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Date : 20220114


Dossier : IMM-5998-20

Référence : 2022 CF 41

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 14 janvier 2022

En présence de madame la juge Pallotta

ENTRE :

LUIS ERNESTO RODRIGUEZ RAMOS

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] Le demandeur, Luis Ernesto Rodriguez Ramos, sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle l’agent d’immigration principal (l’agent) a rejeté sa demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR). L’agent n’était pas convaincu que M. Rodriguez Ramos serait exposé à une possibilité sérieuse de persécution ou à un risque de torture, de menace à sa vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités s’il retournait au Salvador : articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

[2] M. Rodriguez Ramos est venu au Canada en tant que résident permanent en mars 2005, alors qu’il avait 12 ans. Il n’est pas retourné au Salvador depuis. En juillet 2020, il a été déclaré interdit de territoire au Canada pour grande criminalité : alinéa 36(1)a) de la LIPR. Une mesure d’expulsion a été prise contre lui le 6 août 2020. Par conséquent, M. Rodriguez Ramos a perdu son statut de résident permanent.

[3] M. Rodriguez Ramos souffre de graves problèmes de santé mentale. Il est suicidaire et schizophrène.

[4] La demande d’ERAR de M. Rodriguez Ramos a été rejetée le 12 novembre 2020. Le 23 novembre 2020, la Cour a rendu une ordonnance suspendant son renvoi vers le Salvador en attendant que sa demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue à l’issue de l’ERAR soit tranchée définitivement.

[5] Dans la présente demande, M. Rodriguez Ramos soutient que la décision rendue à l’issue de l’ERAR est déraisonnable, car l’agent n’a pas effectué un examen cumulatif et intersectionnel de ses risques et a fait abstraction d’éléments de preuve qui contredisaient ses conclusions.

[6] Pour les motifs qui suivent, M. Rodriguez Ramos a démontré que la décision rendue à l’issue de l’ERAR est déraisonnable. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

II. Les questions en litige et la norme de contrôle

[7] La seule question qui se pose en l’espèce est celle de savoir si la décision rendue à l’issue de l’ERAR est déraisonnable. Dans ses observations écrites, M. Rodriguez Ramos scinde ses arguments en deux sous‑questions, et j’ai divisé mon analyse de la même manière :

  1. L’agent a‑t‑il omis d’effectuer un examen cumulatif et intersectionnel des risques?

  2. L’agent a‑t‑il fait abstraction d’éléments de preuve qui contredisaient directement ses conclusions?

[8] Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable suivant les directives énoncées dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. Lorsqu’elle applique la norme de la décision raisonnable, la Cour doit se demander si la décision faisant l’objet du contrôle possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité : Vavilov, au para 99. Une décision raisonnable est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti : Vavilov, au para 85. Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable : Vavilov, au para 100.

III. Analyse

A. L’agent a‑t‑il omis d’effectuer un examen cumulatif et intersectionnel des risques?

[9] Dans ses observations à l’appui de sa demande d’ERAR, M. Rodriguez Ramos a soutenu qu’il risquait d’être persécuté ou de subir un préjudice au Salvador au sens des articles 96 et 97 de la LIPR compte tenu de son profil en tant que personne rapatriée souffrant de graves troubles mentaux. Plus précisément, il a fait valoir que, comme il quitterait un pays développé pour retourner au Salvador, qu’il avait quitté alors qu’il était enfant, il serait extorqué par des gangs et serait aussi ciblé par la police, puisqu’il est expulsé du Canada pour criminalité. Il a affirmé que sa santé mentale constitue un facteur aggravant qui accroît le risque auquel il serait exposé : ses comportements agités et erratiques, qui sont partiellement contrôlés par les médicaments qu’il reçoit au Canada, sont susceptibles de s’aggraver s’il n’a pas accès à des traitements continus. M. Rodriguez Ramos a soutenu que ses comportements pourraient être perçus comme des actes de résistance qui l’exposeraient à un risque de la part de membres de gangs et de la police, qui ne le protégerait pas non plus. Il s’est fondé sur la décision Djubok c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 497 [Djubok] pour faire valoir que les facteurs de risque cumulatifs ne devraient pas être examinés « isolément » lorsqu’ils se recoupent ou se combinent de manière à exacerber les risques encourus par la personne.

