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Date : 19980828

Dossier : T-299-98

OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 28 AOÛT 1998

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

ENTRE :

PETER JOSEPH YELLOWQUILL,

demandeur,

-et-

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

défendeur,

                                    MARVIN DANIELS, en sa qualité de chef contesté

                                    de la Bande indienne de Long Plain, David Meeches,

                                    Selma Francis/Perswain Tony Daniels et Lloyd Longclaws,

                                    en leur qualité de conseillers contestés, le Conseil

                                    de la Première nation de Long Plain et Margaret

                                    Assiniboine/Myran en sa qualité d'agente électorale,

défendeurs.

O R D O N N A N C E

Pour les motifs énoncés dans mes motifs d'ordonnance, LA COUR ORDONNE QUE :

            l.           La décision rendue en date du 24 février 1998 par Margaret Assiniboine/Myran de ne pas tenir une élection générale le 4 avril 1998 soit annulée.

            2.          Margaret Assiniboine/Myran prenne immédiatement toutes les mesures nécessaires à la tenue d'une élection générale pour les postes de chef et conseillers de la Première nation de Long Plain.

            3.          Il n'y aura aucun dépens.

                                                                                                            "Max M. Teitelbaum"

                                                                                                ___________________________

                                                                                                                        J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme :

_____________________________

Bernard Olivier, LL.B.



Date : 19980828

Dossier : T-299-98

ENTRE :

PETER JOSEPH YELLOWQUILL,

demandeur,

-et-

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

défendeur,

                                    MARVIN DANIELS, en sa qualité de chef contesté

                                    de la Bande indienne de Long Plain, David Meeches,

                                    Selma Francis/Perswain Tony Daniels et Lloyd Longclaws,

                                    en leur qualité de conseillers contestés, le Conseil

                                    de la Première nation de Long Plain et Margaret

                                    Assiniboine/Myran en sa qualité d'agente électorale,

défendeurs.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

[1]         La présente décision porte sur une déclaration plusieurs fois modifiée, datée du 29 avril 1998 et déposée au greffe de la Cour fédérale le même jour. Dans ce document, le demandeur Peter Joseph Yellowquill (désigné sous le nom de Yellowquill dans ces motifs) demande le contrôle judiciaire de la décision de Margaret Assiniboine/Myran, agente électorale de la Première nation de Long Plain, en date du 24 février 1998, de ne pas procéder à une élection générale le 4 avril 1998. De plus, Yellowquill demande la délivrance d'un bref de mandamus et [TRADUCTION] « d'une ordonnance adressée à l'agente électorale Margaret Assiniboine/Myran lui enjoignant de prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires à la tenue d'une élection générale pour les postes de chef et conseillers de la Première nation de Long Plain » .

[2]         Afin de bien comprendre ces motifs, il est nécessaire d'énumérer les motifs invoqués à l'appui de la présente demande:

[TRADUCTION]

1. Le demandeur se fonde sur les articles 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale;

2. La ou les décisions de l'agente électorale défenderesse ne respectaient pas les principes de la justice naturelle ou de l'équité procédurale, et sa décision était exorbitante de ses compétence et autorité;

3. L'agente électorale a manqué à son devoir d'équité avant de prendre sa décision et a erré en réexaminant et changeant sa décision de tenir une élection en avril 1998. Il existe une apparence raisonnable de partialité de l'agente électorale en faveur de Marvin Daniels et David Meeches, ainsi que du conseil de bande, de qui elle reçoit ses instructions quant à sa conduite;

4. La Long Plain First Nation Election Act, qui régit les élections de la Première nation de Long Plain, ne permet pas la prolongation du mandat du chef et du conseil qui expirait le 4 avril 1998;

5. Le 12 septembre 1996, le Comité des élections, un office fédéral, « a décidé de fixer la date de l'élection générale de quatre (4) conseillers et un (1) chef pour un mandat se terminant en avril 1998, tel que décidé par les anciens le 24 mai 1996 » . Cette décision des anciens, du comité des élections et de l'agent électoral, de tenir une élection sur cette base et de prendre toutes les mesures appropriées à cet effet n'a pas été révisée ou annulée par suite d'un appel ou autre procédure et une élection a de fait été tenue le 5 novembre 1996, en conformité desdites décisions;

