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Date : 20040930

Dossier : T-1858-02

Référence : 2004 CF 1346

Ottawa (Ontario), le 30 septembre 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DANIÈLE TREMBLAY-LAMER

ENTRE :

                                                 JOHN CHRISTOPHER COOPER

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                          LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision du ministre du Revenu national (le ministre) qui a rejeté la demande du demandeur dans le cadre de la disposition d'équité, soit le paragraphe 220(3.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la LIR), par laquelle il visait à obtenir une renonciation à l'intérêt couru ou son annulation.

[2]                Le 31 juillet 1989, le demandeur a fait l'objet d'une nouvelle cotisation pour les années d'imposition 1984, 1985, 1986 et 1987; on a décidé qu'il devait à la Couronne la somme de 39 238,00 $. Le 23 août 1989, le demandeur a fait l'objet d'une nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1988; on lui a accordé un crédit de 14 427,06 $ qui a été déduit de sa dette.

[3]                Le demandeur a déposé des avis d'opposition à l'encontre des cotisations se rapportant aux années d'imposition 1984, 1985, 1986 et 1987. Le défendeur admet que ces avis n'ont pas été traités dans un délai raisonnable. Par conséquent, le 12 octobre 2000, il a informé le demandeur qu'il désirait régler les avis d'opposition. Le 10 novembre 2000, les parties ont convenu d'un règlement, réduisant ainsi le montant dû par le demandeur à environ 28 000,00 $; le défendeur a délivré un nouvel avis de cotisation de ce montant pour l'année d'imposition 1988.

[4]                Le 29 mars 2001, le demandeur a demandé que les intérêts sur le montant dû pour son année d'imposition 1988 soient annulés, conformément à la disposition d'équité. Le 2 mai 2001, le défendeur a rendu une décision de premier palier refusant la demande au motif que le demandeur avait renoncé à son droit de demander une renonciation aux intérêts dans le règlement du 10 novembre 2000.

[5]                Le 17 mai 2001, le demandeur a demandé que le défendeur révise cette décision.

[6]                Le 31 mai 2002, Mme Diane Pouliot de la division du recouvrement a délivré un rapport dans lequel elle analyse les arguments du demandeur et recommande que la demande d'annulation des intérêts de celui-ci soit refusée.

[7]                Le 1er octobre 2002, sur réception du rapport de Mme Pouliot, Mme Diane Bertrand de la division des appels a délivré un autre rapport dans lequel elle analyse la situation économique du demandeur; elle a également recommandé que la demande d'annulation soit refusée.

[8]                Le 4 octobre 2002, M. Patrick Allard, chef des appels pour l'Agence des douanes et du revenu (l'ADRC), a envoyé au demandeur une lettre mentionnant que sa demande fondée sur l'équité avait été refusée. Cette décision fait l'objet de la présente demande.

[9]                Le demandeur soutient que le rapport délivré par Mme Pouliot de la division du recouvrement, dans lequel elle a recommandé que sa demande fondée sur l'équité soit refusée comportait un certain nombre d'erreurs et d'allégations non fondées auxquelles il n'a jamais eu la possibilité de répondre. Il soutient que ces erreurs et allégations étaient basées sur une grave interprétation erronée de la documentation juridique et/ou sur des inexactitudes, des vérités partielles et des omissions importantes relativement aux faits véritables.

[10]            Par conséquent, puisque M. Allard a basé sa décision sur le rapport de Mme Pouliot, la décision ne peut être maintenue.


[11]            Cette affaire soulève une question : le ministre a-t-il commis une erreur en refusant la demande du demandeur dans le cadre de la disposition d'équité de la LIR?

[12]            Le paragraphe 220(3.1) de la LIR se lit comme suit :


(3.1) Le ministre peut, à tout moment, renoncer à tout ou partie de quelque pénalité ou intérêt payable par ailleurs par un contribuable ou une société de personnes en application de la présente loi, ou l'annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

220(3.1) The Minister may at any time waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by a taxpayer or partnership and, notwithstanding subsections 152(4) to 152(5), such assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made as is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.


[13]            L'article 7 des lignes directrices se lit comme suit :


7. Il peut être convenable dans des situations où il y a incapacité de verser le montant exigible d'examiner la possibilité de renoncer ou d'annuler la totalité ou une partie des intérêts afin d'en faciliter le recouvrement, par exemple dans les suivants :

a) lorsque les mesures de recouvrement ont été suspendues à cause de l'incapacité de payer;

b) lorsqu'un contribuable ne peut conclure une entente de paiement qui serait raisonnable parce que les frais intérêts comptent pour une partie considérable des versements; dans un tel cas, il faudrait penser à renoncer à la totalité ou à une partie des intérêts pour la période où les versements débutent jusqu'à ce que le montant exigible soit payé pourvu que les versements convenues soient effectués à temps.

7. It may be appropriate, in circumstances where there is an inability to pay amounts owing, to consider waiving or cancelling interest in all or in part to facilitate collection: For example,

(a) When collection has been suspended due to an inability to pay.

