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Date : 20040706

Dossier : IMM-2114-03

Référence : 2004 CF 962

ENTRE :

                                                           OLEG OCHAKOVSKI

                                                                                                                                          demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

[1]                Les présents motifs suivent l'audition d'une demande de contrôle judiciaire relative à une décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a statué que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention ou une personne à protéger selon le sens donné à ces expressions aux articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés[1]. La décision sous examen est datée du 28 février 2003.


[2]                Le demandeur est né le 20 juin 1966 et est donc âgé de 39 ans aujourd'hui. Il est un citoyen d'Israël et fonde sa demande de protection et de statut de réfugié au sens de la Convention sur sa religion et ses opinions politiques à titre d'objecteur de conscience au service militaire.

[3]                Le demandeur est né en Union soviétique. Bien qu'il ait été baptisé une première fois comme chrétien à l'âge de deux ans, il a été baptisé à nouveau et est devenu chrétien évangélique vers 1994. À compter de l'âge de 18 ans, il a fait brièvement partie de l'armée soviétique. Il a quitté son domicile du Kazakhstan en 1995 et est devenu citoyen d'Israël. Il craint, à titre de chrétien évangélique, d'être persécuté par des membres d'un groupe juif ultra-orthodoxe et d'être recruté de force dans l'armée israélienne ou encore de faire l'objet d'une punition revêtant le caractère de persécution s'il refuse de servir dans l'armée. Il a fui Israël et est arrivé au Canada en juin 2002.

[4]                La SPR a décidé qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve crédibles et fiables à l'appui de l'allégation du demandeur selon laquelle il risque d'être persécuté en Israël parce qu'il est un chrétien évangélique. Cette conclusion n'a pas été contestée devant la Cour.

[5]                En revanche, le demandeur soutient, à l'appui de sa demande de contrôle judiciaire, qu'il craint d'être persécuté et qu'il est une personne à protéger en raison de son objection de conscience à l'encontre du service militaire en Israël, laquelle objection est fondée sur sa religion.

[6]                Citant le Guide du HCNUR[2], la SPR s'est exprimée comme suit :

[TRADUCTION] Il indique au paragraphe 174 que l'instance décisionnelle appelée à statuer sur une demande d'asile doit faire un examen approfondi de la personnalité et du passé du demandeur afin de vérifier « l'authenticité de [ses] convictions politiques, religieuses ou morales...ou la validité des raisons de conscience qu'[il] oppose à l'accomplissement du service militaire » [3].

[7]                La SPR a conclu comme suit :

[TRADUCTION] De l'avis du tribunal, l'omission du demandeur d'exprimer à tant d'occasions son objection au service militaire n'est pas une conduite compatible avec une opposition authentique à l'accomplissement du service militaire. Bien au contraire, sa conduite complaisante indique qu'il acceptait son devoir militaire tout comme son retard à quitter Israël. Le demandeur savait depuis 1997 qu'il risquait d'être appelé à servir dans l'armée et pourtant, il est resté en Israël pendant cinq autres années. De plus, il y est resté après avoir reçu le premier coup de téléphone l'informant de son recrutement imminent et a attendu deux mois après le deuxième appel téléphonique avant de partir du pays. De l'avis du tribunal, ces délais n'indiquent pas une conduite caractéristique d'une personne qui a une véritable objection de conscience à l'accomplissement du service militaire ou qui craint d'être persécutée en raison de ce service[4].

[8]                La SPR a ensuite commenté dans ses motifs certains aspects de la demande de protection du demandeur à titre d'objecteur de conscience, notamment les répercussions de l'omission de sa part d'exprimer son opposition au service militaire, l'opposition qu'il a manifestée au fait de servir dans l'armée canadienne et sa crainte avouée de faire l'objet de discrimination dans le cadre de l'application d'une loi israélienne de portée générale qui permet d'emprisonner les personnes qui refusent d'accomplir le service militaire obligatoire.


[9]                Dans les observations détaillées qu'elle a présentées, l'avocate du demandeur a soutenu que la SPR avait commis une erreur susceptible de révision relativement à six aspects de ses constatations plus précises sur lesquelles elle s'est fondée pour conclure que le demandeur n'était pas une personne ayant une objection de conscience authentique à l'accomplissement du service militaire, laquelle objection donnerait lieu de sa part à une crainte de persécution pour un motif prévu à la Convention.

