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Date : 20211224


Dossier : IMM-6805-20

Référence : 2021 CF 1471

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 24 décembre 2021

En présence de madame la juge McVeigh

ENTRE :

JUAN FRANCISCO CANO GRANDA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision du 6 décembre 2020 par laquelle une déléguée du ministre (la DM) a pris une mesure d’interdiction de séjour au titre du paragraphe 40.1(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. La DM a conclu qu’il y avait des motifs de croire que le demandeur était un étranger interdit de territoire à la suite de la décision prise, en dernier ressort, au titre du paragraphe 108(2) de la LIRP entraînant la perte de l’asile dont il bénéficiait.

II. Contexte

[2] Le demandeur est citoyen du Mexique. Le 2 juin 2006, la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR) lui a reconnu la qualité de réfugié au sens de la Convention. Le 25 octobre 2007, il est devenu résident permanent du Canada. Il a demandé la citoyenneté canadienne le 24 avril 2012 et attendait depuis de prêter le serment de citoyenneté, soit la dernière étape de son processus de demande de citoyenneté.

[3] Le 20 janvier 2016, le ministre a demandé à la SPR de résilier le statut de réfugié du demandeur. Ce dernier était volontairement retourné au Mexique en 2008, en 2013 et en 2014. Il avait utilisé son passeport mexicain pour voyager, passeport qu’il a renouvelé en 2014. Le 30 mars 2020, la SPR a conclu que le demandeur avait perdu sa qualité de réfugié au sens de la Convention puisqu’il s’était réclamé de nouveau et volontairement de la protection du Mexique aux termes de l’alinéa 108(1)a) de la LIPR. Le demandeur a sollicité l’autorisation de demander le contrôle judiciaire de la décision emportant perte de l’asile, mais la demande a été rejetée à l’étape de l’autorisation.

[4] Le 29 juin 2020, un rapport a été établi contre le demandeur au titre de l’article 44 pour motif d’interdiction de territoire aux termes du paragraphe 40.1(1) de la LIPR.

[5] Par voie d’une lettre datée du 1er décembre 2020, le demandeur a été avisé qu’il devait comparaître à l’instance de la DM qui aurait lieu le 16 décembre 2020.

[6] Le 11 décembre 2020, le demandeur a présenté une demande écrite et des observations en vue du report de l’instance de la DM. Le 16 décembre 2020, le demandeur a soumis une demande modifiée en vue de reporter son renvoi ou de reporter la prise d’une mesure d’interdiction de séjour.

A. La décision faisant l’objet du contrôle

[7] Le 16 décembre 2020, le demandeur a comparu à l’audience de la DM accompagné de son avocat actuel. La DM a conclu que le demandeur était interdit de territoire aux termes du paragraphe 40.1(1) de la LIRP au motif qu’il est un étranger interdit de territoire à la suite de la décision prise, en dernier ressort, au titre du paragraphe 108(2) entraînant la perte de l’asile dont il bénéficiait. Après confirmation de la validité du constat, une mesure d’interdiction de séjour a été prise.

III. La question en litige

[8] La question en litige consiste à savoir si la décision de la DM de prendre la mesure d’interdiction de séjour était déraisonnable.

IV. La norme de contrôle

[9] Comme l’a statué la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au paragraphe 23, « [l]orsqu’une cour examine une décision administrative sur le fond […] [l]’analyse a […] comme point de départ une présomption selon laquelle le législateur a voulu que la norme de contrôle applicable soit celle de la décision raisonnable ». C’est la présomption générale et, à mon avis, elle n’est pas réfutée par les faits de l’espèce.

[10] Lorsqu’elle effectue un contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable, la Cour se fonde sur le principe de la retenue judiciaire et le respect du rôle distinct des décideurs administratifs (Vavilov, au para 13). Par ailleurs, lorsqu’elle effectue un contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable, la Cour ne se livre pas à une analyse de novo ou ne cherche pas à trancher elle-même la question en litige (Vavilov, au para 83). Elle commence plutôt par les motifs du décideur administratif et évalue si le raisonnement suivi et le résultat obtenu sont raisonnables, au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur la décision (Vavilov, aux para 81, 83, 87, 99).

[11] Une décision raisonnable est une décision qui est justifiée, transparente et intelligible pour la personne visée et qui reflète, dans son ensemble, « une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle » compte tenu du contexte administratif du dossier dont était saisi le décideur et des observations des parties (Vavilov, aux para 81, 85, 91, 94‑96, 99, 127‑128).

V. Analyse

A. Caractère prématuré

[12] Le demandeur fait valoir qu’il était déraisonnable de la part de la DM de conclure que les demandes de report étaient prématurées étant donné qu’aucune mesure d’interdiction de séjour n’avait été prise contre lui. Je tiens d’abord à souligner que le demandeur emploie indifféremment les termes « mesure d’interdiction de séjour » et « mesure de renvoi ». La mesure prise par la DM était, en fait, une mesure d’interdiction de séjour. C’est la raison pour laquelle j’ai utilisé le terme « mesure d’interdiction de séjour » jusqu’ici et je continuerai de l’employer dans la présente décision. Quoi qu’il en soit, le demandeur soutient que cela était déraisonnable puisqu’à son avis, après que la mesure d’interdiction de séjour a été prise ultérieurement dans l’instance, la demande de report aurait dû être tranchée.