6. Lors de réunions publiques auxquelles les anciens en question ont assisté, les électeurs et les candidats à l'élection du 5 novembre 1996 ont été informés que l'élection prévue avait pour but de pourvoir à la période non expirée du terme du conseil précédent, savoir jusqu'au 4 avril 1998. Avant l'élection du 5 novembre 1996, ni les électeurs ni les candidats ne furent informés du contraire et l'élection a eu lieu sur cette base;

7. Dans le dossier T-2158-96 de la Cour fédérale, le demandeur n'a pas réussi à faire annuler la décision des anciens de tenir une « ... élection générale pour combler quatre postes de conseiller et un de chef pour un mandat se terminant le 4 avril 1998 » . Aucun des anciens cités comme défendeurs n'a contesté que telle avait été leur décision. Les décisions en cause ne peuvent donc pas être attaquées par les défendeurs;

8. Les défendeurs et les anciens en question doivent donc se voir opposer, du fait même de leurs actions, une fin de non recevoir lorsqu'ils prétendent que le mandat est pour une période qui ne se termine pas le 4 avril 1998;

9. La loi électorale qui régit les élections porte que l'agente électorale doit organiser et surveiller les élections en respectant ses dispositions. L'agente électorale n'a pas fait son devoir;

10. Et tout autre motif que le demandeur peut juger utile d'ajouter avec la permission de la Cour.

[3]         À l'appui de sa demande, le demandeur a produit les affidavits suivants :

1. Les affidavits de Peter Joseph Yellowquill des 23 février, 23 mars et 29 avril 1998.

2. L'affidavit de Sheila Yellowquill du 23 mars 1998.

3. L'affidavit de Max Merrick du 23 mars 1998.

4. L'affidavit de l'ancienne Flora Houle du 18 avril 1998.

5. L'affidavit de Jean Prince du 20 avril 1998.

6. L'affidavit de l'ancienne Doreen Prince du 29 avril 1998.

7. L'affidavit de Melvin Longclaws du 29 avril 1998.

8. L'affidavit de Bernadette Myran du 29 avril 1998.

[4]         Outre les affidavits précités, Yellowquill a produit les contre-interrogatoires de Margaret Assiniboine/Myran, George Myran, Marvin Daniels et David Meeches, ainsi que les pièces y annexées.

[5]         À l'appui de son point de vue, la défenderesse Margaret Assiniboine/Myran a produit les affidavits de Margaret Assiniboine/Myran des 26 février, 6 mars et 13 avril 1998, ainsi que ceux de David Meeches du 26 février 1998 (avec les pièces « A » et « H » ), de Marvin Daniels du 14 avril 1998 et de Rosalind Merrick du 30 mars 1998. Elle a aussi produit la transcription des contre-interrogatoires de Peter Yellowquill, Bernadette Myran, Melvin Longclaws, Max Merrick, Doreen Prince, Sheila Yellowquill et Flora Houle.

[6]         Les défendeurs ont aussi produit diverses autres pièces.

LES FAITS

[7]         Le 24 mai 1996, les anciens de la Première nation de Long Plain (PNLP) ont tenu une réunion où ils ont adopté une résolution portant la dissolution du gouvernement de la PNLP et déclenchant une élection "générale". À ce moment-là, le demandeur Yellowquill était le chef de la PNLP.

[8]         La résolution adoptée à cette réunion est annexée comme pièce 7 à l'affidavit de Margaret Assiniboine/Myran (MA/M). Il y est résolu [TRADUCTION] « que le gouvernement actuel de la Première nation de Long Plain soit révoqué et qu'une élection générale soit tenue » .

[9]         La résolution adoptée à la réunion du 24 mai 1996 précise qu'il y avait quarante anciens présents. Les résultats du vote se lisent comme suit : pour, 34; contre, 2; abstentions, 2. Je ne sais pas ce qu'il est advenu des deux anciens manquants.