(b) When a taxpayer is unable to conclude a reasonable payment arrangement because the interest charges absorb a significant portion of the payments. In such a case, consideration may be given to waiving interest in all or in part for the period from when payments commence until the amounts owing are paid provided the agreed payments are made on time.



[14]            Comme je l'ai mentionné dans la décision Salomon c. Canada (Procureur général), [2002] A.C.F. no 1531 (C.F. 1re inst.), il faut faire preuve d'une grande retenue lorsque la décision discrétionnaire du ministre, prise conformément au paragraphe 220(3.1) de la LIR, est examinée et la norme de contrôle est celle de la décision manifestement déraisonnable. La cour de révision ne peut intervenir et annuler la décision discrétionnaire du ministre que si celle-ci a été prise de mauvaise foi, si le décideur a manifestement omis de tenir compte de faits pertinents ou tenu compte de faits non pertinents, ou si la décision est erronée en droit.

[15]            À mon avis, le demandeur n'a pas été en mesure de démontrer que la décision du ministre était manifestement déraisonnable.

[16]            L'argument principal du demandeur est que la décision prise par le défendeur est viciée par le rapport préparé par Mme Pouliot parce que ce rapport contient des erreurs. Premièrement, bien que Mme Bertrand puisse avoir demandé un rapport de la part de Mme Pouliot et qu'elle puisse avoir inclus un résumé de ce rapport dans le sien, le rapport de Mme Bertrand est complet et rien n'indique que le rapport de Mme Pouliot a influé sur la décision du défendeur. En fait, les erreurs alléguées et les allégations non fondées mentionnées par le demandeur n'apparaissent pas dans le rapport de Mme Bertrand. Par conséquent, les observations du demandeur concernant le rapport de Mme Pouliot n'ont aucune importance quant à la présente demande.

[17]            Deuxièmement, je conclus que, lors de sa rencontre du 16 août 2002 avec Mme Bertrand, le demandeur a eu la possibilité de répondre à toute question soulevée, selon lui, par le rapport de Mme Pouliot. En conséquence, son observation selon laquelle il n'a pas été en mesure de corriger les erreurs factuelles alléguées n'est pas fondée.


[18]            Troisièmement, le demandeur avait le fardeau de convaincre le ministre que sa demande dans le cadre du paragraphe 220(3.1) de la LIR devait être acceptée (Young c. Canada, [1997] A.C.F. no 1680 (C.F. 1re inst.)). En l'espèce, il y a de nombreuses circonstances indiquant le contraire, à savoir que le demandeur était capable de payer sa dette à la Couronne. Entre autres, Mme Bertrand a noté les suivantes dans son rapport :

-            bien que le demandeur prétende qu'il n'a eu aucun revenu au cours des huit premiers mois et que son épouse a fait seulement 16 500,00 $, leurs dépenses pour cette période comprenaient 2 500,00 $ en loyer, 881,00 $ par mois pour l'assurance-vie, des voyages en Angleterre et aux États-Unis et des honoraires d'avocat de 3 000,00 $ par mois;

-            le demandeur a choisi de payer d'autres créanciers plutôt que le défendeur, y compris ses avocats pour un montant de 3 000,00 $ par mois;

-            le 17 octobre 2002, soit cinq jours après que Mme Josée Rodrigue de l'ADRC a communiqué avec lui pour lui rappeler l'encours de sa dette fiscale, le demandeur a vendu sa propriété de Brome pour 316 000,00 $ à une société dont il est le seul actionnaire, prétendant que c'était pour rembourser une dette qu'il devait à la société. Il a également été nommé garant de l'hypothèque de la société sur la propriété. De plus, l'année précédente, il avait convenu de vendre les actions qu'il détenait dans cette société à la fille de son épouse.

[19]            Le demandeur était au courant de sa dette fiscale avant que ces transactions n'aient lieu et il aurait pu prendre des dispositions pour la rembourser. Par conséquent, il n'a pas été en mesure d'établir son incapacité à rembourser sa dette. De plus, rien dans la preuve n'indique qu'il y a eu mauvaise foi de la part du défendeur et il n'y a pas eu de manquement à la justice naturelle. À la lumière de ces conclusions, je suis d'avis que la décision du défendeur n'était pas manifestement déraisonnable.

[20]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n'y aura pas d'adjudication de dépens.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n'y a pas d'adjudication de dépens.

                                                                                                                _ Danièle Tremblay-Lamer _           

                                                                                                                                                     Juge                               

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                    T-1858-02

INTITULÉ :                                                                   JOHN CHRISTOPHER COOPER

c.

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L'AUDIENCE :                                            MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           LE 21 SEPTEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                  LA JUGE TREMBLAY-LAMER

DATE DES MOTIFS :                                                 LE 30 SEPTEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

Daniel Ovadia                                                                  POUR LE DEMANDEUR

Louis Sébastin                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ovidia, Sauvageau                                                           POUR LE DEMANDEUR

770, rue Sherbrooke Ouest

Bureau 1700

Montréal (Québec)

H3A 1G1

Morris Rosenberg                                                            POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Montréal (Québec)

H2Z 1X4


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