[13] Je conclus qu’il était raisonnable de la part de la DM de juger que la demande de report était prématurée. Lors de l’instance, la DM a apprécié le rapport d’interdiction de territoire et le renvoi. Dans un contexte similaire, le juge Gascon a traité de ces arguments relativement à une demande de sursis dans l’affaire Okojie v Canada (Citizenship and Immigration), 2019 FC 880 [Okojie 1]. Dans cette affaire, Mme Okojie cherchait à obtenir le report de son enquête jusqu’à ce qu’une décision soit prise en dernier ressort concernant une demande d’autorisation, étant donné que son statut de réfugiée faisait l’objet d’un examen par la SPR puisqu’elle s’était réclamée de nouveau de la protection du pays dont elle avait la nationalité. Un rapport a été établi au titre du paragraphe 44(1) et concluait qu’elle était interdite de territoire aux termes du paragraphe 40.1(1) et qu’elle était une étrangère interdite de territoire parce qu’elle avait perdu l’asile. L’affaire a été renvoyée à un DM pour enquête en vertu du paragraphe 44(2) de la LIRP. La demanderesse dans Okojie 1 soutenait qu’elle n’était pas une étrangère au motif que l’alinéa 46(1)c.1) prévoit la perte du statut de résident permanent dès lors qu’une décision est prise au titre du paragraphe 108(2) dans une situation où il y a perte d’asile pour l’une des raisons mentionnées à l’un des alinéas 108(1)a) à d). Elle a fait valoir qu’elle n’avait pas perdu son statut puisqu’elle s’était réclamée de nouveau de la protection du pays dont elle avait la nationalité avant décembre 2012, moment de l’entrée en vigueur de la disposition, et que cette dernière ne peut être appliquée rétroactivement ou rétrospectivement. Dans sa demande de contrôle judiciaire, elle a contesté la procédure au motif qu’elle n’avait pas perdu son statut de résidente permanente sous l’effet de l’alinéa 46(1)c.1).

[14] Dans des motifs détaillés, le juge Gascon a conclu que la demande de sursis de l’enquête de Mme Okojie était prématurée, se fondant sur plusieurs affaires dont a été saisie la Cour de même que sur les principes de la non‑intervention des tribunaux et de la retenue judiciaire. Il a conclu qu’en l’absence de circonstances exceptionnelles, la Cour ne doit pas intervenir dans la procédure administrative en cours jusqu’à ce que cette procédure soit achevée ou que les recours efficaces prévus par la LIPR aient été épuisés.

[15] Le même principe s’applique en l’espèce, puisqu’il ne revenait pas à la DM, par l’établissement d’un rapport au titre de l’article 44, d’accorder un report. Au fil de la procédure administrative, l’occasion de demander, une fois, un report et une intervention judiciaire se serait présentée, et ce, seulement si un renvoi était effectivement prévu.

[16] Dans ses motifs, la DM a traité de la demande de report présentée par l’avocat du demandeur et a mentionné spécifiquement les documents fournis par courriel le 11 décembre 2020 et les observations antérieures soumises avant l’entrevue. Elle a indiqué que le demandeur n’était pas visé par une interdiction de séjour et a ajouté ce qui suit : [traduction] « […] si vous aviez été frappé d’une mesure d’interdiction de séjour vous ordonnant de quitter le Canada, le pouvoir discrétionnaire d’un délégué du ministre serait limité, et je ne peux pas me prononcer quant au déroulement ou au moment d’un futur renvoi. C’est à l’unité des renvois qu’incombe cette responsabilité. »

[17] Je conclus qu’il était raisonnable de la part de la DM de juger qu’il était prématuré d’examiner la question du report du renvoi lors de la procédure d’enquête. La DM a examiné tous les documents puis a rendu une décision raisonnable assortie d’explications suffisantes qui était fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et justifiée au regard des faits et du droit (Vavilov, au para 85). Cette conclusion est en phase avec le raisonnement du juge Gascon dans Okojie 1, bien que le contexte soit différent. Recevoir la demande de report au moment où le souhaitait le demandeur serait revenu à apprécier le moment d’un futur renvoi, une tâche qui incombe à un service distinct, soit l’unité des renvois. Nous ne recevons pas de requêtes en sursis avant que l’unité des renvois ait fixé la date du renvoi, cette pratique étant jugée prématurée, ce qui n’est pas sans rappeler la situation en l’espèce.

B. La LIPR et la compétence de l’agent

[18] Le deuxième argument du demandeur est qu’il était déraisonnable de la part du décideur de déclarer que la LIPR ne confère pas aux agents la compétence nécessaire pour trancher la question de savoir s’il y a lieu de reporter l’instance de la DM jusqu’à ce qu’une décision soit rendue quant à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire qu’a présentée le demandeur. Ce dernier invoque une directive de l’Agence des services frontaliers du Canada, portant que les opérations liées aux renvois reprendront le 30 novembre 2020, pour étayer sa position voulant que la DM soit bel et bien investie de ce pouvoir. Bien que la directive mentionne qu’il est [traduction] « possible pour une personne de se prévaloir des divers mécanismes de recours que prévoit la législation, notamment l’appel, le contrôle judiciaire et la demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire […] ainsi que la demande de report », elle n’indique pas que les DM possèdent le pouvoir de reporter une procédure d’interdiction de territoire parce qu’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire est en suspens. Le demandeur n’invoque aucun autre élément de preuve à l’appui de sa position.

[19] Comme l’a conclu la Cour d’appel fédérale [la CAF] dans l’arrêt Sharma c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CAF 319, bien que le DM possède un pouvoir discrétionnaire limité concernant la prise en compte des facteurs d’ordre humanitaire, il se préoccupe surtout de la sécurité et non des considérations d’ordre humanitaire (aux para 23‑24; Melendez c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 1131 aux para 27‑34; Slemko c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2020 CF 718 aux para 21‑22). Encore une fois, lors d’une procédure d’enquête, le législateur n’a pas estimé nécessaire d’établir, par voie législative, que les demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaires qui sont en suspens doivent être prises en compte dans le cadre d’une enquête.

