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Date : 20211222

No de dossier de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba : CI‑19‑01‑24661

No de dossier de la Cour fédérale : T‑1673‑19

Référence : 2021 CF 1415

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 22 décembre 2021

En présence de monsieur le juge Favel

ENTRE :

Dossier : CI‑19‑01‑24661

NATION DES CRIES DE TATASKWEYAK ET CHEF DOREEN SPENCE POUR SON PROPRE COMPTE ET POUR LE COMPTE DE TOUS LES MEMBRES DE LA NATION DES CRIS DE TATASKWEYAK

demanderesses

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

(Recours collectif introduit en vertu de la Loi sur les recours collectifs, c C130 de la CPLM)


 

ET ENTRE :

Dossier : T‑1673‑19

PREMIÈRE NATION DE CURVE LAKE ET CHEF EMILY WHETUNG POUR SON PROPRE COMPTE ET POUR LE COMPTE DE TOUS LES MEMBRES DE LA PREMIÈRE NATION DE CURVE LAKE, ET PREMIÈRE NATION DE NESKANTAGA ET CHEF CHRISTOPHER MOONIAS POUR SON PROPRE COMPTE ET POUR LE COMPTE DE TOUS LES MEMBRES DE LA PREMIÈRE NATION DE NESKANTAGA

demandeurs

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

(Recours collectif introduit en vertu de la partie 5.1 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106)

ORDONNANCE ET MOTIFS


I. Introduction

[1] Il s’agit d’une requête en approbation de l’entente de règlement concernant l’eau potable des Premières Nations [l’entente de règlement ou le règlement] en vertu du paragraphe 334.29(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles], et du paragraphe 35(1) de la Loi sur les recours collectifs, c c130 de la CPLM [la Loi sur les recours collectifs]. Les actions sous‑jacentes sont des recours collectifs. L’entente de règlement indemnise les membres de Premières Nations qui ont vécu sous un avis concernant la qualité de l’eau potable pendant un an ou plus. Elle offre également aux Premières Nations une indemnisation et une aide pour obtenir de l’eau potable salubre grâce à un financement futur dans l’infrastructure.

[2] La Cour fédérale et la Cour du Banc de la Reine du Manitoba [les cours] ont toutes deux compétence dans la présente instance. Le 11 octobre 2019, la Première Nation de Curve Lake [Curve Lake], la chef Emily Whetung, ainsi que la Première Nation de Neskantaga [Neskantaga] et l’ancien chef Christopher Moonias ont déposé une déclaration devant la Cour fédérale [l’action devant la Cour fédérale]. Le 20 novembre 2019, la Nation des Cris de Tataskweyak [Tataskweyak] et la chef Doreen Spence ont déposé une déclaration devant la Cour du Banc de la Reine du Manitoba [l’action au Manitoba, et collectivement avec l’action devant la Cour fédérale, les actions]. Une fois les actions autorisées, les cours ont désigné ces Premières Nations et ces chefs à titre de représentants demandeurs. L’actuel chef de Neskantaga, Wayne Moonias, représente les intérêts collectifs de Neskantaga. Le défendeur dans les deux actions était le procureur général du Canada [le défendeur ou le Canada]. McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l. [McCarthy Tétrault] et Olthuis Kleer Townshend LLP [OKT] sont les avocats du groupe [les avocats du groupe]. Les parties ont finalisé le règlement le 15 septembre 2021.

[3] Les représentants demandeurs présentent maintenant une requête visant à obtenir une ordonnance voulant que :

  1. l’entente de règlement proposée soit approuvée et ses conditions, mises en œuvre;

  2. le défendeur verse les fonds prévus dans l’entente de règlement proposée et lesdits fonds, distribués conformément à l’entente de règlement proposée;

  3. les membres du groupe (définis ci‑dessous) soient avisés de l’approbation de l’entente de règlement proposée, conformément aux annexes M et N de l’entente de règlement proposée;

  4. les actions soient abandonnées sans dépens.

