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Date: 20020131

Dossier: T-1656-00

Référence neutre: 2002 FCT 118

ENTRE:

DESNOES & GEDDES LIMITED

demanderesse

-et

HART BREWERIES LIMITED

défenderesse

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON

[1]         Dans la présente espèce, régie par les règles 466 et 467 des Règles de la Cour fédérale (1998) (les Règles), il a été ordonné à Lorne Hart, Ron Robinson et Hart Robinson Breweries Ltd. (HRBL) (tous trois collectivement appelés « les intimés » ) de comparaître devant un juge pour entendre la preuve relative à l'outrage au tribunal dont ils sont accusés et d'être prêts à présenter une défense. Aucun des intimés n'est partie à

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l'action, et HRBL n'était pas représentée et n'a pas comparu dans le dossier d'outrage au tribunal dont je suis saisie.

HISTORIQUE PROCÉDURAL

[2]         La déclaration a été déposée le 29 août 2000. Le 27 novembre 2000, le juge O'Keefe a rendu jugement par défaut contre Hart Breweries Limited (HBL). En substance, le jugement déclarait que HBL avait usurpé les marques de commerce déposées de la demanderesse TMA435,053 - DRAGON et TMA378,266 DRAGON & Design (les marques de commerce) et formulait les prescriptions suivantes

[TRADUCTION]

4.          Il est interdit de façon permanente à la défenderesse, à ses administrateurs, dirigeants, préposés et mandataires ainsi qu'à quiconque relève de son autorité de vendre, offrir en vente, distribuer ou annoncer, directement ou indirectement, au Canada, toute boisson alcoolique obtenue par brassage, en liaison avec ce qui suit

(i)          l'étiquette apparaissant dans la photographie du produit de la défenderesse jointe à l'annexe A du présent jugement;

(ü)         les mots DRAGON'S BREATH;

(iii)        les mots SOUFFLE DE DRAGON;

(iv)        le dessin de dragon figurant sur l'étiquette apparaissant dans la photographie du produit de la défenderesse jointe à l'annexe A du présent jugement; (v)            le mot DRAGON;


(vi)        tout dessin comprenant la représentation d'un dragon ou de parties de dragon;

(vii)       des mots pouvant créer de la confusion avec les marques de commerce DRAGON'S BREATH, SOUFFLE DE DRAGON ou DRAGON; (viii)         toute autre marque de commerce créant de la confusion avec les marques de commerce de la demanderesse.

5.          Dans les dix jours suivant la date oÿ le présent jugement lui aura été signifié, la défenderesse devra remettre sous serment à la demanderesse tous les articles dont elle a la possession ou la garde qui sont visés par l'injonction accordée au paragraphe 4.

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[3]         Par la suite, le protonotaire adjoint a rendu, le 19 mars 2001, une ordonnance enjoignant aux intimés de se justifier. L'ordonnance ne décrivait pas la nature des accusations portées contre les intimés, contrairement à ce que prévoit la règle 467(1)b), mais reprenait simplement le libellé de l'ordonnance du juge O'Keefe et alléguait que les intimés y avaient contrevenu.

[4]         Lors de la présentation de la requête, la Cour a constaté que l'ordonnance de

justification n'était pas conforme à la règle 467(1)b), et elle a ajourné l'audience après

avoir ordonné que soit signifié et déposé un exposé écrit détaillant chaque acte reproché.

Ledit exposé a été dûment signifié et déposé. Les actes constitutifs d'outrage suivants y étaient allégués

[TRADUCTION]

a.          Le 15 février 2001, Hart Robinson Breweries Ltd. (Hart Robinson), alors qu'elle avait reçu avis du jugement, a offert publiquement en vente à la brasserie située au 175 avenue Industrial, Carleton Place (Ontario) (la brasserie) et a vendu directement ou indirectement à Vance Elliott une boisson alcoolique obtenue par brassage, savoir de la bière de type ale, dont l'emballage portait les mots DRAGON'S BREATH, SOUFFLE DE DRAGON ainsi que le dessin de dragon apparaissant sur l'étiquette jointe à l'annexe A du jugement.

b.          Hart Robinson, alors qu'elle avait reçu avis du jugement, a continué à distribuer, directement ou indirectement, une boisson alcoolique obtenue par brassage, savoir de la bière de type ale, par l'intermédiaire de la

