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Date : 20010808

Dossier : T-611-99

ENTRE :

CONSEIL DE BANDE D'ESKASONI

demandeur

et

CANADA (arbitre, Eric Demont, c.r., nommé aux termes de l'article 242

du Code canadien du travail) et BARRY WALDMAN

défendeurs

Le juge MacKay

                                                                     ORDONNANCE

Vu la demande de contrôle judiciaire du conseil de bande d'Eskasoni en vue de faire annuler la décision en date du 2 mars 1999 par laquelle l'arbitre nommé en vertu du Code canadien du travail a conclu que le demandeur avait injustement congédié le défendeur Barry Waldman et que celui-ci avait droit à une indemnité;

Après avoir entendu les avocats des parties à Halifax, le 15 novembre 2000, date à laquelle l'affaire a été mise en délibéré, et après avoir examiné les observations alors formulées,


LA COUR STATUE COMME SUIT :

[1]         La demande est rejetée et les frais sont adjugés au défendeur Barry Waldman sur la base habituelle des frais entre parties, selon l'entente entre les avocats des parties ou, faute d'entente, sur la base de la taxation conformément aux Règles de la Cour.

[2]         Des intérêts seront versés au défendeur Barry Waldman au taux de 5 p. 100 l'an pour la période allant de la date de la décision de l'arbitre jusqu'à la date du paiement.

                                                                                                                             « W. Andrew MacKay »      

JUGE

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


Date : 20010808

Dossier : T-611-99

Référence neutre : 2001 FCT 867

ENTRE :

CONSEIL DE BANDE D'ESKASONI

demandeur

et

CANADA (arbitre, Eric Demont, c.r., nommé aux termes de l'article 242

du Code canadien du travail) et BARRY WALDMAN

défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]         La présente demande de contrôle judiciaire vise à obtenir une ordonnance annulant une décision datée du 2 mars 1999 et fondée sur l'article 242 du Code canadien du travail ( « le Code » ), dans laquelle l'arbitre Eric Demont, c.r., qui a été nommé en application du Code, a accordé des réparations à M. Waldman après avoir confirmé le bien-fondé de l'allégation de celui-ci selon laquelle le conseil de bande d'Eskasoni l'avait injustement congédié.


[2]         Lors du congédiement, M. Waldman a demandé que sa plainte de congédiement injuste soit renvoyée à un arbitre désigné en vertu du Code. Par suite de la décision de l'arbitre, le demandeur a déposé la présente demande, reprochant à l'arbitre d'avoir commis une erreur de droit liée à la compétence lorsqu'il a conclu que M. Waldman n'était pas un directeur au sens du Code et d'avoir tiré des conclusions manifestement déraisonnables sur plusieurs questions de fait. Après avoir examiné les principaux faits ainsi que la question de la compétence, je commenterai quelques-unes des conclusions en question.

[3]         Je souligne que le Canada, qui était représenté par l'arbitre, n'a pas participé à l'audience qui a eu lieu devant moi. Le demandeur, soit le conseil de bande d'Eskasoni, et le défendeur Barry Waldman étaient tous deux représentés par un avocat.

Les faits à l'origine du litige

[4]         M. Waldman a été engagé le 9 juillet 1990 et congédié le 3 mars 1998, alors qu'il occupait le poste de directeur de la planification au centre de formation et d'éducation Unama'ki (le « CFE » ). Ce centre, qui a été ouvert à l'origine pour offrir une formation dans les métiers au niveau secondaire, a commencé en 1993 à élaborer un programme académique à titre de solution de rechange pour les étudiants de ce niveau ayant des problèmes avec le programme provincial offert par le système scolaire public à Sydney sous l'administration de la commission scolaire régionale de Cap Breton-Victoria.


[5]         Vers le milieu des années 1990, le financement et la construction d'une nouvelle école secondaire sur la réserve d'Eskasoni ont été planifiés sous la direction du conseil de bande et avec l'aide d'un conseiller de l'extérieur. Pendant cette planification, M. Waldman a eu des divergences d'opinions avec d'autres personnes au sujet des plans; ces divergences ont donné lieu à des objections de sa part et, finalement, à son congédiement le 3 mars 1998.

