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     Date : 19990212

     Dossier : T-1505-98

Ottawa (Ontario) le 12 février 1999

En présence de M. le juge Pinard

Entre :

     FRANK STROUD,

     demandeur,

     et

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     défendeur.

     ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


YVON PINARD

JUGE

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier

     Date : 19990212

     Dossier : T-1505-98

Entre :

     FRANK STROUD,

     demandeur,

     et

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, visant une décision du vice-président de la Commission d'appel des pensions (la Commission) en date du 29 avril 1998, refusant au demandeur l'autorisation d'interjeter appel, la Commission estimant que l'invalidité du demandeur n'était pas grave au sens du Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-8 (le Régime). La décision de la Commission était rédigée en ces termes :

         [TRADUCTION]

         Il s'agit d'une demande en autorisation d'appel de la décision d'un tribunal de révision en date du 30 septembre 1996.                 
         Selon les motifs de l'appel invoqués, le tribunal de révision a " mal interprété des preuves d'ordre médical " et " n'a pas tenu compte du témoignage livré par l'appelant ".                 
         J'estime que la décision du tribunal de révision est raisonnable et fondée au regard du dossier.                 
         Avant de répondre, en juillet de 1996, à un questionnaire que lui avait envoyé la compagnie Standard Life, le médecin de famille avait toujours soutenu que le demandeur pouvait effectuer certains travaux bien qu'il soit, effectivement, incapable d'assurer le travail qu'il avait fait jusqu'alors. Aucune explication n'accompagnait le changement d'opinion - dans ses réponses au questionnaire, le spécialiste a toujours indiqué que l'appelant pourrait effectuer des travaux légers bien qu'il ne soit pas possible de trouver un tel emploi. L'absence de tel ou tel type d'emploi ne figure pas parmi les facteurs dont il appartient au tribunal de révision ou à la Commission d'appel des pensions de tenir compte pour décider si une personne est invalide au sens du Régime de pensions du Canada.                 
         Ainsi que je l'ai indiqué précédemment, je ne relève de la part du tribunal de révision aucune erreur. Le tribunal n'a commis aucune faute dans l'interprétation de la preuve et il n'est pas établi qu'il n'aurait pas été tenu compte du témoignage de l'appelant. La demande en autorisation d'interjeter appel est rejetée.                 

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[2]      Le demandeur affirme que la Commission s'est fondée sur une conclusion de fait erronée en retenant que le Dr Gladwin avait changé d'avis quant à la question de savoir si le demandeur pouvait effectuer des travaux sédentaires et que c'est également à tort que la Commission a conclu que son invalidité n'est pas grave au sens où l'entend le Régime de pensions.

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[3]      Dans le rapport médical fourni par le demandeur dans le cadre de la demande qu'il déposa auprès du Régime de pensions du Canada, le médecin de famille du demandeur, le Dr K.D. Gladwin, attestait, sous le titre " Résumé et pronostique " : [traduction ] " homme malchanceux souffrant d'une grave blessure au dos, fracture-éclatement au niveau L-1. Depuis son accident, il éprouve une douleur incessante. Il ne peut, sans souffrir, s'asseoir, se tenir debout ou porter quelque chose. Il a toujours effectué des travaux de peine. Il est clair qu'il ne pourra jamais reprendre ce genre de travail ".

[4]      Dans une lettre en date du 31 juillet 1995, le Dr Gladwin affirmait par ailleurs que :

         [TRADUCTION]

             La dernière fois que je l'ai examiné c'était le 28 juin 1995. Il se plaignait toujours de douleurs quotidiennes et d'une raideur du dos. Il ne peut ni se tenir debout ni s'asseoir plus d'une demi-heure sans éprouver de fortes douleurs. Il ne peut ni soulever, ni porter. [. . .]                 
             Bref, cet homme a subi une grave blessure au bas du dos et il ne s'est jamais pleinement rétabli. Je ne m'attends à aucune amélioration de son état. Il n'existe aucun traitement susceptible de lui procurer un mieux-être. Il ne pourra jamais reprendre des travaux de peine et il est tout à fait certain qu'il ne pourra jamais reprendre son métier de chauffeur de camion.                 

[5]      Plus tard, le 16 juillet 1996, le Dr Gladwin remplit un questionnaire à l'intention de la compagnie Standard Life, chez qui le demandeur avait souscrit une assurance invalidité de longue durée. Le questionnaire demandait de préciser si l'assuré pourrait reprendre des fonctions ou travaux rémunérés. Le Dr Gladwin avait répondu [traduction] " jamais ". Après que le tribunal d'examen eut rendu sa décision, celle-là même visée par la demande en autorisation d'interjeter appel devant la Commission, le Dr Gladwin avait, dans une lettre en date du 26 février 1997, affirmé que le demandeur ne pourrait jamais reprendre un travail quel qu'il soit.

