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Date : 20220111


Dossier : IMM‑821‑20

Référence : 2022 CF 30

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 11 janvier 2022

En présence de monsieur le juge Pamel

ENTRE :

KIRANDEEP KAUR

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La demanderesse, Kirandeep Kaur, une citoyenne de l’Inde originaire de la région du Pendjab, âgée de 25 ans, sollicite le contrôle judiciaire d’une nouvelle décision du 9 décembre 2019 [la décision] par laquelle la Section des visas du Haut‑commissariat du Canada à New Delhi a refusé de lui délivrer un permis de travail temporaire au titre du programme Expérience internationale Canada afin qu’elle puisse travailler comme aide familiale résidante pour deux personnes âgées de plus de 90 ans aux prises avec de graves problèmes de santé, y compris la démence, l’arthrose, l’hypertension artérielle et un déclin cognitif prononcé.

[2] À la suite d’une entrevue avec Mme Kaur, réalisée en anglais à la demande de celle‑ci, l’agent des visas a conclu que Mme Kaur n’avait pas réussi à démontrer qu’elle serait capable d’exercer adéquatement l’emploi, comme l’exige l’alinéa 200(3)a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le Règlement]. Plus précisément, l’agent des visas n’était pas convaincu que Mme Kaur avait démontré de façon adéquate qu’elle était capable d’exécuter les fonctions d’aide familiale résidante auprès de deux personnes âgées aux prises avec de graves problèmes de santé dans une situation non supervisée ni qu’elle avait les compétences linguistiques nécessaires pour s’acquitter adéquatement de ces fonctions en situation d’urgence.

[3] Il s’agit du troisième refus de permis de travail temporaire de Mme Kaur à titre d’aide familiale. La Cour a été saisie du contrôle judiciaire du refus de sa deuxième demande, s’est prononcée à ce sujet, puis a renvoyé l’affaire à un autre agent des visas pour qu’il rende une nouvelle décision. Cette nouvelle décision, par laquelle l’agent a refusé la demande de permis de travail, fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

[4] Le futur employeur de Mme Kaur au Canada, M. Baldev Kharey, a affirmé qu’il n’avait pas réussi à trouver d’aide familial résidant pour ses parents pendant le traitement de la première demande de visa de travail temporaire de Mme Kaur, et il a dit craindre que sa mère ait particulièrement de la difficulté à s’adapter à son nouvel environnement s’il devait transférer ses parents dans un établissement de soins. Malheureusement, la mère de M. Kharey est depuis décédée, ce qui a énormément affecté le père de M. Kharey sur le plan émotionnel, et celui‑ci continue de souffrir en raison d’un début de démence et de sa mobilité réduite. Par conséquent, M. Kharey est encore à la recherche d’un aide familial résidant pour fournir des soins 24 heures sur 24 à son père, qui a maintenant 93 ans.

[5] Mme Kaur fait valoir que la décision était déraisonnable, car l’agent des visas n’a pas pris en compte ou a mal interprété les renseignements qu’elle avait fournis, la décision était fondée sur une évaluation déraisonnable de ses compétences en anglais et elle s’appuyait sur des motifs insuffisants. Mme Kaur ajoute que le comportement de l’agent pendant l’entrevue indiquait que celui‑ci avait une opinion préconçue et avait préjugé de la demande, ce qui donne lieu à une crainte raisonnable de partialité.

[6] Le paragraphe 200(3) du Règlement énonce les circonstances dans lesquelles un agent des visas ne peut pas délivrer un permis de travail.

Exceptions

Exceptions

 

200(3) Le permis de travail ne peut être délivré à l’étranger dans les cas suivants :

200(3) An officer shall not issue a work permit to a foreign national if

 

a) l’agent a des motifs raisonnables de croire que l’étranger est incapable d’exercer l’emploi pour lequel le permis de travail est demandé;

 

(a) there are reasonable grounds to believe that the foreign national is unable to perform the work sought;

[…]

[…]

