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Date : 20020709

Dossier : IMM-2382-01

Référence neutre : 2002 CFPI 758

Ottawa (Ontario), le 9 juillet 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY                          

ENTRE :

CHAMINDA LOLITHE WIJEKOON,

PRIYANI ATTANAYAKE MUDIYANSELAGE,

et CHAMIRKA SHARAN WIJEKOON

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                             et

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Les demandeurs sollicitent, en application du paragraphe 82.1(1) de la Loi sur l'immigration (la Loi), le contrôle judiciaire, selon la Loi sur la Cour fédérale, d'une décision de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) en date du 11 avril 2001, décision par laquelle la Commission avait refusé aux demandeurs le statut de réfugié au sens de la Convention.


QUESTION

[2]                La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant à l'absence de crédibilité des demandeurs, et cela d'une manière arbitraire ou sans tenir compte de la preuve dont elle disposait?

[3]                Ma réponse à cette question est négative.

LES FAITS

[4]                Les demandeurs sont tous des ressortissants du Sri Lanka.

[5]                Le demandeur principal présente cette revendication en son nom et au nom de son épouse et de son fils, parce qu'il craint d'être persécuté aux mains de la police, en raison de présumées opinions politiques et de son appartenance présumée à un groupe particulier (les membres d'une famille).

[6]                Le demandeur principal affirme qu'il a travaillé en Oman de 1992 à décembre 1999, avec des visites périodiques au Sri Lanka.

[7]                Le demandeur principal affirme que, en décembre 1997, alors qu'il se trouvait au Sri Lanka, la police l'a sorti de sa maison, l'a accusé d'abriter des terroristes et a tenté de le soudoyer.

[8]                Avec l'aide d'un avocat, le demandeur principal a déposé une plainte à propos de cet incident au quartier général de la police.

[9]                Cependant, les policiers affectés à l'incident ont prié instamment le demandeur principal de retirer sa plainte. Afin d'éviter des problèmes pour ses parents, le demandeur principal a fait exactement cela.

[10]            Le 12 décembre 1999, un autre incident s'est produit avec la police. La police a investi la maison du demandeur principal et y a trouvé un équipement radio appartenant à un ami tamoul appelé Sivasubraminiam, puis a arrêté celui-ci, ainsi que le demandeur principal, quelques heures plus tard. La police a également agressé et humilié l'épouse du demandeur principal.

[11]            Il semblerait que l'ami tamoul avait avoué sous la torture que, en Oman, il avait donné de l'argent aux sympathisants des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE).

[12]            La police a passé à tabac le demandeur principal, l'accusant lui aussi d'aider le LTTE.

[13]            Le père et l'avocat du demandeur principal ont obtenu la libération du demandeur principal le 15 décembre 1999, sous réserve qu'il devait se présenter à la police chaque semaine.

[14]            Lorsque le demandeur principal dut consulter un médecin pour des soins, il s'est présenté en retard à la police, qui l'aurait insulté.

[15]            Le 7 janvier 2000, les demandeurs ont quitté le Sri Lanka pour le Canada et ont revendiqué le statut de réfugié le 12 janvier 2000.

DÉCISION DE LA COMMISSION

[16]            La Commission a conclu qu'aucun des demandeurs n'était un réfugié au sens de la Convention parce qu'ils n'étaient pas crédibles.

POSITION DES DEMANDEURS

[17]            Les demandeurs affirment que la Commission a commis des erreurs de droit et des erreurs de fait qui justifient l'intervention de la Cour.

[18]            Les demandeurs fondent essentiellement leur argument sur les conclusions de fait erronées tirées par la Commission.

[19]            Les demandeurs affirment que les membres de la Commission ont été partiaux envers leur avocat, ce qui les a privés de leur droit à une audience juste et impartiale.

POSITION DU DÉFENDEUR

[20]            Le défendeur affirme que la Cour ne peut modifier les conclusions de fait tirées par la Commission, à moins qu'il ne soit démontré que lesdites conclusions sont déraisonnables ou qu'elles sont capricieuses, entachées de mauvaise foi ou non étayées par la preuve.

[21]            Le défendeur affirme que l'argument des demandeurs selon lequel ils n'ont pas bénéficié d'une audience juste et impartiale est sans fondement car cet argument n'a pas été invoqué en temps utile et ne peut être invoqué maintenant pour exprimer l'insatisfaction des demandeurs à l'égard de la décision défavorable de la Commission.

