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Date : 20211112


Dossier : IMM-260-21

Référence : 2021 CF 1201

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 12 novembre 2021

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

BILE SHEIKH OMAR

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision, datée du 2 janvier 2020 [la décision contestée], par laquelle un agent principal [l’agent] a rejeté la demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire qu’il avait présentée au titre du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

[2] Comme je l’explique en détail ci-après, la présente demande est accueillie parce que l’agent, s’appuyant sur un sursis administratif aux renvois en vigueur, n’a pas effectué une analyse raisonnable des conditions en Somalie et qu’il n’a pas tenu compte du fait que, à défaut d’obtenir une dispense pour considérations d’ordre humanitaire, le demandeur n’a d’autre choix que de quitter le Canada pour la Somalie s’il souhaite présenter une demande de résidence permanente.

II. Le contexte

[3] Le demandeur est un citoyen de la Somalie qui a présenté une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire visant à être dispensé de l’obligation, prévue au paragraphe 11(1) de la LIPR, selon laquelle les étrangers doivent présenter leur demande de résidence permanente depuis l’étranger.

[4] Le demandeur a indiqué que sa famille appartenait à un clan minoritaire régulièrement exploité par des clans de plus grande envergure. Il a également indiqué qu’il avait été fréquemment victime d’attaques de la part du groupe terroriste Al Chabaab. Après que sa deuxième épouse eût été tuée lors d’un attentat à la bombe dans un marché de Mogadiscio, en 2014, le demandeur s’est rendu aux États-Unis et a présenté une demande d’asile, qui a finalement été rejetée. Il est ensuite venu au Canada et a présenté une demande d’asile.

[5] En septembre 2015, la Section de la protection des réfugiés a rejeté la demande d’asile du demandeur, après avoir conclu qu’il manquait de crédibilité. La Section d’appel des réfugiés (la SAR) a rejeté son appel en mars 2016, et la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire qu’il a ensuite présentée a été rejetée. En raison d’un sursis administratif aux renvois imposé en vertu du paragraphe 230(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, les renvois vers plusieurs régions de la Somalie, dont Mogadiscio, d’où est originaire le demandeur, sont actuellement suspendus. De ce fait, même si le demandeur fait l’objet d’une mesure de renvoi, celle-ci est inapplicable tant que le sursis n’est pas révoqué.

[6] En mars 2019, le demandeur a présenté la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire à l’égard de laquelle a été rendue la décision visée dans la présente demande de contrôle judiciaire. Dans sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, il a précisé qu’il habitait actuellement Toronto et qu’il travaillait comme conducteur de bus-navette à l’aéroport. Il a une famille nombreuse qui, selon ses dires, compte sur son soutien financier; elle comprend sa première épouse, qui est réfugiée au Kenya, leur fils, qui a maintenant 21 ans et qui vit en Turquie, un enfant issu de son second mariage, son frère ainsi que deux enfants orphelins qui vivent avec ce dernier en Somalie et que le demandeur considère comme ses propres enfants. Il a également expliqué dans sa demande qu’il craignait de retourner en Somalie en raison de l’anxiété liée à son éducation là-bas, de l’inquiétude qu’il éprouvait à l’idée de ne pas y trouver du travail et de ne pas pouvoir continuer à subvenir aux besoins de sa famille, et de la situation générale dans le pays, notamment la violence dont fait preuve le groupe Al Chabaab.

III. La décision contestée

[7] En ce qui concerne les conditions défavorables en Somalie, l’agent a reconnu que le pays était instable, mais il a souligné que le demandeur n’y serait pas renvoyé tant que la situation ne s’améliorerait pas, car le sursis administratif aux renvois concernait Mogadiscio, d’où il est originaire. L’agent a donc accordé peu de poids aux conditions défavorables dans le pays et a souligné que, si les conditions s’amélioraient au point où le sursis administratif aux renvois serait révoqué, le demandeur aurait alors droit à un examen des risques avant renvoi (l’ERAR).