[4] Les cours ont géré et entendu conjointement la requête en approbation du règlement, comme le prévoit le « Protocole judiciaire canadien de gestion des actions collectives multijuridictionnelles et de production des avis d’action collective » (2018) de l’Association du Barreau canadien, en ligne : Association du Barreau canadien <www.cba.org>. Les cours ont exercé leur compétence et entendu conjointement la requête en vertu des articles 3 et 4 des Règles et de l’article 12 de la Loi sur les recours collectifs.

[5] Les deux cours ont exercé leur compétence respective et entendu conjointement la requête en approbation de l’entente de règlement. Toutefois, au besoin, chaque cour a examiné séparément et indépendamment le critère juridique applicable à la question dont étaient saisies les cours et aux actions qui ont été autorisées dans leur juridiction respective.

[6] Les motifs du règlement et de l’approbation des dépens ont été publiés séparément, mais simultanément par chaque cour. Après une analyse complète, les deux cours sont entièrement d’accord quant au résultat et aux motifs de celui‑ci. Par conséquent, les motifs publiés par chaque cours reproduisent en grande partie les motifs publiés par l’autre cour. C’est ce que les cours souhaitent souligner comme étant leur plein consentement.

[7] L’entente de règlement est historique. Il s’agit du premier règlement à aborder le problème des avis concernant la qualité de l’eau potable dans les réserves des Premières Nations. De plus, la présente instance représente la première fois que la Cour fédérale et une autre cour supérieure siègent ensemble. Plus important encore, toutefois, le dossier dont sont saisies les cours montre que l’entente de règlement que nous sommes appelés à approuver représente ce que beaucoup espèrent être un tournant pour le Canada et les Premières Nations. Les parties des deux côtés reconnaissent qu’une telle entente s’imposait depuis longtemps. Bien que les parties aient pris un peu plus de deux ans pour conclure le règlement, les cours reconnaissent que les communautés autochtones défendent depuis des décennies l’accès à l’eau potable pour les générations futures. Ces efforts soutenus, la volonté du gouvernement, et l’expertise et l’orientation des conseillers juridiques amènent maintenant les parties à ce tournant prometteur et optimiste.

[8] Pour tous les motifs énoncés ci‑dessous, les tribunaux approuvent l’entente de règlement proposée.

II. Contexte

A. Avis concernant la qualité de l’eau potable dans les réserves des Premières Nations au Canada

[9] Les autorités émettent des avis concernant la qualité de l’eau potable lorsque les analyses indiquent que l’approvisionnement en eau est ou pourrait être insalubre. Il existe trois types d’avis concernant la qualité de l’eau potable : ébullition de l’eau, ne pas boire et non‑utilisation. Les avis à long terme concernant la qualité de l’eau potable sont ceux qui sont en vigueur depuis plus d’un an. L’entente de règlement ne s’applique qu’aux personnes qui résident dans les Premières Nations et qui ont fait l’objet d’un avis à long terme concernant la qualité de l’eau potable, ainsi qu’à ces communautés des Premières Nations.

[10] L’affidavit de Peter Gorham, un actuaire expert dont les services ont été retenus conjointement par les parties des deux côtés, indique que, de 1995 à 2007, il y a eu 713 avis à long terme concernant la qualité de l’eau potable, lesquels ont touché quelques 257 Premières Nations. Les avocats du groupe ont présenté un rapport daté du 28 janvier 2021 de Melanie O’Gorman, une professeure d’économie et une chercheuse en infrastructure d’approvisionnement en eau et en avis à long terme concernant la qualité de l’eau potable dans les Premières Nations. Ce rapport indique que, comparativement aux réseaux municipaux et privés d’approvisionnement en eau, les Premières Nations font l’objet d’un nombre disproportionné d’avis à long terme concernant la qualité de l’eau potable.

[11] Comme il est discuté plus en détail ci‑dessous, les actions alléguaient que le Canada est responsable de la construction de réseaux d’approvisionnement en eau potable dans les réserves et que le Canada a chroniquement sous‑financé les besoins en eau des Premières Nations. Ainsi, le Canada ne s’est pas assuré que les membres du groupe aient accès à de l’eau potable adéquate en termes de qualité et de quantité. Les avocats du groupe ont souligné que, lors d’une conférence de presse tenue le 24 novembre 2021, le ministre des Services aux Autochtones, l’honorable Marc Miller, a déclaré que les déficits relatifs à l’infrastructure d’approvisionnement en eau potable dans les réserves sont le résultat d’un racisme systémique.