ANALYSE

Norme de contrôle


[22]            La norme de contrôle à appliquer pour les questions de fait est la norme de la décision manifestement déraisonnable; pour les questions mixtes de droit et de fait, il s'agit de la norme de la décision raisonnable simpliciter, et pour les questions strictes de droit, il s'agit de la norme de la décision correcte. Ranganathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 4 C.F. 269 (1re inst.), Conkova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 300 (QL) (C.F. 1re inst.), Boye c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1329 (QL) (C.F. 1re inst.).

[23]            En l'espèce, les points soulevés par les demandeurs sont des points de fait. Par conséquent, la norme de contrôle à appliquer est celle de la décision manifestement déraisonnable.

Partialité présumée des membres de la Commission

[24]            Les demandeurs affirment que les membres de la Commission ont été partiaux. À la page 38 du mémoire du demandeur, on peut lire ce qui suit :

[Traduction] Les demandeurs n'ont donc pas bénéficié d'une audience juste et impartiale. [...]

[25]            Cette affirmation découle d'un événement qui s'est produit durant l'audience. La Commission a écrit à cet égard, aux pages 3 et 4 de sa décision :

L'avocat s'est violemment opposé à la présentation du document. Le tribunal a rejeté son objection. Il a déclaré que le document était admissible car il était digne de confiance. La seule façon de réfuter ce document avec professionnalisme n'était pas de tenter de le supprimer, mais de produire d'autres documents à l'appui et de présenter des arguments convaincants. L'avocat n'a pas accepté la décision et a continué d'argumenter avec acharnement. Un tel comportement est inacceptable. Le président de l'audience a suggéré à l'avocat de garder son calme et a ordonné une courte suspension de l'audience. [...]

[26]            Ce à quoi, dans leur mémoire, les demandeurs ont répondu, à la page 35 :


[Traduction] [...] Or, l'avocat tentait de situer clairement le contexte du document, non de le nier. L'impression du membre de la Commission est donc fautive, c'est une attitude agressive à l'endroit de l'avocat des demandeurs.

[27]            Et plus loin, aux pages 37 et 38 :

[Traduction] Les membres de la CISR ont choisi délibérément et hors contexte une preuve au soutien de leurs arguments selon lesquels le témoignage des demandeurs n'était pas crédible. Ils ont mal compris les réponses données, les jugeant vagues alors qu'elles ne l'étaient pas. Ils se sont montrés critiques envers l'avocat des demandeurs, en mettant en doute son professionnalisme lorsqu'il s'est opposé à leur utilisation abusive d'une preuve documentaire hors contexte.

[28]            Il est intéressant de lire le dossier du tribunal, aux pages 349 et 350 :

[Traduction]

LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE (il s'adresse à l'avocat)

Q.            Maître, je ne vois pas pourquoi vous ne réservez pas pour un temps plus adéquat vos commentaires qui figurent sur un autre document.

R.            Croyez-vous pouvoir tirer des déductions erronées du témoignage du revendicateur? Croyez-vous que je vais m'asseoir ici et vous sourire en faisant mine de penser que vos questions sont tout à fait justes?

Q.            Maître, je crois que vous devriez vous maîtriser. Lorsque je lis les documents, vous pouvez contester le document dans vos arguments. C'est la manière professionnelle de faire et, à ce moment-là, vous pouvez certainement arriver avec vos documents pour réfuter nos conclusions. Cependant, pour l'instant, je crois qu'il vaudrait peut-être mieux que nous fassions une pause...

R.            Je voudrais... vous semblez dire que je manque de professionnalisme et que je devrais me maîtriser. Est-ce bien là ce que vous avez dit?

Q.            J'ai dit que vous devriez vous maîtriser, maître, et j'ai dit qu'il y a une manière professionnelle de faire les choses, qui consiste à présenter d'autres documents au moment voulu, mais non à s'opposer aux documents que nous lisons.

R.            Je crois que vous ne comprenez pas ce que je dis, et si vous ne comprenez pas ce que je dis, cela me prouve que vous vous faites une idée de la raison pour laquelle j'agis ainsi, et vous présumez alors que je ne fais pas mon travail correctement.


Q.            Très bien, maître, dites ce que vous voulez dire et nous prendrons une pause.

R.            Je vous expliquais simplement que votre lecture du document semblait indiquer que, en règle générale, selon ce que vous comprenez, ils sont détenus pendant un mois et ce n'est pas ce que... cela ne veut pas dire que c'est une condition minimale pour le PTA, et je vous renvoie au rapport par pays des États-Unis, qui renferme plus de détails que vos documents à propos des exigences du PTA et de l'ER. Voilà ce que j'avais à dire.

