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Date : 20050922

Dossier : IMM-9087-04

Référence : 2005 CF 1298

Ottawa (Ontario), le 22 septembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR JUGE von FINCKENSTEIN

ENTRE :

                     REENA KAUR, SHIVAM SINGH SAINI, MUSKAN SAINI

                                                                                                                            demandeurs

                                                                       et

              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L=IMMIGRATION

                                                                                                                               défendeur

                          MOTIFS DE L=ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]        La demanderesse d=asile principale, Mme Kaur, est citoyenne du Pendjab en Inde. Elle a été désignée comme représentante de ses deux enfants mineurs, Shivam Singh Saini et Muskan Saini, lesquels sont nés aux États-Unis. Elle prétend craindre d'être persécutée pour deux motifs : 1) son père était soupçonné d'être un militant sikh; 2) elle a épousé un homme qui est maintenant réfugié aux États-Unis parce qu'il était également considéré comme un militant sikh.


[2]         En juillet 1995, la demanderesse et son père ont été arrêtés, détenus et battus pendant plusieurs jours par la police officielle du Pendjab. Ils ont été relâchés après avoir versé un pot-de-vin. En septembre 1995, le père de la demanderesse a été arrêté de nouveau par la police et il n'a pas été revu depuis.

[3]         La demanderesse était au Bangladesh lorsque son père a été arrêté pour la deuxième fois et elle a vécu dans ce pays jusqu'à ce qu=elle déménage à Calcutta, en Inde, en septembre 1996. Elle a a quitté Calcutta pour se rendre aux États-Unis en décembre 1996.

[4]         En 1997, la demanderesse a épousé son mari, Anil Singh, aux États-Unis. Anil Singh a obtenu le statut de réfugié aux États-Unis avant leur mariage et il est maintenant résident permanent de ce pays. Le 12 novembre 2003, la Cour d'appel des États-Unis, neuvième circuit, a rejeté définitivement la demande d=asile de la demanderesse aux États-Unis.

[5]         La demanderesse prétend qu'elle craignait d'être expulsée en Inde et c=est pourquoi elle s'est enfuie au Canada avec ses enfants le 10 janvier 2004. À son arrivée au Canada, elle a présenté une demande d=asile.

[6]         En premier lieu, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a statué que les enfants de la demanderesse n'étaient pas des réfugiés parce qu'ils étaient citoyens des États-Unis et qu'aucune revendication n'avait été faite à l'encontre de ce pays.


[7]         En second lieu, la Commission a conclu que la demande d=asile de la demanderesse n'était pas crédible et que cette dernière avait une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Calcutta. Elle a également estimé que la demanderesse pouvait retourner au Pendjab sans craindre d'être persécutée parce qu=il s=est écoulé neuf ans depuis ses prétendus problèmes au Pendjab et parce que la preuve documentaire indique que le mouvement sikh n=est plus actif.

[8]         La demanderesse a soulevé dix questions dans sa demande d'autorisation de contrôle judiciaire et deux autres dans son mémoire complémentaire. Les arguments invoqués peuvent se résumer aux questions suivantes :

1)     La Commission a-t-elle commis une erreur en présentant la preuve d'une manière erronée?

2)     La Commission a-t-elle tiré quant à la crédibilité des conclusions qui sont manifestement déraisonnables?

3)     La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que la demanderesse avait une PRI à Calcutta?

4)     La Commission a-t-elle commis une erreur en analysant le risque de persécution en fonction des liens de la demanderesse avec son mari?


[9]         Il n'est pas contesté que la norme de contrôle applicable aux questions de crédibilité est celle de la décision manifestement déraisonnable (Umba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 17).

Question 1 : La Commission a-t-elle commis une erreur en présentant la preuve d'une manière erronée?

[10]       La demanderesse prétend que la Commission a commis une erreur lorsqu=elle a affirmé qu'elle s=était contredite au sujet de son départ de l'Inde en déclarant tout d=abord qu'elle avait quitté l'Inde pour le Bangladesh à la fin du mois d'août 1995, puis en affirmant plus tard qu'elle était partie le 10 septembre 1995. En fait, dans son affidavit, la demanderesse a déclaré avoir quitté l'Inde à la fin du mois d'août ou au début du mois de septembre 1995.

[11]       La demanderesse prétend que la Commission a également commis une erreur en s'appuyant sur l'énoncé de fait erroné selon lequel sa mère est restée au Pendjab jusqu'en 1997 sans avoir aucun problème. En réalité, la demanderesse a déclaré dans son témoignage ne pas avoir parlé à sa mère depuis 1996 et elle a dit clairement que les habitants de son village l'avaient amenée à croire que sa mère avait été emmenée par la police en 1996 et avait disparu depuis lors.


[12]       Je ne crois pas que la Commission a présenté la preuve d'une manière erronée parce que la demanderesse a effectivement déclaré être partie à la fin du mois d'août et a dit par la suite en contre-interrogatoire être partie le 10 septembre. La Commission n'était pas tenue d'attirer l'attention de la demanderesse sur cette contradiction étant donné qu'il ne s'agissait pas du seul motif lui permettant de conclure au manque de crédibilité de la demanderesse (voir Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] A.C.F. no 228).

[13]       Bien qu'il soit exact que la Commission a commis une erreur en ce qui concerne la mère de la demanderesse, cette erreur est sans importance. Le simple fait que la demanderesse n'ait pas parlé à sa mère depuis 1996 ne veut pas dire que celle-ci n'est pas restée au Pendjab jusqu'en 1997. Cette erreur isolée est sans conséquence et elle est donc insuffisante pour donner lieu à une conclusion manifestement déraisonnable.