[20] Il convient de souligner que la DM a répondu à la question posée par l’avocat du demandeur lors de l’enquête. L’avocat s’est exprimé ainsi : [traduction] « lorsqu’on lui [le demandeur] a demandé s’il avait la citoyenneté ou le statut de résident permanent, il a répondu par la négative. Le seul point que je veux soulever, c’est que lorsqu’il a soumis une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, la demande lui a été retournée au motif qu’il était encore un résident permanent. Je vous demanderais donc de tenir compte de ce fait au moment de rendre votre décision. » La DM a traité de ce point dans ses motifs, précisant ceci : [traduction] « J’ai tenu compte de toutes les remarques formulées par votre avocat, ainsi que de l’examen oral de ce dernier au sujet de la lettre d’IRCC [Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada] portant que votre statut actuel est celui de résident permanent. Les Services juridiques de l’Agence des services frontaliers du Canada m’ont avisée au début du mois de l’issue de la décision de la Cour fédérale concernant votre demande d’autorisation et votre demande de contrôle judiciaire en ce qui touche l’audience relative à la perte de l’asile. La seule explication que je vois quant à la lettre du 30 novembre 2020 qu’a envoyée IRCC, c’est que le statut inscrit dans le système n’a pas encore été mis à jour en conséquence. »

[21] La DM a confirmé que dans le rapport d’interdiction de territoire, il est écrit que [traduction] « vous êtes un étranger autorisé à entrer au Canada. “Étranger” s’entend d’une personne qui n’est ni un citoyen canadien ni un résident permanent du Canada. Aux termes du paragraphe 40.1(1) de la LIRP, il existe des motifs de croire, d’une part, que vous êtes un étranger interdit de territoire à la suite de la décision prise, en dernier ressort, au titre du paragraphe 108(2) de la LIRP entraînant la perte de l’asile dont vous bénéficiez et, d’autre part, que vous avez perdu votre qualité de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger le 30 mars 2020, moment de la prise de la décision, en dernier ressort, au titre du paragraphe 108(2) de la LIPR entraînant la perte de l’asile. » Elle a subséquemment validé ce rapport et le refus de la Cour fédérale d’accorder une autorisation concernant l’audience relative à la perte de l’asile.

[22] Je conclus qu’il n’était pas déraisonnable de la part de la DM de refuser d’accorder un report jusqu’à ce qu’une décision soit rendue au sujet de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire présentée par le demandeur, et de motiver sa décision.

C. Le processus de renvoi

[23] Le demandeur a fait valoir que le mauvais processus de renvoi a été appliqué en l’espèce. Il affirme que la mesure d’interdiction de séjour n’aurait pas dû être prise par la DM, mais que le rapport établi au titre de l’article 44 aurait plutôt dû être renvoyé à la Section de l’immigration pour que celle‑ci statue sur l’affaire. Procéder autrement reviendrait à traiter le statut de résident permanent du demandeur comme s’il n’avait jamais existé ou n’avait aucune importance.

[24] Le paragraphe 108(1) énonce les circonstances qui entraînent la perte de l’asile. Aux termes de l’alinéa 46(1)c.1), emporte perte du statut de résident permanent la décision prise, en dernier ressort, au titre du paragraphe 108(2), sur constat des faits mentionnés à l’un des alinéas 108(1)a) à d). Ainsi, un demandeur perd l’asile s’il « a) […] se réclame de nouveau et volontairement de la protection du pays dont il a la nationalité; b) […] recouvre volontairement sa nationalité; c) […] acquiert une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays de sa nouvelle nationalité; d) […] retourne volontairement s’établir dans le pays qu’il a quitté ou hors duquel il est demeuré et en raison duquel il a demandé l’asile au Canada ». Cette disposition est claire et sans équivoque et elle a été confirmée par la jurisprudence (Siddiqui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 134 [Siddiqui] au para 21; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Nilam, 2017 CAF 44 aux para 24‑25). Le demandeur s’est adressé à la Cour pour lui demander d’autoriser le contrôle judiciaire de la décision portant sur la perte de l’asile, et cette autorisation n’a pas été accordée; ainsi, par effet de la loi, il est un étranger.

[25] Aux termes du paragraphe 40.1(1), la décision prise, en dernier ressort, au titre du paragraphe 108(2) entraînant la perte de l’asile d’un étranger emporte son interdiction de territoire. De plus, le paragraphe 40.1(2) prévoit que la décision prise, en dernier ressort, au titre du paragraphe 108(2) entraînant, sur constat des faits mentionnés à l’un des alinéas 108(1)a) à d), la perte de l’asile d’un résident permanent emporte son interdiction de territoire. La principale différence entre les deux situations est qu’un étranger est interdit de territoire sur constat d’un des cinq faits entraînant la perte de l’asile (y compris l’alinéa e) du paragraphe 108(1)), alors que dans le cas d’un résident permanent, seulement quatre de ces critères sont appliqués (l’alinéa e) est exclu) pour déterminer s’il y a interdiction de territoire.

[26] Pour résumer, en l’espèce, le rapport établi au titre du paragraphe 44(1) faisait état de ce qui suit : A) le demandeur n’est pas un citoyen canadien; B) le demandeur n’est pas un résident permanent puisque le ministre a demandé à la SPR de constater la perte de l’asile en vertu de l’alinéa 108(1)a) de la LIPR. La SPR a conclu que le demandeur s’était réclamé de nouveau et volontairement de la protection du pays dont il a la nationalité. Il a été conclu qu’il y a eu perte de l’asile le 30 mars 2020, en vertu du paragraphe 108(2); et que C) par conséquent, le rapport établi au titre du paragraphe 44(1) recommandait la tenue d’une instance du DM et la prise d’une mesure d’interdiction de séjour en application de l’alinéa 228(1)b.1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227.

[27] En vertu du paragraphe 44(1) de la LIPR, si un agent estime qu’un résident permanent ou un étranger est interdit de territoire, il peut établir un rapport circonstancié. Ce rapport est ensuite transmis au ministre. Si le DM estime le rapport bien fondé, il peut prendre une mesure d’interdiction de séjour ou déférer l’affaire à la Section de l’immigration pour enquête au titre du paragraphe 44(2) de la LIPR.