[10]            Dans Miranda c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration[5], mon ex-collègue le juge Joyal a écrit les remarques suivantes qui sont souvent citées :

Je suis toutefois d'avis qu'aux fins d'un contrôle judiciaire, les décisions de la Commission doivent être prises dans leur ensemble. Certes, on pourrait les découper au bistouri, les regarder à la loupe ou encore, en disséquer certaines phrases pour en découvrir le sens. Mais je crois qu'en général, ces décisions doivent être analysées dans le contexte de la preuve elle-même. J'estime qu'il s'agit d'une manière efficace de déterminer si les conclusions tirées étaient raisonnables ou manifestement déraisonnables.   


[11]            À mon avis, les remarques qui précèdent s'appliquent aux faits de la présente affaire. L'avocate du demandeur a affirmé énergiquement que, compte tenu des faits du présent litige, la SPR a commis une erreur au sujet de certains détails appuyant sa conclusion générale en ce qui a trait à l'objection du demandeur à faire son service militaire obligatoire pour des motifs liés à sa religion. De toute évidence, l'avocate du demandeur aurait fait des constats différents qui auraient mené à une conclusion générale différente et c'est peut-être aussi mon cas, mais là n'est pas la question. Il s'agit plutôt de savoir si la SPR pouvait tirer la conclusion générale citée plus haut en fonction de l'ensemble de la preuve dont elle était saisie.

[12]            Je suis d'avis que la SPR pouvait raisonnablement tirer la conclusion générale qu'elle a formulée au sujet de l'objection que le demandeur a invoquée, pour des motifs religieux, quant à l'accomplissement du service militaire obligatoire. Comme la SPR l'a souligné, le demandeur a vécu en Israël pendant environ sept ans. Pendant au moins cinq de ces sept années, il savait pertinemment qu'il devrait faire son service militaire. Il a passé deux fois des examens médicaux, dans l'espoir d'échapper au service obligatoire. Il a reçu deux fois des appels téléphoniques l'informant qu'il risquait d'être appelé prochainement. Ce n'est que deux mois après avoir reçu le deuxième appel téléphonique l'avertissant de cette possibilité, qu'il a décidé de fuir Israël. Comme je l'ai mentionné plus haut dans les présents motifs, en se fondant sur ce qui précède, la SPR a conclu comme suit :

[TRADUCTION] ...ces délais n'indiquent pas une conduite caractéristique d'une personne qui a une véritable objection de conscience à l'accomplissement du service militaire ou qui craint d'être persécutée en raison de ce service.

J'estime que la SPR pouvait raisonnablement en arriver à la conclusion précitée à la lumière de l'ensemble de la preuve dont elle était saisie.

[13]            En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Aucun des avocats n'a recommandé une question à faire certifier. Aucune question ne sera certifiée.

                                                                        « Frederick E. Gibson »             

                                                                                                     Juge                            

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-2114-03

INTITULÉ :                                                    Oleg Ochakovski

c.

Le ministre de la Citoyenneté et

de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 5 juillet 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LE JUGE GIBSON

DATE DES MOTIFS :                                   le 6 juillet 2004

COMPARUTIONS :

Chantal Desloges                                                           POUR LE DEMANDEUR

Tamrat Gebeyehu                                                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Green and Spiegel

Avocats

Toronto (Ontario)                                                          POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                               POUR LE DÉFENDEUR


                               COUR FÉDÉRALE

                                                                     Date : 20040706

                                                        Dossier : IMM-2114-03

ENTRE :

OLEG OCHAKOVSKI

                                                                              demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                               défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE



[1] L.C. 2001, ch. 27.

[2] Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Guide des procédures et critères appliqués pour déterminer le statut de réfugié, réédité, Genève, janvier 1992.

[3] Dossier de la demande du demandeur, à la page 12.

[4] Dossier de la demande du demandeur, à la page 13.

[5] (1993), F.T.R. 81 (C.F. 1re inst.).


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