[7] Pendant l’entrevue, l’agent des visas a demandé à Mme Kaur ce qu’elle ferait dans trois situations hypothétiques : (1) Que ferait‑elle si elle découvrait que la personne de qui elle s’occupe est tombée en bas des escaliers, est semi‑consciente, a une respiration superficielle et d’éventuelles lésions internes, mais aucun saignement externe? (2) Dans cette situation, que dirait‑elle lorsqu’elle téléphonerait au 911? (3) Que ferait‑elle si elle perdait la personne âgée dont elle s’occupe au cours d’une marche dans un parc? L’agent des visas a expliqué à Mme Kaur qu’il avait les préoccupations suivantes relativement aux réponses qu’elle avait données par rapport aux situations hypothétiques qui lui ont été présentées :

[traduction]

Pour devenir aide familial au Canada, le candidat doit posséder les compétences linguistiques nécessaires pour s’acquitter de ses fonctions, particulièrement pendant les situations d’urgence et les échanges avec les gens autres que les clients. Vous n’avez pas été en mesure de comprendre de nombreuses questions ou d’y répondre, et vos compétences en anglais sont très limitées. Cela vous empêcherait de vous acquitter de vos fonctions. Vous avez fourni un certificat attestant de l’achèvement d’un cours de gardiennage, mais à l’entrevue, vous n’avez pas réussi à énoncer adéquatement les mesures que vous prendriez dans une situation d’urgence et les renseignements essentiels que vous donneriez. Vous n’avez pas été capable d’indiquer de façon satisfaisante comment vous agiriez dans des situations d’urgence précises à titre d’aide familiale. Je ne suis pas convaincu que vous avez démontré de façon adéquate que vous êtes capable d’exécuter les fonctions de gardienne auprès de deux personnes âgées aux prises avec de graves problèmes de santé dans une situation non supervisée au Canada. J’ai donné à la demanderesse la possibilité de répondre. Elle a affirmé qu’elle sait que ses compétences en anglais sont très limitées, mais qu’elle s’améliorerait certainement à ce chapitre. Si elle avait la chance d’aller au Canada. Elle a effectué le test de compétences linguistiques du Système international de tests de la langue (IELTS). Elle a répondu que, dans une situation d’urgence, on n’a pas le temps de vérifier les signes vitaux et qu’il suffit de téléphoner au 911. Sa situation familiale était difficile et elle voulait aider sa grand‑mère. J’ai informé la demanderesse que j’éprouvais de l’empathie pour elle compte tenu de sa situation familiale, mais qu’il était impossible d’approuver sa demande. Elle a obtenu un résultat global de 5.0 à son IELTS et de 4.0 en lecture, ce qui concorde à peu de choses près avec ses capacités linguistiques observées à l’entrevue, qui sont modestes. En outre, son affirmation selon laquelle on n’a pas le temps de vérifier les signes vitaux dans une situation d’urgence semble incorrecte. La vérification des signes vitaux et le pronostic sont les premières mesures à prendre dans une situation d’urgence. Il ne suffit pas de téléphoner au 911 dans toutes les situations d’urgence.

[8] Mme Kaur a soulevé deux questions devant moi :

  • a) L’agent des visas a‑t‑il manqué à son obligation d’équité procédurale pour en arriver à cette décision?

  • b) La décision de l’agent des visas est‑elle raisonnable?

[9] Les parties soutiennent que la norme de contrôle applicable au bien‑fondé de la décision est celle de la décision raisonnable. Je suis d’accord (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, aux para 16‑17 [Vavilov]). Lorsqu’elle effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit déterminer si la décision « possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci » (Vavilov, au para 99, Bains c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 57 aux para 50 à 52). En outre, il faut faire preuve d’une grande retenue à l’égard de l’évaluation effectuée par un agent des visas en vue de la délivrance d’un permis de travail, car cette évaluation exige la pondération de nombreux facteurs renvoyant à des questions factuelles liées à l’expertise reconnue à l’agent des visas (Ekpenyong c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2019 CF 1245, au para 12).

[10] En ce qui concerne l’équité procédurale, les parties conviennent également que pour établir s’il y a eu manquement aux principes d’équité procédurale, la Cour doit déterminer si le processus décisionnel était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances (Likhi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 171, au para 20; Sharma c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 381, aux para 12‑14 [Sharma]).