Régie des alcools de l'Ontario et de Brewers Retail Inc, en liaison avec les mots DRAGON'S BREATH et SOUFFLE DE DRAGON et avec le dessin de dragon apparaissant sur l'étiquette jointe à l'annexe A du jugement.

c.          Plus précisément, Hart Robinson a, chaque semaine pendant la période du 15 décembre 2000 au 15 avril 2001 au moins, expédié, directement ou indirectement, de la boisson alcoolique obtenue par brassage, savoir de la bière de type ale, à Brewer's Retail Inc. pour qu'elle la distribue et la vende au public par l'intermédiaire de ses établissements de vente au détail exploités sous le nom de The Beer Store, le tout en liaison avec les mots DRAGON'S BREATH et SOUFFLE DE DRAGON et avec le

dessin de dragon apparaissant sur l'étiquette jointe à l'annexe A du jugement.

d.          Hart Robinson n'a pas remis sous serment à la demanderesse tous les articles visés par l'injonction accordée au paragraphe 4 du jugement et qu'elle avait en sa possession ou sous sa garde. Plus particulièrement, elle a fait défaut de remettre les articles suivants


i.           un t-shirt portant les mots DRAGON'S BREATH, SOUFFLE DE DRAGON ainsi que le dessin de dragon apparaissant sur l'étiquette jointe à l'annexe A du jugement, que portait Lorne Hart pendant la visite guidée de la brasserie qu'il a fait faire à Slavco Ilic et à d'autres personnes le 19 avril 2001;

ii.          une affiche représentant un dragon levant un verre de bière sur laquelle figurent les mots DRAGON'S BREATH, SOUFFLE DE DRAGON et le dessin de dragon apparaissant sur l'étiquette jointe à l'annexe A du jugement;

iii.         du matériel d'emballage et d'étiquetage de caisses de

12 bouteilles de 341 ml d'une boisson alcoolique obtenue par brassage, savoir de la bière de type ale, portant les mots DRAGON'S BREATH, SOUFFLE DE DRAGON et le dessin de dragon apparaissant sur l'étiquette jointe à l'annexe A du jugement;

iv.         une étiquette à apposer sur les barils de bière en fût, portant les mots DRAGON'S BREATH, SOUFFLE DE DRAGON et le dessin de dragon apparaissant sur l'étiquette jointe à l'annexe A du jugement;

v.          une affiche jaune disant « Caution for Rent Only » et portant les mots DRAGON'S BREATH, SOUFFLE DE DRAGON et le dessin de dragon apparaissant sur l'étiquette jointe à l'annexe A du jugement;

e.          Lorne Hart, un administrateur de Hart Breweries Limited, qui est mandataire de Hart Robinson et en exploite l'entreprise et qui se présente comme le propriétaire de la brasserie, a directement ou indirectement fait en sorte que Hart Robinson accomplisse les actes décrits aux alinéas 1(a), (b), (c) et (d), et a ainsi aidé Hart Robinson à les commettre, le tout alors qu'il était personnellement au courant de l'existence du jugement

f.           Le 19 avril 2001, de plus, Lorne Hart a directement ou indirectement fait en sorte que Hart Robinson annonce et distribue une boisson alcoolique obtenue par brassage, savoir de la bière de type ale, au public et, notamment à Slavco Ilic, en liaison avec les mots DRAGON'S BREATH, SOUFFLE DE DRAGON et le dessin de dragon

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apparaissant sur l'étiquette jointe à l'annexe A du jugement et a ainsi aidé Hart Robinson à accomplir cet acte. Ce jour-là , il a organisé une visite de la brasserie vêtu d'un t-shirt portant les mots DRAGON'S BREATH, SOUFFLE DE DRAGON ainsi que le dessin de dragon apparaissant sur l'étiquette jointe à l'annexe A du jugement et a donné à Slavco Ilic une caisse de 12 bouteilles de 650 ml d'une boisson alcoolique obtenue par brassage, savoir de la bière de type ale portant l'étiquette figurant dans la photographie du produit de la défenderesse jointe à l'annexe A du jugement.

g.

Ron Robinson, qui se présentait comme le contrôleur de Hart Robinson et qui était contrôleur et mandataire de Hart Robinson, a aidé Lome Hart et Hart Robinson à accomplir les actes décrits aux alinéas 1(a), (b), (c), (d), (e) et (f) le tout alors qu'il était personnellement au courant de l'existence du jugement.

