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Date : 20220113


Dossier : IMM-6076-20

Référence : 2022 CF 36

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 13 janvier 2022

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

SEMHAR HABTE TEWELDEDHN

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse, Semhar Habte Teweldemedhn, sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 18 septembre 2020 par laquelle un agent principal (l’agent) d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a rejeté la demande de résidence permanente au Canada fondée sur des considérations d’ordre humanitaire (la demande CH) qu’elle avait présentée au titre du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

[2] La demanderesse affirme que la décision de l’agent est déraisonnable et que l’agent a commis une erreur dans l’appréciation qu’il a faite de son degré d’établissement au Canada, des difficultés auxquelles elle se heurterait en cas de renvoi et de l’intérêt supérieur de l’enfant concernée.

[3] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision de l’agent est déraisonnable. La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

II. Les faits

A. La demanderesse

[4] La demanderesse est une citoyenne de l’Érythrée âgée de 33 ans. Elle a une fille de trois ans, Mia, qui est citoyenne canadienne.

[5] La demanderesse a fui l’Érythrée et est arrivée en Italie en 2008. En 2009, elle y a obtenu le statut de personne bénéficiant d’une protection subsidiaire. Elle dit qu’elle a eu beaucoup de difficultés à trouver un emploi rémunéré et à devenir autonome en Italie.

[6] En 2013, la demanderesse a présenté une demande d’asile aux États-Unis, qui a été rejetée. Elle est restée aux États-Unis jusqu’en 2017.

[7] La demanderesse est arrivée au Canada le 16 novembre 2017 et a présenté une demande d’asile, qui a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés (la SPR), le 7 décembre 2018. La SPR a conclu que la demanderesse était exclue de toute protection en application de l’article 1E de la Convention relative aux réfugiés, et ce, en raison de la protection subsidiaire dont elle bénéficiait en Italie.

B. La décision faisant l’objet du contrôle

[8] Par lettre datée du 18 septembre 2020, l’agent a rejeté la demande CH présentée par la demanderesse. Dans les motifs de sa décision, l’agent a pris en compte le degré d’établissement de la demanderesse au Canada, les conditions défavorables qui existent en Italie et l’intérêt supérieur de l’enfant, Mia. Bien qu’il ait accordé un certain poids favorable aux facteurs invoqués par la demanderesse, il a conclu qu’aucun d’eux ne méritait qu’on lui accorde de l’importance et que, dans l’ensemble, la demanderesse n’avait pas établi que sa situation personnelle justifiait l’octroi d’une dispense pour considérations d’ordre humanitaire.

III. La question en litige et la norme de contrôle

[9] La seule question en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si la décision de l’agent est raisonnable.

[10] Les parties conviennent que la question ci-dessus doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable. Je conviens que la norme de contrôle applicable aux décisions CH est celle de la décision raisonnable (Chen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 988 au para 24; Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61 (Kanthasamy) aux para 8, 44-45; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov) aux para 16-17).

[11] La norme de la décision raisonnable est une norme de contrôle empreinte de déférence, mais rigoureuse (Vavilov, aux para 12-13). La cour de révision doit décider si la décision faisant l’objet du contrôle, notamment le raisonnement suivi et le résultat obtenu, est transparente, intelligible et justifiée (Vavilov, au para 15). Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et être justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, au para 85). La question de savoir si une décision est raisonnable dépend du contexte administratif pertinent, du dossier présenté au décideur et de l’incidence de la décision sur les personnes visées (Vavilov, aux para 88-90, 94, 133-135).

[12] Pour qu’une décision soit jugée déraisonnable, le demandeur doit démontrer que celle‑ci comporte une lacune suffisamment capitale ou importante (Vavilov, au para 100). La cour de révision doit s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve examinée par le décideur et elle ne doit pas modifier les conclusions de fait que celui‑ci a tirées à moins de circonstances exceptionnelles (Vavilov, au para 125). Les lacunes ou insuffisances reprochées ne doivent pas être simplement accessoires par rapport au fond de la décision, ou constituer une « erreur mineure » (Vavilov, au para 100); Canada (Citoyenneté et Immigration) c Mason, 2021 CAF 156 au para 36).

