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Date : 20211230


Dossier : IMM‑1060‑21

Référence : 2021 CF 1481

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 30 décembre 2021

En présence de monsieur le juge Bell

ENTRE :

PAUL UDEOZOH ONWUAMAIZU

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], à l’encontre d’une décision rendue le 13 janvier 2021 par la Section d’appel des réfugiés (la SAR). La SAR a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) portant que le demandeur n’a pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger, au sens des articles 96 et 97 de la LIPR. La crédibilité du demandeur était l’enjeu déterminant en cause devant la SPR et devant la SAR. Pour les motifs qui suivent, je rejette la demande de contrôle judiciaire.

II. Résumé des faits allégués

[2] Paul Udeozoh Onwuamaizu (le demandeur) est un citoyen du Nigéria. Il soutient qu’il serait exposé à un risque au Nigéria en raison de son orientation sexuelle.

[3] Le demandeur est marié à une femme. Cependant, il affirme qu’il entretenait une relation intime avec un homme du nom d’Eric au Nigéria. Il soutient qu’il a tenu cette prétendue relation secrète jusqu’à ce que son épouse découvre, sur son téléphone cellulaire, des conversations entre Eric et lui. Par la suite, son épouse a discuté avec son pasteur à ce sujet. Le demandeur affirme que lorsqu’il a été confronté à la situation, il n’a eu d’autre choix que de dévoiler sa bisexualité. Comme il sera démontré, ce récit ne concorde pas avec l’affirmation faite par le demandeur selon laquelle son épouse était au fait de sa bisexualité au moment de leur mariage.

[4] Le demandeur soutient que les autorités nigérianes ont arrêté Eric le 15 octobre 2017 et qu’à ce moment‑là, la police a trouvé des photos et des vidéos explicites d’Eric et lui sur le téléphone cellulaire d’Eric. Convaincu que les autorités pourraient le reconnaître à partir des photos et des vidéos, et craignant le traitement réservé aux homosexuels au Nigéria, le demandeur a fui vers les États‑Unis le 3 novembre 2017. Quelques mois plus tard, il est entré de façon irrégulière au Canada et il a présenté une demande d’asile.

[5] La SPR a conclu que le demandeur n’était pas crédible en ce qui concernait son orientation sexuelle. Cette conclusion est en partie fondée sur ce qui suit :

Dans son formulaire Fondement de la demande d’asile (le formulaire FDA), le demandeur a mentionné qu’Eric et lui avaient fait preuve de discrétion concernant leur relation et qu’ils déguisaient leurs échanges. La SPR a conclu que le fait qu’il ait conservé des messages textes à caractère intime dans son téléphone et qu’il ait accepté qu’Eric prenne des photos et des vidéos explicites d’eux contredisait cette déclaration. La SPR a aussi conclu que l’affirmation selon laquelle ils se rencontraient régulièrement dans des hôtels contredisait l’affirmation selon laquelle ils faisaient preuve de discrétion concernant leur relation. En outre, le fait que le demandeur ait volontairement donné à sa femme son téléphone cellulaire qui contenait des messages textes et des photos à caractère intime n’appuyait pas ses allégations en matière de discrétion.

Dans son formulaire FDA, le demandeur a mentionné qu’après avoir découvert les messages textes qu’il avait échangés avec Eric, son épouse était allée rendre visite à leur pasteur. Le demandeur a affirmé que le pasteur [traduction] « a[vait] lu tous les messages textes qu’il avait échangés avec Eric ». Cependant, il a par la suite affirmé qu’il avait confessé son homosexualité au pasteur, mais [traduction] « [qu’]il a[vait] menti au sujet de sa relation avec Eric ». La SPR a conclu qu’il était inconséquent que le demandeur affirme avoir menti au pasteur au sujet d’Eric après avoir affirmé que le pasteur avait lu tous les messages textes qu’il avait échangés [traduction] « avec Eric ».

  • Un agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs (l’agent) a mené une entrevue avec le demandeur à l’arrivée de celui‑ci au Canada. Le demandeur a affirmé à l’agent qu’il ne savait pas comment la police en était venue à arrêter Eric. Cependant, dans son formulaire FDA, il a mentionné que la police avait arrêté Eric lors d’un contrôle de routine.