A. L’agent des visas n’a pas violé les principes de l’équité procédurale

[11] Mme Kaur soutient que le comportement de l’agent pendant l’entrevue indiquait que celui‑ci avait une opinion préconçue et avait préjugé de la demande, ce qui donne lieu à une crainte raisonnable de partialité. Dans l’affidavit déposé à l’appui de la présente demande, Mme Kaur relate en ces termes son expérience avec l’agent qui a effectué l’entrevue :

[traduction]

Je sentais que cet agent était agacé par le fait que j’avais contesté le dernier refus et que j’étais rencontrée en entrevue pour une deuxième fois. Il lui est arrivé d’être plutôt impoli avec moi, ce qui m’a donné le sentiment d’avoir fait quelque chose de mal;

[…]

Comme je le mentionne plus haut, l’entrevue n’a pas été une expérience agréable. J’ai téléphoné à M. Kharey et il m’a conseillé d’écrire ce qui s’était produit à l’entrevue pendant que les événements étaient encore frais dans ma mémoire. J’étais très nerveuse et j’ai été traitée comme si j’avais fait quelque chose de mal;

[12] Pour déterminer s’il existe une crainte raisonnable de partialité, il s’agit de savoir si une personne bien renseignée, qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, en arriverait à la conclusion que l’agent, consciemment ou non, a rendu une décision juste (Committee for Justice and Liberty et autres c L’Office national de l’énergie et autres [1978] 1 RCS 369, aux p 394‑395 (le juge de Grandpré dissident); R c S (RD), [1997] 3 RCS 484, au para 31). La crainte de partialité « ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou encore de simples impressions d’un demandeur ou de son procureur [et doit] être étayée par des preuves concrètes qui font ressortir un comportement dérogatoire à la norme » (Sharma, au para 27, citant Arthur c Canada (Procureur général), 2001 CAF 223, au para 8).

[13] Comme l’a affirmé le juge Gascon dans la décision Sharma, il faut faire preuve de beaucoup de rigueur pour conclure qu’il existe une crainte raisonnable de partialité, car cela met en cause l’intégrité personnelle du décideur et l’intégrité de l’administration de la justice toute entière (Sharma, au para 30). En l’espèce, pour évaluer l’allégation formulée à l’endroit de l’agent des visas, je dispose uniquement des notes versées dans le Système mondial de gestion des cas [le SMGC] et la perception que Mme Kaur a exprimée dans son affidavit, en particulier son impression que l’agent était agacé par le fait que sa demande faisait encore l’objet d’une nouvelle décision. Après avoir lu les notes de l’agent des visas, je suis d’accord avec Mme Kaur pour dire qu’il semble avoir employé un ton pouvant facilement être caractérisé de cassant. En fait, l’agent des visas semble avoir mis fin à l’entrevue en disant qu’il ne pouvait pas donner d’autre chance à Mme Kaur, car il devait s’occuper de 40 autres candidats. Les aptitudes sociales de l’agent des visas sont peut‑être à améliorer, mais je ne vois rien dans les notes versées dans le SMGC ni dans les notes que Mme Kaur a prises à la suite de l’entrevue qui indique que le comportement de l’agent des visas donnait lieu à une crainte raisonnable de partialité. L’agent des visas avait manifestement une journée bien remplie avec d’autres demandeurs de visas et il aurait pu accorder davantage de temps à Mme Kaur afin que celle‑ci réponde à d’autres questions, mais il ne l’a pas fait. Dans les circonstances, il m’est impossible de dire qu’il a franchi la ligne et qu’il a montré des signes justifiant une crainte raisonnable de partialité.

[14] Comme le fait valoir Mme Kaur, il se peut que la nature de l’entrevue en soi, réalisée de part et d’autre d’un écran en plastique acrylique dans un environnement plutôt intimidant, ait eu une incidence sur la façon dont elle a répondu aux questions de l’agent des visas et que de nos jours, le respect – dont l’agent des visas doit faire preuve à l’égard de Mme Kaur – est caractéristique de l’équité et de l’ouverture d’esprit.