[10] L’agent a reconnu que M. Rodriguez Ramos souffre de schizophrénie et qu’il a besoin de médicaments pour soulager ses symptômes. Il a également accepté que sa maladie mentale est une caractéristique innée et immuable qui pourrait témoigner de son « appartenance à un groupe social » au sens de l’article 96 de la LIPR. Cependant, l’agent a conclu que M. Rodriguez Ramos ne serait pas persécuté par des acteurs, étatiques ou non, en raison de sa maladie mentale. Il a conclu que les arguments de M. Rodriguez Ramos — selon lesquels il serait ciblé par des gangs, que ses comportements schizophréniques pourraient être perçus comme des actes de résistance susceptibles de lui coûter la vie et qu’il serait ciblé et maltraité par la police puisqu’elle percevrait son renvoi comme étant attribuable à la criminalité — étaient hypothétiques.

[11] L’agent a examiné si la santé mentale de M. Rodriguez Ramos se détériorerait s’il était renvoyé au Salvador et a conclu que tout risque résultant de soins inadéquats en santé mentale au Salvador ne constitue pas un risque au sens du sous‑alinéa 97(1)b)(iv) de la LIPR. Il a également conclu que M. Rodriguez Ramos n’a pas allégué que le Salvador refuserait de le traiter pour des raisons de persécution ou personnelles. L’agent a conclu que le risque qu’il soit pris pour cible par des gangs ou qu’il soit persécuté par la police n’est pas propre à sa situation.

[12] M. Rodriguez Ramos soutient que l’agent a évalué des aspects de son profil de risque isolément, sans tenir compte de son profil de risque complet. Il fait valoir que l’agent a écarté le volet maladie mentale de son profil de risque en se fondant sur des arguments qu’il n’a pas présentés, soit que des traitements pourraient lui être refusés pour des raisons de persécution ou que des soins de santé inadéquats seraient directement responsables du préjudice anticipé. Il a aussi fait valoir que l’agent a analysé les risques posés par les membres de gangs et la police sans tenir compte de sa maladie mentale et de son casier judiciaire. À cet égard, l’agent a conclu que le risque lié à la violence des gangs était généralisé, qu’il affligeait tous les habitants du Salvador et qu’il n’était pas propre à la situation de M. Rodriguez Ramos. L’agent a également conclu qu’il y avait peu d’éléments de preuve démontrant que la police soupçonnerait qu’il est affilié à des membres de gangs simplement parce qu’il est retourné au Salvador, et a conclu que ce risque n’était pas propre à M. Rodriguez Ramos.

[13] M. Rodriguez Ramos soutient que sa maladie mentale et son casier judiciaire sont des facteurs essentiels qui contribuent à son risque accru d’être persécuté ou de subir un préjudice de la part de membres de gangs ou de la police. Il soutient que l’agent n’a pas tenu compte de l’intersectionnalité de son profil de risque et qu’il a commis une erreur en examinant ses facteurs de risque isolément plutôt que de considérer leur effet cumulatif : Djubok, au para 18; Gorzsas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 458 au para 36 [Gorzsas]; Kusmez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 948 aux para 17‑19; Vilvarajah c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2018 CF 349 aux para 11 et 21.