Q.            Merci, maître. Nous allons prendre une pause. [non souligné dans le texte]

[29]            Dans l'arrêt Tribunal des droits de la personne et Énergie atomique du Canada limitée, [1986] 1 C.F. 103 (C.A.F.), le juge MacGuigan s'est exprimé ainsi, à la page 113 :

Toutefois, même si l'on écarte cette renonciation expresse, toute la manière d'agir d'EACL devant le Tribunal constituait une renonciation implicite de toute affirmation d'une crainte raisonnable de partialité de la part du Tribunal. La seule manière d'agir raisonnable pour une partie qui éprouve une crainte raisonnable de partialité serait d'alléguer la violation d'un principe de justice naturelle à la première occasion. En l'espèce, EACL a cité des témoins, a contre-interrogé les témoins cités par la Commission, a présenté un grand nombre d'arguments au Tribunal et a engagé des procédures devant la Division de première instance et cette Cour sans contester l'indépendance de la Commission. Bref, elle a participé d'une manière complète à l'audience et, par conséquent, on doit tenir pour acquis qu'elle a implicitement renoncé à son droit de s'opposer. [non souligné dans le texte]

[30]            Il est bien établi en droit que les présumés manquements aux principes de justice naturelle doivent être mis en évidence à la première occasion possible. Si les demandeurs ont réellement eu l'impression que leurs droits étaient niés, ils auraient dû faire opposition immédiatement.


[31]            Ce principe a été confirmé de nouveau dans l'affaire Kostyshyn c. Conseil tribal de la région Ouest, [1992] A.C.F. no 731 (QL) (C.F. 1re inst.), où le juge Muldoon a exprimé l'avis que la partie lésée doit se manifester promptement, et dans l'affaire Hernandez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 607 (QL) (C.F. 1re inst.), où le juge Pinard s'est référé au jugement Del Moral c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 782 (QL) (C.F. 1re inst.). Dans le jugement Del Moral, précité, le juge Dubé concluait ainsi :

La seule manière d'agir raisonnable pour une partie qui éprouve une crainte raisonnable de partialité serait d'alléguer la violation d'un principe de justice naturelle à la première occasion. [non souligné dans le texte]

[32]            À mon avis, par conséquent, la partialité alléguée par les demandeurs ne se présente pas comme une question grave qui justifie l'intervention de la Cour.

Crédibilité du demandeur principal

[33]            Selon la jurisprudence de la Cour fédérale, la Commission détient une spécialité reconnue dans la solution des points de fait, en particulier dans l'évaluation de la crédibilité d'un revendicateur. La Cour ne peut modifier les conclusions de fait tirées par la Commission à moins qu'il ne soit démontré que les conclusions tirées sont déraisonnables ou qu'elles sont capricieuses, entachées de mauvaise foi ou non étayées par la preuve.

[34]            Dans l'arrêt Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 732 (QL) (C.A.F.), la Cour s'est exprimée ainsi, au paragraphe 4 :

Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage : qui, en effet, mieux que lui est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. [...] [non souligné dans le texte]


[35]            Le juge Stone a tenu les propos suivants dans l'arrêt Rajaratnam c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] A.C.F. no 1271 (QL) (C.A.F.) :

S'il apparaît qu'une décision de la Commission était fondée purement et simplement sur la crédibilité du demandeur et que cette appréciation s'est formée adéquatement, aucun principe juridique n'habilite cette Cour à intervenir (Brar c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, no du greffe A-937-84, jugement rendu le 29 mai 1986). Des contradictions ou des incohérences dans le témoignage du revendicateur du statut de réfugié constituent un fondement reconnu pour conclure à une absence de crédibilité. [...]