IV. Analyse

[13] En vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR, le ministre peut octroyer le statut de résident permanent à un étranger qui ne satisfait pas aux exigences de la LIPR s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire, dont l’intérêt supérieur de l’enfant, le justifient. L’octroi d’une dispense pour considérations d’ordre humanitaire est une mesure discrétionnaire qui oblige le décideur à « véritablement examiner tous les faits et les facteurs pertinents portés à sa connaissance et [à] leur accorder du poids » (Kanthasamy, au para 25, citant l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 aux para 74‑75). Il incombe au demandeur d’établir qu’une dispense pour considérations d’ordre humanitaire est justifiée (Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189 au para 45).

A. Établissement au Canada

[14] L’agent a accordé un poids favorable modéré à l’établissement et aux liens de la demanderesse au Canada. L’agent a pris en considération l’emploi à temps partiel qu’elle occupe dans une maison de retraite depuis février 2019, ainsi que les liens solides qu’elle entretient avec sa sœur, son beau-frère, son oncle et leurs familles au Canada. Il a conclu que les trois années qu’elle avait passées au Canada n’avaient pas d’importance et qu’elle n’avait présenté aucune preuve d’engagement communautaire. L’agent a souligné que la demanderesse n’avait qu’un emploi à temps partiel et qu’elle avait reçu des prestations d’aide sociale en 2018. Il a reconnu qu’il serait difficile pour elle d’être séparée de sa famille qui vit au Canada, mais que néanmoins, rien ne prouvait que ces relations ne pourraient pas être maintenues à distance.

[15] La demanderesse soutient que l’agent n’a pas tenu compte de sa situation et de ses antécédents lorsqu’il a apprécié le facteur de l’établissement, et elle fait valoir qu’aucun « degré » d’établissement en particulier ne doit être démontré pour que ce facteur se voie attribuer un poids favorable (Osun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 295 au para 16).

[16] Le défendeur soutient qu’il était raisonnable pour l’agent de n’attribuer qu’un poids favorable modéré à l’établissement étant donné les liens familiaux de la demanderesse et son emploi à temps partiel, qui sont les seuls éléments de preuve présentés à cet égard.

[17] J’estime qu’il était raisonnable que l’agent accorde un poids favorable modéré à l’établissement de la demanderesse. Je conclus que l’argument de la demanderesse selon lequel aucun « degré » d’établissement en particulier n’est exigé pour que ce facteur se voie attribuer un poids favorable n’est pas pertinent, puisque l’agent a effectivement accordé un poids favorable, quoique modéré, à ce facteur.

B. Conditions défavorables en Italie

(1) Difficultés en Italie

[18] L’agent a pris acte de la preuve au dossier à propos de la xénophobie en Italie, y compris les difficultés auxquelles sont confrontés les migrants et les réfugiés lorsqu’ils cherchent un logement. L’agent a affirmé ce qui suit :

[traduction] […] même si je ne suis pas d’avis qu’elle serait exposée à un risque de persécution si elle retournait en Italie, j’ai conclu qu’elle y serait victime de discrimination. Je fais remarquer que cette discrimination est aussi présente dans le marché de l’emploi, même si la loi l’interdit.

[19] L’agent a convenu que la demanderesse avait eu de la difficulté à devenir autonome lorsqu’elle vivait en Italie, mais il a également souligné sa débrouillardise, car elle avait réussi à trouver un emploi et un logement tant au Canada qu’aux États-Unis :

[traduction] Je reconnais que la demanderesse ne vit plus en Italie depuis longtemps et qu’elle a dit avoir eu des problèmes à trouver un emploi et un logement lorsqu’elle est arrivée dans ce pays. Toutefois, je note qu’elle n’a pas présenté d’éléments de preuve selon lesquels l’afflux de réfugiés et la discrimination ont été des obstacles à sa recherche d’emploi. De plus, depuis son départ, elle a occupé cinq emplois dans trois villes différentes de deux pays différents. Elle a également pu trouver un logement dans ces villes. On ne m’a présenté aucune preuve établissant qu’elle ne pourrait pas faire de même sur le marché du travail en Italie.