B. Expérience des représentants demandeurs et des membres du groupe

[12] Les représentants demandeurs et d’autres membres du groupe ont déposé des affidavits à l’appui de l’approbation du règlement, lesquels décrivaient l’état de l’eau potable dans leur Première Nation respective. Tous ces affidavits expliquent l’importance de la salubrité de l’eau pour la santé physique, spirituelle, émotionnelle, psychologique, culturelle et économique des personnes et des communautés. En particulier, plusieurs des affidavits, y compris les affidavits des aînés Richard Allen Keeper et Anne Taylor, mettent l’accent sur le rôle que joue l’eau dans les cérémonies et sur la façon dont l’eau contaminée entraîne une rupture dans la transmission du savoir. Les membres du groupe ont également discuté de la relation tragique entre la mauvaise qualité de l’eau potable, la santé mentale et le suicide chez les jeunes. De même, ils ont fait remarquer que l’eau contaminée a forcé des membres de leur communauté à déménager, ce qui perpétue l’historique de déplacement des peuples autochtones en dehors de leurs terres et de la séparation des familles. Roderick Richard Spence, un membre du groupe, explique ce qui suit :

[traduction]

Maintenant que je vis à Winnipeg, je peux boire l’eau qui sort de mon robinet, comme les autres Canadiens. Mais j’ai perdu une partie de moi‑même. Ça semble être un compromis horrible à faire. J’espère certainement que mes petits‑enfants seront mieux traités. Je rêve de ça, je prie pour ça, et je pleure pour ça.

[13] La frustration, le stress et la perte de dignité que les membres du groupe ont éprouvés sont palpables. Comme il est expliqué en détail dans les affidavits examinés ci‑dessous, les membres des Premières Nations représentantes souffrent et continuent de souffrir de difficultés inacceptables.

a) Curve Lake

[14] Curve Lake est une Première Nation ojibway située à 15 kilomètres de Peterborough, en Ontario. La chef Whetung en a été élue chef le 18 juin 2019. Elle est une Michi Saagig de la Nation Anishnaabe. Elle est une avocate de 36 ans et mère de deux enfants. L’affidavit de la chef Whetung explique que Curve Lake reçoit de 10 à 15 avis d’ébullition de l’eau chaque année, dont certains sont en vigueur pendant plus d’un an. Son affidavit et l’affidavit de Shawn Williams, un membre de Curve Lake, indiquent que l’usine de traitement de l’eau de Curve Lake ne désinfecte pas suffisamment l’eau et ne dessert que 56 des 550 foyers de la communauté. Le Canada l’a construite au début des années 1980 et prévoyait qu’elle serait temporaire. Les autres foyers de la Première Nation ne sont pas reliés à un réseau public d’approvisionnement en eau et dépendent de puits privés. Les membres de la communauté, y compris tous les membres de la famille de la chef Whetung, ont contracté une infection à E. coli en raison des contaminants présents dans leur eau potable. D’autres personnes sont devenues gravement malades, ont souffert d’éruptions cutanées, etc.

[15] L’affidavit de M. William explique que depuis des décennies, Curve Lake négocie avec Services aux Autochtones Canada (SAC) pour obtenir une nouvelle usine de traitement de l’eau. Il décrit le processus comme une [traduction] « roue de hamster » : [traduction] « la Première Nation est constamment en action, elle travaille à présenter des propositions, à obtenir les études nécessaires et à chercher du financement, pour se retrouver dans exactement la même situation des décennies plus tard ». Il explique que, puisque le Canada fournit le financement, l’approbation du gouvernement fédéral est nécessaire à chaque étape de développement. Il attribue le retard à l’habitude de SAC de fournir un [traduction] « financement pour des études, de petits projets et d’autres articles moins coûteux comme moyen d’apaiser les Premières Nations pendant qu’elles attendent le financement important pour répondre réellement à leurs besoins, si ce jour devait arriver ».