[28] Aux yeux du demandeur, la principale question concerne l’article 40.1. Il soutient que lorsqu’un résident permanent perd sa qualité de réfugié et, de ce fait, son statut de résident permanent, le fait de traiter le demandeur comme un étranger (puisqu’il vient de perdre son statut de résident permanent) relève d’une interprétation déraisonnable de l’article 40.1. Il affirme que cette interprétation rendrait le paragraphe 40.1(2) inopérant puisqu’il ne pourrait s’appliquer à qui que ce soit. Il estime que c’est à l’étape du renvoi que le statut de résident permanent d’un réfugié se voit enfin donner un sens. En outre, il est d’avis que le DM ne possède pas le pouvoir requis pour prendre une mesure d’interdiction de séjour contre un résident permanent et qu’il doit plutôt déférer l’affaire à la Section de l’immigration.

[29] Je ne peux retenir l’interprétation du demandeur puisque l’alinéa 46(1)c.1) indique clairement et sans ambiguïté qu’une personne perd son statut de résident permanent lorsqu’il y a perte de l’asile. Je comprends l’interrogation soulevée par le demandeur quant aux circonstances qui entraîneraient l’application du paragraphe 40.1(2), je pourrais d’ailleurs trouver des exemples pour y répondre; toujours est-il qu’en l’espèce, force est de constater que la procédure prévue par la loi a été suivie et que, partant, le demandeur est maintenant un étranger.

[30] L’affaire Tung c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 917 [Tung] (dont était saisi le juge Brown) et l’affaire Okojie c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 948 (affaire distincte, mais concernant la même personne, dont était saisi le juge Little) [Okojie 2] portaient toutes deux sur la perte de l’asile, mais elles se distinguent du fait qu’elles ont été renvoyées pour qu’une nouvelle décision soit rendue parce que le DM n’avait pas examiné les questions qui lui avaient été soumises et que, par conséquent, les décisions n’étaient pas raisonnables. Tel n’est pas le cas en l’espèce étant donné que les motifs sont clairs, que la DM a justifié sa décision et qu’elle a traité des observations formulées par l’avocat du demandeur. Qui plus est, dans l’affaire Okojie 2, des arguments relatifs à l’ordre des événements ont été soulevés. De fait, la demanderesse soutenait que les incidents témoignant de sa nouvelle réclamation de la protection du pays dont elle avait la nationalité qui lui ont fait perdre son statut de résidente permanente s’étaient produits avant l’entrée en vigueur de l’alinéa 46(1)c.1) et que c’était cette question qui devait être tranchée. L’alinéa 46(1)c.1) est entré en vigueur le 15 décembre 2012. La DM mentionne expressément les affaires Tung et Okojie 2 et le fait qu’elles ont été renvoyées pour nouvelle décision.

[31] En l’espèce, ces arguments relatifs à l’ordre des événements n’ont pas été présentés lors de l’audience de la DM et, au vu de l’audience relative à la perte de l’asile de la SPR, force est de constater qu’ils n’y ont pas été soulevés non plus; ainsi, la SPR n’en a pas traité, et je n’ai pas non plus besoin de le faire. Je souligne toutefois que dans l’affaire Tung (IMM-1047-20), qui a été plaidée le 15 décembre 2021, ces arguments concernant l’application rétrospective sont avancés. Je ne suis pas d’accord avec le demandeur lorsqu’il dit que la DM a omis d’examiner son argument sur l’interprétation des paragraphes 40.1(2) et 44(2). Je conclus que la DM l’a bel et bien fait. La DM a invoqué des dispositions de la LIPR qui prévoient expressément la perte du statut de résident permanent dès lors qu’il y a perte de l’asile et disposent que le DM doit prendre une mesure d’interdiction de séjour à la suite d’un constat d’interdiction de territoire et qu’il ne doit pas déférer l’affaire à la Section de l’immigration.

[32] La CAF a interprété cette disposition (l’alinéa 46(1)c.1)) dans plusieurs affaires et a conclu qu’elle est expresse; il n’était donc pas nécessaire pour la DM de se justifier plus qu’elle l’a fait. Je souligne toutefois que l’argument soulevé était différent, à savoir que l’appelant dans Siddiqui soutenait que puisqu’il était un réfugié de la catégorie de personnes de pays d’accueil et non un réfugié au sens de la Convention, l’alinéa 46(1)c.1) pouvait être interprété comme étant non applicable à son égard. Après avoir conclu que la LIPR ne varie pas selon le mécanisme par lequel une personne obtient son statut de réfugié, le juge Rennie s’est exprimé ainsi au nom de la CAF (Siddiqui) :

[12] Les réponses à la contestation judiciaire de la décision reposent sur une interprétation de la loi qui est fondée sur les principes. Si l’on interprète les dispositions pertinentes de la LIPR selon leur sens grammatical et ordinaire, en harmonie avec l’esprit de la Loi, il ne fait aucun doute que les arguments de l’appelant sont sans fondement. […]

[21] Cependant, rien dans le régime législatif ne soutient pareil argument. De fait, l’alinéa 46(1)c.1) dispose expressément qu’une décision prise au titre du paragraphe 108(2) entraîne la perte du statut de résident permanent. L’argument de l’appelant, selon lequel l’alinéa 46(1)c.1) ne s’appliquait pas parce qu’il faisait partie de la catégorie des personnes de pays d’accueil, rendrait cette disposition sans effet. […]

[22] Dans un effort visant à se soustraire au libellé clair de la Loi, l’appelant insiste sur une interprétation restrictive des dispositions relatives à la perte de l’asile, afin d’en exclure les réfugiés appartenant à la catégorie de personnes de pays d’accueil. L’appelant soutient qu’une telle interprétation serait conforme aux objectifs de la LIPR et de la Convention. Il est toutefois un principe juridique bien établi selon lequel on ne peut invoquer des principes du droit international pour miner les dispositions expresses du législateur, lorsque le libellé du législateur est sans équivoque, comme c’est le cas en l’espèce. Ainsi que l’indique la Cour suprême dans l’arrêt Febles c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CSC 68, [2014] 3 R.C.S 431, les objectifs généraux, qu’ils soient fondés sur le droit international ou des lois nationales, ne justifient pas une interprétation qui soit sans fondement, ou qui soit incompatible avec le libellé du législateur.