LES PRINCIPES JURIDIOUES APPLICABLES

[5]         Aux termes de la règle 466c), est coupable d'outrage au tribunal quiconque « agit de façon à entraver la bonne administration de la justice ou à porter atteinte à l'autorité ou à la dignité de la Cour » .


[6]         Bien qu'à strictement parler seules les parties à une action peuvent enfreindre une injonction, tout tiers en connaissant la substance ou la nature qui y désobéit ou qui fait obstacle aux objets qu'elle poursuit peut être réputé avoir entravé la bonne administration de la justice et, par conséquent, être condamné pour outrage au tribunal. Voir, par exemple, MacMillan Bloedel Ltd. c. Simpson, [1996] 2 R.C.S. 1048, aux par. 27 et 31; Baxter Laboratories of Canada Ltd. c. Cutter (Canada) Ltd., [1983] 2 R.C.S. 388, aux p. 396 à 397 et Télé-Direct (Publications) Inc. c. Canadian Business Online Inc., [1998] A.C.F. n º 1306, au par. 20.

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[7]         Voici les autres principes applicables relevés par le juge Teitelbaum dans la décision Télé-Direct, précitée.

Il incombe à la partie qui allègue la violation d'une ordonnance de prouver la désobéissance, le défendeur ou l'intimé n'a pas à présenter de preuve.

Les éléments constitutifs de l'outrage doivent être prouvés hors de tout doute raisonnable.

Ce n'est qu'à titre de circonstances atténuantes à prendre en considération dans la détermination des sanctions que la mens rea et la bonne foi interviennent.

[8]         Les affaires d'outrage au tribunal sont d'une extrême gravité. Le pouvoir des tribunaux de condamner pour outrage vise à garantir le respect du processus judiciaire afin de préserver le bon fonctionnement du système judiciaire.

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LES PERSONNES MORALES EN CAUSE

(i) HRBL

[9]         Il appert des copies certifiées conformes délivrées par Industrie Canada en application des dispositions de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C. 1985, ch. C-44

           que HRBL a été constituée en personne morale le 15 février 2000,

           que son siège social se trouve au 175, avenue Industrial, Carleton Place (Ontario),

           que William Urseth est devenu l'unique administrateur de la société le 25 février 2000.

(ü) HBL

[10]       Relativement à HBL, les dossiers certifiés conformes indiquent ce qui suit

Elle a été constituée en personne morale le 3 juin 1993.

Son siège social se trouve au 1805, Woodward Drive, Ottawa, qui est également l'adresse postale de la société.

Son président est Frits Bosman.

Lorne Hart en est le trésorier et il est également administrateur. La société compte trois autres administrateurs.

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Elle ne semble pas exercer ses activités sous un nom commercial enregistré.

[11]       Des registres sociaux ont également été produits relativement à une autre société, The Hart Brewing Company Ltd. (THBCL).

(iii) THBCL

[12]       Ces registres indiquent ce qui suit


Elle a été constituée en personne morale le 3 août 1995.

Son siège social se trouve au 175, avenue Industrial, Carleton Place (Ontario), qui est également son adresse postale.

Jusqu'au 20 février 1998, date à laquelle M. Urseth est devenu président, le président était Frits Bosman.

Elle a cinq autres administrateurs ou dirigeants, dont MM. Nielsen et Richer qui sont également administrateurs de HBL.

Elle ne semble pas exercer ses activités sous un nom commercial enregistré.

[13]       Il appert de ces documents que HRBL et THBCL ont toutes deux leur siège social à la même adresse et ont le même président. D'autres documents indiquent que les deux

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sociétés ont déposé une proposition sous le régime de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, L.R.C. 1985, ch. B-3, le même jour.

[14]       Quelques administrateurs de la défenderesse HBL sont également administrateurs de THBCL.

[15]       M. Hart est administrateur de la défenderesse HBL et il en est aussi le trésorier. M. Robinson n'est ni administrateur ni dirigeant de l'une quelconque de ces sociétés.

[16]       Ces précisions préalables faites, je me tourne vers la preuve déposée pour établir que les intimés avaient connaissance de l'injonction prononcée par le juge O'Keefe le 27 novembre 2000.