[36]            Dans l'affaire Razm c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 373 (QL) (C.F. 1re inst.), le juge Lutfy (tel était alors son titre) s'est exprimé ainsi au paragraphe 2 :

Il est reconnu, et de fait il est maintenant de droit constant, que la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Étant donné que les motifs de la décision qu'elle a rendue au sujet de la crédibilité doivent être énoncés en des termes clairs et explicites, cette Cour n'interviendra que dans des circonstances exceptionnelles. [non souligné dans le texte]

[37]            Dans le jugement Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1425 (QL) (C.F. 1re inst.), le juge Evans s'est exprimé ainsi, au paragraphe 14 :


Il est bien établi que l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale n'autorise pas la Cour à substituer son opinion sur les faits de l'espèce à celle de la Commission, qui a l'avantage non seulement de voir et d'entendre les témoins, mais qui profite également des connaissances spécialisées de ses membres pour évaluer la preuve ayant trait à des faits qui relèvent de leur champ d'expertise. En outre, sur un plan plus général, les considérations sur l'allocation efficace des ressources aux organes de décision entre les organismes administratifs et les cours de justice indiquent fortement que le rôle d'enquête que doit jouer la Cour dans une demande de contrôle judiciaire doit être simplement résiduel. Ainsi, pour justifier l'intervention de la Cour en vertu de l'alinéa 18.1(4)d), le demandeur doit convaincre celle-ci non seulement que la Commission a tiré une conclusion de fait manifestement erronée, mais aussi qu'elle en est venue à cette conclusion « sans tenir compte des éléments dont [elle disposait] » . [...] [non souligné dans le texte]

[38]            Dans le jugement Boye, précité, le juge en chef adjoint Jerome écrivait, au paragraphe 4 :

La jurisprudence a établi la norme de contrôle applicable aux affaires de cette nature. Tout d'abord, les questions de crédibilité et de poids de la preuve relèvent de la compétence de la section du statut de réfugié en sa qualité de juge des faits en ce qui concerne les revendications du statut de réfugié au sens de la Convention. Lorsque la conclusion du tribunal qui est contestée porte sur la crédibilité d'un témoin, la Cour hésite à la modifier, étant donné la possibilité et la capacité qu'a le tribunal de juger le témoin, son comportement, sa franchise, la spontanéité avec laquelle il répond, et la cohérence et l'uniformité des témoignages oraux. [...] [non souligné dans le texte]

[39]            La Commission a estimé que le témoignage du demandeur principal n'était pas crédible. On peut le constater à la lecture de nombreux commentaires de la Commission. À la page 2 de la décision de la Commission, le paragraphe introductif de la décision est ainsi rédigé :

La déposition du revendicateur était par moment ambiguë, vague, bourrée de réponses interminables qui ne répondaient pas aux questions qu'on lui posait.

[40]            Plus loin, à la page 2, à propos des pots-de-vin extorqués au demandeur principal par la police, on peut lire ce qui suit :

[...] L'ambiguïté dont a fait preuve le revendicateur n'a nullement contribué à renforcer sa crédibilité.

[41]            À la page 3 de la décision de la Commission, à propos de la plainte déposée par le revendicateur principal contre la police, on peut lire ce qui suit :

[...] Toutes ces invraisemblances sont la preuve pour le tribunal que le revendicateur manque totalement de crédibilité.


[42]            À la page 5 de la décision de la Commission, à propos de l'incident de décembre 1999, la Commission a écrit ce qui suit :

[...] Le tribunal est d'avis que c'est l'invraisemblance du récit du revendicateur qui explique toute cette confusion. Le tribunal pense qu'aucun élément de l'incident du 12 décembre 1999 n'est jamais survenu.

[43]            Et finalement, au bas de la page 6, à propos de l'agression et de l'humiliation dont aurait été victime l'épouse du demandeur principal durant l'incident de décembre 1999, la Commission a écrit :

[...] Le tribunal est d'avis que cette contradiction dans la déposition de la revendicatrice et sa dénégation confirment la constatation préalable que l'incident de décembre 1999 n'a jamais eu lieu.

[44]            À mon avis, la Commission s'est validement fondée sur la preuve dont elle disposait pour dire que les affirmations des demandeurs selon lesquelles ils étaient victimes de persécution en raison de présumées opinions politiques n'étaient ni crédibles ni vraisemblables. Les constatations de la Commission étaient tout à fait autorisées par la preuve et ses conclusions étaient raisonnables.