[6]         Dans une lettre du 13 mars 1998, M. Waldman a été informé par l'administrateur de la bande que son congédiement ordonné par le conseil de bande était justifié, pour les raisons suivantes :

(1)                 il avait formulé des propos diffamatoires contre le chef Allison Bernard au cours d'une réunion tenue avec d'autres en février 1998;

(2)                 lors d'une réunion tenue avec les dirigeants de la bande et des représentants du ministère des Affaires indiennes et du Nord (MAIN), il avait soutenu que les fonctionnaires ministériels devraient exiger une reddition de comptes en ce qui a trait à la réception et à l'utilisation par le conseil des fonds provenant de jeux et loteries ainsi que de ventes de tabac, sous-entendant que des pratiques de corruption avaient cours à Eskasoni. Tant les dirigeants de la bande que les représentants du MAIN ont exprimé l'avis qu'il ne convenait pas de discuter de cette question à la réunion;

(3)                 il était responsable d'une lettre adressée au conseil en juillet 1996, lorsque celui-ci avait décidé de le réprimander, comme l'indique le procès-verbal d'une réunion du conseil tenue à l'époque.


[7]         Après avoir entendu la preuve présentée par le conseil de bande et M. Waldman, l'arbitre a statué que celui-ci n'était pas un directeur au sens du paragraphe 167(3) du Code et que, même s'il méritait d'être puni, il avait été injustement congédié par le conseil de bande. Il a également ordonné qu'une indemnité soit versée à M. Waldman. C'est sur cette décision que porte la présente demande de contrôle judiciaire.

La norme de contrôle

[8]         L'avocat du conseil de bande d'Eskasoni et celui de M. Waldman ont convenu que la norme de la décision correcte était la norme de contrôle applicable en ce qui a trait à la question concernant la compétence de l'arbitre, soit la question de savoir si M. Waldman était un directeur au sens du Code. Une réponse affirmative à cette question signifiera que l'arbitre n'avait pas le pouvoir d'examiner la demande d'indemnité que le défendeur a déposée par suite du congédiement injuste reproché. La norme de contrôle applicable à cette question est la norme de la décision correcte, puisqu'elle permet de déterminer la compétence de l'arbitre (voir CIBC c. Bateman (1991), 41 F.T.R. 218, conf. (1992), 140 N.R. 399 (C.A.F.), et Société canadienne des postes c. Pollard (1993), 161 N.R. 66 (C.A.F.)).


[9]         Les avocats des deux parties ont également convenu que la norme de contrôle applicable aux questions de fait est celle de la décision manifestement déraisonnable, compte tenu de l'expertise comparable que l'arbitre possède pour statuer sur les questions de fait et de procédure qui sont de son ressort. La Cour n'interviendra que lorsque la décision sous examen n'est appuyée par aucun élément de preuve pertinent porté à la connaissance de l'arbitre ou qu'il y a eu manquement aux principes d'équité procédurale.

[10]       Je souligne que, en ce qui concerne les questions autres que le statut de Waldman à titre de directeur, le demandeur soutient que l'arbitre a outrepassé sa compétence en concluant comme il l'a fait. À mon avis, ces conclusions relevaient de sa compétence, à moins que la Cour ne soit convaincue qu'elles étaient manifestement déraisonnables, eu égard à la preuve dont l'arbitre était saisi.

La question de compétence

[11]       L'arbitre a conclu que M. Waldman n'était pas un « directeur » au sens du paragraphe 167(3) du Code, qui prévoit que, en ce qui concerne une plainte de congédiement injuste, le Code « ne s'applique pas aux employés qui occupent le poste de directeur » . Le mot « directeur » n'est pas défini dans le Code, mais il a été interprété à différentes occasions par les tribunaux.