  • Le demandeur a informé l’agent que sa femme était déjà au courant de sa bisexualité au moment de leur mariage en 2012. Cependant, dans son formulaire FDA, il a mentionné qu’elle avait découvert sa bisexualité en 2017.

[6] Le demandeur a présenté une lettre de son épouse datée du 17 juin 2019 dans laquelle elle se dit au courant de la bisexualité de son mari. La SPR n’a accordé aucun poids à cette lettre. Le demandeur a aussi présenté un prétendu article de journal qui fait état de sa relation avec Eric et de la façon dont ce dernier a été arrêté par la police. Après avoir conclu que l’article n’était pas authentique, la SPR ne lui a accordé aucun poids. La SPR a souligné que l’article, qui datait de deux ans après l’arrestation alléguée d’Eric, ne comportait ni le nom du journaliste ni celui du journal.

[7] En outre, la SPR a conclu que le fait que le demandeur n’ait pas présenté de demande d’asile aux États‑Unis minait son allégation de crainte subjective.

III. Décision faisant l’objet du contrôle – la décision de la SAR

[8] La SAR a rejeté l’appel interjeté par le demandeur à l’encontre de la décision de la SPR portant qu’il n’a pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger. La SAR a conclu que le demandeur manquait de crédibilité en ce qui concernait son orientation sexuelle et le risque auquel il serait exposé s’il devait retourner au Nigéria.

[9] La SAR a souscrit à la conclusion de la SPR selon laquelle les affirmations faites à l’agent par le demandeur contredisaient celles qu’il avait faites dans son formulaire FDA, ce qui minait sa crédibilité. La SAR a conclu que la SPR n’avait pas commis d’erreur en accordant beaucoup de poids aux déclarations faites à l’agent. La SAR a souligné que le demandeur comprend et parle bien l’anglais. Le demandeur a attesté que les déclarations qu’il avait faites à l’agent étaient vraies et exactes.

[10] La SAR a aussi souscrit à la conclusion de la SPR selon laquelle les rencontres dans des hôtels et l’utilisation, par le demandeur, de téléphones cellulaires pour immortaliser en photo sa relation minaient ses allégations en matière de discrétion.

[11] La SAR, comme la SPR, n’a accordé aucune valeur probante au prétendu article de journal.

[12] La SAR a conclu que la SPR n’avait pas fourni de motifs suffisants pour étayer sa conclusion selon laquelle la lettre de l’épouse du demandeur n’était pas crédible. Elle a toutefois conclu que l’admission de cette lettre ne suffisait pas à rétablir la crédibilité du demandeur et que la totalité de la preuve jetait un doute sur l’authenticité de la lettre.

[13] La SAR a convenu avec le demandeur que le fait qu’il n’ait pas présenté de demande d’asile aux États‑Unis ne constituait pas un facteur déterminant dans l’analyse de la crainte subjective. Cependant, elle a conclu que le demandeur n’avait pas établi les allégations qui constituaient le fondement de sa demande d’asile. L’erreur commise par la SPR au sujet du défaut de présenter une demande d’asile aux États‑Unis ne constituait donc pas un facteur déterminant ni dans la décision de la SPR, ni dans celle de la SAR.

IV. Dispositions pertinentes

[14] Les dispositions pertinentes sont les articles 96, 97 et 111 de la LIPR et l’article 7.4.1 des directives no 9 du président intitulées Procédures devant la CISR portant sur l’orientation et les caractères sexuels ainsi que l’identité et l’expression de genre (les directives no 9), lesquels articles sont joints aux présentes à l’annexe A.

V. Question en litige

[15] La seule question que doit trancher la Cour est celle de savoir si la décision de la SAR respecte la norme de la décision raisonnable telle qu’elle est énoncée dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]. Une décision est jugée raisonnable si elle est « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, au para 85). Aucune des exceptions au contrôle selon la norme de la décision raisonnable ne s’applique dans les circonstances (Vavilov, au para 17).