[20] L’agent a conclu que la demanderesse n’avait pas démontré que la discrimination dont elle pourrait faire l’objet aurait un effet sur sa capacité à trouver un emploi ou un logement. Il a également conclu que la demanderesse n’avait pas fourni une preuve suffisante pour établir qu’elle [TRADUCTION] « serait incapable de se réintégrer en Italie, comme elle s’était intégrée au Canada et aux États-Unis ».

[21] La demanderesse soutient que l’agent a commis une erreur en considérant la capacité qu’elle a eue de s’établir aux États-Unis et au Canada comme un facteur atténuant les difficultés auxquelles elle ferait face en Italie. Elle invoque la décision Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1633 (Singh) pour soutenir que ce type d’analyse est erroné. Dans cette décision, la Cour a conclu : « Il est déraisonnable de renverser les facteurs favorables liés à l’établissement. L’agent ne peut, comme il le fait ici, se servir contre les demandeurs de leur bouclier comme d’une épée » (au para 23). La Cour a aussi dit dans la décision Li c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 848 : « La Cour a formulé une mise en garde contre le fait de se servir du degré d’établissement au Canada pour diminuer les difficultés qu’une personne rencontrerait en cas de renvoi » (au para 22, citant la décision Lauture c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 336 au para 26).

[22] Selon le défendeur, il était raisonnable pour l’agent de souligner que la demanderesse n’avait présenté aucune preuve visant à établir un lien entre la discrimination à laquelle sont confrontés les réfugiés en Italie et les difficultés qu’elle avait rencontrées dans sa recherche d’un emploi et d’un logement. Le défendeur soutient qu’il était également raisonnable que l’agent s’appuie sur les expériences de travail antérieures de la demanderesse pour souligner que rien ne démontrait qu’elle ne serait pas en mesure de trouver du travail en Italie.

[23] Après avoir examiné la preuve soumise à l’agent, je suis d’avis que ce dernier a manqué d’empathie dans son appréciation des difficultés invoquées par la demanderesse, contrairement à ce que prescrit la jurisprudence (Damte c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1212 au para 34). Je conclus qu’il était déraisonnable pour l’agent de n’attribuer qu’un [TRADUCTION] « poids favorable modéré » au facteur des difficultés après avoir reconnu les formes de discrimination auxquelles la demanderesse serait exposée en Italie. En particulier, les éléments de preuve dont disposait l’agent montrent que les migrants, y compris les femmes, sont la cible d’agressions, et que les personnes d’origine africaine font face à une augmentation de la violence et du racisme en Italie. Qui plus est, la demanderesse doit subvenir aux besoins d’une jeune enfant et n’aurait aucun soutien familial en Italie.

[24] Je suis également d’accord avec la demanderesse pour dire que, dans son appréciation des difficultés, l’agent s’est servi de façon déraisonnable de facteurs d’établissement favorables pour justifier son refus (Singh, au para 23). Dans ses motifs, l’agent reconnaît que la demanderesse serait victime de discrimination en Italie et que cette discrimination est aussi présente dans le marché de l’emploi. L’agent admet également que la demanderesse a eu de la difficulté à trouver du travail et un logement lorsqu’elle vivait en Italie. Il est incompréhensible qu’il déclare ensuite que la demanderesse pourrait se réintégrer en Italie comme elle l’a fait au Canada et aux États‑Unis et qu’elle ne rencontrerait pas de difficultés excessives. La conclusion de l’agent ne tient pas non plus compte de l’évolution de la situation de la demanderesse depuis qu’elle a vécu en Italie : en tant que mère célibataire, la demanderesse est maintenant encore plus vulnérable.

