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Date : 20211224


Dossier : IMM-585-21

Référence : 2021 CF 1473

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 24 décembre 2021

En présence de monsieur le juge Brown

ENTRE :

ALLAH DINO KHOWAJA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. Nature de l’affaire et contexte

[1] Le défendeur (le ministre de la Justice) dépose une requête écrite au titre de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 dans le cadre d’une demande d’autorisation de contrôle judiciaire présentée par le demandeur à l’égard du refus du ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada [IRCC] de lui délivrer un visa de résident temporaire [VRT]. Mon collègue le juge Roy, agissant conformément au paragraphe 14(2) des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22 [les Règles en matière d’immigration], a enjoint au défendeur de divulguer le dossier certifié du tribunal [DCT] dans une ordonnance de production datée du 6 octobre 2021. Se fondant sur l’article 87 et l’alinéa 83(1)d) [collectivement, l’article 87] de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001 c 27 [la LIPR], le défendeur demande la prise de mesures spéciales prenant la forme d’une ordonnance autorisant le dépôt d’un DCT caviardé. En faisant droit aux demandes de caviardage, la Cour interdirait la divulgation de certains renseignements contenus dans le DCT dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui, aux termes de l’article 87 de la LIPR.

[2] La requête vise à obtenir :

  1. une ordonnance en vertu de l’article 87 de la LIPR pour interdire la divulgation au public ainsi qu’au demandeur et à son avocate de renseignements classifiés contenus dans des documents qui seront déposés à la Cour;

  2. une audience, si la Cour le juge nécessaire, à huis clos et en l’absence du demandeur et de son avocate (ex parte et à huis clos), aux termes de l’alinéa 83(1)c) de la LIPR afin de trancher la demande;

  3. toute autre mesure que les avocats peuvent proposer et que la Cour estime juste.

[3] La requête est fondée sur les motifs suivants :

  1. L’article 87 de la LIPR autorise la Cour à rendre une ordonnance d’interdiction de divulgation visant des renseignements ou d’autres éléments de preuve dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui.

  2. Les documents dont la divulgation est ordonnée contiennent des renseignements classifiés qui doivent être protégés et qui ne peuvent être divulgués au public ni au demandeur ou à son avocate, car leur divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui, tel qu’il est énoncé à l’alinéa 83(1)d) de la LIPR. Le défendeur n’entend pas s’appuyer sur les renseignements caviardés pour répondre à la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire du demandeur.

[4] Après avoir reçu la requête, j’ai convoqué une audience publique sur la gestion de l’instance le 9 novembre 2021, au cours de laquelle j’ai examiné au profit des parties la nature et le déroulement d’une requête présentée en vertu de l’article 87. J’ai informé les parties que j’examinerais l’affaire en deux étapes : d’abord dans le cadre d’une audience publique, puis d’une audience à huis clos. J’ai indiqué aux parties que, lors de l’audience publique, je me pencherais sur les documents publics qu’elles ont déposés et sur leurs observations de vive voix. Les questions à examiner comprendraient les questions pertinentes pour l’audience à huis clos que les parties pourraient soulever, dont le bon ou les bons critères à appliquer, l’opportunité de nommer un avocat spécial pour aider la Cour (compte tenu de l’absence requise de l’avocate du demandeur), le ou les critères que la Cour doit appliquer pour son examen des caviardages de même que des mesures spéciales. J’ai également informé les avocats que, lors de la seconde audience (ex parte et à huis clos), en l’absence du demandeur ou de son avocate, j’examinerais les versions non caviardées des pages que le défendeur souhaite faire caviarder, j’entendrais les observations de l’avocat du défendeur présent à l’audience ex parte, puis je rendrais une décision relativement à la requête. Je leur ai également indiqué que d’autres renseignements courants devraient être caviardés dans le DCT, tels que les noms des fonctionnaires concernés.

