et 4b) et d) montre qu’il s’agit d’informations personnelles tombant sous le coup de cette disposition. Quant au document 12b), le caviardage a été fait par erreur, et les deux mots caviardés au départ ont été divulgués au professeur Imai. Bien que le tableau ait été établi sur la base de la série de documents annotés et révisés, j’ai pris note des erreurs d’écriture énumérées dans l’affidavit de Mme Lafave qui a été déposé à l’appui de la position du ministre.

[16] Les questions qu’il me faut trancher en l’espèce sont les suivantes :

  • a) Quelle est la norme de contrôle applicable à chacune des exceptions que le ministre a invoquées?

  • b) Le ministre a‑t‑il appliqué les exceptions à la série de documents de février 2018 d’une manière conforme à la Loi, et lorsqu’il a exercé son pouvoir discrétionnaire, l’a‑t‑il fait de manière raisonnable?

III. Le cadre législatif et les principes prépondérants applicables

[17] J’ai reproduit dans l’annexe ci‑jointe les dispositions législatives pertinentes. Il me faut également mentionner que le projet de loi C‑58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence, a reçu la sanction royale et est entré en vigueur le 21 juin 2019, quatre semaines environ avant la date de dépôt de la présente demande, soit le 18 juillet 2019. Les parties n’ont soulevé aucune question quant à l’effet des modifications apportées à la Loi, et il me faut examiner l’affaire en tenant compte des dispositions de la Loi qui étaient les plus récentes au moment où la présente demande a été déposée.

[18] Nos tribunaux reconnaissent que la Loi consacre « une composante essentielle de la démocratie : le droit du public d’avoir accès aux documents de l’administration fédérale ». Le droit du public à l’information est essentiel en ce qu’il permet à ce dernier d’examiner les activités gouvernementales et lui assure une participation entière et constructive au débat public (Bronskill c Canada (Patrimoine canadien), 2011 CF 983, [2013] 2 RCF 563 au para 4 [Bronskill]). C’est pourquoi la Cour suprême a reconnu le statut quasi constitutionnel de la Loi (Canada (Commissaire à l’information) c Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25 [Commissaire c Défense]).

[19] La loi confère au public un droit d’accès aux renseignements qui sont contenus dans les documents relevant d’une institution fédérale (art 4(1) de la Loi). Bien que les institutions fédérales puissent refuser de divulguer les renseignements visés par les exceptions restreintes et précises qui sont énoncées aux articles 13 à 26 de la Loi, l’importance publique de cette dernière signifie que ces exceptions doivent être interprétées de manière « étroite » (Do‑Ky c Canada (Affaires étrangères et du Commerce international), [1997] 2 CF 907 à la p 909, 1997 CanLII 16205 [Do‑Ky CF]; Canada (Commissariat à l’information) c Canada (Premier ministre), 2019 CAF 95 au para 37 [CI c PM]; Lavigne c Canada (Commissariat aux langues officielles), 2002 CSC 53 aux para 30 et 55).

[20] Lorsque plusieurs interprétations sont possibles, la Cour doit « choisir celle qui porte le moins atteinte au droit d’accès du public » (Rubin c Canada (Ministre des Transports), [1998] 2 CF 430 (CA) au para 23) Le droit d’accès aux renseignements gouvernementaux est essentiel tant pour permettre au public d’examiner les activités de l’administration fédérale que pour assurer une participation entière et constructive au débat public (Bronskill, au para 4).

[21] Lorsqu’un demandeur sollicite le contrôle judiciaire d’un refus de divulguer des renseignements, la Cour a l’avantage de disposer du compte rendu du CI (art 36(1) et 37 de la Loi). L’opinion du CI « a beaucoup de poids compte tenu des connaissances spécialisées du commissaire », mais elle ne lie pas la Cour (Blank c Canada (Justice), 2009 CF 1221, au para 41).

[22] Comme il est question en l’espèce d’une demande présentée en vertu du paragraphe 41(1) de la Loi, c’est l’institution fédérale qui, de façon générale, a la charge d’établir que les renseignements ont été soustraits à juste titre de la communication (art 48(1) de la Loi; CI c PM, au para 37). Si la Cour décide que l’exercice du pouvoir discrétionnaire est en litige, la question de savoir quelle partie a la charge d’établir que ce pouvoir a été exercé de manière raisonnable dépend des circonstances (Attaran c Canada (Ministre des Affaires étrangères), 2011 CAF 182 au para 20 [Attaran]); cependant, lorsqu’on a affaire à un document confidentiel auquel un demandeur n’a pas accès, c’est à l’institution fédérale qu’il incombe d’établir que le pouvoir discrétionnaire a été exercé de manière raisonnable (Attaran, au para 27; Bronskill, au para 124).

IV. Les allégations d’erreurs fondamentales dans les documents communiqués par Affaires mondiales

[23] À titre préliminaire, le professeur Imai soutient que la manière dont Affaires mondiales a traité sa demande est caractérisée par de graves lacunes en matière de tenue de documents qui mineraient à la fois sa capacité de justifier son refus de divulguer des renseignements et le fondement des exceptions qu’il revendique. À titre d’exemple, il soutient que ces lacunes ont empêché Affaires mondiales de remarquer que certains des renseignements caviardés dans la série de documents de février 2018 lui avaient en fait déjà été divulgués dans d’autres séries de documents qu’il avait déjà reçues.

[24] La tenue moins qu’optimale des documents a pour ainsi dire été admise par Affaires mondiales. Dans son affidavit, Mme Lafave, cheffe d’équipe de la Division de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels d’Affaires mondiales [la Division de l’AIPRP], a fait savoir qu’à peu près au même moment où la demande fondée sur la LAI du professeur Imai a été reçue, des changements ont été apportés aux méthodes de gestion de l’information de la Division de l’AIPRP et que [traduction] « [p]our cette raison, et en raison du temps écoulé, de problèmes de conservation de documents et du fait que certains analystes de l’AIPRP qui avaient travaillé dans ce dossier [n’étaient] plus au service d’[Affaires mondiales], certains renseignements liés à ce dossier et à d’autres dossiers connexes [étaient] indisponibles ». Lors de son contre-interrogatoire, Mme Lafave a confirmé que certains renseignements n’étaient pas seulement [traduction] « indisponibles » mais que, en réalité, on les avait perdus à cause des méthodes internes de tenue de documents :

[traduction]
En préparant mon affidavit, j’ai découvert que quelques documents n’avaient pas été correctement sauvegardés dans le système. C’est donc dire que des renseignements sur lesquels avaient travaillé d’anciens analystes n’avaient pas été correctement sauvegardés dans notre système. Pas plus que les séries de documents antérieurement communiquées à M. Imai au cours de l’enquête.

[25] Dans les circonstances de l’espèce, je comprends qu’une grande partie de la preuve par ailleurs nécessaire au dossier a été perdue, dont des feuilles de travail d’analyse des exceptions, car elles n’ont pas été convenablement sauvegardées, et que la plupart des premiers analystes de l’AIPRP à avoir travaillé dans ce dossier ne sont plus au service d’Affaires mondiales, de sorte qu’il n’est pas possible d’accéder à une grande partie du raisonnement sur lequel repose l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’appliquer les exceptions prévues par la Loi. Le professeur Imai ne dit pas que le problème fondamental que posent ces lacunes est suffisant en soi pour faire annuler le refus d’Affaires mondiales de divulguer les renseignements caviardés qui sont visés par la présente demande. Il dit seulement que cela laisse planer un doute sur la preuve censée établir qu’Affaires mondiales a exercé son pouvoir discrétionnaire dans les cas où la Loi l’exigeait.

[26] En ce qui me concerne, j’estime qu’à part teinter le débat, le fait qu’il y ait eu des lacunes dans le processus de tenue de documents à Affaires mondiales a moins à voir avec les questions dont je suis saisi. De deux choses l’une : la décision d’Affaires mondiales de caviarder des renseignements était justifiée, ou elle ne l’était pas. Il n’appartient pas à la Cour de formuler des recommandations quant à la manière d’améliorer le processus de tenue de documents qu’appliquent les organismes gouvernementaux. C’est à Affaires mondiales qu’il incombe de justifier ses décisions en matière de divulgation de renseignements, et s’il existe des lacunes dans les systèmes de gestion de documents qui, au final, entravent la capacité d’un organisme de justifier les décisions qu’il prend en matière de divulgation, cet organisme en paiera le prix, c’est‑à‑dire qu’il s’exposera peut-être à ce que l’on infirme ses décisions de soustraire des renseignements à la divulgation.

V. Analyse

[27] Je devrais commencer par dire que, tout en étant assurément sensible au point de vue du professeur Imai quant aux diverses subtilités des incidences en matière de politiques générales qui sous‑tendent la présente demande, j’estime que cette dernière a essentiellement trait à la question de savoir si la Division de l’AIPRP a appliqué correctement les exceptions que prévoit la Loi en répondant à la demande très précise et libellée de manière restrictive que le professeur Imai a présentée sous le régime de la LAI. De plus, il n’est nul besoin que j’examine les renseignements désignés dans le tableau comme étant les documents 2a) et b), 4b) et d) et 12b) car, comme je l’ai mentionné plus tôt, ces documents sont liés à l’exception que prévoit le paragraphe 19(1), et cette question a déjà été réglée.

[28] Je vais donc examiner tout d’abord le recours d’Affaires mondiales au paragraphe 15(1) de la Loi; cette exception a été appliquée à la quasi‑totalité des renseignements caviardés, sauf pour ce qui est des renseignements désignés dans le tableau comme étant les documents 2a) et b), 4b) et d), 6b) et 12b).