PREUVE DE LA CONNAISSANCE DE L'INJONCTION

[17]       La preuve de la signification du jugement a été fournie par Vance Elliott, huissier. M. Elliott a déclaré ce qui suit sous serment.

Le 12 décembre 2000, il s'est rendu au 175, avenue Industrial à Carleton Place, pour signifier le jugement.

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Sur une photographie prise par M. Elliott au mois de décembre 2000, on peut voir un panneau situé à l'extérieur de l'édifice, laquelle indique qu'il s'agit des locaux de HBL.

Le 12 décembre 2000, M. Elliott a parlé à M. Hart à la brasserie sise au 175, avenue Industrial et lui a montré le jugement. M. Hart lui a alors dit que la société exploitant la brasserie était HRBC. M. Elliott est donc parti sans signifier le jugement, afin de demander des directives supplémentaires.

Au début du mois de janvier 2001, M. Elliott est revenu et a laissé une copie du jugement à M. Hart. M. Robinson était alors avec M. Hart. M. Elliott croit que cela a eu lieu le 9 janvier 2001.

[18]       L'avocat de MM. Hart et Robinson n'a pas contre-interrogé M. Elliott au sujet de la déposition de ce dernier affirmant qu'il avait signifié un jugement à M. Hart le


9 janvier 2001 et que M. Robinson se trouvait alors avec M. Hart. Aucune preuve contraire n'a été présentée. Relativement à cet élément de preuve, je suis convaincue hors de tout doute raisonnable qu'au début du mois de janvier 2000, M. Hart et M. Robinson étaient au courant du jugement du juge O'Keefe et de l'injonction qu'il contenait.

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[19]       La preuve relative au lien de HRBL avec l'exploitation de la brasserie à Carleton Place et à la connaissance qu'elle avait du jugement rendu par le juge O'Keefe comprend ce qui suit

Le jugement a été signifié à M. Hart au siège social de HRBL. Le

12 décembre 2000, date de la première tentative faite par M. Elliott pour signifier le jugement, M. Hart a dit à ce dernier que la société qui exploitait la brasserie à cette date était HRBL. L'avocat de M. Hart n'a pas contreinterrogé M. Elliott sur cette question.

Le 19 avril 2001, M. Slavko Ilic a visité la brasserie de Carleton Place. Il a témoigné que M. Hart guidait la visite et qu'il s'était présenté comme le propriétaire de l'établissement. L'avocat de M. Hart n'a pas contre-interrogé M. Ilic sur cette question.

Lors de la visite, M. Ilic a reçu un sous-bock à l'effigie du dragon portant les mots « Dragon's Breath » et se rapportant à de la bière de type pale ale. On pouvait également y lire l'inscription « Hart Robinson Breweries Ltd., Carleton Place and Mississauga, Ontario » .

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M. Ed Palmer, directeur de la distribution pour The Brewers Retail Inc. a témoigné qu'il connaissait la brasserie de Carleton Place et que, pendant qu'elle était en exploitation, il avait négocié avec Lorne Hart. Le

27 juillet 2000, M. Palmer avait reçu une lettre de HRBL l'informant que HRBL avait acquis l'actif et l'entreprise de THBCL le le` juillet 2000.

M. Palmer a déclaré que depuis cette date, il avait fait affaires avec HRBL.

[20]       Aucune partie de la déposition de M. Palmer n'a été contredite.

[21]       Il n'est pas essentiel de prouver que le jugement a été signifié à HRBL pour établir qu'elle en avait connaissance. La signification n'est qu'un moyen de prouver la connaissance (voir Apple Computer, Inc. c. Minitronics of Canada Ltd., [1988] 2 C.F. 265, au par. 10.

[22]       Vu cette preuve, je tire la conclusion de fait que M. Hart était pleinement engagédans l'exploitation de la brasserie et que, du 12 décembre 2000 jusqu'au 19 avril 2001, au moins, la brasserie était exploitée par HRBL. Je suis donc convaincue hors de tout doute raisonnable que la connaissance du jugement qu'avait M. Hart établit que HRBL était au courant de l'existence de la décision depuis au moins le 9 janvier 2001.