(2) Statut en Italie

[25] Dans ses motifs, l’agent a reconnu qu’il n’était pas lié par les conclusions de la SPR et a fait une distinction entre le critère applicable aux demandes d’asile et celui applicable aux demandes fondées sur des considérations d’ordre humanitaire. Toutefois, l’agent a accordé beaucoup de poids à la conclusion de la SPR selon laquelle la demanderesse n’avait pas établi qu’elle ne pourrait pas récupérer le statut dont elle bénéficiait auparavant en Italie.

[26] La demanderesse soutient que l’agent n’a fourni aucune analyse à l’appui de la conclusion qu’elle pourrait récupérer son statut de personne bénéficiant d’une protection subsidiaire en Italie.

[27] À mon avis, l’agent a fait une appréciation raisonnable de la preuve lorsqu’il a conclu que la demanderesse ne s’était pas acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver qu’elle ne pourrait pas récupérer le statut qu’elle avait auparavant en Italie ou qu’elle n’y bénéficierait que de droits limités.

C. Intérêt supérieur de l’enfant

[28] L’agent n’a accordé qu’un poids modéré à l’intérêt supérieur de l’enfant. Il a conclu que Mia serait en mesure d’aller en Italie avec sa mère et qu’elle pourrait bénéficier du régime de protection subsidiaire, ce qui lui donnerait droit aux mêmes services essentiels qu’un citoyen italien.

[29] L’agent a reconnu que Mia est née au Canada, n’est jamais allée en Italie et ne parle probablement pas italien. Il a aussi attribué du poids au fait que la famille élargie de Mia vit au Canada et que Mia n’a aucune famille en Italie. Bien qu’il ait reconnu que Mia devrait s’adapter, l’agent a conclu qu’elle en était capable et qu’elle avait amplement le temps de s’adapter à la vie, à la culture et au système scolaire de l’Italie, avec l’aide de sa mère. Voici ce qu’il a écrit : [TRADUCTION] « […] les enfants sont plus résilients et s’adaptent plus facilement aux changements de situation, surtout à un si jeune âge ». Il a ajouté :

[traduction] […] Mia serait également très probablement victime de discrimination comme sa mère et il faut également en tenir compte. Il est possible que la demanderesse ait plus de difficultés à trouver un emploi en Italie qu’au Canada et, par conséquent, que son niveau de vie baisse.

[30] Néanmoins, l’agent a conclu que l’article 25 de la LIPR n’avait pas pour but de [TRADUCTION] « combler l’écart entre le niveau de vie au Canada et celui dans les autres pays » et que les principaux intérêts de Mia, comme sa santé et son bien‑être, ne seraient pas compromis en Italie.

[31] Selon la demanderesse, l’agent a commis une erreur en concluant que, parce qu’elle est sa mère, Mia bénéficierait d’un statut en Italie. Je ne suis pas d’accord. À mon avis, l’agent a apprécié les éléments de preuve qu’on lui avait présentés et est arrivé à la conclusion raisonnable que la demanderesse n’avait pas démontré que Mia serait incapable d’acquérir un statut en Italie, comme sa mère.

[32] De plus, la demanderesse soutient que l’agent a indûment axé l’analyse qu’il a faite de l’intérêt supérieur de l’enfant sur les difficultés auxquelles Mia ferait face plutôt que sur ce qui était dans son intérêt. Elle fait valoir que l’agent a minimisé l’incidence qu’aurait sur Mia la discrimination dont elle serait victime en concluant qu’elle était jeune et résiliente. Dans la décision Singh, la Cour a jugé problématique de croire que « plus les enfants sont jeunes, moins l’analyse sur l’ISE s’avère nécessaire, compte tenu de leur plus grande capacité d’adaptation » (au para 31).

[33] Le défendeur soutient qu’il était raisonnable pour l’agent de juger que, étant donné son jeune âge, Mia serait en mesure de s’adapter à la vie en Italie. Selon lui, l’agent a correctement conclu que le niveau de vie de Mia pourrait diminuer en Italie dans l’éventualité où sa mère aurait de la difficulté à obtenir un emploi en raison de la discrimination, mais que ce n’était pas parce que le niveau de vie était plus élevé au Canada qu’il devait accorder une dispense pour considérations d’ordre humanitaire.