VI. Analyse

A. Caractère raisonnable de la décision

[16] Le demandeur soutient que la SAR n’a pas procédé à sa propre évaluation indépendante de l’affaire, contrairement aux principes établis dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, [2016] 4 RCF 157 [Huruglica].

[17] Le demandeur soutient aussi que la SAR a commis une erreur au moment d’évaluer sa crédibilité en n’appliquant pas les directives no 9, même si elles avaient été invoquées en appel. Il fait valoir que le fait que la SAR n’ait pas tenu compte d’un argument principal rend sa décision déraisonnable (Vavilov, au para 128).

[18] Le demandeur affirme qu’au moment où il a été reçu en entrevue par l’agent, il ne savait pas qu’il faisait une déclaration pour sa demande d’asile. Il affirme aussi que l’agent parlait très vite et qu’il n’arrivait pas à comprendre parfaitement ce qui était dit. Il soutient qu’il était terrifié durant l’entrevue parce que l’agent a demandé s’il pouvait communiquer avec la police nigériane, et que cela a compromis les renseignements qu’il a fournis. En outre, il soutient qu’il a entendu parler pour la première fois de la déclaration de l’agent, déclaration qui renfermait ses propres déclarations, le jour de la première audience devant la SPR et qu’il ne s’était pas vu offrir la possibilité d’y apporter des modifications. Il affirme qu’il a tenté d’expliquer ce qui s’était produit avec l’agent devant la SPR, mais que ses explications ont été rejetées. Il ajoute qu’il éprouve des difficultés à s’accepter, ce qui a eu une incidence sur la cohérence entre les renseignements fournis à l’agent et ceux contenus dans son formulaire FDA.

[19] Le demandeur fait valoir que si la SAR a tiré des conclusions défavorables quant à la crédibilité en raison des contradictions concernant son utilisation des téléphones cellulaires et ses rencontres fréquentes avec Eric dans des hôtels, elle n’a pas justifié adéquatement ces conclusions. Il soutient que les motifs de la SAR ne démontrent pas qu’elle a convenablement pris en compte les conséquences qu’aurait sa décision sur la vie, la liberté et la dignité du demandeur.

[20] Enfin, le demandeur soutient que la SAR aurait dû renvoyer l’affaire à la SPR pour réexamen. Il affirme que, lorsque la crédibilité du témoignage est déterminante quant à la question en litige, comme c’est le cas en l’espèce selon lui, la SAR devrait exercer son pouvoir de renvoyer l’affaire à la SPR, au titre du paragraphe 111(2) de la LIPR (Ogbonna c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 180, au para 69).

[21] Le fardeau de prouver qu’une décision est déraisonnable incombe au demandeur. Un demandeur doit établir, entre autres, que « [la décision] souffre de lacunes graves » et que ces lacunes ne sont pas simplement « superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision » (Vavilov, au para 100).

[22] La norme de contrôle que la SAR doit appliquer en appel de décisions de la SPR, comme il est énoncé dans Huruglica, a été résumée dans la décision Guo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 317, citant Ghauri c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 548, [2016] ACF no 529 :

[17] L’essentiel de l’arrêt Huruglica a été résumé habilement par le juge Gleeson dans Ghauri c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 548, 267 ACWS (3d) 423, comme suit :

[23] La SAR doit appliquer la norme de contrôle de la décision correcte en examinant les conclusions de droit, ainsi que les conclusions de fait et les conclusions mixtes de fait et de droit de la SPR qui ne soulèvent aucune question quant à la crédibilité de la preuve orale et elle doit apprécier au cas par cas le degré de retenue dont elle doit faire preuve à l’égard du poids relatif des témoignages et de leur crédibilité ou de l’absence de celle‑ci (Huruglica, aux paragraphes 37, 69 à 71, 103).

[18] De plus, dans les cas où, comme en l’espèce, la crédibilité de la preuve verbale est mise en doute, la SAR peut exercer un plus grand degré de retenue « si la SPR a joui d’un véritable avantage et si, le cas échéant, elle peut néanmoins rendre une décision définitive relativement à une demande d’asile » (Huruglica, au paragraphe 70).

[23] Dans le cas présent, la SAR a choisi de ne pas faire preuve de retenue à l’égard des conclusions de la SPR quant à la crédibilité et a plutôt choisi d’appliquer la norme de la décision correcte à l’ensemble de la décision de la SPR (voir Huruglica, au para 103).