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RESPONSABILITÉ A L'ÉGARD DES ALLÉGATIONS D'OUTRAGE

[23]       Il ne fait aucun doute qu'une boisson alcoolique obtenue par brassage a été vendue, offerte en vente, distribuée et annoncée en liaison avec les mots « Dragon's Breath » ,

« Souffle de Dragon » et avec le dessin de dragon, lesquels faisaient l'objet de l'interdiction expresse formulée parle juge O'Keefe.            Il reste à déterminer quelle est la responsabilité de chaque intimé, le cas échéant, relativement à cet acte de désobéissance. J'examinerai tour à tour chaque allégation.

(a) Le 15 février 2001, HRBL a offert publiquement en vente et a vendu à Vance Elliott de la bière de type ale.


[24]       M. Elliott a déclaré ce qui suit dans son témoignage

Il a acheté une caisse de bières diverses dont de la pale ale Dragon's Breath à la brasserie sise au 175, avenue Industrial à Carleton Place, oÿ il avait signifié un jugement; il pense que c'était le 19 janvier 2001.

En contre-interrogatoire, il a indiqué qu'il n'était pas certain de la date à laquelle il avait acheté la bière, mais que c'était au début de janvier ou au début de février.

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M. Elliott a produit une facture indiquant qu'elle avait été établie par Hart Breweries Ltd. le 15 décembre 2000.

[25]       Cette preuve, si tant est qu'elle le prouve, n'établit pas hors de tout doute raisonnable, qu'une vente a été réalisée par HRBL le 15 février 2001.

(b) et (c) HRBL a continué de distribuer de la bière de type ale par l'intermédiaire de la Régie et de Brewers Retail Inc. en liaison avec les marques de commerce Plus particulièrement, elle a expédié de la bière à Brewers Retail Inc pour distribution et vente au public, chaque semaine de la période du 15 décembre 2000 au 15 avril 2001

[26]       Selon le témoignage de M. Palmer et le document qu'il avait préparé, HRBL a expédié à Brewers Retail Inc. 157,5 hectolitres de pale ale Dragon's Breath pendant la période comprise entre les semaines se terminant le 17 décembre 2000 et le 15 avril 2001, et 182,1 hectolitres de pale ale Dragon's Breath ont été vendus par les magasins de bière de Brewers Retail. M. Palmer a également témoigné que c'est avec HRBL qu'il faisait affaires, relativement à la brasserie de Carleton Place, depuis qu'il avait reçu la lettre du 27 juillet 2000.

[27]       M. Ilic a reconnu une bouteille grand format de pale ale Dragon's Breath qu'il avait achetée le 25 avril 2001 de l'établissement de la Régie des alcools de l'Ontario (RAO) situé au 1125, rue Bloor Est, à Mississauga, ainsi qu'une caisse de bière portant le logo

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Dragon's Breath qu'il a achetée le même jour d'un magasin de bière de Brewers Retail situé au même endroit.

[28]       Les mots « Hart Breweries Limited Carleton Place Ontario » sont inscrits sur l'étiquette de la bouteille grand format. Le nom de la brasserie imprimé sur la caisse de bière est « Hart Breweries Limited, Carleton Place, Ontario Canada » . Les étiquettes apposées sur les bouteilles contenues dans la caisse portent les mots « The Hart Brewing Company Ltd. Carleton Place Ontario » .

[29]       L'avocat des personnes physiques intimées ont déposé, avec le consentement de l'avocat de la demanderesse, une lettre datée du 13 mars 2001 que l'avocat de HRBL avait envoyée à l'avocat de la demanderesse, dans laquelle il offrait de cesser l'embouteillage et la vente de la bière Dragon's Breath.


[30]       Vu la preuve susmentionnée ainsi que la déclaration de M. Palmer concernant l'entité avec laquelle il faisait affaires relativement à la brasserie de Carleton Place depuis le 27 juillet 2000, je suis convaincue hors de tout doute raisonnable que les allégations (b) et (c) ont été prouvées.

(d) Hart Robinson n'a pas remis tous les articles en sa possession qui étaient visés par l'injonction et, en particulier, n'a pas remis cinq articles déterminés.

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[31]       M. Ilic a témoigné qu'il a vu les cinq articles lors de sa visite de la brasserie, et il a produit les photographies qu'il a prises, à l'occasion de cette visite, du T-shirt portépar M. Hart, de l'affiche montrant un dragon levant un verre de bière, de matériel d'emballage et d'étiquetage, d'un baril de bière en fût et d'une autre affiche de dragon portant l'inscription « Caution for Rent Only » . M. Ilic a aussi reconnu une caisse de bière Dragon's Breath qui lui avait été donnée lors de la visite.