[15] C’est peut‑être le cas, mais rien n’indique que l’agent des visas a manqué de respect à Mme Kaur. Les agents des visas se voient confier un certain mandat et reçoivent des lignes directrices et une formation dans l’espoir qu’ils seront en mesure d’évaluer la capacité des demandeurs à effectuer le travail auquel se rapporte le visa – il s’agit en l’espèce de s’occuper de deux personnes âgées aux prises avec de graves problèmes de santé mentale et physique – et d’exercer leur pouvoir discrétionnaire de façon juste et raisonnable tout au long du processus. Souvent, les agents des visas ne peuvent pas se permettre de perdre leur temps, et cela peut facilement donner aux demandeurs l’impression que l’agent des visas avait des arrière‑pensées.

[16] Je comprends comment la demanderesse s’est sentie dans une telle situation, mais notre système est ainsi fait. Dans les circonstances de l’espèce, je ne suis pas convaincu que l’agent des visas a suscité une crainte raisonnable de partialité à l’égard de Mme Kaur. Comme l’a affirmé le juge Diner dans la décision Cruz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1283 [Cruz], au paragraphe 13, « [l]e rôle de l’agent n’est pas uniquement de contribuer à faciliter les déplacements des étrangers et des travailleurs comme il est prévu à l’alinéa 3(1)g) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], mais également de s’assurer qu’ils puissent satisfaire aux exigences de leur emploi éventuel, lesquelles garantissent la protection de la santé et de la sécurité des Canadiens ». L’agent des visas était en droit de poser des questions pointues à Mme Kaur pour vérifier si elle était capable d’exécuter les fonctions d’aide familiale auprès de deux personnes âgées de la façon prévue à l’alinéa 200(3)a) du Règlement (Sharma, au para 28). Poser des questions pointues, manifester de la froideur et refuser de prolonger une entrevue à la demande de la demanderesse, sans quoi que ce soit d’autre, ne sont pas des signes donnant lieu à une crainte raisonnable de partialité.

B. La décision de l’agent des visas était raisonnable.

(1) L’agent des visas n’a pas fait fi des renseignements que Mme Kaur a fournis dans sa demande de permis de travail et il ne les a pas mal interprété

[17] Comme je le mentionne plus haut, Mme Kaur a fourni un affidavit assez long énonçant sa version des événements, les notes qu’elle a préparées peu après la fin de son entrevue avec l’agent des visas, et une comparaison entre, d’une part, sa version des questions et des réponses qu’elle a données, et d’autre part, celles énoncées dans les notes de l’agent des visas versées dans le SMGC. Mme Kaur soutient que l’agent des visas n’a pas tenu compte des réponses détaillées qu’elle a données à chacune des questions qu’il lui a posées à l’entrevue, que l’agent des visas n’a pas inclus certaines déclarations qu’elle a faites dans les notes versées dans le SMGC et qu’il n’y a aucun lien entre la justification du refus et les réponses qu’elle a données.

[18] Je reconnais que la version de l’entrevue décrite dans les notes de Mme Kaur comprend des réponses supplémentaires qu’elle aurait données aux questions de l’agent des visas. Toutefois, même si c’est le cas, cela n’établit pas que l’agent des visas n’a pas tenu compte de ces réponses pour en arriver à sa décision. Les notes versées dans le SMGC ne se veulent pas une transcription de l’entrevue, et l’agent des visas est réputé avoir tenu compte de tout ce qui a été dit au cours du processus d’entrevue. Ce qui importe, c’est que la cour de révision puisse évaluer, à partir des notes de l’agent des visas, le raisonnement adopté par l’agent pour en arriver à sa décision.

[19] À mon avis, Mme Kaur n’a pas démontré que l’agent des visas avait mal interprété les renseignements qu’elle avait fournis pendant l’entrevue. La question n’est pas de savoir si elle a répondu aux questions de l’agent des visas, mais bien de savoir si l’agent des visas était satisfait des réponses qu’elle a données. Les notes versées dans le SMGC donnent à penser que l’agent a tenu compte des réponses que Mme Kaur a données relativement à trois situations d’urgence hypothétiques qui lui ont été présentées et a conclu que les réponses n’étaient pas satisfaisantes. Je ne vois rien de déraisonnable dans une telle conclusion.