[24] Un examen de la décision de la SAR montre que celle‑ci a étudié soigneusement les conclusions de la SPR et qu’elle a ensuite fait sa propre analyse du dossier. L’approbation par la SARà de bon nombre des conclusions de la SPR ne constitue pas la preuve que la SAR n’a pas effectué sa propre évaluation de l’affaire (Kayitankore c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1030, [2016] ACF no 1034 au para 23). En outre, le fait que la SAR n’ait pas souscrit aux conclusions de la SPR quant au défaut du demandeur de présenter une demande d’asile aux États‑Unis et au poids accordé à la lettre de son épouse, contredit l’affirmation du demandeur selon laquelle la SAR n’a pas effectué d’évaluation indépendante.

[25] Ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles qu’une cour de révision peut se permettre de modifier les conclusions de fait tirées par un décideur (Vavilov, au para 125). J’accepte qu’il était raisonnable pour la SAR de conclure que le comportement du demandeur ne correspondait pas à celui d’une personne affirmant avoir fait preuve de discrétion. J’accepte également qu’il était raisonnable pour la SAR de conclure que les nombreuses contradictions identifiées au niveau de la preuve du demandeur minent sa crédibilité et jette un doute sur ses allégations de persécution. Contrairement aux affirmations du demandeur, j’estime que la SAR a suffisamment justifié ses conclusions quant à la question de la crédibilité.

[26] Les affirmations du demandeur concernant le défaut allégué de mettre en application les directives no 9 sont sans fondement. Au paragraphe 17 de sa décision, la SAR a déclaré qu’elle avait tenu compte des directives no 9. Bien qu’une déclaration aussi générale ne suffise pas à établir qu’une politique ou une directive a été prise en compte si aucune analyse n’en est faite, ce n’est pas le cas en l’espèce (Bains c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 63 FTR 312, [1993] ACF no 497; Hagos c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 720 au para 23; Somal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 630 au para 11).

[27] L’article 7.4.1 des directives no 9 prévoit ce qui suit :

Les affaires concernant des personnes ayant diverses OSIGEG ne diffèrent pas des autres affaires dont est saisie la CISR, c’est à dire que les décideurs peuvent tirer une conclusion défavorable des contradictions ou des incohérences importantes dans la preuve à défaut d’explication raisonnable. Les décideurs doivent établir s’il y a des obstacles culturels, psychologiques ou d’autre nature susceptibles de constituer une explication raisonnable concernant l’incohérence.

[Non souligné dans l’original.]

En l’espèce, l’analyse faite par la SAR démontre que celle‑ci s’est demandée si un obstacle quelconque pouvait expliquer les contradictions identifiées dans la preuve du demandeur. Elle a conclu qu’il n’existait pas d’explication raisonnable pour ces contradictions entre les déclarations faites à l’agent par le demandeur et celles contenues dans le formulaire FDA. Une allégation de persécution fondée sur l’orientation sexuelle ne peut servir de motif pour justifier de faire abstraction d’incohérences importantes dans la preuve d’un demandeur.

[28] Le demandeur a fait valoir de nombreuses raisons pour tenter d’expliquer les incohérences relevées entre les déclarations qu’il a faites à l’agent et celles contenues dans son formulaire FDA. Cependant, ces raisons sont soulevées pour la première fois devant cette Cour. Une question qui n’a pas été soulevée devant un tribunal administratif ne peut être examinée dans le cadre d’un contrôle judiciaire (Mohajery c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 185, [2007] ACF no 252 au para 28; Dhillon c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 321, 476 FTR 314 au para 23; Zahid c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 466 au para 12). Par conséquent, je m’abstiendrai d’examiner les nombreuses excuses avancées pour la première fois devant la Cour par le demandeur pour justifier son apparent manque d’honnêteté.