A. Le paragraphe 15(1) : Les renseignements préjudiciables à la conduite des affaires internationales

[29] Outre les observations que le ministre a formulées en audience publique – et il n’y a pas eu d’objections de la part du professeur Imai – j’ai aussi entendu à huis clos les arguments du ministre sur ses observations ex parte concernant le refus d’Affaires mondiales de communiquer les renseignements caviardés en raison des paragraphes 13(1) et 15(1) de la Loi (art 52(2)a) de la Loi; Kitson c Canada (Ministre de la Défense nationale), 2009 CF 1000, [2010] 3 RCF 440; Attaran, aux para 47 à 49).

[30] Le paragraphe 15(1) est libellé en ces termes :

Affaires internationales et défense

International affairs and defence

 

15(1) Le responsable d’une institution fédérale peut refuser la communication de documents contenant des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de porter préjudice à la conduite des affaires internationales, à la défense du Canada ou d’États alliés ou associés avec le Canada ou à la détection, à la prévention ou à la répression d’activités hostiles ou subversives, notamment :

15(1) The head of a government institution may refuse to disclose any record requested under this Part that contains information the disclosure of which could reasonably be expected to be injurious to the conduct of international affairs, the defence of Canada or any state allied or associated with Canada or the detection, prevention or suppression of subversive or hostile activities, including, without restricting the generality of the foregoing, any such information

 

[…]

. . .

 

e) des éléments d’information recueillis ou préparés aux fins du renseignement relatif aux États étrangers, aux organisations internationales d’États ou aux citoyens étrangers et utilisés par le gouvernement du Canada dans le cadre de délibérations ou consultations ou dans la conduite des affaires internationales;

 

(e) obtained or prepared for the purpose of intelligence respecting foreign states, international organizations of states or citizens of foreign states used by the Government of Canada in the process of deliberation and consultation or in the conduct of international affairs;

 

[…]

. . .

 

h) des renseignements contenus dans la correspondance diplomatique échangée avec des États étrangers ou des organisations internationales d’États, ou dans la correspondance officielle échangée avec des missions diplomatiques ou des postes consulaires canadiens;

 

(h) that constitutes diplomatic correspondence exchanged with foreign states or international organizations of states or official correspondence exchanged with Canadian diplomatic missions or consular posts abroad;

[…]

. . .

 

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added.]

 

[31] Le paragraphe 15(1) de la Loi crée une exception discrétionnaire, axée sur un risque de préjudice, qui repose sur un processus en deux étapes, et la norme de contrôle qui s’applique à chacune de ces étapes est celle de la décision raisonnable (3430901 Canada Inc. c Canada (Ministre de l’Industrie), 2001 CAF 254 au para 45 [Telezone]; Bronskill, aux para 63, 69 et 76; Attaran, aux para 17, 18). Comme l’a écrit la juge Dawson, au paragraphe 14 de l’arrêt Attaran de la Cour d’appel fédérale :

[…] Le paragraphe prévoit que le responsable d’une institution gouvernementale « peut refuser » la communication de documents. Cela exige un exercice en deux étapes. Dans la première étape, le responsable doit déterminer si la communication risquerait vraisemblablement de porter préjudice à la conduite des affaires internationales. S’il arrive à cette conclusion, la deuxième étape consiste à décider si la communication devrait être effectuée ou refusée […]

[32] Le paragraphe 15(1) est visé par le mesure que prévoit l’article 50 de la Loi, que voici :

Ordonnance de la Cour dans les cas où le préjudice n’est pas démontré

Order of Court where reasonable grounds of injury not found

 

50 Dans les cas où le refus de communication totale ou partielle du document s’appuyait sur les articles 14 ou 15 ou sur les alinéas 16(1)c) ou d) ou 18d), la Cour, si elle conclut que le refus n’était pas fondé sur des motifs raisonnables, ordonne, aux conditions qu’elle juge indiquées, au responsable de l’institution fédérale dont relève le document en litige d’en donner communication totale ou partielle à la personne qui avait fait la demande; la Cour rend une autre ordonnance si elle l’estime indiqué.

50 Where the head of a government institution refuses to disclose a record requested under this Part or a part thereof on the basis of section 14 or 15 or paragraph 16(1)(b) or (d) or 18(d), the Court shall, if it determines that the head of the institution did not have reasonable grounds on which to refuse to disclose the record or part thereof, order the head of the institution to disclose the record or part thereof, subject to such conditions as the Court deems appropriate, to the person who requested access to the record, or shall make such other order as the Court deems appropriate.

 

[Non souligné dans l’original.]

[Emphasis added.]

 

[33] Aux termes de l’article 50 de la Loi, la cour de révision doit décider si le refus de l’institution fédérale de divulguer les renseignements « était […] fondé sur des motifs raisonnables ». Il s’agit d’une révision de novo, et dans ce contexte, la Cour peut prendre en compte des éléments de preuve que n’avaient pas en main Affaires mondiales quand il a transmis la série de documents de février 2018.

[34] À la première étape du processus inhérent au paragraphe 15(1) de la Loi, le ministre doit démontrer que la divulgation des renseignements suscite un risque vraisemblable de préjudice probable aux affaires internationales du Canada (Merck Frosst Canada Ltée c Canada (Santé), 2012 CSC 3, [2012] 1 RCS 23 aux para 192 à 196 [Merck Frosst]; Bronskill, au para 70), et pour ce faire, il doit établir l’existence d’un « [lien clair et direct] entre la divulgation d’une information donnée et le préjudice allégué »; le préjudice ne peut pas être de nature conjecturale (Merck Frosst, aux para 197; Bronskill, au para 126; Do‑Ky CF, à la p 923).

[35] Pour ce qui est de la norme de preuve applicable, le professeur Imai affirme que le ministre a le « lourd fardeau » d’établir l’existence d’un risque vraisemblable de préjudice probable (Bronskill, au para 125; Criminal Trial Lawyers’ Association c Canada (Justice), 2020 CF 1146 au para 47). Je ne suis pas d’accord pour dire que les notions de « lourd fardeau » ou de « lourde charge » dont il est souvent question dans la jurisprudence sont liées à la norme de preuve à laquelle doit satisfaire la partie qui cherche à établir l’existence d’un risque vraisemblable de préjudice probable. Dans l’arrêt Merck Frosst, la Cour suprême a analysé l’historique de la notion de « lourd fardeau » en lien avec l’exception que prévoit le paragraphe 20(1) de la Loi (Merck Frosst, aux para 93, 94), mais elle a clairement dit que, lorsqu’il est question de la notion de risque vraisemblable de préjudice probable, la partie qui cherche à invoquer l’exception doit seulement démontrer qu’il existe beaucoup plus qu’une simple possibilité qu’un préjudice soit causé, et qu’elle n’est pas tenue d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que le préjudice se produira effectivement (Merck Frosst, aux para 196 et 199). De plus, il ressort à l’évidence de la décision Canada (Commissaire à l’information) c Canada (Premier ministre), [1993] 1 CF 427, 1992 CanLII 2414, que, lorsque la Cour fait référence au « lourd fardeau », elle ne parle pas de la norme de preuve, mais plutôt du fait que lorsque le processus de communication est fondé sur la preuve, comme c’est le cas en l’espèce, la notion de « lourd fardeau » se rapporte au fait que la partie qui souhaite préserver la confidentialité doit le faire d’une manière formelle au moyen d’une preuve claire et directe (à la p 429). C’est donc dire que la norme de preuve à laquelle il faut satisfaire pour établir l’existence d’un risque vraisemblable de préjudice probable demeure, comme le précise l’arrêt Merck Frosst, précité, plus exigeante que la simple possibilité, mais moins exigeante que la prépondérance des probabilités; autrement dit, il faut se demander si une personne raisonnable s’attendrait à ce que la divulgation des renseignements soit préjudiciable.

[36] Si j’en viens à conclure qu’il existe un risque vraisemblable de préjudice probable pour la conduite des affaires internationales du Canada en cas de divulgation des renseignements, je devrai décider, à la seconde étape, si, vu l’importance du risque et d’autres facteurs pertinents, la divulgation devrait néanmoins être accordée ou refusée – l’intérêt public relatif à la divulgation l’emporte sur le préjudice (Attaran, au para 14). Pour évaluer l’exercice du pouvoir discrétionnaire que confère le paragraphe 15(1) à l’égard de cette seconde étape, la Cour doit tout d’abord examiner l’ensemble de la preuve afin de déterminer si, selon la prépondérance des probabilités, l’institution fédérale était consciente qu’elle disposait du pouvoir discrétionnaire de divulguer, ou de refuser de divulguer, les renseignements en cause, ce qui peut être établi par une preuve explicite ou par inférence (Attaran, aux para 30‑36).

[37] Si la Cour conclut que l’institution fédérale s’est penchée sur la question de l’exercice du pouvoir discrétionnaire, elle doit dans ce cas décider si l’institution a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable en mettant en balance, d’une part, l’ensemble des intérêts publics et privés relatifs à la divulgation, et d’autre part, l’intérêt public relatif à la non‑divulgation (Attaran, au para 18; Bronskill, aux para 194, 216). Dans l’arrêt Ontario (Sûreté et sécurité publique) c Criminal Lawyers’ Association, 2010 CSC 23, [2010] 1 RCS 815 [Criminal Lawyers’ Assn.], la Cour suprême a présenté cette étape de l’analyse comme étant un exercice de mise en balance des intérêts opposés en jeu en vue de déterminer ce qui est dans l’intérêt public. Elle a écrit ceci au paragraphe 48 :

[…] [E]lle doit ensuite décider si, compte tenu de ce risque et des autres intérêts pertinents, la divulgation doit être accordée ou refusée. Ces décisions exigent nécessairement d’examiner l’intérêt public à ce que le gouvernement œuvre en toute transparence, à ce qu’il soit possible de tenir un débat public et à ce que les institutions gouvernementales fonctionnent adéquatement […] la personne responsable doit mettre en balance les intérêts privés et publics relatifs à la divulgation et à la non‑divulgation et exercer son pouvoir discrétionnaire en conséquence.

