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Date : 20010412

Dossier : IMM-606-00

OTTAWA (ONTARIO), LE MARDI 17 AVRIL 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

ENTRE :

                                             NALLANATHAN, Lina Radhiha

                                                                                                                        demanderesse

                                                                    - et -

                                                     LE MINISTRE DE LA

                                   CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                               défendeur

                                                          ORDONNANCE

Pour les motifs exposés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il ne convient de certifier aucune question.

                                                                                                                                               

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


Date : 20010417

Dossier : IMM-606-00

Référence neutre : 2001 CFPI 326

ENTRE :

                           NALLANATHAN, Lina Radhiha

                                                                                    demanderesse

                                                  - et -

                                      LE MINISTRE DE

             LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                           défendeur

                                                     

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

A.        INTRODUCTION


[1]                Lina Radhiha Nallanathan (la demanderesse) est une comptable célibataire de 36 ans qui est de race tamoule et originaire du Sri Lanka. Elle conteste la décision par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal) a rejeté, le 17 janvier 2000, sa revendication du statut de réfugié fondée sur les opinions politiques qu'on lui imputait et sur son appartenance à un groupe social particulier, soit le fait qu'elle est une femme tamoule du nord du Sri Lanka. Elle prétend craindre avec raison d'être persécutée par l'armée sri lankaise (l'armée) parce qu'elle est partisane d'un état indépendant démocratique tamoul et ne participe par ailleurs à aucune autre activité politique. Elle craint aussi les Tigres.

[2]                Dans son formulaire de renseignements personnels (FRP), la demanderesse a fait le récit du harcèlement général dont elle aurait été la cible de 1983 à 1990 de la part de l'armée, des LTTE et de l'IPKF. Elle relate qu'en juin 1990, les Tigres lui ont ordonné d'effectuer des paiements mensuels à leur nom, ce qu'elle a fait; elle a aussi tenu les comptes de leur camp lorsqu'ils le lui ont ordonné en mars 1992.

[3]                Elle a écrit dans son FRP qu'elle est demeurée dans différents camps de réfugiés de 1995 à 1999, après que les Tigres ont ordonné à différentes occasions l'évacuation de plusieurs villes.

[4]                L'événement qui a précipité sa fuite à Colombo serait, selon ses allégations, le rassemblement de Tamouls par l'armée à la suite de l'explosion d'un de leurs Jeeps. Elle et les membres de sa famille ont été libérés après une semaine, mais l'armée a persisté à visiter la maison familiale le soir pour vérifier si des Tigres s'y trouvaient. L'une de ses voisines a été violée sous ses yeux par des membres de l'armée.


[5]                Elle a décidé de trouver refuge à Colombo où elle espérait trouver du travail et s'établir en permanence; peu après son arrivée, elle a été arrêtée et battue, puis libérée après avoir versé un pot-de-vin; on lui a alors dit de retourner à Jaffna. Elle s'est enfuie au Canada le 21 août 1999.

B. La décision du tribunal

[6]                Le tribunal a fondé sa décision sur sa conclusion que le récit de la demanderesse n'était pas crédible ni digne de foi. Cette conclusion s'appuyait principalement, non pas sur des incohérences ou des contradictions dans son témoignage, mais sur des affirmations non plausibles relevées dans son récit par le tribunal.

[7]                Hormis les affirmations non plausibles, le tribunal n'était pas convaincu par la pièce d'identité déposée par la demanderesse; ce document n'était pas une carte d'identité nationale. Le tribunal a accordé peu de poids à la pièce d'identité qu'elle a présentée pour tenir lieu de carte d'identité nationale et ne lui a attribué aucune valeur probante pour établir le domicile récent de la revendicatrice, c.-à-d. qu'elle vivait jusqu'à tout récemment au nord du Sri Lanka.

[8]                Le tribunal a notamment conclu que ses affirmations suivantes n'étaient pas plausibles :


a)         qu'une personne adulte aussi instruite n'aurait pas su, personnellement, comme elle l'a affirmé dans son témoignage, si un laissez-passer lui a été délivré par l'armée pour se rendre à Colombo. Le tribunal a fondé sa conclusion sur une preuve documentaire des contrôles effectués par l'armée sur les personnes qui veulent se rendre à Colombo;

b)         qu'elle n'aurait pas été questionnée à son arrivée à Colombo, le tribunal soulignant cependant sa réponse selon laquelle les responsables de la sécurité ont parlé à son père et à l'agent qu'il avait embauché;

c)         qu'elle aurait ignoré le nom de l'aéroport de Jaffna, après avoir témoigné qu'elle y était née et y avait vécu pendant la majeure partie de sa vie et qu'elle s'était récemment envolée de cet aéroport à destination de Colombo. Le tribunal a conclu qu'elle n'avait pas pris l'avion à Jaffna pour se rendre à Colombo;

d)         qu'elle aurait eu l'intention de s'établir en permanence à Colombo et que son agent lui aurait dit qu'elle le pouvait. Le tribunal a fondé sa conclusion sur la preuve documentaire établissant que les laissez-passer pour Colombo sont temporaires et ne valent que pour de courtes visites;


e)         qu'elle n'aurait pas su si elle était inscrite auprès de la police à Colombo, ce qui est obligatoire, selon la preuve documentaire. Elle a affirmé avoir laissé son agent s'en occuper. Le tribunal a cité la preuve documentaire établissant que les Tamouls sont soumis à des interrogatoires serrés aux points de contrôle de sûreté.