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[6]      La Commission peut confirmer ou modifier une décision d'un tribunal de révision et il lui est loisible de trancher toute question de droit ou de fait concernant l'admissibilité aux prestations et le montant de celles-ci (paragraphe 83.6). Un membre de la Commission, désigné en vertu du paragraphe 83(2.1) du Régime, peut accorder ou refuser l'autorisation de faire appel.

[7]      Les Règles de procédure de la Commission d'appel des pensions (prestations) édictées en vertu du Régime de pensions du Canada (les Règles), adoptées dans le cadre du Régime, prévoient clairement que l'audience concernant une demande d'autorisation d'interjeter appel devant la Commission constitue une procédure de novo. Il suffit en l'occurrence de se référer à la règle 9(2) qui prévoit que :

9. (2) The appellant may produce documents that the appellant considers useful in support of the application under section 4 or 5.


9. (2) L'appelant peut, à l'appui de sa demande aux termes des articles 4 ou 5, produire tout document qu'il juge utile.


[8]      Aux fins du Régime, l'invalidité est définie au paragraphe 42(2) du Régime :

42. (2) For the purposes of this Act,

a) a person shall be considered to be disabled only if he is determined in a prescribed manner to have a severe and prolonger mental or physical disability, and for the purposes of this paragraph,

     i) a disability is severe only if by reason thereof the person in respect or whom the determination is made is incapable regularly of pursuing any substantially gainful occupation, and
     ii) a disability is prolonged only if it is determined in prescribed manner that the disability is likely to be long continued and of indefinite duration or is likely to result in death . . .

42. (2) Pour l'application de la présente loi :

(a) une personne n'est considérée comme invalide que si elle est déclarée, de la manière prescrite, atteinte d'une invalidité physique ou mentale grave et prolongée, et pour l'application du présent alinéa :

     (i) une invalidité n'est grave que si elle rend la personne à laquelle se rapporte la déclaration régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice,
     (ii) une invalidité n'est prolongée que si elle est déclarée, de la manière prescrite, devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès . . .

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[9]      S'agissant de savoir si la Cour doit intervenir dans ce genre d'affaire, le critère à retenir est celui de la légalité de la décision et non pas de sa justesse (voir Martin c. Le ministre du Développement des Ressources humaines (6 mars 1998), T-2588-97).

[10]      Puisqu'en l'espèce le Dr Gladwin ne prétend pas dans ses rapports de 1995 que le demandeur était incapable du moindre travail, il n'est pas, de la part de la Commission, illogique de conclure qu'en affirmant par la suite, dans le cadre du questionnaire rempli à l'intention de la compagnie Standard Life, que le demandeur ne pourrait jamais reprendre un travail rémunéré, le Dr Gladwin avait changé d'avis. Compte tenu de ce point précis, ainsi que de ce qui était clairement dit dans les rapports de 1995, il n'était, de la part de la Commission, pas du tout déraisonnable de conclure que si le demandeur ne pouvait pas accomplir de lourdes tâches, il restait capable d'effectuer des travaux légers, et qu'il n'était, par conséquent, pas " invalide " au sens du Régime de pensions.

[11]      À mon avis, le simple fait que la décision contestée en l'espèce n'ait pas spécifiquement mentionné la lettre du Dr Gladwin en date du 26 février 1997 ne permet pas nécessairement de dire que la Commission n'en a pas tenu compte. D'abord, la Commission n'est aucunement tenue de faire spécifiquement mention de tous les documents figurant au dossier et, deuxièmement, même si la lettre en question évoque de manière plus explicite que dans le questionnaire l'état de santé du demandeur, elle n'explique pas non plus pourquoi le Dr Gladwin a changé d'avis.

[12]      En conséquence, l'intervention de la Cour ne se justifie pas en l'espèce et la demande est rejetée.

[13]      Étant donné les circonstances particulières de cette affaire, il n'y aura aucune adjudication des dépens.


YVON PINARD


JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 12 février 1999

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :      t-1505-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Frank Stroud c. Procureur général du Canada

    

LIEU DE L'AUDIENCE :      Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 9 février 1999


MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE

M. LE JUGE PINARD

EN DATE DU 12 FÉVRIER 1999

ONT COMPARU :

Nancy Elliott      pour le demandeur

Michelle Mann      pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stockton, Maxwell & Elliott

Halifax (Nouvelle-Écosse)      pour le demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)      pour le défendeur

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