[12]       Le demandeur fait valoir que la preuve, qui se compose principalement de différentes lettres et du témoignage de M. Waldman lui-même, indique que celui-ci était responsable, à titre de l'un des trois administrateurs, et plus tard à titre d'administrateur unique, des activités du CFE, y compris l'élaboration des propositions de financement, la préparation des budgets et l'application des 19 programmes offerts par le centre à près de 350 étudiants, notamment la gestion d'un horaire complexe et d'un personnel de 24 autres employés. Dans sa décision, l'arbitre a cité cette preuve et ne l'a pas ignorée.


[13]       L'arbitre a tenu compte de cette preuve, mais il a souligné que, au cours de son témoignage, M. Waldman a lui-même mentionné qu'il était l'un des trois administrateurs du centre qui se partageaient les responsabilités entre eux. La preuve n'indique nullement qu'il avait le pouvoir d'embaucher, de réprimander ou de congédier des employés; il appert plutôt de la preuve dont l'arbitre a été saisi que l'administrateur de la bande, en qualité de chef de la direction de celle-ci, était responsable de l'embauche, de l'évaluation et du congédiement du personnel. M. Waldman n'établissait pas de budget, mais il participait avec d'autres personnes à l'élaboration de propositions budgétaires destinées à être présentées au conseil de bande, qui conservait le pouvoir et la responsabilité se rapportant aux budgets du CFE, comme c'était le cas pour les autres activités de la bande.

[14]       Se fondant sur les décisions que la Cour d'appel a rendues dans les affaires Bateman et Lee-Shanok c. Banca Nazionale DelLabore (1987), 3 C.F. 578 (C.A.), l'arbitre a évalué la preuve concernant les responsabilités du défendeur Waldman et a reconnu que celui-ci semblait bénéficier d'une certaine marge de manoeuvre et d'un certain pouvoir discrétionnaire, mais que, à l'exception de la direction des programmes au CFE, ses fonctions étaient assujetties à l'approbation du conseil de bande ou de l'administrateur de la bande, lequel agissait alors au nom du conseil.

[15]       En dernier ressort, l'arbitre a décidé qu'il appartenait au conseil de bande de prouver que M. Waldman échappait à l'examen prévu au Code à titre de « directeur » . Selon l'arbitre, la preuve ne permettait pas de conclure qu'en raison des fonctions qu'il exerçait, M. Waldman échappait à cet examen à titre de « directeur » . Il a donc statué qu'il avait compétence pour examiner la plainte.


[16]       À mon avis, l'arbitre a eu raison d'agir ainsi. Les responsabilités de M. Waldman étaient restreintes. Il n'était pas un directeur bénéficiant d'un certain pouvoir ou d'une certaine marge de manoeuvre, sauf en ce qui a trait à l'exploitation des programmes du CFE. Ses activités liées à la préparation de budgets, au financement et à la supervision ont finalement été considérées comme des activités dont la responsabilité incombait au conseil de bande, qui approuvait ou désapprouvait .les recommandations qu'il avait formulées avec d'autres.

[17]       Il n'y a aucune raison d'infirmer la décision de l'arbitre au sujet de la compétence dont il était investi pour examiner la plainte de M. Waldman.

Évaluation de la plainte de congédiement injuste

[18]       Le conseil de bande soutient que l'arbitre a commis plusieurs erreurs, dont quelques-unes étaient des erreurs de compétence, lorsqu'il a évalué la plainte de congédiement injuste. Voici mes commentaires à ce sujet.

[19]       D'abord, le demandeur fait valoir que l'arbitre a commis une erreur de droit en disant que l'employeur est tenu, en vertu du Code, de respecter une philosophie axée sur les mesures disciplinaires progressives, alors que cette exigence n'est nullement énoncée dans le Code lui-même.

[20]       Dans sa décision, l'arbitre s'est exprimé comme suit :


[TRADUCTION] La philosophie des mesures disciplinaires progressives est un principe fermement établi en droit du travail. Selon cette philosophie, même si certaines causes comme le vol ou la violence peuvent justifier le renvoi immédiat, l'employeur doit, avant de congédier un employé, recourir à des mesures disciplinaires moins sévères pour prévenir celui-ci que, s'il persiste à commettre des actes nuisant à l'employeur, il pourrait faire l'objet de mesures disciplinaires plus graves, comme le congédiement.