[33] Dans un autre contexte qui diffère de l’espèce, mais qui corrobore le principe dont il est question, la CAF a souligné ce qui suit au paragraphe 25 de l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Nilam, 2017 CAF 44 :

[25] La perte de l’asile et du statut de résident permanent a des conséquences sur l’interdiction de territoire d’une personne au Canada et peut entraîner son renvoi du pays. Plus précisément, le paragraphe 40.1(2) de la LIPR prévoit que le résident permanent dont on a constaté la perte de l’asile lors d’une décision prise, en dernier ressort, au titre du paragraphe 108(2) de la LIPR est interdit de territoire au Canada. En outre, l’article 44 de la LIPR et l’alinéa 228(1)b.1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, autorisent la prise d’une mesure de renvoi contre la personne interdite de territoire au Canada au titre de l’article 40.1 de la LIPR.

[34] Lorsqu’on applique à ces faits une interprétation de la loi qui est fondée sur les principes et sur le sens grammatical et ordinaire des dispositions, en harmonie avec l’esprit de la LIPR, il ne fait aucun doute que le demandeur – après la perte de son statut – est un étranger et que la validation du rapport d’interdiction de territoire et la prise de la mesure d’interdiction de séjour par la DM étaient raisonnables.

D. Application du manuel des politiques de la DM

[35] Le demandeur affirme que la DM n’a pas respecté son propre manuel des politiques lorsqu’elle a soutenu que la portée limitée de son pouvoir ne comprenait pas le pouvoir discrétionnaire de ne pas prendre une mesure d’interdiction de séjour même lorsqu’elle conclut que le demandeur est interdit de territoire. L’argument du demandeur déforme les motifs de la DM à cet égard. La DM n’a pas soutenu qu’elle n’avait pas le pouvoir de ne pas prendre une mesure d’interdiction de séjour, elle a simplement dit que son pouvoir discrétionnaire à ce chapitre était restreint et qu’elle ne pouvait pas ignorer le fait qu’une personne est interdite de territoire au Canada.

[36] À la page 21 du chapitre ENF 06 du Guide d’exécution de la loi, on peut lire ce qui suit :

Lorsque le DM examine le rapport en vertu du L44(1) et conclut qu’il est bien fondé, les objectifs de la LIPR peuvent être atteints, dans certaines circonstances, sans prendre une mesure de renvoi. Le DM peut prendre d’autres mesures dans l’exercice des pouvoirs délégués qui lui sont conférés par la Loi et son règlement. Toutefois, comme nous le verrons dans la présente section, la portée du pouvoir discrétionnaire du DM est limitée.

[…]

Le pouvoir discrétionnaire au titre des L44(1) et L44(2) ne signifie pas que les agents et les DM peuvent ignorer le fait qu’une personne est, ou peut être, interdite de territoire. Le pouvoir discrétionnaire au titre de l’article 44 sert à laisser aux agents et aux DM la souplesse nécessaire pour gérer les cas où aucune mesure de renvoi ne sera prise ou dont les conditions sont telles que les objectifs de la LIPR peuvent être atteints ou le seront, sans qu’il soit nécessaire de rédiger un rapport formel d’interdiction de territoire en vertu des clauses du L44(1) ou de prendre une mesure de renvoi ou de déférer l’affaire à la SI au titre du L44(2).

[37] Par conséquent, j’estime que la DM a raisonnablement interprété et appliqué les dispositions législatives et le Guide d’exécution de la loi lorsqu’elle a refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire en l’espèce.

[38] Dans l’arrêt Sharma c Canada, 2016 CAF 319, bien qu’elle traitait du pouvoir discrétionnaire du DM dans un autre contexte, lequel était surtout axé sur l’équité procédurale en matière de communication de la preuve, la CAF a fait remarquer que le pouvoir discrétionnaire dont est investi le DM est limité :

[22] Si l’on applique ces principes, il est évident que la décision que prend un agent en vertu du paragraphe 44(1) et celle que prend le ministre en vertu du paragraphe 44(2) ne comportent aucune des caractéristiques d’une décision de nature judiciaire ou quasi judiciaire. Certes, les agents, ainsi que le ministre ou son délégué, semblent avoir une certaine latitude pour ce qui est de décider s’il convient ou non de rédiger un rapport d’interdiction de territoire ou de le renvoyer à la SI, mais, comme l’a conclu la Cour dans l’arrêt Canada (ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c. Cha, 2006 CAF 126, 267 D.L.R. (4th) 324, au paragraphe 35 (arrêt Cha), il y a des limites au pouvoir discrétionnaire que l’on accorde aux agents et aux délégués du ministre, malgré l’emploi du verbe « peut » dans le libellé des paragraphes 44(1) et (2). Dans l’arrêt Cha, la Cour a conclu que la situation particulière de l’étranger, de même que la nature de l’infraction, de la déclaration de culpabilité et de la peine infligée, débordaient le cadre des pouvoirs discrétionnaires exercés en vertu des paragraphes 44(1) et (2).