[5] Je note que le défendeur est représenté par deux avocats : (1) un avocat public qui n’aura pas accès au contenu caviardé et (2) un avocat présent à l’audience ex parte qui pourra accéder au contenu caviardé. Les deux avocats étaient présents à l’audience sur la gestion de l’instance le 9 novembre 2021. Il y a une barrière éthique entre l’avocat public du défendeur et l’avocat du défendeur présent à l’audience ex parte quant à l’interdiction de divulgation.

[6] Dans le cadre de la rencontre sur la gestion de l’instance et lors du dépôt subséquent de documents par l’entremise de son avocate, le demandeur a exprimé le souhait qu’un avocat spécial soit nommé, compte tenu de l’ampleur des renseignements caviardés, et a mentionné que l’agent avait pris des notes après avoir examiné la documentation relative à la sécurité et que l’accès aux notes l’aiderait à établir le caractère déraisonnable de la décision ou l’existence d’un manquement à l’équité procédurale. Le défendeur a indiqué qu’il solliciterait des directives à cet égard. Le demandeur sollicite également une brève prorogation du délai pour déposer sa réponse au dossier de requête, étant donné que son avocate avait, de façon raisonnable, décidé d’en déposer un seulement après avoir participé à la conférence de gestion de l’instance. J’ai accordé une prorogation d’une semaine et j’ai donné le même délai au défendeur pour qu’il fasse part de sa position sur la nomination d’un avocat spécial. Je note qu’il ressort de l’article 87 de la LIPR que la nomination d’un avocat spécial n’est pas requise et, selon mon expérience du moins, une telle nomination est davantage une exception à la règle que la règle; c’est une question qui relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour. Ce sujet devait être examiné plus en profondeur par les parties dans les documents versés au dossier.

[7] Je résumerai ensuite certaines observations présentées par les parties dans les documents publics qu’elles ont déposés.

II. Observations du défendeur sur la requête

A. Objet de l’article 87

[8] L’article 87 de la LIPR prévoit l’interdiction de divulgation de certains renseignements si leur divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui.

[9] Le défendeur s’appuie sur la décision Mohammed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1310 [juge von Finckenstein] au para 19, dans laquelle la Cour a jugé que « c’est à la Cour et non au défendeur seul de décider si des documents ou des renseignements doivent ou non être divulgués ». Le défendeur invoque également la décision Mekonen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1133 [juge Dawson, maintenant juge à la Cour d’appel fédérale] au para 10, dans laquelle la Cour a conclu qu’« [i]l incombe à la Cour, et non au tribunal, de décider des renseignements qui peuvent ne pas être divulgués à un demandeur [...] ».

[10] L’effet combiné du paragraphe 14(2) des Règles en matière d’immigration et des décisions Mohammed et Mekonen de notre Cour fait en sorte qu’une requête présentée en vertu de l’article 87 est requise lorsque le défendeur estime que des renseignements qui devraient autrement être divulgués ne doivent pas l’être « si leur divulgation pourrait porter atteinte [...] à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui », tel qu’il est énoncé à l’alinéa 83(1)c) de la LIPR. Je conviens que cette position reflète le droit à cet égard.

B. Sécurité nationale et protection des personnes

[11] La divulgation de renseignements confidentiels est susceptible d’avoir une incidence négative sur la capacité des organismes d’enquête de s’acquitter de leur mandat en matière de sécurité nationale. Le défendeur s’appuie sur la décision Almrei c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 420 au para 58 (infirmée par la Cour suprême du Canada pour d’autres motifs), dans laquelle le juge Blanchard a conclu que la Cour fédérale était tenue de veiller à la confidentialité des renseignements si, de l’avis du juge, leur divulgation serait préjudiciable à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui.

[12] Dans la décision Henrie c Canada (Security Intelligence Review Committee), [1989] 2 CF 229 au para 18 (qui a été confirmée dans [1992] ACF no 100 (CA)), le juge Addy a reconnu que les renseignements relatifs à la sécurité nationale ne doivent pas être divulgués, s’agissant d’une exception importante au principe selon lequel le processus judiciaire devrait être transparent et public :

[18] […] Il existe toutefois des circonstances très limitées et bien définies où le principe de l’entière transparence doit jouer un rôle secondaire et où, en matière de recevabilité de la preuve, l’intérêt public servi par la non-divulgation de cette dernière peut l’emporter sur l’intérêt du public dans sa divulgation. Cela se produit fréquemment lorsqu’il est question de la sécurité nationale, pour la simple raison que l’existence même de notre société libre et démocratique et la protection continue des droits des plaideurs dépendent en fin de compte de la sécurité et du maintien de notre nation et de ses institutions et de ses lois.