[38] Pour refuser de divulguer les renseignements, il ne suffit pas que l’institution fédérale déclare de manière générale que le pouvoir discrétionnaire a été exercé et que tous les facteurs pertinents ont été pris en compte, mais il n’est pas nécessaire non plus qu’elle analyse en détail le moindre facteur qui a eu une incidence sur la décision ou la manière dont les facteurs ont été soupesés les uns en fonction des autres (CI c PM, aux para 82‑90).

[39] De plus, la Cour doit faire preuve de retenue à l’égard des décisions discrétionnaires; elle ne peut « modifier[…] à la légère des décisions comme celles en cause en l’espèce » (CI c PM, au para 82). Cependant, comme il est énoncé dans l’arrêt Bronskill, au paragraphe 82, « une certaine retenue s’impose, mais non au point de neutraliser le rôle que la loi confère au pouvoir judiciaire ».

(1) La divulgation des renseignements caviardés suscite un risque vraisemblable de préjudice probable aux relations internationales du Canada

[40] Comme je l’ai mentionné, Affaires mondiales a appliqué l’exception prévue au paragraphe 15(1) de la Loi à l’ensemble des renseignements caviardés, à l’exception de ceux décrits au tableau comme étant les documents 2a) et b), 4b) et d), 6b) et 12b).

[41] À titre préliminaire, le professeur Imai attire l’attention sur un paragraphe figurant dans l’une des pages de la série de documents de février 2018 qui, jusqu’à une semaine avant l’audition de la présente affaire, était soustrait à la communication en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi, et qui, tout récemment, lui a été divulgué dans le cadre de la série de documents annotés et révisés. Cela, dit‑il, soulève un doute sérieux quant à la fiabilité du processus décisionnel entourant les autres exceptions appliquées en vertu du paragraphe 15(1). Pour ma part, et quoique le professeur Imai m’invite à considérer avec une saine dose de scepticisme les décisions d’Affaires mondiales en matière de divulgation, comme je l’ai dit à ses avocats, j’estime que le rôle de la Cour consiste à évaluer ce qui a été caviardé et non ce qui ne l’a pas été.

[42] Il n’existe aucune liste d’éléments à considérer pour déterminer si Affaires mondiales pouvait raisonnablement s’attendre à ce que la divulgation des renseignements que le professeur Imai voulait obtenir soit préjudiciable. Dans la décision Do‑Ky CF, à propos du refus de communiquer des notes diplomatiques en vertu de l’article 15 de la Loi, le juge Nadon, avant qu’il soit nommé à la Cour d’appel fédérale, a résumé l’angle sous lequel la Cour allait examiner la question, aux pages 923–924 :

Bien qu’aucune règle générale ne puisse être établie quant à la norme de preuve requise dans le cadre de l’article 14, ce qu’examine la Cour, c’est le bien‑fondé de l’opinion honnête, mais peut-être subjective des témoins cités par le gouvernement, opinion basée sur une référence générale aux documents. Les descriptions de préjudice possible, même détaillées, ne suffisent pas en elles‑mêmes. À tout le moins, il faut qu’il y ait un lien clair et direct entre la divulgation de tel ou tel renseignement et le préjudice invoqué. La partie intéressée doit expliquer à la Cour comment ou pourquoi le préjudice invoqué résulterait de la communication de tel ou tel renseignement. Si le comment ou le pourquoi de ce préjudice est évident, l’explication ne doit pas être bien longue. Mais si une déduction est nécessaire ou si le lien n’est pas clair, l’explication doit être plus longue. Plus les preuves et témoignages sont spécifiques et concluants, plus forte est la défense de la confidentialité. Plus les preuves et témoignages sont généraux, plus il serait difficile pour la Cour de conclure au lien entre la divulgation de documents donnés et le préjudice invoqué.

[43] Le professeur Imai soutient que ce que semble faire Affaires mondiales, du moins d’après le dossier public, c’est se servir du paragraphe 15(1) pour éviter de mettre le Canada dans l’embarras, et que le seul préjudice concevable que pourrait causer la communication des documents est un préjudice à la réputation internationale du Canada s’il ressort des documents en question que ce dernier a agi à l’encontre de ses politiques et de ses déclarations publiques; on ne peut pas se servir du paragraphe 15(1), fait valoir le professeur Imai, comme d’un outil pour dissimuler une inconduite ou un comportement gouvernemental embarrassant et le fait de s’en servir ainsi est une erreur susceptible de contrôle (Bronskill, au para 131; Canada (Procureur général) c Commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens, 2007 CF 766 au para 58). Le ministre soutient que l’affirmation du professeur Imai, à savoir que l’utilisation que fait Affaires mondiales du paragraphe 15(1) vise simplement éviter que le gouvernement se trouve dans une situation embarrassante, n’est rien de plus qu’une simple allégation aucunement étayée par la preuve.

[44] Aux dires du ministre, il ressort clairement de la preuve qu’il existe un risque vraisemblable que la divulgation des renseignements porte préjudice à la crédibilité du Canada auprès du gouvernement du Guatemala et d’autres pays étrangers, à l’intégrité et à la crédibilité de la Commission, ainsi qu’aux relations du Canada avec d’autres organismes internationaux. Affaires mondiales soutient que toute personne raisonnable s’attendrait à ce que ce préjudice découle de la divulgation des renseignements caviardés (Do‑Ky CF, à la p 923). De plus, dit le ministre, contrairement à ce qu’affirme le professeur Imai, il existe une preuve, quoique confidentielle, d’un « lien clair et direct », et il ajoute que la preuve du préjudice ressort à l’évidence des raisons invoquées par Affaires mondiales et des renseignements caviardés eux‑mêmes, auxquels le professeur Imai n’a pas accès parce qu’ils sont confidentiels. Quoi qu’il en soit, Affaires mondiales soutient que le statut évolutif de Goldcorp est peu pertinent pour ce qui est de savoir si les renseignements sont protégés par le paragraphe 15(1) de la Loi.

[45] Je suis conscient qu’il est souvent difficile d’évaluer le lien qui existe entre la preuve et le supposé préjudice à partir de la version publique d’un affidavit. Dans la présente affaire, la version publique de l’affidavit de Mme Lafave expose le processus qu’a suivi Affaires mondiales pour conclure à l’application du paragraphe 15(1) de la Loi, les conclusions qui ont été tirées au sujet du risque vraisemblable de préjudice probable, et les facteurs considérés – et les décisions prises – dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appliquer le paragraphe 15(1) en vue de soustraire les renseignements à la communication. Certes, les affirmations de Mme Lafave sont formulées en termes généraux, mais, comme elle l’a dit en contre-interrogatoire, les liens directs se trouvent dans les parties confidentielles de son affidavit.

[46] Le professeur Imai fait valoir qu’il ne suffit pas de dire que les renseignements constituent de la « correspondance diplomatique » pour que l’exception prévue au paragraphe 15(1) s’applique, car il n’existe aucune exception générique pour la correspondance ou les notes diplomatiques et « aucune présomption que ces notes contiennent des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de porter préjudice à la conduite des affaires internationales » (Do‑Ky c Canada (Ministre des Affaires étrangères et du Commerce international), 1999 CanLII 8083, 241 NR 308 (CAF) au para 8 [Do‑Ky CAF]).

[47] Je conviens toutefois que le ministre ne prétend pas que les renseignements soustraits à la communication constituent de la correspondance diplomatique. À l’évidence, ce n’est pas le cas parce que les renseignements en question ne figurent que dans des notes d’information et des courriels internes. Je conviens que, pour étayer sa position, le ministre a cité dans ses observations écrites un extrait de la décision Do‑Ky CF, qui portait sur la question de savoir si la communication d’une note diplomatique pouvait être refusée en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi. Cependant, le ministre est d’avis qu’Affaires mondiales a appliqué l’exception prévue au paragraphe 15(1) pour protéger des renseignements dont la divulgation compromettrait les relations diplomatiques du Canada avec le gouvernement du Guatemala et serait donc préjudiciable pour les affaires internationales, et non pas parce que ces renseignements constituaient de la correspondance diplomatique. Au contraire, je considère bel et bien que l’arrêt Do‑Ky CAF de la Cour d’appel fédérale appuie la thèse selon laquelle le préjudice causé par la divulgation peut ressortir de manière évidente de la nature des renseignements eux-mêmes, mais que, au final, c’est la preuve qui compte.

[48] Quant aux allégations selon lesquelles les renseignements caviardés sont susceptibles de contenir des opinions ou des déclarations franches ou critiques dont la divulgation pourrait vraisemblablement mettre en péril les relations qu’entretient le Canada avec le gouvernement du Guatemala, le CI ou la Commission, le professeur Imai fait valoir que le ministre tente de faire une analogie avec la situation qui est décrite dans la décision de la Cour fédérale Attaran c Canada (Affaires étrangères et Commerce international), 2009 CF 339 [Attaran CF], où la Cour a dit, au paragraphe 48 :

[48] La Cour ne peut écarter la preuve claire et l’opinion d’un capitaine de frégate dans les Forces armées canadiennes ainsi que d’un haut fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, selon lesquelles la divulgation publique des expurgations faites dans les documents en cause risque vraisemblablement de porter préjudice à la conduite des affaires internationales du Canada avec l’Afghanistan, ni en faire abstraction, ni y substituer sa propre opinion. Le fait que d’autres pays ainsi que la Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan ont, à maintes reprises, établi des rapports concernant la torture en Afghanistan ne diminue pas la probabilité qu’une sérieuse critique négative à propos de l’Afghanistan, faite par le Canada dans un rapport officiel, risque vraisemblablement de porter préjudice aux relations du Canada avec les représentants afghans, et ces relations sont nécessaires pour permettre au Canada de conduire ses affaires en Afghanistan.