(2) L’agent des visas n’a pas évalué de façon déraisonnable les compétences linguistiques de Mme Kaur

[20] Mme Kaur fait également valoir que l’agent des visas a évalué de façon déraisonnable ses compétences en anglais pendant l’entrevue en appliquant une norme largement supérieure à ce qui est exigé pour exécuter adéquatement les fonctions d’aide familial. Elle soutient que, malgré son accent et certaines lacunes sur le plan de la grammaire et de la syntaxe, l’agent des visas semblait comprendre ses réponses et elle a été en mesure de donner des réponses détaillées. Mme Kaur ajoute que l’agent des visas qui a traité sa première demande n’avait aucune préoccupation au sujet de ses compétences en anglais. Cependant, même si c’était le cas, cela n’est pas pertinent dans le contexte du présent contrôle judiciaire (Singh Bhullar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 304, au para 16 [Singh Bhullar]).

[21] L’évaluation d’impact sur le marché du travail n’établit pas de norme relativement au poste d’aide familial résidant auprès de personnes âgées, mais indique simplement que le titulaire du poste doit avoir des compétences en communication orale et écrite en anglais. Mme Kaur soutient que, bien qu’elle ait obtenu une note de 5.5 pour ses compétences en expression orale et écrite à son test de compétences linguistiques du Système international de tests de la langue (IELTS) – soit le niveau de compétence minimal établi par règlement pour ce poste –, l’agent des visas a conclu que ses capacités linguistiques étaient inadéquates. Mme Kaur affirme qu’une telle conclusion est tout à fait arbitraire et par conséquent déraisonnable.

[22] Les lignes directrices applicables sont énoncées dans le guide d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada OP 14 : Traitement des demandes aux termes du programme des aides familiaux résidants [le guide OP 14], qui renvoie aux exigences linguistiques du programme des aides familiaux résidants. Bien que le règlement auquel renvoie le guide OP 14 ait été abrogé et n’ait pas force de loi, il est reconnu que les lignes directrices établissent les critères par rapport auxquels un agent des visas peut évaluer les qualités d’un demandeur (Legault c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, au para 20, cité dans Singh Bhullar, au para 15). Mme Kaur n’a pas contesté l’applicabilité du guide OP 14.

[23] Les exigences linguistiques incluses par renvoi dans le guide OP 14 prévoient ceci :

[…] tout demandeur au titre du Programme d’aide familial résidant (PAFR) doit posséder une maîtrise de l’anglais ou du français suffisante pour pouvoir communiquer efficacement de façon autonome dans une situation non supervisée. Par exemple, il doit être en mesure de :

• faire face aux situations d’urgence en appelant un médecin, l’ambulance, la police ou les pompiers;

• lire l’étiquette d’un médicament;

• répondre au téléphone et à la porte; et

• communiquer avec d’autres personnes hors du foyer, notamment à l’école, au magasin ou dans d’autres établissements.

L’aide familial résidant doit être en mesure d’effectuer ses tâches dans une situation non supervisée. De plus, un aide familial résidant qui parle, comprend et lit bien une des langues officielles du Canada comprendra ses droits et ses obligations et ne dépendra pas de son employeur pour l’interprétation de la législation du travail et des normes d’emploi provinciales ou territoriales. En outre, il sera mieux armé pour demander de l’aide à l’extérieur en cas de difficulté personnelle ou s’il se trouve dans une situation d’emploi insatisfaisante.

L’évaluation des compétences linguistiques des aides familiaux résidants s’inscrit dans le processus de demande de permis de travail au titre du PAFR.

[24] L’agent a conclu que Mme Kaur éprouvait des difficultés en anglais pendant l’entrevue, en dépit de ses résultats à l’IELTS. Il a déterminé ce qui suit :

[traduction]

Pour devenir aide familial au Canada, le candidat doit posséder les compétences linguistiques nécessaires pour s’acquitter de ses fonctions, particulièrement pendant les situations d’urgence et les échanges avec les gens autres que les clients. Vous n’avez pas été en mesure de comprendre de nombreuses questions ou d’y répondre, et vos compétences en anglais sont très limitées. Cela vous empêcherait de vous acquitter de vos fonctions.