[21]       Il est indubitable que la philosophie des mesures disciplinaires progressives représente un concept important en droit du travail. À mon avis, en mentionnant cette philosophie, l'arbitre n'a pas dit qu'elle faisait partie du Code. Il a plutôt indiqué le contexte dans lequel il a évalué la conduite reprochée au défendeur, M. Waldman, pour savoir si cette conduite justifiait le congédiement. À mon avis, en agissant en ce sens, l'arbitre n'a pas commis d'erreur de droit et il n'était pas manifestement déraisonnable de sa part d'examiner la conduite du défendeur à la lumière de cette philosophie ou de ce principe des mesures disciplinaires progressives pour conclure que le congédiement était injustifié. L'arbitre a conclu à l'absence d'éléments de preuve indiquant que le conseil de bande aurait pris une mesure disciplinaire quelconque à l'encontre de M. Waldman avant de le congédier en 1998 en raison d'une conduite qui, de l'avis de l'arbitre, ne justifiait pas en soi cette sanction. À mon sens, cette conclusion n'était pas manifestement déraisonnable, compte tenu de la preuve dont l'arbitre était saisi.


[22]       En deuxième lieu, le conseil de bande fait valoir que l'arbitre a commis une erreur manifestement déraisonnable en concluant que, pour que la conduite de M. Waldman justifie une mesure disciplinaire, elle doit avoir causé un préjudice réel à l'employeur de celui-ci. À mon avis, l'arbitre n'a tiré aucune conclusion en ce sens. À tout le moins, aucune conclusion de cette nature n'a été exprimée. De plus, l'arbitre n'a pas conclu que la conduite du défendeur était de nature à justifier une sanction disciplinaire sous forme de suspension pour une période de deux semaines, par exemple; il a plutôt statué que cette conduite ne justifiait pas un congédiement. Selon moi, l'argument du demandeur sur ce point n'a rien à voir avec les faits de la présente affaire.

[23]       En troisième lieu, le demandeur soutient que l'arbitre a commis une erreur manifestement déraisonnable en concluant que M. Waldman n'a pas été réprimandé par suite de sa conduite le 18 juillet 1996 et que ni cette conduite, ni la lettre qu'il a écrite et envoyée n'étaient outrageantes ou n'avaient tendance à blâmer indûment l'employeur.

[24]       Si j'ai bien compris la décision de l'arbitre au sujet de l'incident survenu en 1996, il a conclu que M. Waldman était présent lors de la réunion du conseil au cours de laquelle celui-ci a décidé, d'après le procès-verbal, que le défendeur devrait être réprimandé; de plus, le défendeur s'est fait demander d'écrire une lettre d'excuses, il savait qu'il avait été réprimandé et il a écrit la lettre d'excuses demandée. L'arbitre a statué qu'aucune autre mesure n'a été prise au nom du conseil de bande, qu'il s'agisse de la rédaction d'une lettre à M. Waldman ou de l'adoption de sanctions à l'endroit de celui-ci. Enfin, lorsqu'il a souligné que M. Waldman ne s'était pas comporté de façon outrageante et qu'il n'avait pas blâmé indûment le conseil, l'arbitre faisait clairement allusion au texte de la lettre écrite en 1996 et cette description de la lettre ne peut être considérée comme une conclusion de fait manifestement déraisonnable. Il s'agissait d'une évaluation de la nature du texte.


[25]       En ce qui concerne l'évaluation de la conduite subséquente de M. Waldman en 1998, l'arbitre a décrit les commentaires que celui-ci a formulés au sujet du chef au cours d'une réunion comme des [TRADUCTION] « remarques manifestement gratuites et provocantes qui justifient indubitablement des mesures disciplinaires » . De plus, l'arbitre a jugé [TRADUCTION] « très agressif » le comportement du défendeur au cours d'activités liées à la bande et consacrées principalement à la protection du financement du CFE, y compris les commentaires qu'il a formulés lors d'une réunion des représentants de la bande et du MAIN.