[Non souligné dans l’original.]

[49] Le professeur Imai attire l’attention sur la dernière phrase de l’extrait qui précède, et il fait valoir qu’étant donné que, à l’époque, une opération militaire active se déroulait en Afghanistan, on s’attendrait raisonnablement à ce que n’importe quelle critique envers ce pays, dans les circonstances, soit préjudiciable aux relations du Canada et à la capacité de ce dernier de conduire ses affaires avec l’Afghanistan. Il ajoute que ce que la Cour a déclaré ne saurait étayer la proposition selon laquelle toute opinion franche à l’égard d’un pays ou d’un organisme international avec lequel le Canada a des relations crée automatiquement un risque vraisemblable de préjudice probable aux relations internationales du Canada si les détails entourant cette opinion franche ou critique sont rendus publics.

[50] Je suis d’accord, mais ce n’est pas ce qu’avance le ministre; il ne fait pas valoir que la déclaration faite dans la décision Attaran CF étaye cette proposition, car cela irait à l’encontre du principe qui se dégage de la décision Bronskill, à savoir que les exceptions à la Loi ne doivent pas servir à prévenir les situations embarrassantes ou à cacher des actes illégaux (Bronskill, au para 131). Le fait qu’une opinion franche ou critique puisse être embarrassante ne peut, en soi, justifier le recours à une exception à la Loi. Cependant, je ne suis pas d’accord avec le professeur Imai pour dire que l’existence d’un risque vraisemblable qu’il soit porté préjudice aux relations internationales du Canada par suite de la communication d’une opinion franche et critique dépend des circonstances qui entourent l’expression de cette opinion, c.‑à‑d. qu’elle doit s’inscrire dans le contexte d’une relation soutenue entre le Canada et l’État ou l’entité internationale visé par l’opinion, ce qui s’apparente à ce qui se passe dans une opération militaire active; la perspective de causer préjudice aux relations internationales du Canada n’a pas forcément de dimension temporelle ou situationnelle et il se peut qu’il faille l’évaluer dans le contexte des rapports existants – émergents peut‑être – et des relations à long terme avec l’État ou l’entité internationale en question.

[51] Après avoir examiné les passages caviardés des documents communiqués et pris en considération les énoncés confidentiels que comporte l’affidavit de Mme Lafave de même que les observations ex parte et à huis clos du ministre, je suis convaincu que la divulgation des renseignements caviardés suscite un risque vraisemblable de préjudice probable aux relations internationales du Canada.

[52] L’affidavit de Mme Lafave confirme qu’il y a eu des consultations internes lors du traitement de la demande fondée sur la LAI entre l’analyste de l’AIPRP et la Direction générale de l’Amérique centrale et des Caraïbes [la Direction générale NLD] quant à la possibilité de divulguer plus de renseignements en réponse à la demande. Mme Lafave a également confirmé, lors de son contre-interrogatoire, que des experts en la matière avaient été consultés. La Direction générale NLD a indiqué qu’elle ne se prononcerait pas en faveur de la divulgation des renseignements pertinents, car ceux-ci étaient liés à des discussions confidentielles qu’elle avait eues avec des homologues compétents, dont l’OEA, la Commission, des gouvernements et des entités du secteur privé. J’aurais tendance à penser que les objections que pourraient soulever la Direction générale NLD, ou les recommandations que les experts en la matière pourraient formuler et qui tendraient à appuyer la décision de ne pas divulguer, seraient expressément liées à la question du préjudice causé aux relations internationales du Canada en cas de divulgation des renseignements caviardés.

[53] Quoi qu’il en soit, et après avoir passé en revue les renseignements caviardés et les renseignements confidentiels, et entendu le ministre ex parte et à huis clos, il me semble évident que la preuve montre un lien clair et direct, allant au‑delà de toute conjecture, entre les renseignements et le préjudice éventuel; à mon avis, il y a plus qu’une simple possibilité que la divulgation de ces renseignements se traduira par une érosion de la confiance dans la capacité du Canada de gérer convenablement les renseignements de nature délicate et les renseignements qui lui sont fournis à titre confidentiel par des États et des organismes internationaux, ou en lien avec ceux‑ci, et par un affaiblissement de la capacité du Canada de conduire ses affaires internationales.

[54] Je suis convaincu que toute personne raisonnable croirait que le préjudice déclaré serait attribuable à la divulgation des renseignements et, de ce fait, qu’Affaires mondiales avait des motifs raisonnables de refuser la divulgation des renseignements caviardés sur le fondement du paragraphe 15(1) de la Loi.

(2) La mise en balance de l’intérêt public à la divulgation – Affaires mondiales s’est penchée sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire de non‑divulgation que lui confère le paragraphe 15(1) de la Loi et l’a exercé de manière raisonnable

[55] Comme j’ai décidé qu’il existe un risque vraisemblable qu’il soit porté préjudice aux relations internationales du Canada si les renseignements caviardés sont divulgués, je vais maintenant examiner le second aspect de l’application du paragraphe 15(1) de la Loi : indépendamment du fait que la divulgation des renseignements est susceptible de porter préjudice aux affaires internationales, faut‑il néanmoins communiquer le dossier (Criminal Lawyers’ Assn., au para 48)?

[56] Pour ce qui est de savoir si Affaires mondiales s’est penché sur la question de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de divulguer des renseignements qui tombaient sous le coup du paragraphe 15(1) de la Loi, le ministre souligne une fois de plus le témoignage que Mme Lafave a donné au sujet des consultations internes qui ont été menées avec la Direction générale NLD, de même qu’avec les experts en la matière, sur la possibilité de divulguer plus de renseignements en réponse à la demande fondée sur la LAI. Cependant, la Direction générale NLD a simplement indiqué qu’elle n’était pas en faveur de la divulgation des renseignements pertinents. J’estime que les passages pertinents de l’affidavit de Mme Lafave ne permettent pas de conclure qu’Affaires mondiales a songé à exercer son pouvoir discrétionnaire, mais qu’ils appuient simplement la première partie du critère établi au paragraphe 15(1) de la Loi : il existe un risque vraisemblable qu’il soit porté préjudice aux affaires internationales du Canada s’il fallait que les renseignements soient divulgués. Dans le même ordre d’idées, j’estime que le témoignage que Mme Lafave a donné en contre‑interrogatoire au sujet des consultations avec des experts en la matière va dans le même sens. Cette partie de son témoignage peut appuyer l’existence d’un risque vraisemblable que la divulgation cause un préjudice probable, mais elle ne permet pas de savoir si Affaires mondiales s’est demandé s’il devait néanmoins exercer son pouvoir discrétionnaire de divulguer les renseignements en question.

[57] Cela dit, j’estime que le fait qu’Affaires mondiales ait continué au fil des ans à communiquer des renseignements au professeur Imai – six communications en tout, dont la plus récente série supplémentaire de renseignements déjà caviardés qu’il a envoyée, comme je l’ai mentionné plus tôt, quelques jours avant l’audience – laisse croire qu’il était conscient du pouvoir discrétionnaire prépondérant qu’il a de consentir à la divulgation; le compte rendu du CI mentionne précisément que des renseignements initialement caviardés en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi ont été, après plus ample examen par Affaires mondiales, divulgués au professeur Imai. Comme cela a été le cas dans l’affaire Attaran, je suis moi aussi d’avis qu’il s’agit là d’une preuve convaincante qu’Affaires mondiales était au fait de son pouvoir discrétionnaire de divulguer des renseignements et qu’il en a tenu compte.

[58] Dans l’ensemble, j’estime que la preuve montre qu’Affaires mondiales savait qu’il disposait d’un pouvoir discrétionnaire qu’il pouvait exercer pour divulguer – ou pas – les renseignements caviardés en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi.

[59] Quant à la question de savoir si Affaires mondiales a exercé de manière raisonnable son pouvoir discrétionnaire de ne pas divulguer les renseignements caviardés, le ministre attire notre attention sur la version publique de l’affidavit de Mme Lafave, qui indique qu’Affaires mondiales a exercé le pouvoir discrétionnaire que confère le paragraphe 15(1) de refuser la divulgation de renseignements caviardés, et ce, après :

[traduction]

  1. avoir conclu que leur divulgation risquerait vraisemblablement de porter préjudice à la conduite par le Canada des affaires internationales et des relations internationales;

  2. avoir conclu que l’importance que le Canada maintienne ses relations avec le gouvernement du Guatemala, la Commission et d’autres États étrangers grâce à la protection des renseignements l’emportait sur toute autre raison de les divulguer;

  3. avoir pris en considération l’objet et la fonction de la Loi de même que l’importance du droit du public d’avoir accès à des renseignements qui relèvent du gouvernement;

  4. avoir pris en compte l’ensemble des facteurs qui auraient porté préjudice aux relations internationales qu’entretenait le Canada avec d’autres États étrangers ou organismes internationaux si les renseignements étaient divulgués, et avoir déterminé que le préjudice causé par la divulgation des renseignements (c.‑à‑d., un manquement à l’attente en matière de confidentialité, la nature délicate des renseignements, les opinions franches, |||||||||||||||||||||||||||| et les renseignements reçus au sujet d’un autre État étranger) l’emportait sur les intérêts publics et privés relatifs à leur divulgation. Autrement dit, Affaires mondiales a décidé que l’intérêt public que protégeait le paragraphe 15(1) l’emportait sur les raisons d’intérêt public et privé justifiant la divulgation des renseignements;

  5. avoir procédé aux prélèvements autorisés par l’article 25 de la Loi de manière à divulguer le maximum de renseignements possible, tout en préservant l’intégrité des documents.