[16] L’affidavit de Katie Young‑Haddlesey, coordonnatrice du développement économique de Curve Lake, indique que la crise de l’eau a [traduction] « étouffé le développement économique de Curve Lake ». Elle explique que pour chaque proposition d’une entreprise, Curve Lake doit déterminer [traduction] « s’il y aura suffisamment d’eau et si la qualité aura une incidence sur l’entreprise ». Les propositions d’entreprises comme les laveries, les lave‑autos, les restaurants et les hôtels ne sont pas réalisables parce qu’il n’y a tout simplement pas suffisamment d’eau dans la communauté.

[17] La chef Whetung s’est exprimée avec passion devant les deux cours le 8 décembre 2021. Elle a expliqué que Curve Lake se bat pour obtenir de l’eau potable propre depuis qu’elle est née. Pour elle, le règlement signifie non seulement que la Première Nation aura de l’eau propre dans un proche avenir, mais aussi que ses enfants pourront rester et grandir dans leur communauté.

b) Neskantaga

[18] Neskantaga est une communauté oji‑crie éloignée, accessible seulement par avion et située dans le nord de l’Ontario, le long du lac Attawapiskat. Neskantaga fait l’objet du plus long avis concernant la qualité de l’eau potable au Canada – la Première Nation n’a pas accès à de l’eau potable salubre depuis plus de 26 ans. Les membres de Neskantaga ont dû évacuer leur communauté deux fois au cours des trois dernières années à cause de leur eau.

[19] Christopher Moonias a été chef de Neskantaga de 2019 à 2021. Il agit maintenant à titre de conseiller spécial auprès de Neskantaga et demeure un représentant demandeur. Le chef Wayne Moonias est l’actuel chef de Neskantaga. Il est entré en fonction le 1er avril 2021 et poursuit les travaux de l’ancien chef Christopher Moonias à l’égard des actions.

[20] L’affidavit du chef Wayne Moonias décrit l’effet traumatisant que l’avis concernant la qualité de l’eau potable a eu sur les personnes et la communauté, et souligne son effet néfaste sur la santé mentale des membres de la communauté. Comme l’explique la communauté de Neskantaga dans le communiqué de presse conjoint daté du 30 juillet 2021, « [n]os symptômes sont réels et se traduisent par des suicides d’enfants, des éruptions cutanées et de l’eczéma sévère. Les problèmes de peau sont particulièrement terribles. Elles donnent à nos membres l’impression qu’ils doivent se cacher, et accentuent la perte de dignité, en plus du sentiment qu’ils ne méritent peut‑être pas d’avoir de l’eau propre ».

[21] Les membres du groupe appartenant à Neskantaga ont également soumis des affidavits à l’appui du règlement, lesquels énoncent en détail leurs histoires. Ces membres du groupe comprenaient l’ancien chef Peter Moonias, Dorothy Sakanee, Maggie Sakanee, Marcus Moonias et Amy Moonias. L’affidavit de Maggie Sakanee décrit en détail les éruptions cutanées et les plaies que ses petits‑enfants ont développées à cause de l’eau, lesquelles n’ont disparu qu’après leur évacuation à Thunder Bay. L’affidavit d’Amy Moonias raconte une histoire très similaire. En raison du coût de l’eau embouteillée (une bouteille d’eau de quatre litres coûte 16 dollars à Neskantaga), Amy Moonias a souvent dû choisir entre nourrir et donner le bain à son bébé. De même, Dorothy Sakanee devait parfois choisir entre acheter de l’eau embouteillée et des produits essentiels comme de la nourriture ou des couches. Quand elle a dû faire bouillir de l’eau, elle l’a fait au détriment du temps qu’elle aurait pu passer avec ses enfants. L’affidavit de l’ancien chef Peter Moonias indique qu’il a déclaré l’état d’urgence au début des années 2000 parce qu’un produit chimique cancérigène a été découvert dans l’eau. L’affidavit de Dorothy Sakanee explique que sa plus jeune fille est décédée d’un cancer du cerveau en 1988. Elle affirme qu’elle soupçonne que le cancer a été causé par l’eau à Neskantaga.