[13] De plus, la divulgation de renseignements confidentiels relatifs à la sécurité nationale ou susceptibles de porter atteinte à la sécurité d’autrui pourrait porter préjudice aux opérations des organismes d’enquête. Voir la décision Henrie pour le critère :

[30] Il importe de se rendre compte qu’un [traduction] « observateur bien informé », c’est-à-dire une personne qui s’y connaît en matière de sécurité et qui est membre d’un groupe constituant une menace, présente ou éventuelle, envers la sécurité du Canada, ou une personne associée à un tel groupe, connaîtra les rouages de celui-ci dans leurs moindres détails ainsi que les ramifications de ses opérations dont notre service de sécurité pourrait être relativement peu informé. En conséquence de quoi l’observateur bien informé pourra parfois, en interprétant un renseignement apparemment anodin en fonction des données qu’il possède déjà, être en mesure d’en arriver à des déductions préjudiciables à l’enquête visant une menace particulière ou plusieurs autres menaces envers la sécurité nationale. Il pourrait, par exemple, être en mesure de déterminer, en tout ou en partie, les éléments suivants : (1) la durée, l’envergure et le succès ou le peu de succès d’une enquête; (2) les techniques investigatrices du service; (3) les systèmes typographiques et de téléimpression utilisés par le SCRS; (4) les méthodes internes de sécurité; (5) la nature et le contenu d’autres documents classifiés; (6) l’identité des membres du service ou d’autres personnes participant à une enquête.

[14] Notre Cour a examiné la raison d’être de la nécessité de protéger les renseignements relatifs à la sécurité nationale dans le contexte des affaires d’immigration. Elle a accueilli des demandes d’interdiction de divulgation lorsqu’elle était convaincue que la divulgation des renseignements porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui. Voir Fallah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1094 [juge Barnes] au para 3; Freeman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1065 [juge Mactavish] au para 17; Krishnamoorthy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 729 [juge Mosely] aux para 1‑6.

[15] Le défendeur fait valoir que, en l’espèce, le ministre ne peut pas produire le dossier non caviardé parce que sa divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui. Le défendeur doit protéger ces renseignements. Le ou les affidavits classifiés et le ou les pièces qui y sont jointes étayent la demande d’interdiction de divulgation et doivent également être protégés.

[16] Par conséquent, si les renseignements classifiés fournis dans le ou les affidavits classifiés et la ou les pièces qui y sont jointes étaient rendus publics, un observateur bien informé pourrait déterminer l’un ou plusieurs des éléments suivants :

  • a) la durée, l’envergure et le succès ou le peu de succès d’une enquête;

  • b) les techniques d’enquête utilisées par l’État étranger;

  • c) la nature et l’objet de l’enquête;

  • d) l’identité de particuliers travaillant pour les États étrangers ou d’autres personnes participant à une enquête;

  • e) les techniques et le mode opérationnel propres à l’enquête;

  • f) le succès ou le peu de succès de l’enquête;

  • g) les relations, entre les organismes du gouvernement canadien et ceux de gouvernements étrangers, susceptibles d’être mises en péril par la divulgation de ces renseignements parce que les gouvernements étrangers ne seraient plus disposés à conclure ce genre d’accords à l’avenir;

  • h) l’identité de particuliers visés par l’enquête des gouvernements canadien et étrangers;

  • i) de plus, la divulgation pourrait mettre en danger la vie des personnes touchées.