Question 2 : La Commission a-t-elle tiré quant à la crédibilité des conclusions qui sont manifestement déraisonnables?

[14]       Les arguments de la demanderesse sont divisés en plusieurs questions distinctes dont voici l=essentiel :


-            La Commission n'aurait pas dû s=appuyer sur l=omission de la demanderesse d=indiquer dans son FRP qu'elle avait collé des affiches et participé à des réunions du parti Akali Dal Maan parce que sa demande concernait son association avec des individus soupçonnés d'être des militants et non parce qu'elle était elle-même soupçonnée d'être une militante sikhe.

S                    La Commission a n=a pas tenu compte des raisons que la demanderesse a fournies afin d=expliquer pourquoi son père ne s'était pas enfui au Bangladesh et elle a ainsi commis une erreur susceptible de révision.

-            La Commission a commis une erreur en concluant qu'il était invraisemblable que la demanderesse quitte le Bangladesh, où elle recevait de l=aide de la communauté sikhe, pour rentrer en Inde.

-            La Commission n'a pas attiré l'attention de la demanderesse sur certaines contradictions et, par conséquent, ne lui a pas donné la possibilité de corriger l=impression que son témoignage était incohérent avant de se fonder sur celui-ci pour rendre une décision défavorable en ce qui concerne sa crédibilité.

[15]       J'ai du mal à accepter ces arguments. La Commission pouvait à bon droit s=interroger sur l'omission de la demanderesse de mentionner sa participation aux activités du parti Akali Dal Maam, étant donné que cela concernait son allégation qu'elle serait prise pour cible en raison de son rôle dans ce parti.


[16]       La Commission a considéré que les raisons fournies par la demanderesse afin d=expliquer pourquoi son père était resté au pays n=était pas convaincante. Elle s=est également demandé pourquoi la demanderesse aurait fui le Bangladesh après avoir entendu des rumeurs selon lesquelles la police faisait enquête pour retourner tout simplement en Inde où elle prétendait être persécutée. Cela ne semble guère vraisemblable.

[17]       Enfin, la transcription révèle que des questions détaillées ont été posées à la demanderesse. La Commission a signalé à la demanderesse chacune de ses contradictions, mais ne s=est tout simplement pas laisser convaincre par les explications que celle-ci lui données. Comme l=a dit la Cour dans Sinan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 188, au paragraphe 11 :

Les demandeurs ont avancé d'autres explications possibles quant à plusieurs des conclusions de la Commission. Lorsque la norme de contrôle est, comme en l'espèce, celle du caractère manifestement déraisonnable, il ne suffit pas de présenter un autre raisonnement - même dans le cas où il peut s'agir d'une explication raisonnable. Ce que les demandeurs doivent faire, c'est souligner une conclusion de la Commission qui n'est aucunement étayée par la preuve.

En l'espèce, la demanderesse n'a relevé aucune conclusion de la Commission qui n'est pas étayée par la preuve.


Question 3 : La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que la demanderesse avait une PRI à Calcutta?

[18]       La demanderesse invoque Luzi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] CF 1179, pour soutenir que des erreurs nombreuses en ce qui a trait à la crédibilité ont sapé la capacité de la Commission d'évaluer correctement l=existence d=une PRI. Comme j'ai déjà déterminé que les conclusions relatives à la crédibilité n'étaient pas manifestement déraisonnables, je ne vois pas en quoi la conclusion concernant la PRI aurait été faussée. D=après son propre témoignage, la demanderesse a vécu à Calcutta, où elle bénéficiait de l=aide d'un temple. Par conséquent, la conclusion relative à l'existence d'une PRI à Calcutta n'est pas déraisonnable.

Question 4 : La Commission a-t-elle commis une erreur en analysant le risque de persécution en fonction des liens de la demanderesse avec son mari?


[19]       La demanderesse prétend qu=étant donné que son mari est un réfugié parce qu=il est présumé être un militant sikh, son propre statut comme membre du groupe social constitué par les membres des familles des militants sikhs aurait dû suffire pour lui permettre d=obtenir le statut de réfugiée. Elle invoque Kaprolova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 1242, au paragraphe 13, où la Cour a déclaré que lorsque la Commission est convaincue que le père a des raisons valables de revendiquer le statut de réfugié au sens de la Convention, il est difficile de conclure que la femme et l=enfant, qui ont les mêmes motifs de crainte, ne peuvent pas être des réfugiés au sens de la Convention.

[20]       En l'espèce, la demanderesse a rencontré son mari après avoir quitté l'Inde. Elle a quitté l'Inde en raison des liens qu=entretenait son père et non pas en raison de ceux qu=avait son mari. Ce dernier s'est enfui pour des raisons qui lui sont propres et il a obtenu l'asile aux États-Unis. Comme leurs craintes ont des fondements tout à fait différents, le raisonnement suivi dans Kaprolova, précitée, ne s'applique pas.

[21]       En conséquence, la présente demande doit être rejetée.

ORDONNANCE

`

LA COUR ORDONNE le rejet de la demande.

              *Konrad W. von Finkenstein +             

   Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                           IMM-9087-04

INTITULÉ :                                                          REENA KAUR, SHIVAM SINGH SAINI, MUSKAN SAINI

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L=IMMIGRATION

LIEU DE L=AUDIENCE :                                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L=AUDIENCE :                                 LE 29 AOÛT 2005

MOTIFS DE L=ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                          LE JUGE von FINCKENSTEIN

DATE DES MOTIFS :                                         LE 22 SEPTEMBRE 2005

COMPARUTIONS :


David Orman

POUR LES DEMANDEURS



Matina Karvellas

POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


David Orman

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS



John H. Sims, c.r.

Par : Matina Karvellas

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR



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