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Date : 20020328

Dossier : IMM-2388-01

OTTAWA (ONTARIO), LE 28 MARS 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE McKEOWN

ENTRE :

                                                                              JIE LI

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                                     ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                                                                                       « W.P. McKeown »

                                                                                                                                                               JUGE

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.


Date : 20020328

Dossier : IMM-2388-01

Référence neutre : 2002 CFPI 358

ENTRE :

                                                                              JIE LI

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN

[1]                 La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue par la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ( « la Commission » ), en date du 12 avril 2001, par laquelle celle-ci a conclu que la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention.

        Il s'agit de savoir si la Commission a commis une erreur quant aux conclusions qu'elle a tirées sur la plausibilité du récit et quant à son appréciation de la crédibilité en général.

        La demanderesse est citoyenne chinoise. Elle a dit craindre avec raison d'être persécutée du fait de ses opinions politiques, plus précisément du fait de son appartenance au Parti libéral-démocratique de Chine (le « PLDC » ). La Commission a conclu que le récit de la demanderesse au sujet de son adhésion au PLDC n'était pas crédible. De l'avis de la Commission, le scénario selon lequel la demanderesse, qui possède une formation universitaire, se serait jointe au Parti une semaine seulement après avoir appris son existence n'était pas plausible, étant donné que la demanderesse était mal informée de la structure et de l'organisation du parti, ainsi que des risques auxquels elle s'exposait. La Commission a jugé que la demanderesse avait donné des réponses vagues sur sa connaissance du Parti et qu'elle semblait avoir appris un texte par coeur. Elle aurait distribué des tracts sans être en mesure d'en identifier l'auteur, et sa déposition orale à propos des renseignements qui y étaient contenus n'apprenait rien à la majorité des citoyens chinois. La Commission est également arrivée à la conclusion que la demanderesse ne savait rien des autres membres du Parti.


        En ce qui a trait à l'activité politique de la demanderesse, la Commission n'a pas jugé plausible la prétention de la demanderesse qu'elle ne craignait pas de distribuer des tracts dans des endroits publics pour dénoncer le gouvernement, surtout à la veille de la commémoration du massacre de la place Tiananmen. La même conclusion s'imposait pour la Commission quant au fait que la demanderesse n'avait appris l'existence du Parti démocratique chinois qu'en 1998, compte tenu qu'elle appartenait à la Ligue des jeunesses communistes et qu'elle était étudiante à l'université lors du mouvement pro-démocratie en 1989, et compte tenu qu'elle a prétendu toujours s'être intéressée à la démocratie.

        En ce qui concerne les agissements de la demanderesse à l'aéroport dès son arrivée au pays, la Commission a conclu qu'il était invraisemblable que la demanderesse ait été dans l'ignorance concernant les arrangements pris en vue de son séjour au Canada et son itinéraire, du fait de son appartenance au monde des affaires et parce qu'elle a réussi à convaincre un agent des visas, lors d'une entrevue, du but de son voyage. La demanderesse s'est de plus contredite en témoignant qu'elle s'était rendue aux toilettes et qu'elle avait pris ses bagages avec elle, pour ensuite déclarer qu'elle ne s'y était pas rendue. En outre, vu qu'elle ne connaissait personne au Canada, il semble peu vraisemblable qu'en un jour elle ait pu quitter l'aéroport en taxi, se trouver un journal chinois et une télécarte, se louer une chambre d'un propriétaire à Scarborough, après avoir pris le taxi de l'aéroport jusqu'au quartier chinois, et téléphoner à sa mère et à l'époux d'un membre du Parti. La Commission a également écarté certaines preuves documentaires. La Commission s'est dit d'avis que les documents produits par la demanderesse pour étayer ses prétendues activités politiques étaient des faux et a cité des preuves documentaires établissant qu'il était facile d'obtenir de faux documents en Chine.