III. Observations du demandeur sur la requête

A. Les caviardages sont-ils justifiés?

[17] Le demandeur fait valoir qu’il n’a pas eu accès aux rapports que le défendeur souhaite caviarder dans le DCT. Il affirme que, dans une procédure d’immigration, les demandes d’interdiction de divulgation doivent être examinées minutieusement, car de telles demandes vont à l’encontre du principe fondamental de la « publicité des débats en justice » : Vancouver Sun (Re), 2004 CSC 43. Par conséquent, le demandeur soutient qu’une attention particulière doit être portée aux principes généraux suivants :

Le ministre a le fardeau de prouver que la divulgation « porterait » atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui. Il s’agit d’une norme plus rigoureuse que celle servant à décider si une audience à huis clos est requise, pour laquelle le terme permissif « pourrait » vient qualifier le verbe « porter »; voir Soltanizadeh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 114 [juge Mosely] au para 21 (infirmée pour d’autres motifs).

La Cour suprême du Canada a déclaré que le juge qui joue le rôle de « gardien » doit être « vigilant et sceptique quant aux allégations du ministre relatives à la confidentialité » vu « la propension du gouvernement à exagérer les réclamations de confidentialité fondées sur la sécurité nationale »; voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c Harkat, 2014 CSC 37 au para 46

IV. Avocat spécial

A. Les observations du demandeur

[18] Le demandeur fait valoir qu’un avocat spécial doit être nommé pour aider la Cour à déterminer si les caviardages peuvent faire légitimement l’objet d’une interdiction de divulgation aux termes de l’article 87. Il soutient que la présence d’un avocat spécial assurerait une perception d’indépendance judiciaire en donnant l’occasion à la Cour d’entendre les arguments des deux points de vue (malgré l’absence du demandeur) avant de rendre une décision. La perception d’impartialité et d’équité est importante, étant donné qu’il a déjà fait valoir en l’espèce que ses droits procéduraux, notamment celui de savoir ce qu’on lui reproche, ont été violés.

[19] Le demandeur a ainsi déjà soutenu que l’objet de l’entrevue à laquelle l’agent des visas l’a convoqué pour évaluer l’interdiction de territoire ne lui a pas été divulgué, ce qui constitue un manquement à l’équité procédurale. Il déclare qu’il a également présenté des demandes pour qu’on lui communique les notes de l’entrevue prises par l’agent et les autres documents sur lesquels l’agent s’est appuyé pour évaluer l’interdiction de territoire. Même si le demandeur a reçu quelques pages de sites Web relativement aux documents sur lesquels s’est fondé l’agent, les documents en question étaient volumineux et aucun renvoi précis n’a été fourni.

[20] Le demandeur fait donc valoir que, dans le contexte d’une affaire où son droit de connaître ce qu’on lui reproche a été violé, toute autre demande d’interdiction de divulgation additionnelle mine sa confiance envers l’administration de la justice. Les garanties d’équité que peut offrir la nomination d’un avocat spécial permettraient de remédier à cette situation.

[21] Le demandeur soutient également qu’une conclusion d’interdiction de territoire a des conséquences importantes pour lui, car il a une demande de résidence permanente en instance. Il souligne qu’il a demandé une intervention de la cour à trois reprises relativement à ce dossier.

[22] Le demandeur affirme aussi que l’ampleur du caviardage en l’espèce est importante, compte tenu du fait que le reste du dossier de demande contient ses propres observations et éléments de preuve. Les éléments de preuve sur lesquels l’agent des visas s’était appuyé pour conclure à l’interdiction de territoire semblent être composés presque exclusivement des rapports visés par la demande de caviardage.

[23] Enfin, le demandeur affirme que les préoccupations quant à la prorogation des délais requise en cas de nomination d’un avocat spécial peuvent être facilement réglées, étant donné que la décision concernant la demande d’autorisation n’est toujours pas rendue et qu’aucun échéancier n’a donc été fixé.

[24] Le demandeur demande à la Cour de nommer un avocat spécial pour l’aider à trancher la requête présentée par le défendeur en vertu de l’article 87.