[10]       De toute façon, la résolution précise que [TRADUCTION] « la motion est adoptée » et ajoute que « la motion et les résultats du vote ont été lus à haute voix par Mary A/Myran pour en assurer l'exactitude. Tous en ont convenu. »

[11]       La dernière ligne du document porte que le procès-verbal de la réunion a été rédigé par MA/M le 24 mai 1996.

[12]       Cette constatation est importante puisqu'elle démontre que la défenderesse MA/M était présente à la réunion et qu'elle était bien placée pour connaître l'intention des anciens lorsqu'ils ont décrété le renvoi du gouvernement de la PNLP et la tenue d'élections générales.

[13]       Comme on pourra le constater, la question à déterminer dans le cadre du présent contrôle judiciaire est la suivante : que voulaient dire les anciens quand ils ont décrété la tenue d'une « élection générale » ?

[14]       Le 3 juin 1996, le gouvernement de la PNLP a adopté une résolution dans laquelle le conseil de bande confirmait la résolution des anciens et la faisait sienne.

[15]       Le procès-verbal de la réunion du 12 septembre 1996 du Comité des élections/d'appel porte notamment:

[TRADUCTION]

Après examen de toute la documentation versée au dossier depuis le 24 mai 1996, le comité des élections/d'appel décide de fixer la date pour la tenue d'une élection générale pour combler les postes de quatre (4) conseillers et d'un (1) chef dont le mandat se terminera en avril 1998, selon la directive des anciens du 24 mai 1996.

[Non souligné dans l'original.]

[16]       À la réunion plénière du 13 octobre 1996, Dennis Meeches a fait valoir que comme on avait déclenché une « élection générale » , elle devrait être pour un mandat de quatre ans, alors que MA/M la traitait [TRADUCTION] « d'une certaine façon comme une élection complémentaire » . MA/M a déclaré qu'elle demanderait des précisions aux anciens, chose qui n'a jamais été faite aux dires du demandeur. De plus, le demandeur allègue que certains anciens étaient à la réunion et qu'ils ne sont pas intervenus.

[17]       Il n'est pas certain que tous les conseillers avaient démissionné avant l'élection du 5 novembre 1996, mais il est sûr que le chef Yellowquill ne l'avait pas fait. Le 27 septembre 1996, Yellowquill a introduit une instance devant la Cour fédérale contestant la compétence des anciens pour déclencher une élection et demandant l'annulation de celle qui était prévue pour le 5 novembre suivant. Cette demande a été rejetée le 17 janvier 1997. Suite à l'élection, le défendeur Marvin Daniels a été élu chef, et les défendeurs David Meeches, Selma Francis/Perswain, Tony Daniels et Lloyd Longclaws ont été élus conseillers.

[18]       Dans une lettre aux chef et conseil de la Première nation de Long Plain, datée du 21 janvier 1998, MA/M écrit ce qui suit:

[TRADUTION]

J'ai besoin des directives du Conseil quant à la tenue de l'élection générale prévue en avril 1998, le mandat du conseil venant à expiration étant donné que la dernière élection générale a eu lieu en avril 1994.

J'ai consulté mes notes prises à la réunion des anciens qui a révoqué le conseil précédent. Comme vous le savez, j'étais présente à cette réunion des anciens, tenue le 24 mai 1996. J'étais d'avis, et je n'en ai pas changé, que les anciens ont alors décidé la tenue d'une élection spéciale; le conseil étant révoqué, une élection spéciale mettrait en place un nouveau conseil qui en terminerait le mandat.

                               

...

Voici les dates pertinentes et un calendrier approprié.

Les dates en question portent sur les aspects suivants : la nomination du comité électoral; l'affichage de l'avis de nominations; la conduite de l'assemblée de nomination; l'avis de la tenue d'élections et de l'assemblée plénière; et la conduite des élections et de l'assemblée plénière. Elle (MA/M) termine de la façon suivante:

[TRADUCTION]

Prière de m'informer aussitôt que possible que ce calendrier vous convient afin que je puisse me préparer en conséquence.

[19]       Suite à cette lettre, Marvin Daniels et David Meeches ont fait valoir à MA/M qu'à leur avis, la tenue d'une élection n'était pas nécessaire avant l'an 2000.

