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Date : 20051109

Dossier : T-2256-04

Référence : 2005 CF 1530

ENTRE :

                                                    ALINA KING (AMOKRANE)

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                                                                                                           Dossier : T-2260-04

ENTRE :

                                                    ALINA KING (AMOKRANE)

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON


[1]                La demanderesse est retournée aux études dans un établissement d'enseignement postsecondaire. Elle affirme que, ce faisant, elle s'est retrouvée sans source de revenus. Pour subvenir à ses besoins, elle a présenté une demande d'aide financière en vertu du Régime d'aide financière aux étudiantes et étudiants de l'Ontario, qui est financé d'une part par le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial et est administré par le Centre de service national de prêts aux étudiants, Division des institutions publiques, lequel relève de Développement des ressources humaines Canada, et d'autre part, par un établissement d'enseignement désigné, en l'occurrence l'université Carleton, laquelle est située à Ottawa, en Ontario.

[2]                Le 28 février 2003, la demanderesse a reçu un « certificat d'admissibilité à un prêt d'études à temps partiel » . C'était le premier des six (6) certificats que la demanderesse avait reçus en date du 27 janvier 2005.

[3]                La demanderesse a réclamé une exemption d'intérêts sur son premier prêt étudiant de même que sur ses prêts subséquents, dans chaque cas pour couvrir la période d'études visée.

[4]                Par lettre datée du 1er décembre 2004, le Centre de service national de prêts aux étudiants de Mississauga (Ontario) a écrit à la demanderesse pour l'informer qu'elle devait 152,61 $ en intérêts au titre de son prêt d'études à temps partiel. La demanderesse a été informée qu'en raison de ses intérêts en souffrance, elle n'était plus admissible à l'exemption d'intérêts pour sa période d'études en cours.


[5]                Dans une autre lettre datée du 16 décembre 2004 et provenant cette fois-ci du directeur général du Programme canadien de prêts aux étudiants, Direction générale de l'apprentissage, Ressources humaines et Développement des compétences Canada, la demanderesse a été informée de ce qui suit :

[TRADUCTION] Si j'ai bien compris, vous estimez que les intérêts accumulés sur votre prêt d'études à temps partiel ne devraient pas vous être réclamés puisque vous avez soumis une demande d'exemption d'intérêts et que vous vous êtes ensuite inscrite à des études à plein temps à l'université Carleton. Il semble que nous soyons devant une impasse. Il ne sera possible d'entamer des négociations au sujet de votre certificat d'admissibilité que si vous réglez les intérêts en souffrance sur votre prêt d'étudiant canadien à temps partiel. Or, il ressort de votre lettre que vous refusez d'acquitter les intérêts en question. Les fonctionnaires du Centre de service national de prêts aux étudiants nous informent qu'ils vous ont retourné vos documents de prêt.

[6]                La demande de contrôle judiciaire présentée par la demanderesse dans le dossier T-2256-04 se rapporte à la « décision » dont il est fait état dans la lettre du 16 décembre 2004 et qui, selon la demanderesse, a eu pour effet de l'empêcher de bénéficier du Programme de prêt d'études intégré Canada-Ontario qui était alors son unique source de revenus. La demanderesse réclame les réparations suivantes en ce qui a trait à cette « décision » :

- une ordonnance déclarant que la « décision » du 16 décembre 2004 lui réclamant le remboursement des intérêts dus par elle sur le prêt d'études auquel elle avait droit alors qu'elle était étudiante à temps plein est « contraire à la loi » au sens de l'alinéa 18.1(4)f) de la Loi sur les Cours fédérales, parce qu'elle va à l'encontre des articles 7 et 8 de la Loi fédérale sur l'aide financière aux étudiants;

- les dépens de sa demande de contrôle judiciaire;

- toute autre réparation que la Cour jugera bon de lui accorder.

[7]                La demande de contrôle judiciaire présentée par la demanderesse dans le dossier T-2260-04 vise la « décision » contenue dans la lettre précitée du 1er décembre 2004 qui, selon la demanderesse, a eu le même effet sur sa situation, c'est-à-dire de lui refuser la seule source de revenus dont elle disposait alors qu'elle était inscrite comme étudiante à temps plein.

[8]                Dans les documents qu'elle a soumis à la Cour et les observations qu'elle a formulées lors de l'instruction des présentes demandes de contrôle judiciaire, la demanderesse a expliqué que, par suite des « décisions » à l'étude, elle a été contrainte, pour poursuivre des études auxquelles elle tenait beaucoup, de demander des avances de fonds sur une carte de crédit, à des taux d'intérêts élevés, et qu'elle risquait de renoncer à poursuivre ses études à temps plein à l'université Carleton étant donné qu'elle est en retard dans le paiement de ses frais de scolarité.