B. Les observations du défendeur

[25] Le défendeur soutient qu’il n’y a pas de droit absolu à la nomination d’un avocat spécial lorsqu’une demande d’audition à huis clos est demandée en vertu de l’article 87, comme l’a déclaré le juge Noël dans la décision Dhahbi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 347 au para 21. Le juge nomme seulement un avocat spécial s’il est d’avis que des considérations d’équité et de justice naturelle requièrent une telle nomination en vue de la défense des intérêts du résident permanent ou de l’étranger. Le défendeur fait valoir que notre Cour a rarement nommé un avocat spécial dans des procédures de contrôle judiciaire en matière d’immigration et soutient donc qu’une telle nomination n’est pas nécessaire en l’espèce.

[26] Le paragraphe 85.1(2) de la LIPR dispose que :

Responsabilités

Responsibilities

85.1(2) Il peut contester :

85.1(2) A special advocate may challenge

a) les affirmations du ministre voulant que la divulgation de renseignements ou autres éléments de preuve porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui;

(a) the Minister’s claim that the disclosure of information or other evidence would be injurious to national security or endanger the safety of any person; and

b) la pertinence, la fiabilité et la suffisance des renseignements ou autres éléments de preuve fournis par le ministre, mais communiqués ni à l’intéressé ni à son conseil, et l’importance qui devrait leur être accordée.

(b) the relevance, reliability and sufficiency of information or other evidence that is provided by the Minister and is not disclosed to the permanent resident or foreign national and their counsel, and the weight to be given to it.

[27] Le défendeur fait valoir que la Cour pourra en l’espèce déterminer si la divulgation du contenu caviardé porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui. De plus, il affirme qu’il est difficile de comprendre l’utilité de la nomination d’un avocat spécial pour contester la pertinence, la fiabilité et la suffisance des renseignements caviardés ou l’importance qui devrait leur être accordée, étant donné qu’il ne s’est pas appuyé sur ces renseignements. Par conséquent, l’aide d’un avocat spécial n’est pas requise pour contester les prétentions du ministre.

[28] Le défendeur soutient qu’il est bien établi que des considérations relatives à la sécurité nationale peuvent limiter l’étendue de la divulgation de renseignements à l’intéressé. Bien que des intérêts liés à la sécurité puissent être en jeu pour des individus qui sont considérés comme des personnes protégées, qui font l’objet d’un certificat de sécurité et qui risquent d’être expulsés, il convient de faire une distinction avec les faits de la présente affaire. Ainsi, le défendeur affirme que le fait de limiter la divulgation de renseignements a peu de conséquences en l’espèce pour le demandeur, qui demande la résidence permanente depuis l’étranger, qui n’est pas détenu et qui ne risque pas d’être renvoyé dans un pays où il a été conclu qu’il est exposé à des risques.

[29] En réponse à l’argument du demandeur selon lequel le caviardage d’une partie du contenu de la preuve entraîne la nécessité de nommer un avocat spécial, le défendeur soutient que l’agent des visas ne s’est pas appuyé sur le contenu caviardé et que ce contenu ne permettra pas de justifier le caractère raisonnable de la décision. Même lorsqu’une décision reposait sur des renseignements caviardés dans le cadre d’autres contrôles judiciaires, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, notre Cour a refusé de nommer un avocat spécial.

[30] En réponse à l’argument du demandeur selon lequel il a besoin du contenu en question pour contester la décision, le défendeur fait valoir que l’argument n’est pas fondé, car les mêmes sujets ont été abordés lors de l’entrevue du demandeur et qu’il a eu la chance de fournir une réponse à la suite de l’envoi d’une lettre d’équité procédurale. Le décideur a fondé sa décision sur la preuve présentée par le demandeur et sur des éléments de preuve documentaire de sources accessibles au public, ce qui milite contre la nomination d’un avocat spécial.

[31] En réponse au demandeur qui invoque la « perception d’impartialité » ou la « perception d’indépendance judiciaire » comme facteur favorable à la nomination d’un avocat spécial, le défendeur soutient qu’aucun précédent n’a été cité à l’appui de l’argument selon lequel un avocat spécial est nécessaire pour assurer la perception d’impartialité de la Cour.