c) Tataskweyak

[22] Tataskweyak est située dans le nord du Manitoba et compte 4 000 membres, dont 2 300 vivent dans la réserve. La chef Spence est une Crie de Split Lake et est la chef de Tataskweyak, où elle a vécu la plus grande partie de sa vie. Elle a été élue le 6 novembre 2016 et est la première femme chef. Elle est mère de trois enfants et grand‑mère d’un enfant. Dans son affidavit, la chef Spence affirme que Tataskweyak fait l’objet d’un avis d’ébullition de l’eau depuis trois ans. Elle explique que la communauté s’approvisionne en eau de robinet dans le lac Split, qui a été contaminé par le développement en amont et les inondations récurrentes. L’affidavit du membre de Tataskweyak, Robert Spence, explique également que les eaux usées sont régulièrement rejetées dans le lac Split. Le lac Split est contaminé par la bactérie E. coli et de grandes éclosions d’algues bleues vertes connues pour causer de graves maladies chez l’humain.

[23] Par conséquent, en 2006 et en 2019, Tataskweyak a envoyé au Canada des études de faisabilité pour un nouveau système de prise d’eau, qui s’approvisionnerait dans le lac Assean. Au lieu de cela, le Canada a amélioré le système de filtration et d’UV de l’usine de traitement de l’eau existante, ce qui a eu pour effet que l’eau goûte et sente comme des produits chimiques. La chef Spence explique que parfois, lorsque les conduites d’eau se brisent, l’eau du robinet devient brune. L’affidavit de Roderick Richard Spence, un autre membre de Tataskweyak, décrit l’eau du robinet de façon similaire, à savoir qu’elle dégage une odeur de chlore et ressemble à de la [traduction] « limonade ». Même après les mises à niveau du Canada, l’eau demeure insalubre à la consommation si elle n’est pas bouillie. En mai 2020, la chef Spence a obtenu l’engagement du Canada de payer pour la livraison d’eau embouteillée et l’amélioration des analyses de l’eau. Toutefois, avant cela, les membres de la communauté qui n’avaient pas les moyens d’acheter de l’eau embouteillée devaient boire l’eau du robinet ou transporter des seaux d’eau du lac Assean. En comparaison, les habitants de la ville de Thompson, qui est en amont de Tataskweyak, ont un accès pratiquement illimité à de l’eau potable.

[24] Comme pour Curve Lake et Neskantaga, les éruptions cutanées sont courantes chez les membres de Tataskweyak. Les membres du groupe Lydia Garson et Clara Flett ont décrit en détail les éruptions cutanées de leurs enfants qui ont été causées par la baignade dans de l’eau contaminée. Le fils de Lydia Garson était recouvert d’écorchures, de plaies et de croûtes. À un moment donné, malgré le dévouement de sa mère, son état s’est tellement détérioré que son visage saignait. De même, bien que Clara Flett ait pris grand soin de son fils, ce dernier a dû être hospitalisé en raison de ses éruptions cutanées. Elizabeth Keeper, un membre du groupe, a également contracté lune infection au H. pylori (une infection à l’estomac) causée par de l’eau contaminée à Tataskweyak. La chef Spence explique que les maladies liées à l’eau potable contaminée ont été exacerbées par un accès insuffisant à des soins de santé, les logements surpeuplés et la pandémie de COVID‑19.

C. Nature des allégations et des défenses

[25] Dans les déclarations déposées dans le cadre des deux actions, les représentants demandeurs ont soutenu que le Canada n’avait pas fourni d’eau potable aux membres du groupe. Par conséquent, ils ont demandé des ordonnances et des déclarations portant que le Canada : a manqué à son obligation de diligence et agi avec négligence; a porté atteinte à l’honneur de la Couronne; a manqué à ses obligations fiduciaires; a violé l’article 36 de la Loi constitutionnelle de 1982; et a commis des violations du paragraphe 2(1) et des articles 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés [la Charte] qui ne sont pas justifiées par l’article premier. Ils ont soutenu que, par conséquent, les membres du groupe se sont vu refuser un accès adéquat à de l’eau potable, ne sont pas en mesure de se laver et de prendre soin adéquatement d’eux‑mêmes et de leur famille, et ne peuvent pas tenir des cérémonies traditionnelles et se livrer à des pratiques spirituelles.