[32]       Compte tenu des éléments de preuve antérieurs qui m'ont convaincue que HRBL exploitait la brasserie de Carleton Place à l'époque en cause, j'estime que la preuve de

M. Ilic établit hors de tout doute raisonnable que l'outrage au tribunal allégué à l'alinéa (d) a été commis.

(e) Lorne Hart, un administrateur de Hart Breweries Limited, qui exploitait HRBL, en était mandataire et se présentait comme le propriétaire de la brasserie et qui connaissait l'existence du jugement, a directement ou indirectement fait en sorte que HRBL accomplisse les actes décrits aux alinéas (a) à (e).

[33]       La demanderesse n'a pas prouvé les faits allégués à l'alinéa (a); il n'est donc pas nécessaire d'examiner cet alinéa à l'égard de M. Hart.

[34]       Relativement aux autres allégations, les éléments de preuve suivants n'ont pas été contredits

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M. Hart est un administrateur de HBL.

Le 12 décembre 2000, lorsque M. Elliott a tenté de signifier le jugement à

M. Hart aux locaux de la brasserie, M. Hark a informé ce dernier que la

brasserie était exploitée par HRBL.

Le 19 avril 2001, M. Hart a dirigé une visite guidée de la brasserie, lors de

laquelle il s'est présenté comme le propriétaire de l'établissement.

Lors de cette visite, un sous-bock portant le nom de HRBL a été remis,

l'affichage extérieur indiquait qu'il s'agissait des locaux de Hart Breweries

Limited, des caisses de bière sous emballage moulant ont été

photographiées : elles portaient les marques de commerce contrefaites ainsi

que le nom « Hart Breweries Limited » . Dans la brasserie, se trouvaient la

manette du baril ainsi que des affiches portant les marques de commerce

dont l'emploi avait été interdit à HBL, et M. Hart lui-même était vêtu d'un

T-shirt sur lequel était reproduit le logo Dragon's Breath. M. Ilic a reçu une

caisse de bouteilles de bière portant l'étiquette visée par l'ordonnance du

juge O'Keefe, sur laquelle apparaissaient les marques de commerce et le

nom Hart Breweries Limited.

M. Palmer a déclaré ce qui suit dans son témoignage

[TRADUCTION]


Q.         Connaissez-vous une brasserie appelée Hart Breweries à Carleton Place?

R. Oui.

Q.         Avec qui faisiez-vous affaires chez Hart Breweries?

Page: 18

A.         Sous Hart Breweries, je dirais que la majorité des négociations se faisait avec Lorne [Hart]. Il y a eu un intérim oÿ Lorne était avec la société, mais la plupart des affaires se faisaient avec le co-signataire du contrat, Jonathan Hatchell.

[35]       Vu cette preuve, et vu qu'elle n'a pas été contestée ou contredite, la raison et le bon sens font conclure qu'il est établi hors de tout doute raisonnable que Lorne Hart dirigeait les opérations de la brasserie exploitée par HRBL, qu'il s'est présenté comme le propriétaire de la brasserie à au moins une occasion et qu'il a, directement ou indirectement, fait en sorte que HRBL accomplisse les actes décrits aux alinéas (b), (c)

et (d).

[36]       La seule conclusion permise par la preuve est que M. Hart a agi de façon à entraver la bonne administration de la justice ou à porter atteinte à l'autorité de la Cour. Par conséquent, M. Hart est coupable d'outrage au tribunal.

(f) Le 19 avril 2001, Lorne Hart a directement ou indirectement fait en sorte que HRBL annonce et distribue de la bière de type ale au public et, notamment, à Slavco Ilic, lorsqu'il a porté un T-shirt avec les mots DRAGON'S BREATH pendant une visite qu'il dirigeait et lorsqu'il a donné à M. Ilic une caisse de bière       op rtant l'étiquette visée par le jugement du juge O'Keefe.

[37]       J'accepte le témoignage de M. Ilic, lequel prouve les actes allégués.

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[38]       Comme M. Hart a reconnu devant M. Elliott que HRBL exploitait la brasserie et qu'il a déclaré à M. Ilic qu'il était propriétaire de la brasserie et comme il a remis à ce dernier un sous-bock portant le nom de la brasserie pendant la visite guidée, je conclus que M. Hart a fait en sorte que HRBL accomplisse lesdits actes.