[26]       À mon avis, l'argument que le conseil de bande a invoqué à ce sujet n'est pas opportun. L'arbitre a reconnu que Waldman avait été réprimandé au cours d'une réunion du conseil tenue en 1996, mais qu'aucune autre mesure disciplinaire, notamment une réprimande, n'a été prise par la suite. De plus, a-t-il dit, la conduite du défendeur en 1998 justifiait des mesures disciplinaires.

[27]       En quatrième lieu, le demandeur soutient que l'arbitre a commis une erreur manifestement déraisonnable en concluant que la conduite de M. Waldman entre juillet 1996 et mars 1998 ne constituait pas un motif valable de congédiement valable.

[28]       Je ne suis pas convaincu que cette conclusion était manifestement déraisonnable. L'arbitre a examiné la preuve dont il était saisi au sujet des trois incidents invoqués au soutien du congédiement. Je ne suis pas convaincu qu'en agissant de la sorte, M. Waldman a ignoré le devoir de loyauté dont il doit faire montre envers l'employeur, comme l'allègue le conseil en l'espèce. Effectivement, c'est le motif que l'arbitre a invoqué pour conclure que les remarques désobligeantes formulées en 1998 au sujet du chef lors d'une réunion avec des tiers justifiaient une sanction disciplinaire.


[29]      Il se peut que l'arbitre ait accordé moins d'importance que ce qu'aurait souhaité le conseil de bande aux commentaires que Waldman a formulés au cours d'une réunion des représentants de la bande et du MAIN au sujet de la nécessité d'une plus grande reddition de comptes. Il appert de la preuve qu'après cette allusion, les représentants de la bande et du MAIN ont souligné qu'il ne convenait pas de discuter de cette question au cours de cette réunion. M. Waldman n'a pas insisté à ce moment-là. Aucun élément de preuve n'indique qu'il a réitéré ces commentaires à l'extérieur de cette réunion ou qu'il a fait part des mêmes remarques désobligeantes qu'il avait formulées au sujet du chef lors d'une autre réunion à une personne qui n'y était pas présente.

[30]       À mon avis, la conclusion que l'arbitre a tirée après avoir examiné la conduite de M. Waldman était appuyée jusqu'à un certain point par la preuve et ne peut être considérée comme une conclusion manifestement déraisonnable.

[31]       En cinquième lieu, le conseil de bande soutient que l'indemnité que l'arbitre a accordée était manifestement déraisonnable et allait à l'encontre des principes de droit. Il est reconnu qu'à moins que le congédiement ne soit justifié, l'employeur doit donner un avis de cessation d'emploi raisonnable, lorsque le contrat d'emploi ne prévoit aucun délai de préavis. En l'absence d'avis, l'employé a droit à un paiement égal à la rémunération correspondant au délai de préavis. Selon l'arrêt Bardal v. The Globe and Mail Limited (1960), 24 D.L.R. (2d) 140, p. 145 (H.C. Ont.) (cité avec approbation dans Machtinger c. HOJ Industries Limited (1992), 1 R.C.S. 986, p. 988), le préavis raisonnable doit être déterminé


...au cas par cas, eu égard à la nature de l'emploi, ...à l'âge de [l'employé] et à la possibilité d'obtenir un poste analogue compte tenu de l'expérience, de la formation et des compétences de l'employé.

[32]       Ces décisions n'ont pas été rendues en application du Code. Commentant les dispositions du Code qui concernent le congédiement injuste, le juge Mahoney, de la Cour d'appel, s'est exprimé comme suit dans l'arrêt Davidson c. Slaight Communications, [1985] 1 C.F. 253, p. 260 (C.A.F.), conf. [1989] 1 R.C.S.1038 :

Le paragraphe 61.5(9) [maintenant 242(4)] a pour but de confier à l'arbitre le pouvoir de faire en sorte, dans la mesure du possible, que l'employé lésé n'ait pas à subir de préjudice en matière d'emploi par suite de son congédiement injustifié.