[23] L’étendue du pouvoir discrétionnaire est donc tributaire d’un certain nombre de facteurs, dont les présumés motifs d’interdiction de territoire et le fait de savoir si la personne en cause est un résident permanent ou un étranger. […]

[39] La DM a exercé son pouvoir discrétionnaire limité et n’a pas déféré l’affaire à la Section de l’immigration, ce qui était raisonnable en l’espèce étant donné que le demandeur était un étranger.

VI. Question à certifier

[40] La CAF a réitéré les critères de certification dans l’arrêt Lewis c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CAF 130 au paragraphe 36. La question doit être déterminante quant à l’issue de l’appel, doit transcender les intérêts des parties au litige et doit porter sur des questions ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale. Cela signifie que la question doit découler de l’affaire elle-même et non simplement de la façon dont la Cour fédérale a statué sur la demande. Un point qui n’a pas à être tranché ne saurait jamais soulever une question dûment certifiée (Lai c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CAF 21 au para 10). Il en est de même pour une question qui est de la nature d’un renvoi ou dont la réponse dépend des faits qui sont uniques à l’affaire (Mudrak c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 178 aux para 15, 35).

[41] Les questions qui ont été présentées en vue d’être certifiées sont les suivantes :

1. Un résident permanent dont la Section de la protection des réfugiés a constaté la perte du statut de personne protégée en vertu des paragraphes 108(2) et (3) de la LIPR au titre des alinéas 108(1)a), b), c) ou (d) est-il dès lors interdit de territoire en application des paragraphes 40.1(1) ou (2) de la LIPR?

2. Si une telle personne est interdite de territoire en vertu du paragraphe 40.1(1), à qui le paragraphe 40.1(2) s’applique‑t‑il?

3. Si une telle personne est interdite de territoire en vertu du paragraphe 40.1(2), qui, entre le ministre ou la Section de l’immigration, détient le pouvoir de prendre une mesure de renvoi?

[42] Je ne certifierai pas ces questions. La CAF a déjà donné des réponses définitives concernant l’interprétation de ces articles, notamment dans les arrêts Canada (Citoyenneté et Immigration) c Nilam, 2017 CAF 44 et Siddiqui, précités. Par conséquent, ces questions n’ont pas de conséquences importantes ou de portée générale et elles ne sont pas déterminantes quant à l’issue de l’affaire. De même, comme je l’ai déjà souligné dans la présente décision, je suis d’avis que si l’on interprète cet article selon son sens grammatical et ordinaire, en harmonie avec l’esprit de la LIPR, il ne fait aucun doute que le demandeur – après la perte de son statut – est un étranger et que le pouvoir de prendre une telle mesure d’interdiction de séjour résidait raisonnablement dans la DM. Ainsi, il ne convient pas de certifier cette question; en outre, celle‑ci est plutôt de la nature d’un renvoi, et une telle question ne peut être dûment certifiée (Mudrak c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 178 aux para 15, 35).

VII. Dépens

[43] Le demandeur sollicite des dépens de 1 000,00 $ au motif que la lettre initiale envoyée conformément à l’article 9 ne faisait pas état des motifs de la décision, lesquels motifs ont été communiqués ultérieurement. Le défendeur s’y oppose puisqu’il a remédié à la situation dès qu’il en a pris connaissance.

[44] Conformément à l’article 22 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22, la demande de contrôle judiciaire ne donne pas lieu à des dépens, sauf ordonnance contraire rendue par un juge pour des raisons spéciales. Dans la décision Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 638, le juge Bell a bien résumé le critère à appliquer :

[13] M. Singh réclame des dépens. Suivant l’article 22 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22, aucuns dépens ne seront adjugés dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, sauf pour des raisons spéciales. Le critère minimal auquel il faut satisfaire pour démontrer l’existence de raisons spéciales est rigoureux et doit être évalué dans le contexte des circonstances propres à chaque cas. Notre Cour a considéré que des raisons spéciales existaient dans des cas où, par exemple, une partie a inutilement ou de façon déraisonnable prolongé l’instance ou a agi de mauvaise foi, ou d’une manière qui peut être qualifiée d’inéquitable, d’oppressive ou d’inappropriée (Taghiyeva c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1262 aux para 16‑23; Garcia Balarezo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 841 au para 48). J’estime que l’adjudication des dépens n’est pas appropriée dans les circonstances. Les erreurs que j’ai relevées ne sont pas assimilables à des circonstances particulières qui justifieraient une adjudication des dépens.

[45] Lors de l’audience, le demandeur a fait savoir qu’il réclamait des dépens parce que la lettre initiale envoyée conformément à l’article 9, datée du 26 février 2021, ne faisait pas état des motifs de la décision. Cette erreur a été corrigée lorsque le ministre a communiqué avec le demandeur pour l’en aviser et qu’il a fait parvenir une copie certifiée datée du 26 avril 2021 dans laquelle étaient énoncés les motifs de la décision. Le demandeur prétend qu’en raison de ce retard, il a dû retravailler son exposé des arguments. Toutefois, à la lecture de la transcription, on constate que Me Cannon était présent à l’instance de la DM (l’entrevue) portant sur le rapport d’interdiction de territoire et que, par conséquent, il a dû entendre tout ce qui s’est dit lors de l’instance et avoir connaissance de la décision, ainsi que des faits pertinents de l’affaire. IL n’aurait donc pas subi de préjudice. Cela est d’autant plus vrai que le défendeur a corrigé l’erreur et que cette correction a été apportée bien avant l’audience. Le demandeur réclame des dépens de 1 000,00 $ en raison du travail additionnel qu’il a dû effectuer à cause de cette situation et affirme que cette circonstance est suffisamment particulière pour satisfaire au critère de l’article 22. Le défendeur a manifesté son désaccord avec véhémence.