[26] Les représentants demandeurs ont soutenu que le Canada a toujours assumé la responsabilité des réseaux d’approvisionnement en eau dans les réserves, mais qu’il n’a jamais fourni de financement adéquat. De plus, le Canada savait que son financement était insuffisant. Les représentants demandeurs soutiennent que, pour la plupart des Premières Nations, le financement fédéral est le seul moyen de construire et d’entretenir l’infrastructure d’alimentation en eau dans les réserves, mais que le Canada a lié le financement à la conformité à un système complexe de spécifications. Par conséquent, le Canada contrôle les infrastructures construites, où, comment, quand et par qui.

[27] Les représentants demandeurs dans l’action devant la Cour fédérale ont demandé des dommages‑intérêts d’un montant de 2,1 milliards de dollars, plus les dépens. Il convient de noter qu’ils ont également demandé une injonction provisoire ou interlocutoire et une injonction permanente exigeant que le Canada construise ou approuve et finance la construction de réseaux d’approvisionnement en eau appropriés pour veiller à ce que les membres du groupe aient un accès adéquat à de l’eau potable.

[28] Le défendeur n’a pas déposé de défense parce que le règlement a été conclu relativement tôt dans la procédure. Initialement, le Canada s’était opposé à la mesure de redressement demandée par le groupe, affirmant qu’il n’avait aucune responsabilité envers le groupe. L’affidavit de John P. Brown, un avocat des avocats du groupe, explique que la position publique du Canada [traduction] « était qu’il finançait les réseaux d’approvisionnement en eau dans les réserves, mais ne les gérait pas, et qu’il ne pouvait être tenu responsable des décisions de financement qui reflétaient une politique centrale ». Le 7 décembre 2021, dans le cadre de la requête en approbation du règlement, les avocats du groupe ont expliqué que leur équipe prévoyait que la défense du Canada serait similaire à celle dans l’affaire Bande indienne d’Okanagan c Procureur général du Canada, Vancouver, T‑1328‑19 (CF) [Okanagan]. L’affaire Okanagan est une affaire en instance devant la Cour fédérale qui concerne des allégations similaires.

D. Historique procédural des actions

[29] La Cour du Banc de la Reine du Manitoba a autorisé l’action au Manitoba le 14 juillet 2020. Le 16 septembre 2020, avec le consentement du défendeur, les représentants demandeurs dans l’action devant la Cour fédérale ont déposé une requête en autorisation. La Cour fédérale a autorisé l’action devant la Cour fédérale le 8 octobre 2020, conformément aux articles 334.16 et 334.17 des Règles.

[30] Les cours ont autorisé les questions communes suivantes :

a) Depuis le 20 novembre 1995 jusqu’à maintenant, le défendeur a‑t‑il un devoir ou une obligation envers les membres du groupe de prendre des mesures raisonnables pour leur fournir ou s’assurer qu’il leur soit fourni ou s’abstenir d’interdire un accès adéquat à de l’eau potable pour l’utilisation humaine?

b) Si la réponse à la première question commune est « oui », le Canada a‑t‑il manqué à ses devoirs ou obligations envers les membres du sous‑groupe?

c) Si la réponse à la question commune a) est « oui », une violation de la Charte est‑elle justifiée par l’article premier de la Charte?

d) Si la réponse à la question commune a) est « oui », le manquement du défendeur a‑t‑elle causé une entrave importante et déraisonnable à l’utilisation et la jouissance de leurs terres par les membres du groupe ou à leurs Premières Nations?

e) Si la réponse à la question commune a) est « oui » et que la réponse à la question commune b) est « non », les membres du sous‑groupe peuvent‑ils obtenir des dommages‑intérêts en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte?

f) La causalité des dommages subis par les membres du sous‑groupe peut‑elle être considérée comme une question commune?

g) La Cour peut‑elle procéder à une évaluation globale de tout ou partie des dommages subis par les membres du sous‑groupe?

h) La conduite du défendeur justifie‑t‑elle l’octroi de dommages‑intérêts punitifs et, dans l’affirmative, de quel montant?

i) La Cour devrait‑elle ordonner au défendeur de prendre des mesures pour fournir aux membres du sous‑groupe ou s’assurer qu’il leur soit fourni ou s’abstenir d’interdire un accès adéquat à de l’eau potable?

j) Dans l’affirmative, quelles mesures devraient être ordonnées?