[14] Le défendeur soutient que l’agent a raisonnablement conclu que les arguments de M. Rodriguez Ramos selon lesquels ses comportements l’exposeraient à un risque accru étaient hypothétiques et ne reposaient sur aucune preuve démontrant que les gangs ciblent ou persécutent les personnes souffrant de maladies mentales. M. Rodriguez Ramos n’a simplement pas présenté une preuve suffisante et non hypothétique démontrant qu’il serait persécuté en raison de sa maladie mentale. Le défendeur soutient que le risque auquel M. Rodriguez Ramos dit être confronté en tant que rapatrié n’est pas étayé par la jurisprudence. Notre Cour a conclu à maintes reprises que les personnes rapatriées pouvant être perçues comme riches ne font pas partie d’un « groupe social » au sens de l’article 96 de la LIPR (Cius c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1 au para 18 [Cius]; Regala c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2020 CF 192 au para 22 [Regala]). Le défendeur signale que toute personne qui présente une demande d’ERAR est une personne rapatriée et que la décision de l’agent n’est pas déraisonnable parce qu’il a fait abstraction d’un argument non fondé. Le défendeur soutient que, comme l’allégation de persécution de M. Rodriguez Ramos à titre de rapatrié n’était pas fondée, l’agent a analysé le risque de persécution en se fondant uniquement sur la question de sa maladie mentale.

[15] En réponse, M. Rodriguez Ramos fait valoir que les décisions Cius et Regala n’établissent aucun principe général selon lequel les personnes rapatriées ne peuvent jamais être considérées comme un groupe social. La question de savoir si les personnes rapatriées peuvent être considérées comme un groupe social en particulier doit être tranchée en fonction de chaque cas, et M. Rodriguez Ramos soutient que l’agent a fait abstraction de la preuve sur la situation au pays qu’il a présentée au sujet des personnes rapatriées au Salvador en particulier. En outre, il soutient qu’il n’a pas soulevé un risque de persécution du seul fait qu’il est rapatrié, mais plutôt du fait qu’il est rapatrié et qu’il souffre d’une grave maladie mentale, et il a étayé ce risque à l’aide d’éléments de preuve. Par conséquent, rien ne justifiait que l’agent rejette ses arguments au motif qu’ils n’étaient pas fondés.

[16] À mon avis, l’agent n’a pas adéquatement tenu compte des allégations de risque soulevées par M. Rodriguez Ramos et n’a pas évalué les risques à la lumière du profil de risque complet qui lui a été présenté.

[17] Comme je l’ai déjà mentionné, dans ses observations à l’appui de sa demande d’ERAR, M. Rodriguez Ramos a soutenu qu’il risquait d’être persécuté ou de subir un préjudice en tant que rapatrié souffrant d’une grave maladie mentale, et en tant que rapatrié qui serait soupçonné d’être un criminel. Il a fait valoir que des gangs le cibleraient parce qu’il est un rapatrié facilement reconnaissable, et qu’il risquerait d’être blessé ou tué par des membres de gangs en raison de ses comportements erratiques et agités causés par sa schizophrénie, puisque ceux‑ci seraient perçus comme des actes de résistance. Il a également soutenu qu’il serait ciblé par la police parce que les gangs de rue violents qui sont actifs au Salvador de nos jours sont la conséquence, entre autres facteurs, de l’expulsion de membres de gangs salvadoriens des États‑Unis, et que la police présumerait qu’il s’est fait expulser pour cause de criminalité. La preuve sur la situation au pays décrit les abus perpétrés par la police à l’endroit des personnes soupçonnées d’être liées à des gangs ou à des activités criminelles, y compris la détention arbitraire, les meurtres, les disparitions et la torture.

[18] Selon moi, l’agent a rejeté les arguments de M. Rodriguez Ramos sans justification adéquate. Il a affirmé que ses arguments étaient hypothétiques ou que les risques allégués n’étaient pas propres à sa situation, sans donner d’explication supplémentaire ni examiner la preuve au dossier. Par conséquent, plutôt que d’évaluer le risque cumulatif auquel M. Rodriguez Ramos serait exposé en raison des aspects interreliés de son profil de risque, l’agent a isolé ces divers aspects lorsqu’il a évalué les risques de persécution ou de préjudice. Il a évalué les risques de persécution découlant de la maladie mentale de M. Rodriguez Ramos en se fondant sur la question de savoir s’il se verrait refuser un traitement. L’agent a également évalué le risque lié aux membres de gangs en se fondant sur le statut de rapatrié de M. Rodriguez Ramos sans tenir compte des comportements imputables à sa schizophrénie. L’agent a rejeté le risque qu’il se fasse maltraiter par la police parce qu’il est soupçonné d’être lié aux gangs ou d’avoir commis des crimes, au motif que [traduction] « peu d’éléments de preuve au dossier ne démontrent que la police soupçonnerait [M. Rodriguez Ramos] d’être lié ou affilié à des membres de gangs simplement parce qu’il est revenu au Salvador ». L’agent n’a pas examiné l’observation de M. Rodriguez Ramos selon laquelle la police associe les personnes rapatriées à la criminalité et n’a pas tenu compte du fait qu’il a un casier judiciaire et qu’il est expulsé du Canada pour criminalité.