B. La SAR aurait‑elle dû renvoyer l’affaire à la SPR?

[29] Le demandeur affirme que la SAR aurait dû renvoyer l’affaire à la SPR. L’article 111 de la LIPR prévoit ce qui suit :

Décision

Decision

111 (1) La Section d’appel des réfugiés confirme la décision attaquée, casse la décision et y substitue la décision qui aurait dû être rendue ou renvoie, conformément à ses instructions, l’affaire à la Section de la protection des réfugiés.

111 (1) After considering the appeal, the Refugee Appeal Division shall make one of the following decisions:

 

EN BLANC

[…]

EN BLANC

(c) refer the matter to the Refugee Protection Division for re‑determination, giving the directions to the Refugee Protection Division that it considers appropriate.

(2) Elle ne peut procéder au renvoi que si elle estime, à la fois :

(2) The Refugee Appeal Division may make the referral described in paragraph (1)(c) only if it is of the opinion that:

a) que la décision attaquée de la Section de la protection des réfugiés est erronée en droit, en fait ou en droit et en fait;

(a) the decision of the Refugee Protection Division is wrong in law, in fact or in mixed law and fact; and

b) qu’elle ne peut confirmer la décision attaquée ou casser la décision et y substituer la décision qui aurait dû être rendue sans tenir une nouvelle audience en vue du réexamen des éléments de preuve qui ont été présentés à la Section de la protection des réfugiés.

[Non souligné dans l’original.]

(b) it cannot make a decision under paragraph 111(1)(a) or (b) without hearing evidence that was presented to the Refugee Protection Division.

 

Même si un demandeur établit l’existence des conditions nécessaires, la SAR conserve le pouvoir discrétionnaire de décider de renvoyer ou non une affaire à la SPR. Elle n’y est pas tenue (Huruglica, au para 78; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Alazar, 2021 CF 637 au para 70).

[30] Néanmoins, je ne suis pas convaincu que la SAR aurait pu, dans les circonstances, renvoyer l’affaire à la SPR. Le critère établi aux alinéas 111(2)a) et 111(2)b) est conjonctif (Javed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 574 au para 10). Afin de répondre à l’exigence établie à l’alinéa 111(2)b), la SAR doit conclure que la SPR a joui d’un véritable avantage au moment de tirer des conclusions quant à la crédibilité (Huruglica, aux para 69‑70). Dans ses observations écrites, le demandeur affirme catégoriquement que la SPR [traduction] « n’a pas joui d’un véritable avantage ». En outre, bon nombre des contradictions relevées dans la cause du demandeur ne concernent pas le témoignage qu’il a livré de vive voix devant la SPR. Elles ont plutôt été relevées dans les documents, notamment dans la déclaration de l’agent contenant les déclarations du demandeur et dans le formulaire FDA. La SPR n’a pas joui d’un « véritable avantage » au moment de tirer ses conclusions quant à la crédibilité, fondées sur ces documents.

[31] Il était entièrement loisible à la SAR de confirmer la décision de la SPR plutôt que de renvoyer l’affaire pour réexamen.

VII. Conclusion

[32] Je suis d’avis que la décision de la SAR respecte la norme de la décision raisonnable. Il n’y a pas lieu de modifier les conclusions tirées quant à la crédibilité. L’argument selon lequel la SAR n’a pas appliqué les directives no 9 est sans fondement. L’argument selon lequel la SAR aurait dû renvoyer l’affaire à la SPR pour réexamen est aussi sans fondement. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑1060‑21

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée sans dépens. Aucune question n’est certifiée aux fins d’examen par la Cour d’appel fédérale.

« B. Richard Bell »

Juge
ANNEXE A

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

Définition du réfugié

Convention Refugee

96 A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96 A Convention refugee is a person who, by reason of a well‑founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

Personne à protéger

Person in need of protection

97 (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97 (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles‑ci ou occasionnés par elles,

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

Décision

Decision

111 (1) La Section d’appel des réfugiés confirme la décision attaquée, casse la décision et y substitue la décision qui aurait dû être rendue ou renvoie, conformément à ses instructions, l’affaire à la Section de la protection des réfugiés.

111 (1) After considering the appeal, the Refugee Appeal Division shall make one of the following decisions:

EN BLANC

(a) confirm the determination of the Refugee Protection Division;

(b) set aside the determination and substitute a determination that, in its opinion, should have been made; or

(c) refer the matter to the Refugee Protection Division for re‑determination, giving the directions to the Refugee Protection Division that it considers appropriate.