[60] Sont tout aussi importantes les communications échangées entre le CI et Affaires mondiales en décembre 2017 et en janvier 2018 – lesquelles sont jointes en tant que pièces R et S à l’affidavit de Mme Lafave –par lesquelles le CI s’enquiert expressément auprès d’Affaires mondiales des facteurs dont il a tenu compte dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire concernant l’application du paragraphe 15(1) de la Loi, et demande qu’Affaires mondiales lui transmette les renseignements qu’il décidera de divulguer après avoir examiné la façon dont il pourrait exercer son pouvoir discrétionnaire. Affaires mondiales a répondu en énonçant les facteurs en question, et il a confirmé qu’une autre série de documents serait communiquée au professeur Imai – la série de documents de février 2018 a été envoyée peu après.

[61] À l’évidence, la protection de la capacité du Canada de discuter avec le gouvernement du Guatemala, l’OEA, la Commission et d’autres États du monde entier dans le cadre de ses relations avec ces institutions est un facteur qui doit être considéré comme militant en faveur de la non‑communication du dossier. Le professeur Imai admet que, même si l’on peut dire à juste titre que des éléments de preuve étayent la thèse qu’Affaires mondiales a bel et bien exercé son pouvoir discrétionnaire, ce que Mme Lafave déclare dans son affidavit est loin de confirmer qu’Affaires mondiales a tenu compte de facteurs tendant à favoriser la divulgation de renseignements, par opposition à des facteurs favorisant tout simplement la non‑divulgation; il n’y a aucune preuve, dit-il, que l’on a soupesé les facteurs d’intérêt public qui militent en faveur de la divulgation des renseignements au regard des facteurs qui militent en faveur de leur non‑divulgation, comme l’a dit la Cour suprême dans l’arrêt Criminal Lawyers’ Assn.

[62] Je comprends ce qu’avance le professeur Imai; hormis les références à [traduction] « l’objet et la fonction de la Loi » et à l’application de l’article 25 de la Loi, les autres points qu’énonce Mme Lafave dans son affidavit public comme preuve qu’Affaires mondiales a exercé son pouvoir discrétionnaire tendraient à ne militer qu’en faveur de la non‑divulgation. Le professeur Imai soutient qu’il n’y a aucune preuve qu’Affaires mondiales, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, a pris en compte des facteurs tels que l’intérêt du public à accéder aux renseignements, à ce que le gouvernement œuvre en toute transparence, à ce que la tenue de débats publics soit encouragée et à ce que les institutions gouvernementales fonctionnent adéquatement. Plus particulièrement, les facteurs militant en faveur de la divulgation qu’il aurait fallu prendre en compte, dit le professeur Imai, sont les suivants :

  1. le débat public entourant la réglementation des sociétés extractives canadiennes qui exploitent leurs activités à l’étranger et l’appui diplomatique du Canada envers ces sociétés;

  2. l’importance des renseignements pour le débat concernant la protection des droits des Autochtones;

  3. l’intérêt des villageois mayas autochtones à l’égard de l’accès aux renseignements;

  4. le droit de regard du public sur la conduite du Canada par rapport à ses politiques en matière de responsabilité sociale des sociétés;

  5. la légitimité de l’intervention du Canada dans les travaux de la Commission.

[63] Selon le professeur Imai, il y a un intérêt public évident à divulguer les renseignements qu’Affaires mondiales a caviardés : cette divulgation permettra au public de scruter la conduite du Canada par rapport à ses politiques en matière de responsabilité sociale des sociétés et fera avancer le débat public sur la réglementation des sociétés extractives canadiennes qui exercent leurs activités à l’étranger. Il soutient qu’Affaires mondiales était au courant de ce contexte stratégique général et qu’il l’a évoqué à maintes reprises devant le CI. Malgré cela, ajoute-t-il, on ne trouve dans le dossier aucun examen sérieux de l’intérêt public à la divulgation des renseignements.

[64] En fait, au cours de son contre‑interrogatoire, Mme Lafave – qui, en passant, a été affectée comme analyste principale de l’AIPRP au dossier du professeur Imai, le 7 février 2018, soit trois semaines avant l’envoi de la série de documents de février 2018 – a admis ne pouvoir pointer du doigt aucun élément du dossier qui établirait qu’Affaires mondiales, en examinant la question de ne pas refuser la divulgation des renseignements caviardés, a pris en compte le débat public sur la réglementation des sociétés extractives, l’importance des renseignements en question pour la position du Canada sur les droits des peuples autochtones, ou les intérêts particuliers des villageois mayas touchés par la mine.

[65] Le professeur Imai soutient qu’en ignorant pratiquement tous les facteurs d’intérêt public qui militeraient en faveur de la divulgation, et en particulier l’importance des renseignements pour le débat public, ainsi que pour l’élaboration et l’examen des politiques, Affaires mondiales a agi de manière déraisonnable et a commis une erreur de droit. En bref, il soutient qu’Affaires mondiales ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait d’établir qu’il avait pris en considération et mis en balance les éléments d’intérêt public favorisant la divulgation des renseignements avant d’invoquer le paragraphe 15(1) de la Loi.

[66] J’ajouterais à l’argument du professeur Imai que, même les références à l’objet et à la fonction de la Loi, ainsi qu’à l’application de l’article 25 qui figurent dans l’affidavit public de Mme Lafave sont loin de prouver qu’Affaires mondiales a tenu compte de facteurs tendant à favoriser la divulgation des renseignements dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 15(1) de la Loi. Le simple fait de dire qu’Affaires mondiales a pris en compte l’objet et la fonction de la Loi ainsi que l’importance du droit du public d’avoir accès à des renseignements qui relèvent du gouvernement est insuffisant, sans corroboration, pour ne pas tomber dans la catégorie des « déclarations standards » ou « passe‑partout » dont il est question dans l’arrêt CI c PM, aux paragraphes 82–90, et dans l’arrêt Attaran, aux paragraphes 35‑36; cela est de peu d’utilité en l’espèce.

[67] En outre, rien n’indique qu’en procédant aux caviardages comme il l’a fait, Affaires mondiales n’a rien fait de plus que s’acquitter des obligations de prélèvement que lui imposait l’article 25 de la Loi. Je ne suis pas convaincu que le fait qu’Affaires mondiales se soit conformé à l’article 25 de la Loi, sans plus, prouve qu’il a aussi pris en considération les facteurs favorables à la divulgation des renseignements dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

[68] Cependant, comme c’était le cas plus tôt, une bonne partie de la preuve se trouve dans les témoignages confidentiels, et le ministre soutient que, même si l’ensemble des facteurs militant en faveur de la divulgation des renseignements ne sont peut-être pas énoncés explicitement dans le dossier, la Cour peut conclure qu’ils ressortent implicitement de l’analyse qu’Affaires mondiales a effectuée (CI c PM, aux para 82 et 83). Le ministre fait valoir qu’il est raisonnable pour la Cour de conclure que l’analyse reposait sur l’hypothèse que les facteurs tendant à favoriser la divulgation étaient présents. Il ajoute que le simple fait qu’Affaires mondiales n’a pas énuméré les facteurs précis qui, d’après le demandeur, étaient pertinents ne rend pas déraisonnable l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

[69] C’est peut-être le cas, et il est possible de tirer des inférences, mais je garde à l’esprit que la Cour ne peut pas mettre sur le même pied une inférence et une conjecture et qu’« [i]l n’est pas possible de tirer une inférence lorsque la preuve est équivoque en ce sens qu’elle est également compatible avec d’autres inférences ou conclusions » (Attaran, au para 34). En définitive, une inférence est le résultat d’un raisonnement, une conséquence logique ou une déduction raisonnable qui découle d’une preuve non équivoque et établie, tandis qu’une conjecture nécessite un acte de foi (Osmond v Newfoundland (Workers’ Compensation Commission) (2001), 200 Nfld & PEIR 203; Attaran, au para 32-34). Comme l’a écrit la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Attaran, aux paragraphes 35 et 36 :

[35] En l’espèce, rien dans le dossier public ou ex parte présenté à la Cour, y compris les affidavits déposés au nom de l’intimé, ne démontre expressément que le décideur a pris en compte l’existence de son pouvoir discrétionnaire. L’absence d’une telle preuve n’est cependant pas déterminante pour la question. On était en présence d’une situation semblable dans l’affaire Telezone, dans laquelle la Cour a examiné le dossier produit, y compris des documents ministériels internes, afin d’être convaincue que le décideur comprenait l’existence de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire de communiquer les documents.

[36] À l’inverse, tout comme l’absence d’éléments de preuve précis concernant l’exercice du pouvoir discrétionnaire n’est pas déterminante, l’existence d’une déclaration dans un document portant qu’un pouvoir discrétionnaire a été exercé ne sera pas nécessairement déterminante. Conclure qu’une telle déclaration est déterminante pour l’enquête consisterait à accorder plus d’importance à la forme qu’au fond et à encourager l’énoncé de déclarations passe‑partout dans le document du décideur. Dans chaque affaire portant sur l’aspect discrétionnaire de l’article 15 de la Loi, la cour de révision doit examiner l’ensemble de la preuve pour décider si elle est convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que le décideur a compris qu’il avait un pouvoir discrétionnaire de communiquer des documents et qu’il a ensuite exercé ce pouvoir discrétionnaire. La cour de révision peut alors être tenue d’inférer du contenu du document que le décideur a reconnu l’existence du pouvoir discrétionnaire et a ensuite cherché à établir un équilibre entre les intérêts opposés en faveur de la communication et contre celle‑ci, comme la Cour en a discuté dans l’arrêt Telezone, au paragraphe 116.

[Non souligné dans l’original.]