[25] Bien que Mme Kaur ait obtenu un résultat acceptable à l’IELTS, l’agent n’a pas tenu compte de ce résultat en raison des capacités qu’elle a démontrées au cours de l’entrevue. Mme Kaur s’appuie sur la décision Azam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 115 [Azam], dans laquelle le juge Russell a conclu qu’une agente avait déraisonnablement rejeté les résultats de la demanderesse à l’IELTS au profit de sa propre évaluation « fondée sur le fait qu’elle devait répéter certaines questions pendant l’entrevue ». Toutefois, dans la décision Azam, le juge Russel a ajouté ceci : « Comme l’agente n’explique pas précisément quelles questions ont été posées et ne fournit pas non plus de réponses, je n’ai aucun moyen de savoir si son évaluation équivaut à un type de test valable qui pourrait raisonnablement remplacer les résultats à l’IELTS » (Azam, au para 61).

[26] Cependant, en l’espèce, l’agent des visas a fourni de nombreux détails sur l’entrevue et a décrit chaque question posée à Mme Kaur et les réponses que celle‑ci a données. En outre, l’agent des visas a examiné les compétences de Mme Kaur en anglais dans une situation d’urgence et a affirmé que [traduction] « le candidat doit posséder les compétences linguistiques nécessaires pour s’acquitter de ses fonctions, particulièrement pendant les situations d’urgence et les échanges avec les gens autres que les clients ». Je conclus que l’agent a évalué de façon raisonnable les compétences de Mme Kaur en anglais dans le contexte de son poste, à savoir une aide familiale résidante embauchée pour s’occuper de deux personnes âgées aux prises avec des problèmes de santé, soit un travail difficile. En termes simples, Mme Kaur n’a pas convaincu l’agent des visas qu’elle était capable d’exécuter les fonctions de ce poste en raison de ses capacités limitées en anglais. Je ne vois rien de déraisonnable dans cette évaluation.

(3) L’agent a présenté des motifs suffisants.

[27] Selon Mme Kaur, les motifs de l’agent n’appartiennent pas aux issues possibles acceptables, car les motifs de refus du permis de travail s’appuient uniquement sur la façon dont l’agent a perçu les compétences en anglais de Mme Kaur (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au para 14; Khatun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 159, au para 46; Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au para 47).

[28] Je ne peux qu’être d’accord avec le ministre; il n’y a tout simplement aucun mystère entourant le refus. Les notes versées dans le SMGC établissent clairement les liens nécessaires dans les motifs de refus de l’agent des visas (Solopova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 690, au para 32). Aux termes de l’article 200 du Règlement, l’agent des visas doit déterminer si le demandeur satisfait aux exigences relatives à l’obtention d’un permis de travail, y compris si le demandeur est capable d’exercer l’emploi pour lequel le permis est demandé. L’agent des visas était tenu d’évaluer si Mme Kaur était capable de respecter les modalités de l’offre d’emploi (Cruz, aux para 8‑13). Il incombait à Mme Kaur de démontrer à l’agent des visas qu’elle était capable d’exercer l’emploi d’aide familiale résidante. L’agent a présenté trois situations hypothétiques à Mme Kaur pour évaluer sa capacité à réagir adéquatement dans chacune de ces situations d’urgence, et les réponses de Mme Kaur ne l’ont pas convaincu (Sharma, au para 18; Cruz, au para 8).

[29] En l’espèce, l’agent des visas a fondé sa décision non seulement sur les compétences en anglais de Mme Kaur, mais aussi sur la capacité de celle‑ci à réagir aux situations d’urgence dans le contexte de son poste d’aide familiale. Un autre agent en serait peut‑être venu à une conclusion différente, mais là n’est pas la question. En l’espèce, l’agent des visas a évalué raisonnablement la capacité de Mme Kaur à exécuter les fonctions d’aide familiale résidante auprès de deux personnes âgées, a expliqué en détail les motifs pour lesquels il a rejeté sa demande et a fourni des explications et des détails suffisants dans les notes versées dans le SMGC pour que la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité. Je ne vois rien de déraisonnable dans les conclusions de l’agent.

[30] Je suis d’avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM‑821‑20

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Peter G. Pamel »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑821‑20

 

INTITULÉ :

KIRANDEEP KAUR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 8 DÉCEMBRE 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PAMEL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 11 JANVIER 2022

COMPARUTIONS :

MAbdul W. M. Souraya

POUR LA DEMANDERESSE

Meenu Ahluwalia

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Phoenix Legal

Avocats

Calgary (Alberta)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Calgary (Alberta)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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