[8] Compte tenu du bénévolat, des antécédents professionnels, des études d’anglais et des lettres d’appui du demandeur, l’agent a accordé un certain poids à son degré d’établissement au Canada, mais il a souligné que ce facteur à lui seul ne suffisait pas à justifier l’octroi d’une dispense pour considérations d’ordre humanitaire. L’agent a tenu compte de l’affirmation du demandeur selon laquelle il devait rester au Canada pour subvenir aux besoins de sa famille à l’étranger. Cependant, l’agent a affirmé que rien n’empêchait le demandeur de continuer à le faire tant qu’il demeurerait au Canada et que, s’il était vrai qu’il pourrait avoir du mal à trouver un emploi à Mogadiscio, il n’y serait pas renvoyé avant que les conditions s’améliorent et que le sursis administratif aux renvois soit révoqué.

[9] En ce qui concerne l’intérêt supérieur des enfants du demandeur, l’agent a répété que le demandeur pourrait continuer à soutenir sa famille, y compris ses enfants, au Canada tant que la mesure de renvoi resterait inapplicable et qu’il ne serait pas renvoyé tant que la situation à Mogadiscio ne serait pas stabilisée. Il a conclu que le rejet de la demande de dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire ne compromettrait pas directement les intérêts des enfants.

[10] Enfin, l’agent a apprécié la preuve concernant la santé mentale du demandeur, puis a conclu que peu de poids devait être accordé au rapport d’une psychothérapeute que le demandeur avait fourni à l’appui de ses allégations. Il a souligné que la psychothérapeute n’était pas une médecin ou une psychologue agréée et que ses conclusions ne constituaient pas un diagnostic clinique. La psychothérapeute a affirmé que les symptômes qu’elle avait observés chez le demandeur au cours de son évaluation correspondaient à ceux du trouble de stress post-traumatique, de l’anxiété généralisée et de la dépression, mais l’agent a fait remarquer qu’elle n’avait pas indiqué avoir suivi une formation spécialisée sur ces problèmes de santé mentale. L’agent a reconnu qu’un renvoi du Canada causerait de l’anxiété au demandeur. Cependant, il a souligné que la psychothérapeute avait enseigné au demandeur des exercices de respiration aidant à réduire le stress et qu’elle l’avait aiguillé vers des services de counseling, puis il a conclu que le demandeur aurait accès à des services médicaux et à des traitements de santé mentale tant qu’il demeurerait au Canada.

[11] Finalement, l’agent a conclu que les considérations d’ordre humanitaire ne justifiaient pas une dispense, et il a rejeté la demande.

IV. Les questions en litige et la norme de contrôle applicable

[12] Le demandeur soumet quatre questions à l’examen de la Cour :

  1. L’agent a-t-il commis une erreur en invoquant le sursis administratif aux renvois pour éviter d’examiner les difficultés auxquelles le demandeur serait confronté s’il était renvoyé en Somalie?

  2. L’agent a-t-il commis une erreur dans le traitement du rapport de la psychothérapeute et, de façon plus générale, dans le traitement de la preuve relative à la santé mentale du demandeur?

  3. L’agent a-t-il commis une erreur en ne fournissant pas de motifs adéquats à propos du degré d’établissement du demandeur?

  4. L’agent a-t-il commis une erreur en ne tenant pas compte de l’intérêt supérieur des enfants?

[13] Les parties conviennent, et je suis d’accord, que la norme de contrôle applicable à la décision contestée est celle de la décision raisonnable.

V. Analyse

[14] Ma décision d’accueillir la présente demande de contrôle judiciaire est liée à la première question soulevée par le demandeur, soit celle du sursis administratif aux renvois invoqué par l’agent. Ce dernier a mentionné les conditions défavorables en Somalie, mais il n’y a accordé que peu de poids parce que le sursis administratif aux renvois empêche actuellement d’y renvoyer le demandeur. Le demandeur soutient que l’agent a commis une erreur en s’appuyant ainsi sur le sursis administratif aux renvois et, ce faisant, en n’examinant pas adéquatement les difficultés auxquelles il serait confronté s’il retournait en Somalie.