[46] Le pouvoir de la Cour d’adjuger des dépens spéciaux est hautement discrétionnaire, et le critère établi à l’article 22 est très rigoureux. À mon avis, les actions du défendeur en l’espèce ne satisfont pas au critère devant être rempli pour justifier l’adjudication de dépens spéciaux en vertu de l’article 22. Premièrement, le demandeur n’a pas eu gain de cause en l’espèce. Deuxièmement, le défendeur a corrigé le problème aussitôt qu’il l’a pu et n’a nullement agi de mauvaise foi ou employé un subterfuge. Troisièmement, l’avocat du demandeur était présent tout au long de la première étape du processus (c.-à-d. à l’instance de la DM), il devrait donc être bien au fait de toutes les circonstances. Exerçant le pouvoir hautement discrétionnaire que j’ai évoqué ci-dessus et dont je suis investie, je n’adjugerai pas de dépens en l’espèce.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-6805-20

LA COUR STATUE :

  1. La demande est rejetée;

  2. Aucune question n’est certifiée;

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Glennys L. McVeigh »

Juge

Traduction certifiée conforme

Mélanie Vézina


ANNEXE A : DISPOSITIONS PERTINENTES

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

Perte de l’asile — étranger

40.1 (1) La décision prise, en dernier ressort, au titre du paragraphe 108(2) entraînant la perte de l’asile d’un étranger emporte son interdiction de territoire.

Perte de l’asile — résident permanent

(2) La décision prise, en dernier ressort, au titre du paragraphe 108(2) entraînant, sur constat des faits mentionnés à l’un des alinéas 108(1)a) à d), la perte de l’asile d’un résident permanent emporte son interdiction de territoire.

Cessation of refugee protection — foreign national

40.1 (1) A foreign national is inadmissible on a final determination under subsection 108(2) that their refugee protection has ceased.

Cessation of refugee protection — permanent resident

(2) A permanent resident is inadmissible on a final determination that their refugee protection has ceased for any of the reasons described in paragraphs 108(1)(a) to (d).

Perte de statut et renvoi

Constat de l’interdiction de territoire

Rapport d’interdiction de territoire

44 (1) S’il estime que le résident permanent ou l’étranger qui se trouve au Canada est interdit de territoire, l’agent peut établir un rapport circonstancié, qu’il transmet au ministre.

Suivi

(2) S’il estime le rapport bien fondé, le ministre peut déférer l’affaire à la Section de l’immigration pour enquête, sauf s’il s’agit d’un résident permanent interdit de territoire pour le seul motif qu’il n’a pas respecté l’obligation de résidence ou, dans les circonstances visées par les règlements, d’un étranger; il peut alors prendre une mesure de renvoi.

Loss of Status and Removal

Report on Inadmissibility

Preparation of report

44 (1) An officer who is of the opinion that a permanent resident or a foreign national who is in Canada is inadmissible may prepare a report setting out the relevant facts, which report shall be transmitted to the Minister.

Referral or removal order

(2) If the Minister is of the opinion that the report is well-founded, the Minister may refer the report to the Immigration Division for an admissibility hearing, except in the case of a permanent resident who is inadmissible solely on the grounds that they have failed to comply with the residency obligation under section 28 and except, in the circumstances prescribed by the regulations, in the case of a foreign national. In those cases, the Minister may make a removal order.

Perte du statut

Résident permanent

46 (1) Emportent perte du statut de résident permanent les faits suivants :

a) l’obtention de la citoyenneté canadienne;

b) la confirmation en dernier ressort du constat, hors du Canada, de manquement à l’obligation de résidence;

c) la prise d’effet de la mesure de renvoi;

c.1) la décision prise, en dernier ressort, au titre du paragraphe 108(2) entraînant, sur constat des faits mentionnés à l’un des alinéas 108(1)a) à d), la perte de l’asile;

d) l’annulation en dernier ressort de la décision ayant accueilli la demande d’asile ou celle d’accorder la demande de protection;

e) l’acceptation par un agent de la demande de renonciation au statut de résident permanent.

Loss of Status

Permanent resident

46 (1) A person loses permanent resident status

(a) when they become a Canadian citizen;

(b) on a final determination of a decision made outside of Canada that they have failed to comply with the residency obligation under section 28;

(c) when a removal order made against them comes into force;

(c.1) on a final determination under subsection 108(2) that their refugee protection has ceased for any of the reasons described in paragraphs 108(1)(a) to (d);

(d) on a final determination under section 109 to vacate a decision to allow their claim for refugee protection or a final determination to vacate a decision to allow their application for protection; or

(e) on approval by an officer of their application to renounce their permanent resident status.

Perte de l’asile

Rejet

108 (1) Est rejetée la demande d’asile et le demandeur n’a pas qualité de réfugié ou de personne à protéger dans tel des cas suivants :

a) il se réclame de nouveau et volontairement de la protection du pays dont il a la nationalité;

b) il recouvre volontairement sa nationalité;

c) il acquiert une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays de sa nouvelle nationalité;

d) il retourne volontairement s’établir dans le pays qu’il a quitté ou hors duquel il est demeuré et en raison duquel il a demandé l’asile au Canada;

e) les raisons qui lui ont fait demander l’asile n’existent plus.

Perte de l’asile

(2) L’asile visé au paragraphe 95(1) est perdu, à la demande du ministre, sur constat par la Section de protection des réfugiés, de tels des faits mentionnés au paragraphe (1).

Effet de la décision

(3) Le constat est assimilé au rejet de la demande d’asile.

Exception

(4) L’alinéa (1)e) ne s’applique pas si le demandeur prouve qu’il y a des raisons impérieuses, tenant à des persécutions, à la torture ou à des traitements ou peines antérieurs, de refuser de se réclamer de la protection du pays qu’il a quitté ou hors duquel il est demeuré.