[20]       Le 17 février 1998, MA/M a annoncé qu'elle démissionnait. Elle est revenue sur cette décision le 23 février 1998, le jour du dépôt de l'avis initial de requête. Le lendemain, jour où on lui a signifié le début des procédures, MA/M a rédigé une note déclarant qu'une élection ne serait pas tenue en avril 1998, parce qu'à son avis le mandat du conseil ne se terminait qu'en l'an 2000. MA/M a affiché un avis à cet effet.

[21]       Le demandeur demande le contrôle judiciaire de cette décision.

ALLÉGATIONS

1. Les allégations du demandeur

[22]       Le demandeur allègue que les décisions de l'agente électorale peuvent faire l'objet d'un contrôle judiciaire, du fait que l'agente a été nommée par le conseil de bande en vertu de la loi électorale. De plus, le demandeur souligne qu'un office fédéral ne peut assumer un rôle de participant actif à des procédures que si sa compétence est mise en cause. Le demandeur allègue que MA/M a pris part trop directement aux événements et a ainsi fait preuve de partialité en favorisant le point de vue du conseil de bande qui s'oppose à la tenue d'une élection.

[23]       La deuxième allégation du demandeur porte sur la nouvelle décision annoncée dans la note du 24 février 1998. Il en demande l'annulation au motif qu'il s'agit d'un réexamen non autorisé de la décision du 21 janvier 1998. Le demandeur plaide qu'aucune nouvelle preuve ou argument n'ayant été soumis à MA/M, la loi électorale ne lui accorde aucune compétence pour revenir sur sa décision de procéder à une élection. Le demandeur ajoute que la déposition de MA/M portant qu'elle n'avait prise aucune décision n'est pas crédible, puisque David Meeches a déclaré qu'elle avait « modifié sa décision » et que l'intéressée a admis en contre-interrogatoire qu'elle n'avait reçu aucun élément nouveau avant sa note du 24 février. Pour finir, le demandeur allègue que le conseil de bande avait trente jours après la décision de l'agent électoral de déclencher une élection pour en demander le contrôle judiciaire.

[24]       La troisième allégation du demandeur porte sur le fait que l'agente électorale et le conseil de bande ont tenu l'élection de novembre 1996 sur la base d'une décision écrite du comité des élections datée du 12 septembre 1996, décision qui fait ressortir que les mots « élection générale » visaient un mandat expirant en avril 1998. Le procès-verbal de cette réunion a fait l'objet d'un contrôle judiciaire avant la tenue de l'élection de novembre 1996 et, selon le demandeur, la communauté de Long Plain était au courant de ces procédures. De plus, l'agente électorale a déclaré devant les quelque cinquante à soixante-quinze personnes présentes à l'assemblée plénière que l' « élection générale » était tenue pour terminer le mandat. Le demandeur soutient que le silence observé alors par le conseil de bande et l'agent électoral permet maintenant de leur opposer une fin de non recevoir. Selon le demandeur, les personnes présentes à l'assemblée en question représentaient diverses factions et ils étaient en droit de s'attendre à une contestation si le point de vue exprimé par l'agente électorale n'avait pas été le bon.

[25]       La quatrième allégation du demandeur porte que la décision rendue le 24 février 1998 par l'agente électorale devrait être annulée vu qu'il y a apparence raisonnable de partialité. Le demandeur fait ressortir que l'agente électorale est une employée de la bande et que le conseil de bande contrôle son salaire et le remboursement de ses dépenses. Yellowquill souligne aussi que MA/M savait que le conseil de bande avait cessé de lui payer son salaire lorsqu'il s'était opposé à leurs visées. De plus, MA/M a proposé que sa tante, Marg Pelletier, soit nommée membre du comité des élections alors que :

a) MA/M avait reçu une lettre du conseil de bande s'objectant à la nomination de Marg Pelletier, ses déclarations publiques faisant ressortir clairement sa partialité;

b) Marg Pelletier avait accusé Yellowquill de voies de fait;

c) Les notes de MA/M prises le 28 octobre 1994 indiquent que Marg Pelletier avait voté en faveur du limogeage de Yellowquill à la réunion du 27 octobre 1994. MA/M proposait aussi la nomination au comité des élections de deux autres membres qui avaient voté contre Yellowquill.