[15] Le demandeur s’appuie considérablement sur la décision Bawazir c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 623 [Bawazir], qui, selon lui, portait sur une situation très semblable à l’espèce. Dans l’affaire Bawazir, une demande de contrôle judiciaire visait le rejet d’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire présentée par un citoyen du Yémen qui faisait l’objet d’un sursis administratif aux renvois. L’agent qui a examiné la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire a souligné que la situation au Yémen était désastreuse. Toutefois, il y a accordé peu de poids, estimant qu’elle avait peu ou pas d’incidence sur la situation personnelle du demandeur tant que le sursis administratif aux renvois était en vigueur. Le juge Norris a conclu que cette décision était déraisonnable et a expliqué en quoi consistait l’erreur de l’agent de la façon suivante (aux para 16 et 17) :

16 Il est vrai que M. Bawazir n’était pas exposé à un renvoi au Yémen si sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire était refusée, à tout le moins tant que le sursis administratif aux renvois demeure en vigueur. À cet égard, sa situation est différente de celle de bon nombre de personnes qui sollicitent une dispense pour des motifs d’ordre humanitaire, comme M. Kanthasamy lui-même (voir Kanthasamy, au paragraphe 5). Mais ce n’est pas la raison pour laquelle M. Bawazir a demandé une dispense pour des motifs d’ordre humanitaire. Selon lui, des considérations d’ordre humanitaire justifiaient dans son cas la levée de son obligation de quitter le Canada pour présenter sa demande de résidence permanente. Normalement, l’article 11 de la LIPR exige qu’un résident permanent éventuel présente une demande de visa de résident permanent avant d’entrer au Canada. S’il n’est pas dispensé de cette obligation, M. Bawazir ne pourra demander la résidence permanente que s’il retourne au Yémen (il n’a affirmé qu’il ne pouvait la présenter ailleurs). Monsieur Bawazir a également soutenu que la situation au Yémen (et d’autres facteurs) devrait être prise en compte lors de l’examen au fond de sa demande de résidence permanente.

17 On peut certainement comprendre pourquoi M. Bawazir souhaite obtenir son statut au Canada en y devenant un résident permanent. À mon avis, toute personne raisonnable et impartiale estimerait que l’obligation de quitter le Canada pour se rendre dans une zone de guerre où sévit une grave crise humanitaire afin de présenter sa demande de résidence permanente est un malheur qui mérite sans doute d’être soulagé. Le sursis administratif aux renvois montre que le Canada considère que la situation qui existe au Yémen en raison de la guerre civile « expose l’ensemble de la population civile à un risque généralisé ». La situation est à ce point critique qu’à quelques exceptions près, le Canada n’expulsera pas de ressortissants vers ce pays. Même si l’application des exigences habituelles de la loi dans ces conditions fait clairement intervenir la raison d’être équitable du paragraphe 25(1) de la LIPR (voir Lauture c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 336, au paragraphe 43), l’agent n’en estime pas moins que la situation au Yémen et les « difficultés extrêmes » auxquelles M. Bawazir serait exposé méritent qu’on leur accorde « peu de poids » dans le cadre de cette analyse. Cette conclusion s’explique par le fait que M. Bawazir n’est pas menacé d’un renvoi imminent et involontaire. Toutefois, l’agent n’a pas tenu compte du fait que M. Bawazir n’avait d’autre choix que de quitter le Canada pour le Yémen s’il souhaitait demander la résidence permanente, sauf si une exception était faite dans son cas. L’agent a commis une erreur en ignorant effectivement un facteur qui concernait manifestement la raison d’être équitable du paragraphe 25(1) de la LIPR.

[16] Je ne vois rien qui permette d’établir une distinction entre les faits en l’espèce et ceux de l’affaire Bawazir. Comme dans l’affaire Bawazir, le demandeur a fait valoir dans sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire que, compte tenu des conditions défavorables dans son pays d’origine, il serait confronté à des difficultés s’il y retournait pour présenter une demande de résidence permanente au Canada, comme l’exige normalement l’article 11 de la LIPR. Comme dans l’affaire Bawazir, l’agent a accordé peu de poids aux conditions dans le pays en raison du sursis administratif aux renvois et n’a pas tenu compte du fait que, à défaut d’obtenir une dispense pour considérations d’ordre humanitaire, le demandeur n’a d’autre choix que de quitter le Canada pour son pays d’origine s’il souhaite présenter une demande de résidence permanente.