 

(2) Elle ne peut procéder au renvoi que si elle estime, à la fois :

(2) The Refugee Appeal Division may make the referral described in paragraph (1)(c) only if it is of the opinion that:

a) que la décision attaquée de la Section de la protection des réfugiés est erronée en droit, en fait ou en droit et en fait;

b) qu’elle ne peut confirmer la décision attaquée ou casser la décision et y substituer la décision qui aurait dû être rendue sans tenir une nouvelle audience en vue du réexamen des éléments de preuve qui ont été présentés à la Section de la protection des réfugiés.

(a) the decision of the Refugee Protection Division is wrong in law, in fact or in mixed law and fact; and

(b) it cannot make a decision under paragraph 111(1)(a) or (b) without hearing evidence that was presented to the Refugee Protection Division.

 

Directives numéro 9 : Procédures devant la CISR portant sur l’orientation et les caractères sexuels ainsi que l’identité et l’expression de genre

Guideline 9: Proceedings Before the IRB Involving Sexual Orientation, Gender Identity and Expression, and Sex Characteristics

7.4 Incohérences

7.4 Inconsistencies

7.4.1 Les cas concernant des personnes dont les OCSIEG doivent être pris en considération ne diffèrent pas des autres dossiers dont est saisie la CISR, c'est‑à‑dire que les commissaires peuvent tirer une conclusion défavorable des incohérences, des contradictions ou des omissions importantes dans la preuve à défaut d'explication raisonnable. Au moment d'évaluer le caractère raisonnable d'une explication donnée pour un problème de crédibilité cerné, les commissaires devraient tenir compte des réalités personnelles, culturelles, sociales, économiques et juridiques des personnes dont les OCSIEG doivent être pris en considération, ainsi que de leur bien‑être mental, des obstacles linguistiques et des répercussions d'un traumatisme. À titre d'exemple, il peut être difficile pour une personne qui a caché ses OCSIEG de les dévoiler et d'en parler avec les autorités gouvernementales au point d'entrée, ce qui pourrait entraîner des incohérences entre les renseignements fournis dans le cadre de l'interrogatoire au point d'entrée et ceux présentés dans le cadre du témoignage à l'audience. À titre d'autre exemple, les identités définies par les OCSIEG peuvent être fluides et une personne peut se désigner comme un homme gai au point d'entrée et comme une personne trans plus tard dans son formulaire Fondement de la demande d'asile. Les incohérences terminologiques peuvent également être expliquées de façon raisonnable. À titre d'exemple, les lettres d'appui reflètent les points de vue des personnes qui les rédigent. Il se peut que l'auteur de la lettre n'utilise pas les mêmes termes ou ne décrive pas l'identité de la personne de la même façon que la personne elle‑même le fait.

7.4.1 Cases involving SOGIESC individuals are no different from other cases before the IRB in that members may draw a negative inference from material inconsistencies, contradictions or omissions that have no reasonable explanation. When assessing the reasonableness of an explanation given for an identified credibility problem, members should consider the personal, cultural, social, economic, and legal realities of SOGIESC individuals as well as their mental well‑being, language barriers, and the impact of trauma. For instance, it may be difficult for an individual who has concealed their SOGIESC to disclose and discuss it with government authorities at a port of entry, which may give rise to an inconsistency between information from the port‑of‑entry interview and testimony at a hearing. As another example, SOGIESC identities may be fluid and an individual may self‑identify as a gay man at the port of entry and as a trans individual later in a Basis of Claim Form (BOC). Inconsistencies in terminology may also be reasonably explained. For example, letters of support reflect the perspectives of individuals who write them. The letter writer may not use the same terms or describe the person's identity in the same way as the person themselves.

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑1060‑21

 

INTITULÉ :

PAUL UDEOZOH ONWUAMAIZU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 20 octobre 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BELL

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

 

Le 30 décembre 2021

 

COMPARUTIONS :

Rachel Bourbeau

 

Pour le demandeur

 

Simone Truong

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocats Semperlex, s.e.n.c.r.l.

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

 

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