Cessation of Refugee Protection

Rejection

108 (1) A claim for refugee protection shall be rejected, and a person is not a Convention refugee or a person in need of protection, in any of the following circumstances:

(a) the person has voluntarily reavailed themself of the protection of their country of nationality;

(b) the person has voluntarily reacquired their nationality;

(c) the person has acquired a new nationality and enjoys the protection of the country of that new nationality;

(d) the person has voluntarily become re-established in the country that the person left or remained outside of and in respect of which the person claimed refugee protection in Canada; or

(e) the reasons for which the person sought refugee protection have ceased to exist.

Cessation of refugee protection

(2) On application by the Minister, the Refugee Protection Division may determine that refugee protection referred to in subsection 95(1) has ceased for any of the reasons described in subsection (1).

Effect of decision

(3) If the application is allowed, the claim of the person is deemed to be rejected.

Exception

(4) Paragraph (1)(e) does not apply to a person who establishes that there are compelling reasons arising out of previous persecution, torture, treatment or punishment for refusing to avail themselves of the protection of the country which they left, or outside of which they remained, due to such previous persecution, torture, treatment or punishment.


Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR/2002-227

Mesures de renvoi à prendre

Application du paragraphe 44(2) de la Loi : étrangers

228 (1) Pour l’application du paragraphe 44(2) de la Loi, mais sous réserve des paragraphes (3) et (4), dans le cas où elle ne comporte pas de motif d’interdiction de territoire autre que ceux prévus dans l’une des circonstances ci-après, l’affaire n’est pas déférée à la Section de l’immigration et la mesure de renvoi à prendre est celle indiquée en regard du motif en cause :

a) en cas d’interdiction de territoire de l’étranger pour grande criminalité ou criminalité au titre des alinéas 36(1)a) ou (2)a) de la Loi, l’expulsion;

b) en cas d’interdiction de territoire de l’étranger pour fausses déclarations au titre de l’alinéa 40(1)c) de la Loi, l’expulsion;

b.1) en cas d’interdiction de territoire de l’étranger au titre du paragraphe 40.1(1) de la Loi pour perte de l’asile, l’interdiction de séjour;

c) en cas d’interdiction de territoire de l’étranger au titre de l’article 41 de la Loi pour manquement à :

(i) l’obligation prévue à la partie 1 de la Loi de se présenter au contrôle complémentaire ou à l’enquête, l’exclusion,

(ii) l’obligation d’obtenir l’autorisation de l’agent aux termes du paragraphe 52(1) de la Loi, l’expulsion,

(iii) l’obligation prévue à l’article 20 de la Loi de prouver qu’il détient les visa et autres documents réglementaires, l’exclusion,

(iv) l’obligation prévue au paragraphe 29(2) de la Loi de quitter le Canada à la fin de la période de séjour autorisée, l’exclusion,

(v) l’une des obligations prévues au paragraphe 29(2) de la Loi pour non-respect de toute condition prévue à l’alinéa 183(1)d), à l’article 184 ou au paragraphe 220.1(1), l’exclusion,

(vi) l’obligation prévue au paragraphe 20(1.1) de la Loi de ne pas chercher à entrer au Canada ou à y séjourner à titre de résident temporaire pendant qu’il faisait l’objet d’une déclaration visée au paragraphe 22.1(1) de la Loi, l’exclusion,

(vii) une condition prévue à l’alinéa 43(1)e), l’exclusion;

(…)

Specified Removal Order

Subsection 44(2) of the Act — foreign nationals

228 (1) For the purposes of subsection 44(2) of the Act, and subject to subsections (3) and (4), if a report in respect of a foreign national does not include any grounds of inadmissibility other than those set out in the following circumstances, the report shall not be referred to the Immigration Division and any removal order made shall be

(a) if the foreign national is inadmissible under paragraph 36(1)(a) or (2)(a) of the Act on grounds of serious criminality or criminality, a deportation order;

(b) if the foreign national is inadmissible under paragraph 40(1)(c) of the Act on grounds of misrepresentation, a deportation order;

(b.1) if the foreign national is inadmissible under subsection 40.1(1) of the Act on grounds of the cessation of refugee protection, a departure order;

(c) if the foreign national is inadmissible under section 41 of the Act on grounds of

(i) failing to appear for further examination or an admissibility hearing under Part 1 of the Act, an exclusion order,

(ii) failing to obtain the authorization of an officer required by subsection 52(1) of the Act, a deportation order,

(iii) failing to establish that they hold the visa or other document as required under section 20 of the Act, an exclusion order,

(iv) failing to leave Canada by the end of the period authorized for their stay as required by subsection 29(2) of the Act, an exclusion order,

(v) failing to comply with subsection 29(2) of the Act as a result of non-compliance with any condition set out in paragraph 183(1)(d), section 184 or subsection 220.1(1), an exclusion order,

(vi) failing to comply with the requirement under subsection 20(1.1) of the Act to not seek to enter or remain in Canada as a temporary resident while being the subject of a declaration made under subsection 22.1(1) of the Act, an exclusion order, or

(vii) failing to comply with the condition set out in paragraph 43(1)(e), an exclusion order;

(…)


Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22

Federal Courts Citizenship, Immigration and Refugee Protection Rules, SOR/93-22

Dépens

22 Sauf ordonnance contraire rendue par un juge pour des raisons spéciales, la demande d’autorisation, la demande de contrôle judiciaire ou l’appel introduit en application des présentes règles ne donnent pas lieu à des dépens.

 

Costs

22 No costs shall be awarded to or payable by any party in respect of an application for leave, an application for judicial review or an appeal under these Rules unless the Court, for special reasons, so orders.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6805-20

 

INTITULÉ :

JUAN FRANCISCO CANO GRANDA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 1ER NOVEMBRE 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCVEIGH

 

DATE DES MOTIFS :

LE 24 DÉCEMBRE 2021

 

COMPARUTIONS :

Douglas Cannon

 

POUR LE DEMANDEUR

Hilla Aharon

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Elgin, Cannon & Associates

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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