(g) Ron Robinson a aidéLorne Hart et HRBL à accomplir les actes décrits ci-haut.

[39] Aucun élément de preuve pouvant établir cette allégation n'a été déposé, et rien dans la preuve soumise par la demanderesse n'indique pourquoi cette grave allégation a été maintenue à l'égard de M. Robinson.

PEINE

[40]       Comme je l'ai déjà mentionné, la personne morale intimée a choisi de ne pas comparaître. M. Hart était représenté par avocat, mais il a décidé de ne présenter aucun élément de preuve en réponse aux allégations. Je ne dispose donc d'aucune preuve relative à la bonne foi ou à l'absence de mens rea, facteurs qui influent sur la peine.

[41]       Voici les éléments de preuve dont la Cour dispose qui sont pertinents pour la détermination de la peine.


[42]       Le 13 mars 2001, HRBL a écrit à l'avocat de la demanderesse que [TRADUCTION] « Hart Robinson Breweries Ltd. serait disposée à cesser d'embouteiller

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et de vendre la bière Dragon's Breath le 30 mars 2001. Nous aurions ensuite besoin de six mois pour écouler nos stocks par l'intermédiaire des canaux de distribution » .

[43]       Il semble que la demanderesse n'ait pas jugé cette offre acceptable.

[44]       Il appert de l'ordonnance de justification que les intimés étaient représentés devant le protonotaire adjoint le 19 mars 2001 lorsque l'ordonnance a été rendue, et malgré cette ordonnance:

HRBL a continué à expédier de la bière de type pale ale Dragon's Breath à

Brewers Retail, au moins jusqu'à la semaine se terminant le 15 avril 2001.

Le 19 avril 2001, M. Hart, vêtu d'un T-shirt Dragon's Breath a fait faire une visite guidée de la brasserie à M. Ilic et à son groupe. A cette date, les

marques de commerce étaient affichées, et une caisse de bière de type pale ale Dragon's Breath a été donnée à M. Ilic.

Lorsque l'ordonnance de justification et l'ordonnance fixant la date de l'audience en cette matière lui ont été signifiées, M. Hart a informé

M. Elliott qu'il ne pensait pas que l'affaire était assez importante pour qu'il y ait instruction. Il aurait dit qu'il s'agissait d'une question frivole et que HRBL s'était placée sous la protection des dispositions relatives à la faillite.

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[45]       Cet élément de preuve est inquiétant.

[46]       Compte tenu de l'ensemble des circonstances, j'estime qu'il convient de donner à HRBL et à M. Hart la possibilité de comparaître devant moi assistés d'un avocat, en présence de l'avocat de la demanderesse, afin de faire les commentaires qu'ils jugent appropriés et de présenter leurs observations au sujet des peines et des dépens. J'entendrai également les observations qui me seront présentées au sujet des dépens pour le compte de M. Robinson.

[47]Les avocats devront donc informer le greffe, dans les dix prochains jours, des dates

oÿ M. Hart et eux pourront se présenter devant moi à Toronto. L'avocat de M. Hart devra

également tenter de communiquer avec son ancienne cliente, HRBL, pour vérifier si cette

personne morale a l'intention de comparaître, et informer le greffe, dans les dix prochains

jours, des résultats de ses démarches.

Eleanor R. Dawson

Juge

Ottawa (Ontario) 31 janvier 2002

Ghislaine Poitras, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER:      T-1656-00


INTITULÉ:Desnoes & Geddes Ltd. c. Hart Breweries Ltd.

LIEU DE L'AUDIENCE:        Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE:      Le 14 septembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Madame le juge Dawson DATE DES MOTIFS:        Le 31 janvier 2002

COMPARUTIONS

M. Adam Bobker M. Anthony Cole Bereskin & Parr (416) 364-7311     POUR LA DEMANDERESSE/REQUÉRANTE

M. Serge Anissimoff Anissimoff & Associates (519) 673-5591 POUR LES DÉFENDEURS/INTIMÉS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. Adam Bobker Bereskin & Parr (416) 364-7311           POUR LA DEMANDERESSE/REQUÉRANTE

M. Serge Anissimoff Anissimoff & Associates (519) 673-5591 POUR LES DÉFENDEURS/INTIMÉS

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