[19] Comme je l’ai déjà mentionné, M. Rodriguez Ramos se fonde sur les décisions Gorzsas et Djubok pour appuyer sa thèse. Bien que ces décisions soient instructives, elles présentent aussi un élément de distinction. L’analyse fondée sur l’article 96 de la LIPR repose sur les motifs de persécution prévus dans la Convention et, dans les décisions Gorzsas et Djubok, la question de savoir si les facteurs de risque examinés dans le cadre de l’analyse intersectionnelle étaient liés à des motifs de persécution prévus dans la Convention au sens de l’article 96 ne se posait pas. En revanche, le défendeur soutient en l’espèce que la définition de « groupe social » au sens de l’article 96 repose sur des notions antidiscriminatoires (Cius, au para 17, citant Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689) et que l’agent n’a pas commis d’erreur en isolant le risque attribuable au fait d’être une personne rapatriée dans son analyse fondée sur l’article 96.

[20] Quoi qu’il en soit, je ne suis pas d’accord avec le défendeur pour dire que l’agent a raisonnablement isolé la question de la maladie mentale parce que le risque d’être ciblé en tant que personne rapatriée n’est pas fondé sur un motif prévu par la Convention au sens de l’article 96. Dans la décision rendue à l’issue de l’ERAR, l’agent n’a pas indiqué qu’il a isolé des aspects du profil de risque de M. Rodriguez Ramos pour ce motif et n’a pas justifié l’approche qu’il a adoptée. Au contraire, je conviens avec M. Rodriguez Ramos qu’il semble que l’agent n’a tout simplement pas examiné son profil de risque complet. L’agent semble avoir rejeté les allégations de risque de M. Rodriguez Ramos au motif qu’elles étaient hypothétiques ou qu’elles n’étaient pas propres à sa situation, en se fondant sur une analyse séquentielle des aspects de son profil de risque, alors que M. Rodriguez Ramos avait soutenu qu’ils se recoupaient et augmentaient le risque auquel il serait exposé lorsqu’ils sont considérés ensemble.

[21] En résumé, M. Rodriguez Ramos a présenté un profil de risque combiné qui était au cœur de ses risques allégués. En examinant ces risques isolément dans le cadre de son évaluation du profil de risque, l’agent n’a pas tenu compte de « la somme de ses parties ». Les conclusions de l’agent quant aux risques auxquels M. Rodriguez Ramos serait exposé de la part des gangs ou de la police ont été tirées sans égard aux comportements causés par sa maladie mentale ni à son casier judiciaire, lesquels étaient présentés comme des facteurs essentiels qui définissaient son profil de risque. Je conclus que ces erreurs constituent une lacune suffisamment capitale pour rendre la décision déraisonnable : Vavilov, au para 100.

B. L’agent a‑t‑il fait abstraction d’éléments de preuve qui contredisaient directement ses conclusions?

[22] M. Rodriguez Ramos soutient que l’agent a fait abstraction de la preuve contredisant la conclusion selon laquelle le risque auquel il serait exposé en rentrant au Salvador est hypothétique ou qu’il n’est pas propre à sa situation. Selon M. Rodriguez Ramos, cette preuve comprend les éléments suivants : (i) la preuve montrant que sa santé mentale se détériorera s’il arrête de prendre ses médicaments; (ii) la preuve non contestée au sujet du manque de médicaments et de ressources en santé mentale au Salvador; (iii) la preuve sur la situation au pays démontrant que les personnes rapatriées sont victimes d’extorsions, que les personnes qui ne se conforment pas aux règles imposées par les gangs subissent leur violence et que la police salvadorienne persécute les personnes rapatriées; (iv) la preuve par affidavit de la grand‑mère âgée de M. Rodriguez Ramos, la seule membre de sa famille qui vit toujours au Salvador, concernant son incapacité à prodiguer les soins et l’aide dont il a besoin et à payer pour ceux‑ci, ainsi que les actes de violence commis par des gangs dans son quartier.