[70] Quant aux facteurs favorables et défavorables à la divulgation qu’Affaires mondiales a pris en considération, la preuve qui figure dans le dossier public comporte un courriel que l’analyste de l’AIPRP a envoyé en janvier 2016 à l’enquêteur du CI et où sont exposés la justification et les facteurs qui ont été pris en compte lors du traitement de la demande fondée sur la LAI du professeur Imai. Mentionnons parmi les facteurs qui tendraient à favoriser la divulgation le fait que les problèmes concernant l’exploitation de la mine Marlin étaient du domaine public depuis un certain temps – les renseignements publics qu’Affaires mondiales a pris en considération comprenaient les enregistrements audio des audiences de la Commission – ainsi que le fait qu’à l’époque de l’envoi du courriel, en janvier 2016, la mine poursuivait ses activités, et ce, généralement sans conflit, du point de vue d’Affaires mondiales du moins. De plus, comme je l’ai mentionné, un certain nombre d’organismes gouvernementaux se sont vivement opposés à l’annulation de la décision de la Commission, ont mis en doute la crédibilité de cette dernière et l’ont accusée d’avoir cédé aux pressions du gouvernement du Guatemala. Le professeur Imai a eu raison de dire qu’Affaires mondiales était au courant à l’époque du contexte stratégique général qui entourait sa demande fondée sur la LAI, car le ministère avait fait référence à ce contexte dans ses échanges avec le CI. De plus, les renseignements qui ont été divulgués au professeur Imai par suite de sa demande fondée sur la LAI renvoyaient à certains égards aux atteintes aux droits de la personne commises au Guatemala en plus d’exposer en détail les allégations formulées contre Goldcorp au sujet du préjudice que subiraient les communautés mayas à cause de la mine Marlin.

[71] De plus, dans les communications échangées entre le CI et Affaires mondiales en décembre 2017 et en janvier 2018, la pièce S – qui est la réponse d’Affaires mondiales au CI – mentionne expressément que le droit d’accès du professeur Imai aux renseignements caviardés – un facteur qui milite en faveur de la divulgation – est supplanté par les facteurs favorisant la non‑divulgation. En fin de compte, je suis convaincu qu’Affaires mondiales a bel et bien cerné et soupesé les facteurs qui tendraient à favoriser la communication du dossier.

[72] Enfin, le professeur Imai fait valoir qu’Affaires mondiales n’a pas tenu compte du temps qui s’était écoulé lors de l’évaluation du risque de préjudice que présentait la divulgation des renseignements pour les relations internationales du Canada et qu’il n’a évalué le risque qu’une telle divulgation posait en 2014, quand il a reçu la demande fondée sur la LAI. Plus particulièrement, le professeur Imai soutient qu’il n’y a dans le dossier public aucune preuve qu’Affaires mondiales a exercé son pouvoir discrétionnaire de divulguer quand même des renseignements sur la situation particulière de l’espèce ou qu’il s’est intéressé à des questions telles que le fait que les audiences de la Commission ont pris fin en 2010, qu’il y a eu une importante couverture médiatique défavorable au Canada et à l’étranger au sujet de la mine Marlin et de la décision rendue par la Commission aussi tardivement qu’en mai 2015, y compris au moment du dépôt de la demande fondée sur la LAI par le professeur Imai, que la mine Marlin a mis fin à ses activités en 2017, que Goldcorp a cessé entièrement d’exercer ses activités au Guatemala, que Goldcorp a été achetée par Newmont Corporation en avril 2019 et n’existe plus en tant que personne morale, et que, depuis 2010, plusieurs gouvernements se sont succédé au Canada.

[73] Cependant, la preuve, en l’occurrence le compte rendu sommaire déposé en tant que pièce A jointe à l’affidavit de Mme Lafave, renvoie expressément à des documents qui n’ont pas été communiqués, mais qui font maintenant l’objet d’un examen en vue d’une éventuelle communication à cause du temps écoulé – un facteur qui milite en faveur de la communication. Dans les circonstances, le professeur Imai ne m’a pas convaincu de renvoyer l’affaire à Affaires mondiales juste pour que l’on examine si le temps écoulé justifie à lui seul la divulgation d’une partie quelconque des renseignements caviardés. Il lui est loisible de présenter une nouvelle demande d’accès s’il le désire.

[74] De plus, je ne suis pas convaincu que le récit du statut évolutif de Goldcorp pèserait lourd dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que le paragraphe 15(1) de la Loi confère à Affaires mondiales. Ce qui est en jeu dans cette exception, c’est le préjudice porté à la capacité du Canada de conduire ses affaires internationales, et je ne suis pas convaincu que le statut de la mine ou le statut évolutif de Goldcorp, et encore moins le fait que des gouvernements différents se sont succédé au Canada depuis 2010, comme l’a fait valoir le professeur Imai, se situeraient à l’avant-plan de l’exercice du pouvoir discrétionnaire que le paragraphe 15(1) de la Loi confère à Affaires mondiales.

[75] Il est certes loisible à la Cour d’inférer raisonnablement que l’ensemble des facteurs, dont ceux qui favorisent la divulgation des renseignements, ont été dûment pris en compte dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire de refuser de divulguer des renseignements, et que l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire n’est pas déraisonnable parce que le décideur n’a pas fait expressément état de certains facteurs favorables à la divulgation que l’auteur d’une demande considère comme pertinents (CI c PM, aux para 82-90). Il n’est pas nécessaire non plus que le gouvernement fournisse une liste détaillée des faits dont il a tenu compte pour arriver à sa décision de ne pas divulguer des renseignements.

[76] Après avoir examiné, en outre, le dossier confidentiel et après avoir entendu également le ministre ex parte et à huis clos, je conclus qu’il y avait des motifs raisonnables pour lesquels Affaires mondiales pouvait refuser la divulgation; la preuve est suffisante – qu’elle ressorte expressément du dossier ou qu’elle puisse en être inférée – pour conclure qu’Affaires mondiales a exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire en décidant d’exclure les renseignements après avoir soupesé les facteurs d’intérêt public et privé favorisant la divulgation des renseignements au regard des facteurs d’intérêt public qui militaient en faveur de leur non‑divulgation. De plus, la décision d’Affaires mondiales de refuser la divulgation en application du paragraphe 15(1) de la Loi était transparente et intelligible, et donc raisonnable.

B. L’alinéa 20(1)c) de la Loi

[77] Maintenant que la Cour a conclu que le paragraphe 15(1) de la Loi avait été correctement appliqué aux renseignements contenus dans la série de documents de février 2018 – et mentionnés dans le tableau ci‑dessus –, que l’article 19 avait été correctement appliqué aux renseignements contenus dans les documents 2a) et b) et 4b) et d) et que les renseignements contenus dans le document 12b) avaient déjà été divulgués au professeur Imai, il reste à examiner les renseignements contenus dans le document 6b), auxquels ont été appliqués les alinéas 20(1)b) et 21(1)b) de la Loi.

[78] Le paragraphe 20(1) dispose :

Renseignements de tiers

Third party information

20(1) Le responsable d’une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant :

20(1) Subject to this section, the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Part that contains

[…]

. . .

c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;

(c) information the disclosure of which could reasonably be expected to result in material financial loss or gain to, or could reasonably be expected to prejudice the competitive position of, a third party;

[79] L’alinéa 20(1)c) crée une exception de nature impérative, axée sur un préjudice éventuel, aux termes de laquelle, dès lors qu’il est décidé que les renseignements en cause relèvent de la catégorie visée, la communication des documents qui les contiennent doit être refusée. L’alinéa 20(1)c) est visé par la mesure prévue à l’article 49 de la Loi, que voici :

Ordonnance de la Cour dans les cas où le refus n’est pas autorisé

Order of Court where no authorization to refuse disclosure found

49 La Cour, dans les cas où elle conclut au bon droit de la personne qui a exercé un recours en révision d’une décision de refus de communication totale ou partielle d’un document fondée sur des dispositions de la présente partie autres que celles mentionnées à l’article 50, ordonne, aux conditions qu’elle juge indiquées, au responsable de l’institution fédérale dont relève le document en litige d’en donner à cette personne communication totale ou partielle; la Cour rend une autre ordonnance si elle l’estime indiqué.

49 Where the head of a government institution refuses to disclose a record requested under this Part or a part thereof on the basis of a provision of this Part not referred to in section 50, the Court shall, if it determines that the head of the institution is not authorized to refuse to disclose the record or part thereof, order the head of the institution to disclose the record or part thereof, subject to such conditions as the Court deems appropriate, to the person who requested access to the record, or shall make such other order as the Court deems appropriate.

[80] Selon l’article 49 de la Loi, la cour de révision doit décider de novo si l’exception a été appliquée correctement et si le refus de communiquer les renseignements visés par l’exception revendiquée « était autorisé », en tenant compte de la preuve présentée par les parties, qui peut inclure des éléments dont ne disposait pas l’institution fédérale au moment où elle a rendu la décision initiale (article 44.1 de la Loi; Merck Frosst, au para 53). Par ailleurs, la Cour n’est pas tenue de faire preuve de retenue envers le point de vue de l’institution fédérale, mais doit plutôt appliquer la norme de la décision correcte dans son examen relatif à l’applicabilité de l’exception (Canada (Commissaire à l’information) c Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), 2003 CSC 8 au para 19; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 10, 16 et 17). Si la Cour décide que l’institution fédérale n’était pas autorisée à refuser de divulguer les renseignements visés par l’exception revendiquée, elle peut substituer sa propre décision à celle de l’institution fédérale et ordonner que les renseignements soient communiqués, aux conditions qu’elle juge indiquées (Commissaire c Défense, au para 22).