[34] Dans ses motifs, l’agent a conclu que s’installer en Italie ne compromettrait pas [TRADUCTION] « […] l’accès [de Mia] à une bonne instruction, à une éducation stable et à des soins de santé […] ». Je suis d’accord avec la demanderesse pour dire que cette conclusion quant à l’absence de difficultés ne saurait remplacer l’analyse de ce qui est dans l’intérêt supérieur de Mia (Singh, au para 30). Dans ses observations, la demanderesse ne fait pas uniquement valoir que le niveau de vie de Mia serait plus élevé au Canada. Elle souligne également les difficultés que représenterait pour Mia la séparation d’avec sa famille au Canada et le fait que l’intérêt supérieur de Mia dépend du bien‑être de sa mère, lequel serait touché par le risque de discrimination en Italie. En particulier, une lettre de la sœur et du beau-frère de la demanderesse montre l’étendue du soutien que cette dernière et Mia ont reçu de la famille au Canada :

[traduction] […] Semhar a vécu dans notre maison jusqu’à ce qu’elle ait sa propre maison. Nous soutenons Semhar émotionnellement pendant ces moments difficiles. Nous avons été son principal soutien pendant sa grossesse, l’accouchement à l’hôpital et après la naissance de Mia. Nous nous occupons de son bébé quand elle en a besoin. Nous la réconfortons encore pendant cette période sombre et stressante. Nos enfants […] ont tissé des liens étroits en tant que cousins.

[…] Nous croyons que l’intérêt supérieur de Mia est de grandir à Calgary, où elle recevra les soins et l’amour de sa famille élargie et où elle pourra bénéficier de ses relations avec ses cousins. […] Nous nous inquiétons également des difficultés que Semhar et son enfant rencontreront si elles sont expulsées dans un autre pays.

[35] À mon avis, l’agent n’a pas été suffisamment « réceptif, attentif et sensible » à l’intérêt supérieur de Mia dans son analyse des considérations d’ordre humanitaire (Baker, au para 75; Kanthasamy, au para 39). Dans l’arrêt Kanthasamy, la Cour suprême a souligné ce qui suit :

[34] Passons maintenant à la nécessité, faite au par. 25(1), de « [tenir compte] de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché ». Dans l’arrêt Agraira, le juge LeBel fait observer que cet intérêt s’entend « notamment des droits, des besoins et des intérêts supérieurs des enfants, du maintien des liens entre les membres d’une famille et du fait d’éviter de renvoyer des gens à des endroits où ils n’ont plus d’attaches » (au para 34, citant l’arrêt Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36 au para 41).

[36] J’estime que l’appréciation globale faite par l’agent des facteurs d’ordre humanitaire est déraisonnable et qu’elle ne tient pas adéquatement compte de tous les facteurs soulevés en l’espèce (Dayal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1188 aux para 31-32; Salde c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 386 aux para 23-24). L’agent a attribué un « poids modéré » aux trois facteurs qu’il a examinés, mais il a conclu que cela ne suffisait pas à justifier l’octroi d’une dispense pour considérations d’ordre humanitaire. Je conclus que l’agent n’a pas suffisamment tenu compte de la situation globale de la demanderesse.

V. Conclusion

[37] La demanderesse a démontré que l’agent n’avait pas examiné et soupesé les facteurs pertinents quant à sa demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. Pour ces raisons, la décision doit être renvoyée pour nouvel examen par un autre agent.

[38] Aucune question n’a été proposée aux fins de certification, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-6076-20

LA COUR STATUE :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision faisant l’objet du contrôle est annulée, et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Shirzad A. »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claudia De Angelis


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6076-20

 

INTITULÉ :

SEMHAR HABTE TEWELDEMEDHN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 décembre 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

 

DATE DES MOTIFS :

Le 13 janvier 2022

 

COMPARUTIONS :

Bjorna Shkurti

 

Pour la demanderesse

 

Emera Nguyen

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Caron & Partners LLP

Avocats

Calgary (Alberta)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Calgary (Alberta)

Pour le défendeur

 

 

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