[32] Globalement, le défendeur affirme qu’un avocat spécial n’est pas nécessaire pour protéger les intérêts du demandeur et il s’oppose à une telle nomination. De plus, la nomination d’un avocat spécial irait à l’encontre de l’alinéa 83(1)a) de la LIPR, car elle ne permettrait pas une procédure expéditive.

V. Procédure ultérieure aux observations écrites

[33] Une fois le délai pour le dépôt des observations écrites échu, j’ai conclu que la présente affaire ne commandait pas la nomination d’un avocat spécial et j’en ai avisé les parties. J’ai demandé au demandeur de m’indiquer s’il souhaitait la tenue d’une audience publique relative à la requête présentée en vertu de l’article 87, ce qu’il n’a pas fait.

[34] Par conséquent, l’affaire a été instruite dans le cadre d’une audience ex parte et à huis clos, au cours de laquelle la Cour s’est penchée sur les caviardages demandés. La Cour a entendu des témoignages de vive voix et les observations de l’avocat du défendeur qui était présent à l’audience à huis clos.

[35] À la conclusion de l’audience, j’ai rendu la décision de vive voix suivante :

1. JUGE BROWN : Eh bien, merci beaucoup. J’ai lu les documents que vous m’avez soumis et j’ai examiné les affidavits de XXX et XXX, que j’ai trouvés complets et très utiles. Aujourd’hui, j’ai également entendu leurs témoignages en réponse à vos questions et à celle de la Cour.

2. Je note que, avant de les entendre, j’ai réitéré les principes juridiques régissant l’obligation de franchise et l’obligation de divulgation complète énoncés par notre Cour et de nombreux autres tribunaux, notamment par la Cour suprême du Canada. Comme je l’ai fait remarquer à XXX, de même qu’à XXX, qui était dans la salle à ce moment, il s’agit d’une obligation continue, voire d’une obligation personnelle. Il vous incombe donc, les deux témoins dans la présente affaire, de vous assurer de revenir voir la Cour pour fournir une explication s’il y a du nouveau. Nous savons que des choses peuvent survenir.

3. J’ai également examiné les arguments juridiques contenus dans le mémoire public et j’ai pris note de la jurisprudence citée, qui est fort utile. Cela étant dit, j’ai vu et entendu ces arguments au fil des ans et je suis convaincu que les caviardages proposés visent du contenu dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui, tel qu’il est énoncé dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), à l’alinéa 83(1)d).

4. Étant convaincu que les faits et le contexte factuel présentés dans les affidavits et dans les observations d’aujourd’hui cadrent avec les exigences législatives établies par le législateur, je suis convaincu que la requête doit être accueillie, et j’ordonne donc que les caviardages proposés soient effectués et acceptés tels quels dans les documents déposés, et qu’ils soient maintenant remis à l’avocate du demandeur.

5. Une brève ordonnance sera rendue à cet effet. Par la suite, le coordonnateur des procès de la Cour fédérale devra fixer une date pour l’audience publique relative à la demande. La demande d’autorisation de contrôle judiciaire devra être tranchée formellement, ce qui ne prendra pas beaucoup de temps, et le coordonnateur des procès fixera ensuite la date de l’audience publique relative à la demande de contrôle judiciaire en tant que telle.

6. Je remercie les avocats et les déposants pour leur présence et leur témoignage ce matin. L’audience est donc levée.


ORDONNANCE dans le dossier IMM-585-21

LA COUR ORDONNE :

  1. La requête présentée par le défendeur en vertu de l’article 87 et de l’alinéa 83(1)d) de la LIPR est accueillie.

  2. Les caviardages dans le DCT remis par le défendeur au demandeur, qui se trouvent aux pages indiquées dans la lettre du défendeur datée du 29 octobre 2021, sont approuvés.

« Henry S. Brown »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-585-21

 

INTITULÉ :

ALLAH DINO KHOWAJA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO), CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :

LE 24 DÉCEMBRE 2021

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Naseem Mithoowani

POUR LE DEMANDEUR

Prathima Prashad

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mithoowani Waldman Immigration Law Group

Avocates

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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