[81] Quant à la norme de preuve applicable, il s’agit du risque vraisemblable de préjudice probable; ce risque de préjudice doit être établi selon une norme qui est plus beaucoup plus exigeante que la simple possibilité ou conjecture, mais qui n’atteint cependant pas celle d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la divulgation des renseignements occasionnera effectivement un tel préjudice. Autrement dit, la partie qui souhaite ne pas divulguer les renseignements n’a pas à établir, selon la prépondérance des probabilités, que le préjudice se produira effectivement si les documents sont communiqués, mais elle doit néanmoins faire davantage que simplement démontrer que le préjudice peut se produire (Merck Frosst, aux para 192 à 196, 204 et 206).

[82] Le professeur Imai soutient, et je suis d’accord avec lui, qu’il appartient au ministre d’établir le risque vraisemblable de préjudice que causerait la divulgation des renseignements afin que l’exception s’applique. Il fait valoir que, dans la présente affaire, le risque vraisemblable de préjudice probable doit être lié à Goldcorp. On ne saurait donc dire que la divulgation risquerait vraisemblablement de causer un préjudice financier se traduisant par des pertes ou profits financiers, ou de nuire à la compétitivité, alors que la société n’existe plus et que la mine a fermé en 2017. Il me faut aussi mentionner que Newmont Corporation a été invitée à prendre part à la présente instance, de même qu’à la requête en confidentialité, et qu’elle a décidé de ne pas le faire.

[83] Le professeur Imai soutient que la fenêtre temporelle en fonction de laquelle il convient de déterminer s’il y a eu préjudice devrait être le présent, car je procède à une révision de novo et je peux tenir compte de renseignements que n’avait pas en main l’analyste de l’AIPRP qui a décidé, à l’époque où la demande fondée sur la LAI a été présentée en 2014, de ne pas divulguer les renseignements en vertu de l’alinéa 20(1)c) de la Loi. Je ne suis pas d’accord. Bien qu’il soit loisible à la Cour de prendre en considération des éléments de preuve dont le décideur ne disposait pas à l’époque, il n’en demeure pas moins que la présente instance se rapporte au bien‑fondé du refus de divulguer des renseignements dans le cadre de la série de documents de février 2018. Même en présumant qu’Affaires mondiales devait tenir compte dans son évaluation du statut évolutif de Goldcorp – une proposition à laquelle je n’adhère pas forcément – et indépendamment du fait que la fenêtre temporelle applicable est celle où la demande fondée sur la LAI a été examinée en 2014 ou celle où la série de documents de février 2018 a été transmise, c’est‑à‑dire en février 2018, non seulement ne savait‑on pas clairement si Affaires mondiales était au courant de la fermeture de la mine – en présumant que ce fait soit même pertinent – mais Goldcorp était bel et bien en vie et active, à la mine Marlin et en Amérique centrale.

[84] Après avoir examiné les renseignements caviardés dans le document 6b) et pris en considération les passages pertinents de l’affidavit confidentiel de Mme Lafave, de même que les renseignements contextuels confidentiels dont disposait à l’époque l’analyste de l’AIPRP et les passages caviardés de la réponse d’Affaires mondiales au CI du 5 janvier 2018 (réponse jointe à l’affidavit), je suis convaincu qu’on aurait pu raisonnablement s’attendre à ce que, à l’époque, la divulgation des renseignements aurait eu pour effet – et ce risque va au‑delà de la simple possibilité – de causer des pertes financières appréciables à Goldcorp et de nuire à sa compétitivité là où cette société exerçait ses activités en Amérique centrale, y compris la position concurrentielle qu’elle occupait à l’époque au Guatemala.

[85] La preuve n’indique pas qu’Affaires mondiales a accordé une attention particulière à l’application de l’alinéa 21(1)c), mais j’admets que Mme Lafave, en contre-interrogatoire, a été incapable de nommer une mine en Amérique centrale, à part la mine Marlin, qu’Affaires mondiales a prise en compte dans sa décision de caviarder les renseignements, et que rien dans la preuve ne tend à démontrer que les doutes exprimés par Affaires mondiales quant à la divulgation des renseignements avaient été confirmés auprès de Goldcorp. Cela dit, refuser de divulguer les renseignements sans consulter Goldcorp était l’une des options dont disposait Affaires mondiales (Merck Frosst, aux para 71 et 73). Je suis néanmoins convaincu, après avoir examiné le caviardage des renseignements contenus dans le document 6b) et des autres renseignements, que leur divulgation aurait vraisemblablement nui à la situation financière et concurrentielle de Goldcorp; la question me semble aller de soi, et je soupçonne que c’est également le cas pour Affaires mondiales.

[86] Cela dit, il semble que la dernière phrase des renseignements caviardés dans le document 6b) a déjà été mise à la disposition du professeur Imai à la suite d’une demande de divulgation antérieure. Le ministre semble n’avoir aucune objection à ce que notre Cour en ordonne la divulgation. Le problème semble être que la série de documents de février 2018 a déjà été communiquée et que, comme l’a mentionné notre Cour dans la décision Recall Total Information Management Inc c Canada (Revenu national), 2015 CF 848, le décideur ne peut pas changer d’avis; toutefois, le ministre peut lui‑même le faire dans le cadre du litige. Dans les circonstances, et bien que je puisse ordonner la divulgation de cette partie des renseignements caviardés, je ne vois aucune raison de le faire; les renseignements sont déjà entre les mains du professeur Imai (voir aussi la décision Recall Total Information Management Inc. c Canada (Revenu national), 2015 CF 1128 au para 6).

[87] Comme j’ai décidé qu’Affaires mondiales avait appliqué correctement l’alinéa 20(1)c) de la Loi aux renseignements contenus dans le document 6b), il n’est pas nécessaire que je me penche sur l’application de l’alinéa 21(1)b) de la Loi à ces mêmes renseignements. Dans les circonstances, je conclus qu’Affaires mondiales s’est acquitté correctement de son devoir de non‑divulgation, et qu’il était autorisé à refuser de divulguer les renseignements qui sont contenus dans le document 6b) mentionné dans le tableau reproduit plus tôt.

VI. Conclusion et dépens

[88] Compte tenu de ma décision concernant l’application du paragraphe 15(1), de l’article 19 et de l’alinéa 20(1)c) de la Loi, il n’est pas nécessaire que j’examine les autres exceptions qui se recoupent et qui favoriseraient la non‑communication du dossier au professeur Imai. Je suis donc d’avis de rejeter la présente demande.

[89] Quant aux dépens, après avoir passé en revue les observations écrites des parties, j’exerce mon pouvoir discrétionnaire d’ordonner que le professeur Imai paie au ministre des dépens de 5 000 $.


JUGEMENT dans le dossier T‑1170‑19

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens de 5 000 $ payables par le demandeur au défendeur.

« Peter G. Pamel »

Juge

Traduction certifiée conforme

Édith Malo


Annexe

Loi sur l’accès à l’information, LRC (1985), c A‑1

Renseignements obtenus à titre confidentiel

Information obtained in confidence

13(1) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d’une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant des renseignements obtenus à titre confidentiel :

13(1) Subject to subsection (2), the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Part that contains information that was obtained in confidence from

a) des gouvernements des États étrangers ou de leurs organismes;

(a) the government of a foreign state or an institution thereof;

b) des organisations internationales d’États ou de leurs organismes;

(b) an international organization of states or an institution thereof;

[…]

. . .

Affaires internationales et défense

International affairs and defence

15(1) Le responsable d’une institution fédérale peut refuser la communication de documents contenant des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de porter préjudice à la conduite des affaires internationales, à la défense du Canada ou d’États alliés ou associés avec le Canada ou à la détection, à la prévention ou à la répression d’activités hostiles ou subversives, notamment :

15(1) The head of a government institution may refuse to disclose any record requested under this Part that contains information the disclosure of which could reasonably be expected to be injurious to the conduct of international affairs, the defence of Canada or any state allied or associated with Canada or the detection, prevention or suppression of subversive or hostile activities, including, without restricting the generality of the foregoing, any such information

a) des renseignements d’ordre tactique ou stratégique ou des renseignements relatifs aux manœuvres et opérations destinées à la préparation d’hostilités ou entreprises dans le cadre de la détection, de la prévention ou de la répression d’activités hostiles ou subversives;

(a) relating to military tactics or strategy, or relating to military exercises or operations undertaken in preparation for hostilities or in connection with the detection, prevention or suppression of subversive or hostile activities;

b) des renseignements concernant la quantité, les caractéristiques, les capacités ou le déploiement des armes ou des matériels de défense, ou de tout ce qui est conçu, mis au point, produit ou prévu à ces fins;

(b) relating to the quantity, characteristics, capabilities or deployment of weapons or other defence equipment or of anything being designed, developed, produced or considered for use as weapons or other defence equipment;

c) des renseignements concernant les caractéristiques, les capacités, le rendement, le potentiel, le déploiement, les fonctions ou le rôle des établissements de défense, des forces, unités ou personnels militaires ou des personnes ou organisations chargées de la détection, de la prévention ou de la répression d’activités hostiles ou subversives;

(c) relating to the characteristics, capabilities, performance, potential, deployment, functions or role of any defence establishment, of any military force, unit or personnel or of any organization or person responsible for the detection, prevention or suppression of subversive or hostile activities;

d) des éléments d’information recueillis ou préparés aux fins du renseignement relatif à :

(d) obtained or prepared for the purpose of intelligence relating to

(i) la défense du Canada ou d’États alliés ou associés avec le Canada,

(i) the defence of Canada or any state allied or associated with Canada, or

(ii) la détection, la prévention ou la répression d’activités hostiles ou subversives;

(ii) the detection, prevention or suppression of subversive or hostile activities;

e) des éléments d’information recueillis ou préparés aux fins du renseignement relatif aux États étrangers, aux organisations internationales d’États ou aux citoyens étrangers et utilisés par le gouvernement du Canada dans le cadre de délibérations ou consultations ou dans la conduite des affaires internationales;