Préférence donnée à la preuve documentaire


[45]            La Commission a effectivement comparé le témoignage du demandeur avec la preuve documentaire et elle a préféré la preuve documentaire au témoignage. La Commission n'a pas trouvé convaincant le témoignage du demandeur principal. Les membres de la Commission pouvaient donc parfaitement préférer la preuve documentaire au témoignage du demandeur. À la page 4 de sa décision, la Commission s'exprime ainsi :

Étant donné que le document est digne de confiance et que les commentaires qu'on peut y lire proviennent de plus d'une source, sauf preuve du contraire, il n'y a aucune raison de douter de sa véracité. Le tribunal décide de s'en remettre à cette preuve plutôt qu'à la déposition du revendicateur, dont il a estimé à nouveau qu'il manquait de crédibilité. [non souligné dans le texte]

[46]            Dans le jugement Tawfik c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 835 (QL) (C.F. 1re inst.), le juge MacKay s'est exprimé ainsi, aux paragraphes 9 et 10 :

[...] Je ne suis pas persuadé qu'en l'espèce, la Commission ait ignoré les preuves produites. Il se peut que sa décision déforme par inadvertance le témoignage du requérant sur la menace d'action irakienne dans la partie du nord de l'Iraq soi-disant sous contrôle kurde, mais elle cite également des preuves documentaires. Le requérant lui reproche d'être sélective à cet égard, en ce qu'elle ne cite que ce qui corrobore ses conclusions. Il se trouve cependant que les citations corroborantes et non corroborantes figurent dans le même document, que cite la Commission, et je ne pense pas qu'on puisse dire que ses conclusions, fondées sur ces preuves, soient déraisonnables. La Commission n'est pas tenue d'évoquer en détail toutes les preuves produites (Hassan c. M.E.I., no du greffe A-831-90, 22 octobre 1992, non publié (C.A.F.)) [Voir [1992] A.C.F. no 946]. Elle est une commission dont l'expertise est reconnue dans son domaine, et à moins que ses conclusions sur les faits, tirées à la lumière de toutes les preuves produites, ne soient jugées abusives ou arbitraires, cette Cour ne peut intervenir dans sa décision.

Si j'avais été appelé à rendre moi-même la difficile décision qu'a rendue la Commission, j'aurais peut-être tiré d'autres conclusions, mais tel n'est pas le critère applicable aux recours en contrôle judiciaire. Le critère applicable en l'espèce réside dans la question de savoir si la Commission a commis une erreur de droit ou si sa décision est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle dispose (alinéas 18.1(4)c) et d) de la Loi sur la Cour fédérale). En règle générale, la valeur probante à accorder aux éléments de preuve relève de l'appréciation discrétionnaire légitime du tribunal administratif compétent. À moins que l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire ne soit jugé déraisonnable, cette Cour n'interviendra pas. [non souligné dans le texte]

[47]            Dans le jugement Zvonov c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1089 (QL) (C.F. 1re inst.), le juge Rouleau a tenu les propos suivants, au paragraphe 15 :

Enfin, je ne suis pas convaincu que la Commission a commis une erreur en accordant plus de poids à la preuve documentaire qu'au témoignage du requérant. Les membres de la Commission sont « les maîtres à bord » , et il leur appartient d'apprécier les éléments de preuve qui leur sont présentés. En l'espèce, ils ont accueilli le témoignage du requérant, mais ils ont choisi d'accorder davantage d'importance à la preuve documentaire. [non souligné dans le texte]

[48]            Voir aussi le jugement Ganiyu-Giwa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 506 (QL) (C.F. 1re inst.).

[49]            La Commission a jugé que la preuve documentaire était digne de foi et elle a préféré cette preuve à la déposition du demandeur principal. Comme l'indique clairement la jurisprudence de la Cour, la Commission peut tout à fait donner la préférence à une preuve plutôt qu'à une autre.

[50]            Les demandeurs n'ont pas démontré que les conclusions de fait tirées par la Commission sont manifestement déraisonnables, et rien ne justifie donc l'intervention de la Cour.

[51]            Les avocats n'ont pas demandé qu'une question soit certifiée, et aucune question n'est certifiée.

[52]            Pour ces motifs, cette demande de contrôle judiciaire est rejetée.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.                   Cette demande de contrôle judiciaire est rejetée.

          Michel Beaudry          

       Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                IMM-2382-01

INTITULÉ :              

                     WIJEKOON, CHAMINDA LOLITHE,

                      ATTANAYAKE MUDIYANSELAGE,

           PRIYANI et WIJEKOON, CHAMIRKA SHARAN

                                                                                        demandeurs

                                                     et

                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                               ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                           défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 9 mai 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               MONSIEUR LE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :                                   le 9 juillet 2002

COMPARUTIONS :

M. Dan M. Bohbot                                            POUR LES DEMANDEURS

Mme Sylviane Roy                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Dan M. Bohbot                                            POUR LES DEMANDEURS

Montréal (Québec)

M. Morris Rosenberg                                        POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)


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