[23] En ce qui concerne l’analyse de l’agent fondée sur l’article 97 en particulier, M. Rodriguez Ramos soutient que la population salvadorienne en général n’est pas confrontée aux risques auxquels il fait face à titre de rapatrié ayant de la famille à l’étranger et souffrant d’une maladie mentale qui nécessite des traitements constants. En outre, M. Rodriguez Ramos soutient que l’exclusion prévue au sous‑alinéa 97(1)b)(iv) de la LIPR ne s’applique pas à sa situation, puisque cette disposition exclut seulement la protection lorsque le caractère inadéquat des soins médicaux est la cause directe du préjudice appréhendé, alors que son préjudice appréhendé concerne les membres de gangs et la police : Ferreira c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 756 aux para 11-14 [Ferreira]; Level c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 1226 aux para 21-29 [Level]; Lemika c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 467 au para 26.

[24] Tout d’abord, l’agent a affirmé que l’exclusion prévue au sous‑alinéa 97(1)b)(iv) de la LIPR s’appliquerait, mais n’a pas expliqué pourquoi elle s’appliquerait au risque auquel M. Rodriguez Ramos serait exposé de la part de gangs ou de la police, alors que sa maladie mentale non traitée accroît les risques auxquels il est exposé. L’agent n’a pas examiné les principes établis dans la jurisprudence (en particulier dans les décisions Ferreira et Level), qui semblent s’appliquer aux faits de l’espèce.

[25] Ensuite, en ce qui concerne les observations de M. Rodriguez Ramos selon lesquelles l’agent a fait abstraction de la preuve sur la situation au pays et de celle propre à sa situation, je souligne que dans la décision rendue à l’issue de l’ERAR, l’agent a indiqué avoir lu les observations de M. Rodriguez Ramos ainsi que les documents qu’il a présentés concernant la situation au pays. En outre, la décision expose plusieurs extraits de la preuve sur la situation au pays. Hormis le fait qu’il n’a pas mentionné l’affidavit de la grand‑mère, rien n’indique que l’agent a fait abstraction d’éléments de preuve.

[26] Cependant, je conviens avec M. Rodriguez Ramos que l’agent n’a pas tenu compte de la preuve qu’il a présentée au sujet de sa situation personnelle et de la situation au pays. Quatre pages de la décision rendue à l’issue de l’ERAR consistent en des extraits de la preuve sur la situation au pays qui appuient les arguments de M. Rodriguez Ramos. Or, l’agent a rejeté sommairement la preuve en déclarant que les risques décrits dans la documentation se rapportent à la population générale et ne sont pas propres à M. Rodriguez Ramos. À mon avis, contrairement à l’argument du défendeur, la décision rendue à l’issue de l’ERAR ne reflète pas un examen attentif ou une appréciation nuancée de la preuve.

IV. Conclusion

[27] M. Rodriguez Ramos a établi que la décision de l’agent est déraisonnable. La décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre décideur pour qu’il rende une nouvelle décision.

[28] Aucune des parties ne propose de question à certifier. À mon avis, la présente affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-5998-20

LA COUR STATUE :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. La décision de l’agent est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre décideur pour qu’il rende une nouvelle décision.

  3. Il n’y a aucune question à certifier.

« Christine M. Pallotta »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5998-20

 

INTITULÉ :

LUIS ERNESTO RODRIGUEZ RAMOS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 20 OCTOBRE 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE PALLOTTA

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 14 JANVIER 2022

 

COMPARUTIONS :

Fedora Mathieu

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Brooklynne Eeuwes

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bureau des services juridiques intégrés

Aide juridique de l’Ontario

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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