[17] Le défendeur renvoie la Cour à l’explication du juge Norris selon laquelle l’élément factuel crucial de l’affaire Bawazir était que le demandeur ne pouvait pas demander la résidence permanente sans se rendre dans un pays où il serait exposé à des « difficultés extrêmes », à moins d’être dispensé de l’exigence habituelle de présenter sa demande depuis l’étranger (au para 18). Le défendeur soutient que l’affaire Bawazir est différente, car, en l’espèce, le demandeur n’a pas à retourner en Somalie pour présenter une demande de résidence permanente. Il a actuellement le droit de demeurer au Canada en raison du sursis administratif aux renvois.

[18] Avec tout le respect que je dois au défendeur, j’estime que ses efforts visant à établir une distinction entre l’espèce et l’affaire Bawazir ne sont pas fondés. À mon avis, l’élément factuel crucial de la présente affaire est en fait le même que celui qu’a décrit le juge Norris. Bien qu’il ne soit pas possible pour l’instant de le forcer à retourner en Somalie, le demandeur ne peut pas présenter une demande de résidence permanente au Canada sans y retourner.

[19] J’ai également examiné d’autres décisions sur lesquelles s’appuie le défendeur. Il renvoie la Cour à la jurisprudence selon laquelle la simple existence d’un sursis administratif aux renvois applicable à un pays donné ne veut pas dire qu’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire présentée par un citoyen de ce pays sera automatiquement accueillie (voir Nkitabungi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 331, au para 12; Lalane c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 6, au para 41; Emhemed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 167, au para 9). J’accepte ce courant jurisprudentiel, mais je juge qu’il s’applique peu à la question en litige en l’espèce. Le demandeur n’a pas affirmé à l’agent, et ne fait pas valoir devant la Cour, que, compte tenu de l’existence du sursis administratif aux renvois, sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire doit nécessairement être accueillie.

[20] Le défendeur cite également la conclusion du juge Roy au paragraphe 13 de la décision Mubiayi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1010 :

13 On peut accepter qu’une demande de résidence permanente soit faite malgré le fait que les demandeurs ne sont pas dans un péril immédiat d’être expulsés du Canada. Mais c’est une toute autre chose que de prétendre que des considérations humanitaires doivent avoir un grand poids du fait que ces demandeurs ne peuvent pas être expulsés du Canada étant donné le moratoire qui a été imposé. Sans prétendre que ces considérations sont non-pertinentes, je ne vois pas en quoi le fait de leur accorder un poids minime puisse constituer une décision déraisonnable dans le cas d’espèce. Le fardeau des demandeurs n’a pas été déchargé.

[21] Encore là, je conclus que cette décision est de peu de secours pour le défendeur, car le demandeur ne soutient pas que le fait qu’il ne peut être renvoyé du Canada en raison du sursis administratif aux renvois doit militer en sa faveur. Lorsqu’il invoque le sursis administratif aux renvois à l’appui de sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, ce n’est que pour corroborer ses observations à propos des conditions défavorables actuelles en Somalie.

[22] Enfin, le défendeur renvoie la Cour à l’affaire Ndikumana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 328 [Ndikumana], qui concerne un demandeur du Burundi. Il insiste sur la déclaration de la Cour, dans la décision Ndikumana, selon laquelle il ne serait pas déraisonnable de conclure que la demanderesse continuera de bénéficier du sursis administratif aux renvois dans ce pays, et qu’elle n’aura donc pas à affronter les conditions actuelles au Burundi (au para 19). Toutefois, cette déclaration doit être interprétée dans le contexte des paragraphes voisins de cette décision et de la jurisprudence qui y est invoquée.