[26]       De plus, le demandeur allègue qu'il est totalement inapproprié qu'un office fédéral ait une correspondance suivie avec une des parties, allant jusqu'à lui fournir des projets d'affidavit à déposer à l'appui de sa cause.

[27]       Plus encore, dans l'alinéa 12 de son affidavit du 26 février 1998, MA/M déclare que:

[TRADUCTION]

Les deux documents en question (le procès-verbal du 24 mai 1996 et la résolution du conseil de bande du 3 juin 1996) démontrent que les anciens avaient décidé de tenir une élection générale et non que le mandat des élus devait se terminer en avril 1998.

            Et pourtant, dans son procès-verbal de la réunion du comité des élections du 12 septembre 1996 et dans sa lettre du 21 janvier 1998, MA/M confirme bien que les mots « élection générale » se rapportaient à son sens à un mandat se terminant en avril 1998. Le demandeur allègue aussi que l'agente électorale a sciemment retardé la diffusion de sa lettre du 21 janvier 1998, en dévoilant l'existence tout juste avant son contre-interrogatoire.

[28]       Pour terminer, le demandeur allègue que la preuve fait clairement ressortir le fait que la décision du 24 mai 1996, par laquelle les anciens révoquaient le conseil de la PNLP et décrétaient la tenue d'une élection générale, n'était que consultative. De l'avis du demandeur, les opinions personnelles contraires vont clairement à l'encontre de la Long Plain First Nation Constitution et de la Long Plain First Nation Election Act. Comme quatre conseillers avaient semble-t-il démissionné, à peu près à la moitié de leur mandat de quatre ans, le demandeur prétend que la loi électorale prévoit que le mandat du nouveau gouvernement se terminerait en avril 1998. Yellowquill allègue que les anciens n'avaient pas compétence pour déclencher une élection générale, même s'il n'a pu faire annuler leur décision.

2. Les allégations du défendeur

[29]       Le défendeur allègue que l'élection du 5 novembre 1996 était une élection générale pour un mandat de quatre ans. De plus, selon lui, ni les anciens ni le conseil de bande dont les résolutions avaient déclenché l'élection n'avaient mis de limite au mandat habituel de quatre ans. Le défendeur allègue que l'idée d'un mandat limité a fait surface pour la première fois lorsque MA/M a déposé sa lettre du 21 janvier 1998.

[30]       Ensuite, le défendeur allègue que comme Yellowquill n'a pas eu gain de cause dans sa contestation de l'élection du 5 novembre 1996, il ne peut revenir à la charge et il doit en accepter les résultats comme ayant force de loi.

[31]       Finalement, le défendeur allègue que l'agente électorale et le comité des élections/d'appel n'ont pas compétence pour restreindre le mandat des personnes élues lors d'une élection générale. Le défendeur ajoute que les opinions ou convictions personnelles des personnes mises en cause n'ont rien à voir en l'instance.

ANALYSE

[32]       Comme je l'ai déjà dit, la question à trancher est la suivante : l'élection générale du 5 novembre 1996 a-t-elle donné aux représentants élus de la PNLP un mandat jusqu'en avril 1998 ou jusqu'en l'an 2000? La validité de l'élection n'étant pas en cause, le litige ne porte que sur la longueur du mandat du gouvernement. J'ajouterai qu'il n'est pas nécessaire dans le cadre de ce contrôle judiciaire d'aborder les allégations du demandeur portant sur la partialité et la fin de non recevoir. De plus, comme je conclus que la lettre que MA/M adressait le 21 janvier 1998 au gouvernement de la bande n'est pas une décision, il s'ensuit que la décision du 24 février 1998 de ne pas tenir d'élections n'est pas un réexamen. Il n'est donc pas nécessaire que j'analyse la jurisprudence portant sur la validité des réexamens.