[9]                Le tribunal a conclu que son témoignage contredisait ce que disait la preuve documentaire au sujet de la situation au Sri Lanka; il était convaincu [TRADUCTION] « qu'elle n'était pas allée au nord du Sri Lanka depuis plusieurs années » et, par conséquent, il ne [TRADUCTION] « croyait pas son témoignage selon lequel elle aurait travaillé pour les Tigres et aurait été soupçonnée par l'armée de 1995 à 1999 » .

[10]            Le tribunal a écrit, à la page 5 :

[TRADUCTION] Il revient à la demanderesse de faire sa preuve et, si elle ne possède pas de pièce d'identité, elle doit fournir une autre preuve crédible et digne de foi pour étayer sa revendication. Elle n'y est pas parvenue. Comme je ne sais pas d'où la demanderesse est arrivée récemment, je ne puis rendre une décision qui lui serait favorable. Je conclus qu'il n'existe pas de possibilité sérieuse que la demanderesse soit persécutée si elle retourne au Sri Lanka.

C. ANALYSE

[11]            La conclusion cruciale tirée par le tribunal à l'appui de sa conclusion qu'il n'existe pas de possibilité sérieuse que la demanderesse soit persécutée si elle retourne au Sri Lanka porte qu'il ne croit pas qu'elle est arrivée récemment du nord et c'est pour cette raison qu'il a rejeté son témoignage selon lequel elle aurait travaillé pour les Tigres et aurait été soupçonnée par l'armée de 1995 à 1999.


[12]            Pour arriver à cette conclusion, le tribunal n'a pas tenu compte de la carte d'identité de la demanderesse qui ne pouvait, selon lui, remplacer la carte d'identité nationale que tous les citoyens du Sri Lanka sont tenus par la loi de posséder.

[13]            Pour conclure que la demanderesse n'avait pas prouvé qu'elle est arrivée récemment du nord, le tribunal s'est appuyé aussi sur les affirmations non plausibles qu'il a relevées dans son témoignage.

[14]            L'avocat de la demanderesse affirme que le tribunal :

(1)        a commis une erreur en ne concluant pas que son certificat de naissance prouve qu'elle vient de Jaffna et est citoyenne du Sri Lanka;

(2)        les conclusions portant que certaines affirmations ne sont pas plausibles ne sont pas pertinentes et ne sont pas déterminantes quant à la question de la crainte bien fondée de l'appelante d'être persécutée;

(3)        le tribunal n'a pas tenu compte des éléments principaux de sa revendication;

(4)        a dérogé aux directives sur la persécution fondée sur le sexe.


[15]            Le premier argument de la demanderesse ne tient pas. Ce que le tribunal cherchait c'était une preuve que la demanderesse est arrivée récemment du nord. La transcription contient une copie de son certificat de naissance et de sa carte d'identité. L'examen de ces deux documents appuie la conclusion du tribunal selon laquelle aucun ne révèle qu'elle se trouvait au nord du Sri Lanka pendant la période pertinente.

[16]            Quant à son deuxième argument, l'arrêt Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 160 N.R. 315 de la Cour d'appel fédérale y répond, Monsieur le juge Décary ayant écrit :

[4] Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. Dans Giron, la cour n'a fait que constater que dans le domaine de la plausibilité le caractère déraisonnable d'une décision peut-être davantage palpable, donc plus facilement identifiable, puisque le récit apparaît à la face même du dossier. Giron, à notre avis, ne diminue en rien le fardeau d'un appelant de démontre que les inférences tirées ne pouvaient pas raisonnablement l'être. L'appelant, en l'espèce, ne s'est pas déchargé de ce fardeau.

[17]            On ne peut affirmer que le tribunal ne disposait d'aucune preuve sur laquelle fonder ses conclusions sur la plausibilité. Il ressort de la transcription que le tribunal a fondé sa conclusion relative à chaque affirmation non plausible sur le témoignage de la demanderesse et sur la preuve documentaire.

[18]            La demanderesse n'a pas établi que les conclusions sur la plausibilité étaient déraisonnables et, selon moi, elles étaient pertinentes pour déterminer d'où la demanderesse est arrivée récemment.


[19]            Pour ce qui est de son argument portant que le tribunal n'a pas examiné sa revendication, je ne vois aucune raison d'intervenir. Le tribunal a examiné sa revendication, mais l'a rejetée en concluant qu'il n'existait pas de possibilité sérieuse que la demanderesse soit persécutée si elle retourne au Sri Lanka. Cette conclusion, comme je l'ai mentionné, s'appuyait sur une conclusion touchant la crédibilité au sujet des personnes par lesquelles elle craignait d'être persécutée.

[20]            Enfin, je suis d'accord avec l'avocate du défendeur pour dire qu'il n'y a pas eu dérogation aux directives sur la persécution fondée sur le sexe. L'essence de la revendication de la demanderesse n'était pas la persécution fondée sur le sexe, mais sur ses opinions politiques. De plus, la demanderesse n'a offert aucune preuve à l'appui de cet argument dans son témoignage.

[21]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il ne convient de certifier aucune question.

                                                                                                           

« François Lemieux »

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

LE 17 AVRIL 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :                                             IMM-606-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                        Nallanathan

c.

MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           le 17 janvier 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :                      MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS :                                                  le 17 avril 2001

ONT COMPARU

Me I Francis Xavier                                                       POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Me Neeta Logsetty                                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Me I Francis Xavier                                                       POUR LA DEMANDERESSE

Me Morris Rosenberg                                                    POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

        

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