[23] Dans la décision Ndikumana, comme dans la jurisprudence citée plus haut, est souligné le principe selon lequel, dans le contexte d’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, l’existence d’un sursis administratif aux renvois relativement à un pays particulier ne peut pas automatiquement mener à une issue précise, qu’elle soit favorable ou défavorable (au para 18). À l’appui de ce principe, le paragraphe 40 de la décision Likale c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 43 [Likale], et le paragraphe 55 de la décision Alcin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1242, sont cités avec justesse. Dans la mesure où la décision Ndikumana fournit des indications supplémentaires à propos de l’effet d’un sursis administratif aux renvois sur l’examen d’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, ces indications peuvent être comprises à la lumière du raisonnement exposé dans la décision Likale sur lequel elles sont fondées (au para 20) :

20 Dans la cause Likale, il a d’ailleurs été conclu que la décision de l’agente était raisonnable car le demandeur n’avait pas démontré que le retour dans son pays lui causerait des difficultés inhabituelles ou démesurées « une fois que la STR [la suspension temporaire des mesures de renvoi] sera levée » (Likale , au para 36). La Cour a conclu qu’il était raisonnable de noter que « le demandeur peut continuer de bénéficier de [la] STR et de demeurer au Canada », et que cette analyse était conforme aux valeurs humanitaires (Likale au para 38).

[24] Encore là, la décision Ndikumana reprend précisément la conclusion tirée dans la décision Likale. Cependant, d’après mon interprétation de la décision Likale, le demandeur dans cette affaire a soutenu qu’il risquait de demeurer sans statut au Canada pour une période indéfinie en raison de la suspension temporaire des mesures de renvoi applicable au Congo. L’agent a analysé les difficultés auxquelles le demandeur serait confronté s’il devait déposer sa demande de visa de résident permanent de l’extérieur du Canada une fois que la STR serait levée (au para 13). Par conséquent, il semble que, dans l’affaire Likale, ni l’agent ni la Cour n’ont examiné l’argument que le demandeur avance en l’espèce (qui a été semblablement présenté par le demandeur et examiné par la Cour dans l’affaire Bawazir) selon lequel, compte tenu des conditions actuelles dans le pays d’origine visé par un sursis administratif aux renvois en vigueur, y retourner pour présenter une demande de résidence permanente au Canada, comme l’exige normalement l’article 11 de la LIPR, exposerait le demandeur à des difficultés.

[25] Je souligne également, à l’instar du demandeur dans sa plaidoirie, que, tant dans la décision Ndikumana (aux para 24-25) que dans la décision Likale (au para 39), la conclusion est que les agents n’ont pas commis d’erreur en concluant que, malgré les conditions défavorables dans le pays, les demandeurs n’avaient pas démontré qu’ils étaient personnellement exposés à un risque ou à des difficultés. Le demandeur soutient que ces affaires diffèrent de l’espèce, car la preuve qu’il a présentée est liée à sa situation personnelle. Je n’analyserai pas cette question en particulier, car la Cour ne dispose pas d’une analyse de l’agent concernant l’incidence des conditions en Somali sur la situation personnelle du demandeur. En fait, l’erreur de l’agent, qui justifie l’accueil de la présente demande de contrôle judiciaire, découle du fait qu’il n’a pas effectué cette analyse.

[26] Cette erreur étant susceptible de contrôle, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie, et il n’est pas nécessaire que la Cour examine les autres arguments du demandeur. Aucune des parties n’a proposé de question à certifier en vue d’un appel, et aucune question ne sera énoncée.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-260-21

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l’affaire est renvoyée à un autre décideur pour qu’une nouvelle décision soit rendue. Aucune question n’est certifiée en vue d’un appel.

« Richard F. Southcott »

Juge

Traduction certifiée conforme

N. Belhumeur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-260-21

INTITULÉ :

BILE SHEIKH OMAR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE À TORONTO

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 OCTOBRE 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SOUTHCOTT

DATE DES MOTIFS :

LE 12 NOVEMBRE 2021

COMPARUTIONS :

David Yerzy

POUR LE DEMANDEUR

Michel Butterfield

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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