Ce principe a été appliqué dans l'arrêt Première Nation de Wolf Lake c. Young (1997), 130 F.T.R. 115.

[33]       Dans la présente affaire, l'arbitre a tenu compte du salaire annuel que M. Waldman gagnait à la date de son congédiement ainsi que du salaire annuel, y compris la paie de vacances et les frais de déplacement, qu'il touchait pour le poste qu'il a accepté une semaine ou deux après avoir été congédié. L'arbitre a poursuivi en ces termes :

[TRADUCTION]

112.          Compte tenu de ses années de service, de son âge et du niveau de salaire indiquant un poste supérieur et compte tenu également de la façon dont il a été congédié et de l'humiliation qu'il a subie lorsqu'il a été raccompagné jusqu'à l'extérieur des lieux, il aurait droit à une indemnité correspondant à 10 mois de salaire. Par conséquent, j'accorde une indemnité égale au montant de 23 750 $, calculée comme suit : 57 000 $ - 27 000 $ ¸ 12 x 9,5 = 23 740 $.


Si j'ai bien compris cette formule, elle a pour effet de diviser par 12, pour obtenir un équivalent mensuel, la différence entre le salaire annuel que le conseil de bande versait à M. Waldman et le salaire inférieur qu'il a touché par la suite et de multiplier le résultat par 9,5 mois plutôt que par les dix mois proposés par l'arbitre.

[34]       À mon avis, l'arbitre a examiné les circonstances pertinentes qui devaient être prises en compte et la formule adoptée visait à traduire son évaluation des circonstances. La décision concernant le montant de l'indemnité ne peut être considérée comme une décision manifestement déraisonnable. Le défendeur, M. Waldman, soutient que l'indemnité devrait être confirmée.

Conclusion

[35]       À mon avis, l'arbitre a eu raison de conclure que M. Waldman n'était pas un « directeur » au sens du paragraphe 167(3) du Code et il a également eu raison d'exercer sa compétence et d'examiner la plainte de congédiement injuste. En ce qui a trait à l'exercice de cette compétence, je ne suis pas convaincu que les allusions ou conclusions qui ont été formulées et que le demandeur conteste peuvent être considérées comme des conclusions manifestement déraisonnables.

[36]       En conséquence, il n'y a aucune raison d'annuler la décision de l'arbitre ou l'indemnité qu'il a accordée. La demande du conseil de bande est donc rejetée dans une ordonnance distincte. Le défendeur Waldman demande des intérêts depuis la date de la décision au taux de 7 p. 100 l'an. Dans l'ordonnance ci-jointe, des intérêts au taux de 5 p. 100 l'an lui sont accordés pour la période allant de la date de la décision de l'arbitre jusqu'à la date du paiement, à titre d'intérêts antérieurs et postérieurs au jugement.


[37]       L'ordonnance prévoit également le paiement des frais au défendeur Waldman, sur la base habituelle des frais entre parties, selon l'entente entre les avocats des parties ou, faute d'entente, sur la base de la taxation conformément aux Règles de la Cour.

        « W. Andrew MacKay »       

JUGE

Le 8 août 2001

Halifax (Nouvelle-Écosse)

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                             T-611-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                          Conseil de bande d'Eskasoni c.

CANADA (arbitre, Eric Demont, c.r., nommé aux termes de l'article 242du Code canadien du travail) et BARRY WALDMAN

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 15 novembre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :      le juge MacKay

DATE DES MOTIFS :                                     le 8 août 2001

ONT COMPARU :

MM. Gary Corsano et Tony Mozvik                   POUR LE DEMANDEUR

M. Douglas MacKinlay                           POUR LE DÉFENDEUR BARRY WALDMAN

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sampson McDougall                                            POUR LE DEMANDEUR

66 Wentworth Street, Suite 200

Sydney (N.-É.) B1P 6T4

Téléc. : (902) 564-0954

MacKinlay Law Office                           POUR LE DÉFENDEUR BARRY WALDMAN

2403 Tower Road, c.p. 17-4, RR. no 1

Glace Bay (N.-É.) B1A 5T9

Téléc. : (902) 849-1017

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