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     Date: 20010123

     Dossier: IMM-5437-99


Entre :

     SJIBRIL SOUARE

     Demandeur

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     Défendeur



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE PINARD :

[1]      La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 8 octobre 1999 par la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SSR) statuant que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention, tel que défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.

[2]      Le demandeur est citoyen de la Guinée. Il allègue avoir une crainte bien fondée de persécution en raison de ses opinions politiques. Le 23 mars 1998, il aurait participé à une manifestation contre le gouvernement guinéen qui démolissait alors les habitations du quartier pour y construire une route. Les manifestants désiraient se faire indemniser et installer ailleurs aux frais du gouvernement.

[3]      Lorsqu'un gendarme a tenté d'arrêter le demandeur, ce dernier s'est mis à courir et, par mégarde, a heurté un autre policier qui est tombé par terre. Le gendarme a alors tiré sur le demandeur qui a continué de courir, craignant d'être pris et arrêté.

[4]      Le demandeur s'est caché chez un ami qui l'a plus tard informé qu'il était recherché pour avoir agressé un policier. Le demandeur est parti se cacher dans une autre région de la Guinée pour y travailler comme électricien en bâtiment jusqu'à la mi-août. Finalement, le 23 septembre 1998, avec l'aide de ses amis, le demandeur a quitté son pays pour le Canada, où il a revendiqué le statut de réfugié quelques jours plus tard.

[5]      Lors de son témoignage, le demandeur a aussi mentionné avoir été détenu en 1996 pour avoir porté un T-shirt du parti politique le Rassemblement du peuple guinéen. À ce dernier sujet, cependant, le procureur du demandeur a reconnu, à l'audition devant moi, qu'il ne s'agissait pas là du fondement de la crainte de persécution en cause.

[6]      La SSR n'a pas remis en question la crédibilité du demandeur. Elle a fondé le rejet de sa demande sur la conclusion qu'il n'y avait aucune « possibilité raisonnable » de persécution advenant son retour en Guinée. Elle a en effet déterminé que le demandeur craint essentiellement être poursuivi parce qu'il a heurté un policier lors d'une manifestation et parce qu'on le prendrait pour instigateur de celle-ci.

[7]      En ce qui concerne la crainte du demandeur d'être poursuivi pour avoir heurté un policier, j'estime qu'il ne s'agit pas là d'une action ayant quelque lien avec les motifs de la Convention. Dans l'affaire Zolfagharkhani c. Canada (M.E.I.), [1993] 3 C.F. 540, la Cour d'appel fédérale a statué que la crainte de poursuite en raison d'une loi d'application générale ne constitue pas une crainte de persécution en soi à moins que le demandeur puisse démontrer que cette loi revêt un caractère de persécution par rapport à un motif énoncé dans la Convention, ce qui n'a pas ici été établi.

[8]      Quant à la crainte du demandeur d'être considéré comme instigateur de la manifestation en raison de ses opinions politiques, cette crainte n'a pas davantage de lien avec quelque motif de la Convention. La Cour d'appel fédérale, sous la plume du juge Pratte, a jugé, dans l'arrêt Musial c. M.E.I., [1982] 1 C.F. 290, à la page 294, que lorsqu'une personne est punie pour violation d'une loi d'application générale, c'est en raison de l'infraction commise et non de la motivation politique qui l'a incité :

         . . . Si une personne est punie pour avoir violé une loi ordinaire d'application générale, c'est en raison de l'infraction commise, non pour les opinions politiques qui auraient pu l'inciter à commettre cette infraction. J'estime en conséquence que la Commission a conclu à bon droit qu'on ne pouvait dire qu'une personne, qui a violé la loi de son pays d'origine pour s'être soustraite au service militaire, et qui craint seulement les poursuites judiciaires et les sanctions à la suite de cette infraction à la loi, craint d'être persécutée pour ses opinions politiques quand bien même elle aurait été poussée à commettre cette infraction par ses croyances politiques.


[9]      De toute façon, la preuve au dossier appuie bien la conclusion de la SSR à l'effet qu'il n'existe aucune possibilité raisonnable que le demandeur soit persécuté pour son instigation de la révolte. De fait, un document publié par Amnesty International, source crédible et fiable, indique qu'il y a eu libération des individus arrêtés à l'époque à la suite d'un pardon présidentiel. La SSR pouvait certes préférer la preuve documentaire au témoignage du demandeur (voir Zhou c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (18 juillet 1994), A-492-91 (C.F., Appel)).

[10]      Pour toutes ces raisons, l'intervention de cette Cour n'est pas justifiée et la demande de contrôle judiciaire est rejetée.



                            

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 23 janvier 2001

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