[9]                Il semble que des pourparlers et des négociations aient été entamés entre, d'une part, l'avocat du défendeur et, d'autre part la demanderesse et d'autres personnes. Ces discussions ont porté fruit. Dans un affidavit souscrit le 10 mai 2005, le directeur général du Programme canadien de prêts aux étudiants de Ressources humaines et Développement des compétences Canada a confirmé qu'une exemption d'intérêts avait été accordée sur les prêts d'études de la demanderesse pour les cinq périodes commençant le 1er avril 2003 et se poursuivant sans interruption jusqu'au 30 septembre 2005 et qu'un autre prêt d'études avait été consenti à la demanderesse respectivement par le Canada et par l'Ontario.

[10]            À l'ouverture de l'audition conjointe de ces demandes de contrôle judiciaire, l'avocat du défendeur a par conséquent affirmé que les deux demandes avaient un caractère théorique. La demanderesse, qui agit pour son propre compte, ne conteste pas que les demandes sont devenues théoriques, mais elle insiste pour dire que la Cour devrait malgré tout les examiner parce que bon nombre d'étudiants de niveau postsecondaire au Canada qui, comme elle, comptent sur des prêts d'études risqueraient de subir le même sort qu'elle, de sorte que le contrôle judiciaire revêt une grande importance et pourrait avoir des conséquences critiques tant pour la demanderesse que pour ceux qui se trouvent dans la même situation qu'elle. La demanderesse a expliqué à la Cour l'importance particulière que revêtait la situation dans laquelle elle se trouvait.

[11]            À la lumière du critère du caractère théorique posé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Borowski c. Canada (Procureur général)[1], on m'a convaincu, à l'audience, que les présentes demandes de contrôle judiciaire sont effectivement théoriques et qu'il ne servirait pas à grand chose que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire en décidant d'instruire quand même ces demandes. J'ai informé la demanderesse, à l'audience, que j'estimais que je pourrais mieux répondre à ses préoccupations légitimes au sujet de ses prêts d'études en rédigeant les présents brefs motifs. La demanderesse a accepté l'opinion de la Cour à cet égard.


[12]            À la clôture de l'audience, la Cour s'est dite préoccupée par le fait que la demanderesse avait dû engager certains débours à un moment où elle pouvait difficilement se le permettre afin d'introduire et de poursuivre les présentes demandes de contrôle judiciaire qui auraient fort bien pu contribuer à lui permettre d'en arriver à une solution qui la satisfasse pour ce qui est de ses prêts d'études. L'avocat du défendeur a reconnu que la demanderesse avait engagé des débours et qu'elle avait aussi indéniablement engagé des frais d'intérêts de même peut-être que d'autres dépenses qu'elle pouvait difficilement assumer. L'avocat a expliqué que la situation préoccupait vivement le défendeur et il a ajouté que des pourparlers seraient entamés avec la demanderesse pour tenter d'en arriver à un accord au sujet d'un remboursement acceptable. La Cour n'examinera donc pas plus à fond la question de l'adjudication des dépens à la demanderesse à ce moment-ci. Cela étant dit, la Cour encourage les parties à entreprendre les discussions prévues et invite la demanderesse à s'adresser de nouveau à la Cour, en particulier au soussigné, pour le cas où les parties n'arriveraient pas à s'entendre sur un règlement satisfaisant.

[13]            La demanderesse a dit craindre que les documents déposés auprès de la Cour ne révèlent des renseignements personnels qu'elle préfère ne pas voir dévoilés au grand jour. L'avocat du défendeur a dit qu'il comprenait les préoccupations de la demanderesse à ce sujet. Il a été convenu que la demanderesse et l'avocat du défendeur examineraient les documents soumis à la Cour, chercheraient à s'entendre sur les passages qu'il convient d'en supprimer et informeraient la Cour du résultat. Sur le conseil de la demanderesse et de l'avocat du défendeur, il plaira à la Cour d'envisager la possibilité d'ordonner la suppression de certains passages des documents qui lui ont été soumis.

[14]            La Cour rendra des ordonnances rejetant les présentes demandes de contrôle judiciaire en raison de leur caractère théorique.

                                                                        « Frederick E. Gibson »                         

          Juge

Ottawa (Ontario)

Le 9 novembre 2005

Traduction certifiée conforme

Michèle Ali


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS :              T-2256-04 et T-2260-04

INTITULÉ :               ALINA KING (AMOKRANE)

                                                                                       demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                             défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                              OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 7 NOVEMBRE 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                         LE JUGE GIBSON

DATE DES MOTIFS :                                   LE 9 NOVEMBRE 2005

COMPARUTIONS :

Alina King (Amokrane)

pour son propre compte

POUR LA DEMANDERESSE

Kris Klein

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aucun

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR



[1][1989] 1 R.C.S. 342.


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