        La demanderesse soutient que la Commission a commis une erreur en tirant plusieurs conclusions de fait démesurées et qu'en conséquence certaines d'entre elles sont abusives ou arbitraires. Cependant, bien que la Commission ait pu exagérer certains faits, ceux-ci ne sous-tendent pas les conclusions de crédibilité tirées par la Commission en ce qui a trait aux questions traitées plus haut. Par exemple, lorsque la Commission a discuté de l'adhésion de la demanderesse au Parti dans la semaine suivant le jour où elle a appris son existence, la Commission n'a pas jugé vraisemblable le fait que la demanderesse ait été si mal informée sur le Parti à ce moment-là. Selon la preuve, la demanderesse a décidé après neuf jours de joindre les rangs du Parti et, officiellement, elle s'y est jointe onze jours après en avoir appris l'existence. La différence entre une semaine et ces chiffres n'est pas assez importante pour dissiper le doute qu'avait la Commission. Qui plus est, la Commission a indiqué que la demanderesse avait témoigné en ces termes : [traduction] « J'étais prête à renoncer à ma vie et à combattre pour le parti » , alors qu'elle a prononcé les mots « combattre pour mes idéaux » . Cependant, dans la phrase précédente, elle avait parlé de se joindre au Parti, pour ensuite revenir sur le même sujet dans la phrase suivante. En conséquence, la substitution du mot « parti » pour « idéaux » n'est pas significative dans le contexte où l'affirmation a été faite. Il s'agit d'une erreur, mais non d'une erreur susceptible de révision. La demanderesse a également fait valoir qu'elle n'était pas étudiante à l'université au moment où le massacre de la place Tiananmen a eu lieu en 1989. Elle a cependant obtenu ce statut à l'automne de cette année-là et, comme elle appartenait déjà à la Ligue des jeunesses communistes et qu'elle insistait pour dire qu'elle s'était toujours intéressée à la démocratie, il était loisible à la Commission de conclure au caractère peu vraisemblable de la thèse selon laquelle la demanderesse n'a appris l'existence du Parti démocratique chinois qu'en 1998.

        En outre, selon la demanderesse, il est faux de prétendre qu'elle portait sur elle une carte de la Ligue des jeunesses communistes, alors qu'aucune preuve n'établit qu'elle disposait d'une carte de membre. Il a toutefois été convenu qu'elle en était membre. Encore une fois, cela n'a aucune incidence sur la conclusion d'invraisemblance tirée par la Commission.

        Aux dires de la demanderesse, la Commission a également commis une erreur lorsqu'elle a jugé qu'il était peu vraisemblable que la demanderesse ait pu en accomplir tant dans une journée après son arrivée à Toronto et en ne parlant pas un mot d'anglais. Il appert des éléments de preuve dont disposait la Commission que la demanderesse parlait un peu l'anglais, et celle-ci a témoigné qu'elle aurait été capable d'accomplir énormément de choses dans une journée même avec une bonne maîtrise de l'anglais. Quoique j'aurais pu statuer différemment sur la question, ce n'était ni abusif ni arbitraire de la part de la Commission de conclure à l'invraisemblance du scénario selon lequel la demanderesse a pu en faire autant dans une journée.

        Il importe d'examiner les conclusions de la Commission à la lumière du droit qui s'applique à la décision de la Commission sur le caractère plausible du comportement humain. Le juge Sharlow, maintenant juge à la Cour d'appel, a déclaré dans l'affaire Gonzalez c. Canada (M.C.I.), [1999] A.C.F. no 805 :

La Cour est d'avis que la SSR était en droit d'évaluer la conduite de la demanderesse comme elle l'a fait, en tenant compte de son récit, de même que de la manière dont il a été livré et vérifié au cours de l'audience, avec comme arrière-plan les autres preuves et sa propre perception du comportement humain. L'opinion de la Cour est appuyée par les observations du juge O'Halloran dans l'affaire Faryna c. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354, à la page 357 (C.A.C.-B.) :


[TRADUCTION] En résumé, le véritable critère de la véracité du récit d'un témoin [...] doit être sa compatibilité avec la prépondérance des probabilités qu'une personne raisonnable et informée reconnaîtrait d'emblée comme étant raisonnable à cet endroit et dans ces conditions.

La Cour ne voit rien dans l'affaire Giron qui soit incompatible avec cette conclusion. Elle se réfère à cet égard aux commentaires du juge Décary dans l'affaire Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.), aux pages 316 et 317 :

Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire.

                                                                                                        

À mon sens, les conclusions de fait tirées par la Commission, lesquelles s'appuient sur ses conclusions relatives à la vraisemblance du récit, ne sont en l'espèce ni abusives ni arbitraires.

[10]            À l'audience, la Commission n'était nullement tenue d'aviser la demanderesse des réserves qu'elle avait par rapport à son témoignage, dont la faiblesse a donné lieu à des situations invraisemblables. Voir : Appau c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 300 (1re inst.) et Danquah c. Le Secrétaire d'État du Canada, [1994] A.C.F. no 1704.


[11]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                         « W.P. McKeown »

                                                                                 JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 28 mars 2002

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-2388-01

INTITULÉ :                                                        Jie Li c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :                               Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                              Le 19 mars 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              Le juge McKeown

DATE DES MOTIFS :                                     Le 28 mars 2002

COMPARUTIONS :

M. Michael Brodzky                                                          POUR LA DEMANDERESSE

Mme Ann Margaret Oberst                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Michael Brodzky                                                          POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                                                        POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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