[33]       À l'examen de la preuve, on voit que le demandeur a produit des affidavits des anciens de la PNLP, dans lesquels ces derniers déclarent que le mandat en cause se terminait en avril 1998. De plus, le procès-verbal de la réunion du comité des élections/d'appel du 12 septembre 1996, préparé par MA/M, indique que le mandat du nouveau gouvernement se terminerait en avril 1998. Finalement, MA/M a écrit aux chef et conseillers le 21 janvier 1998, leur demandant de fixer un calendrier pour l'élection prévue en avril 1998.

[34]       Le défendeur allègue que l'enregistrement vidéo de la réunion des anciens de la PNLP, tenue le 24 mai 1996, fait clairement ressortir que personne n'envisageait de fixer le mandat du nouveau gouvernement à moins de quatre ans. Par contre, le défendeur n'a fourni aucun affidavit d'ancien qui viendrait contredire les affidavits produits par le demandeur. Il est important de noter que MA/M, rédactrice du procès-verbal de la réunion du comité des élections/d'appel et de la lettre du 21 janvier 1998, n'a changé d'avis qu'après que Marvin Daniels et David Meeches l'eurent contacté en réaction à sa lettre.

[35]       Je suis d'accord avec le défendeur pour dire que les convictions personnelles de MA/M ne sont pas déterminantes quant à la longueur du mandat. Toutefois, en sa qualité de fonctionnaire de la bande chargée des questions électorales et compte tenu du fait qu'elle a assisté à la réunion des anciens du 24 mai 1996, ce qu'elle a retenu quant au mandat du gouvernement est très éclairant. De plus, il semble que seul David Meeches a fait référence au mandat du gouvernement à la réunion plénière du 13 octobre 1996. Aucune preuve n'a été déposée montrant qu'on se serait préoccupé de la question avant la lettre du 21 janvier 1998. Il est pertinent de souligner qu'aucun des anciens à la réunion plénière n'est intervenu pour corriger le point de vue exprimé par MA/M, savoir que le mandat du gouvernement serait limité à un peu moins de deux ans.

[36]       Comme le litige porte sur une question de fait, j'hésite beaucoup à intervenir. Je ne peux accorder une réparation que si je suis convaincu que l'agente électorale « a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose » , aux termes de l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale.

[37]       Je suis d'avis que l'agente électorale a commis une erreur qui donne lieu d'une réparation en vertu de l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale. L'agente électorale a fondé sa décision sur les déclarations de deux parties intéressées faites presque deux ans après l'élection de novembre 1996, étayées par sa toute nouvelle interprétation de la réunion des anciens de mai 1996 et de la résolution du conseil de bande de juin 1996. Compte tenu des éléments de preuve dont elle avait connaissance, les déclarations en cause étaient franchement équivoques. De plus, cette décision a été prise alors que MA/M avait exprimé l'avis que le mandat du nouveau gouvernement se terminait en avril 1998, avis qui avait reçu l'appui exprès ou implicite de la PNLP.

[38]       Par conséquent, la décision rendue en date du 24 février 1998 par MA/M de ne pas tenir une élection générale le 4 avril 1998 est annulée.

[39]       MA/M doit prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires à la tenue d'une élection générale pour les postes de chef et conseillers de la Première nation de Long Plain.

[40]       J'ai longuement réfléchi à la question des dépens. Le demandeur ayant causé des délais injustifiés en introduisant nombre de demandes et de modifications, il n'y aura aucun dépens.

                                                                                               

                                                                                                            "Max M. Teitelbaum"                                                                                                    ______________________

                                                                                                                        J.C.F.C.

OTTAWA (Ontario)

Le 28 août 1998

Traduction certifiée conforme :

_____________________________

Bernard Olivier, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           T-299-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :    PETER JOSEPH YELLOWQUILL

                                                            c. P.G.C. ET AUTRES

LIEU DE L'AUDIENCE :                     Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L'AUDIENCE :        22 juin 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE TEITELBAUM

DATÉS DU :28 août 1998

ONT COMPARU :

Me Antoine Hacault                                                pour le demandeur

                                                                            

Me Thor Hansell                                                     pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Thompson Dorfman Sweatman                               pour le demandeur

Winnipeg (Manitoba)

Aikins MacAulay & Thorvaldsonpour le défendeur

Winnipeg (Manitoba)

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