(e) obtained or prepared for the purpose of intelligence respecting foreign states, international organizations of states or citizens of foreign states used by the Government of Canada in the process of deliberation and consultation or in the conduct of international affairs;

f) des renseignements concernant les méthodes et le matériel technique ou scientifique de collecte, d’analyse ou de traitement des éléments d’information visés aux alinéas d) et e), ainsi que des renseignements concernant leurs sources;

(f) on methods of, and scientific or technical equipment for, collecting, assessing or handling information referred to in paragraph (d) or (e) or on sources of such information;

g) des renseignements concernant les positions adoptées ou envisagées, dans le cadre de négociations internationales présentes ou futures, par le gouvernement du Canada, les gouvernements d’États étrangers ou les organisations internationales d’États;

(g) on the positions adopted or to be adopted by the Government of Canada, governments of foreign states or international organizations of states for the purpose of present or future international negotiations;

h) des renseignements contenus dans la correspondance diplomatique échangée avec des États étrangers ou des organisations internationales d’États, ou dans la correspondance officielle échangée avec des missions diplomatiques ou des postes consulaires canadiens;

(h) that constitutes diplomatic correspondence exchanged with foreign states or international organizations of states or official correspondence exchanged with Canadian diplomatic missions or consular posts abroad; or

i) des renseignements relatifs à ceux des réseaux de communications et des procédés de cryptographie du Canada ou d’États étrangers qui sont utilisés dans les buts suivants :

(i) relating to the communications or cryptographic systems of Canada or foreign states used

(i) la conduite des affaires internationales,

(i) for the conduct of international affairs,

(ii) la défense du Canada ou d’États alliés ou associés avec le Canada,

(ii) for the defence of Canada or any state allied or associated with Canada, or

(iii) la détection, la prévention ou la répression d’activités hostiles ou subversives.

(iii) in relation to the detection, prevention or suppression of subversive or hostile activities.

[…]

. . .

Renseignements de tiers

Third party information

20(1) Le responsable d’une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant :

20(1) Subject to this section, the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Part that contains

[…]

. . .

b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers;

(b) financial, commercial, scientific or technical information that is confidential information supplied to a government institution by a third party et is treated consistently in a confidential manner by the third party;

[…]

. . .

c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;

(c) information the disclosure of which could reasonably be expected to result in material financial loss or gain to, or could reasonably be expected to prejudice the competitive position of, a third party;

[…]

. . .

Avis, etc.

Advice, etc.

21(1) Le responsable d’une institution fédérale peut refuser la communication de documents datés de moins de vingt ans lors de la demande et contenant :

21(1) The head of a government institution may refuse to disclose any record requested under this Part that contains

a) des avis ou recommandations élaborés par ou pour une institution fédérale ou un ministre;

(a) advice or recommendations developed by or for a government institution or a minister of the Crown,

b) des comptes rendus de consultations ou délibérations auxquelles ont participé des administrateurs, dirigeants ou employés d’une institution fédérale, un ministre ou son personnel;

(b) an account of consultations or deliberations in which directors, officers or employees of a government institution, a minister of the Crown or the staff of a minister participate,

[…]

. . .

Révision par la Cour fédérale : plaignant

Review by Federal Court — complainant

41(1) Le plaignant dont la plainte est visée à l’un des alinéas 30(1)a) à e) et qui reçoit le compte rendu en application du paragraphe 37(2) peut, dans les trente jours ouvrables suivant la réception par le responsable de l’institution fédérale du compte rendu, exercer devant la Cour un recours en révision des questions qui font l’objet de sa plainte.

41(1) A person who makes a complaint described in any of paragraphs 30(1)(a) to (e) and who receives a report under subsection 37(2) in respect of the complaint may, within 30 business days after the day on which the head of the government institution receives the report, apply to the Court for a review of the matter that is the subject of the complaint.

Révision par la Cour fédérale : institution fédérale

Review by Federal Court — government institution

41(2) Le responsable d’une institution fédérale qui reçoit le compte rendu en application du paragraphe 37(2) peut, dans les trente jours ouvrables suivant la réception du compte rendu, exercer devant la Cour un recours en révision de toute question dont traite l’ordonnance contenue dans le compte rendu.

41(2) The head of a government institution who receives a report under subsection 37(2) may, within 30 business days after the day on which they receive it, apply to the Court for a review of any matter that is the subject of an order set out in the report.

Révision par la Cour fédérale : tiers

Review by Federal Court — third parties

41(3) Si aucun recours n’est exercé en vertu des paragraphes (1) ou (2) dans le délai prévu à ces paragraphes, le tiers qui reçoit le compte rendu en application du paragraphe 37(2) peut, dans les dix jours ouvrables suivant l’expiration du délai prévu au paragraphe (1), exercer devant la Cour un recours en révision de l’application des exceptions prévues par la présente partie pouvant s’appliquer aux documents susceptibles de contenir les renseignements visés au paragraphe 20(1) et faisant l’objet de la plainte sur laquelle porte le compte rendu.

41(3) If neither the person who made the complaint nor the head of the government institution makes an application under this section within the period for doing so, a third party who receives a report under subsection 37(2) may, within 10 business days after the expiry of the period referred to in subsection (1), apply to the Court for a review of the application of any exemption provided for under this Part that may apply to a record that might contain information described in subsection 20(1) and that is the subject of the complaint in respect of which the report is made.

Révision par la Cour fédérale : Commissaire à la protection de la vie privée

Review by Federal Court — Privacy Commissioner

41(4) Si aucun recours n’est exercé en vertu des paragraphes (1) ou (2) dans le délai prévu à ces paragraphes, le Commissaire à la protection de la vie privée qui reçoit le compte rendu en application du paragraphe 37(2) peut, dans les dix jours ouvrables suivant l’expiration du délai prévu au paragraphe (1), exercer devant la Cour un recours en révision de toute question relative à la communication d’un document susceptible de contenir des renseignements personnels et faisant l’objet de la plainte sur laquelle porte le compte rendu.

41(4) If neither the person who made the complaint nor the head of the institution makes an application under this section within the period for doing so, the Privacy Commissioner, if he or she receives a report under subsection 37(2), may, within 10 business days after the expiry of the period referred to in subsection (1), apply to the Court for a review of any matter in relation to the disclosure of a record that might contain personal information and that is the subject of the complaint in respect of which the report is made.

Défendeur

Respondents

41(5) La personne qui exerce un recours au titre des paragraphes (1), (3) ou (4) ne peut désigner, à titre de défendeur, que le responsable de l’institution fédérale concernée; le responsable d’une institution fédérale qui exerce un recours au titre du paragraphe (2) ne peut désigner, à titre de défendeur, que le Commissaire à l’information.

41(5) The person who applies for a review under subsection (1), (3) or (4) may name only the head of the government institution concerned as the respondent to the proceedings. The head of the government institution who applies for a review under subsection (2) may name only the Information Commissioner as the respondent to the proceedings.

Date réputée de réception

Deemed date of receipt

41(6) Pour l’application du présent article, le responsable de l’institution fédérale est réputé avoir reçu le compte rendu le cinquième jour ouvrable suivant la date que porte le compte rendu.

41(6) For the purposes of this section, the head of the government institution is deemed to have received the report on the fifth business day after the date of the report.

[…]

. . .

Ordonnance de la Cour dans les cas où le refus n’est pas autorisé

Order of Court where no authorization to refuse disclosure found

49 La Cour, dans les cas où elle conclut au bon droit de la personne qui a exercé un recours en révision d’une décision de refus de communication totale ou partielle d’un document fondée sur des dispositions de la présente partie autres que celles mentionnées à l’article 50, ordonne, aux conditions qu’elle juge indiquées, au responsable de l’institution fédérale dont relève le document en litige d’en donner à cette personne communication totale ou partielle; la Cour rend une autre ordonnance si elle l’estime indiqué.

49 Where the head of a government institution refuses to disclose a record requested under this Part or a part thereof on the basis of a provision of this Part not referred to in section 50, the Court shall, if it determines that the head of the institution is not authorized to refuse to disclose the record or part thereof, order the head of the institution to disclose the record or part thereof, subject to such conditions as the Court deems appropriate, to the person who requested access to the record, or shall make such other order as the Court deems appropriate.

Ordonnance de la Cour dans les cas où le préjudice n’est pas démontré

Order of Court where reasonable grounds of injury not found

50 Dans les cas où le refus de communication totale ou partielle du document s’appuyait sur les articles 14 ou 15 ou sur les alinéas 16(1)c) ou d) ou 18d), la Cour, si elle conclut que le refus n’était pas fondé sur des motifs raisonnables, ordonne, aux conditions qu’elle juge indiquées, au responsable de l’institution fédérale dont relève le document en litige d’en donner communication totale ou partielle à la personne qui avait fait la demande; la Cour rend une autre ordonnance si elle l’estime indiqué.

50 Where the head of a government institution refuses to disclose a record requested under this Part or a part thereof on the basis of section 14 or 15 or paragraph 16(1)(b) or (d) or 18(d), the Court shall, if it determines that the head of the institution did not have reasonable grounds on which to refuse to disclose the record or part thereof, order the head of the institution to disclose the record or part thereof, subject to such conditions as the Court deems appropriate, to the person who requested access to the record, or shall make such other order as the Court deems appropriate.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1170‑19

 

INTITULÉ :

SHIN IMAI c SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR vidÉoconfÉrence

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LES 2 ET 16 MARS 2021

 

jUGEMENT ET MOTIFS PUBLICS :

LE JUGE PAMEL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 29 DÉcembrE 2021

 

COMPARUTIONS :

Yana Sobiski

Luke Hildebrand

 

POUR LE DEMANDEUR

Dhara Drew

Kyla Pedersen

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Major Sobiski Moffatt LLP

Kenora, (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.