[31] Les cours ont nommé McCarthy Tétrault et OKT à titre d’avocats du groupe. CA2 Inc. a été nommé à titre d’administrateur pour donner l’avis d’autorisation. CA2 Inc. a donné l’avis conformément aux ordonnances d’autorisation. Les personnes ont été incluses dans le groupe, à moins qu’elles aient choisi de s’exclure. Personne ne s’est exclu au cours de la période d’exclusion, laquelle a pris fin le 29 mars 2021. Les Premières Nations étaient incluses dans le groupe, si elles choisissaient de participer.

[32] Le 30 décembre 2020, les représentants demandeurs ont présenté une requête en jugement sommaire au nom du groupe. La requête en jugement sommaire devait être entendue par les deux cours, siégeant ensemble, les 4 et 7 octobre 2021. Avant la requête en jugement sommaire, plus de 120 Premières Nations ont choisi de participer aux actions. Les représentants demandeurs ont convoqué des témoins et étaient prêts à procéder à des contre‑interrogatoires. Toutefois, le 20 juin 2021, les parties ont conclu une entente de principe. L’entente de principe a été signée le 29 juillet 2021 et le règlement a été finalisé le 15 septembre 2021.

[33] Le 5 octobre 2021, les avocats du groupe ont déposé une requête en approbation des avis d’audience d’approbation du règlement simplifié et détaillé, ainsi qu’un plan de diffusion de ces avis. Dans une ordonnance rendue le 8 octobre 2020, les avis et le plan de diffusion ont été approuvés. CA2 Inc. a été nommée à titre d’administrateur pour donner les avis, ce qu’elle a fait conformément aux ordonnances des cours. CA2 Inc. a donné l’avis d’audience d’approbation du règlement le 16 octobre 2021. Cet avis de règlement prévoyait une période d’exclusion tardive de 45 jours pour les Premières Nations qui ont reçu pour la première fois des avis à long terme concernant la qualité de l’eau potable après l’autorisation des actions. Il n’y a eu aucune exclusion tardive.

[34] Les 17 et 18 novembre 2021, respectivement, les cours ont nommé, de façon provisoire, Deloitte S.E.N.C.R.L./s.r.l. à titre d’administrateur de l’entente de règlement [l’administrateur].

E. Entente de règlement : principales dispositions

(1) Principes généraux

[35] Il est important de noter que l’entente de règlement vise et assure une indemnisation rétrospective et prospective. L’entente de règlement prévoit que les Premières Nations et les personnes qui résident dans ces Premières Nations recevront une indemnisation pour l’absence d’accès à une source fiable d’eau potable salubre. Le règlement engage également le Canada à collaborer avec les Premières Nations pour fournir un accès à de l’eau propre et exige que le Canada construise et finance des réseaux d’approvisionnement en eau appropriés pour les communautés des Premières Nations. Les principales conditions sont énoncées ci‑dessous.

a) Groupe et période visée par le recours collectif

[36] La période visée par le recours collectif s’étend du 20 novembre 1995 à aujourd’hui. Le groupe comprend : a) les personnes membres du groupe et b) les Premières Nations membres du groupe [collectivement, les membres du groupe]. L’affidavit de M. Gorham indique qu’il y a environ 142 300 personnes membres du groupe, dont plus de 60 000 sont des mineurs, ainsi que 258 Premières Nations admissibles comme membres du groupe.

[37] Les personnes membres du groupe comprennent toutes les personnes, sauf les personnes exclues qui sont membres d’une bande [Première Nation] au sens de la Loi sur les Indiens, LRC 1985, c I‑5 [la Loi sur les Indiens], dont l’aliénation des terres est assujettie à la Loi sur les Indiens ou à la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations, LC 1999, c 24, et dont les terres des Premières Nations font l’objet d’objet d’un avis concernant la qualité de l’eau potable (soit un avis d’ébullition de l’eau, un avis de non‑consommation ou de non‑utilisation ou un avis similaire) qui a duré au moins un an du 20 novembre 1995 jusqu’à aujourd’hui [les Premières Nations touchées]. Ces personnes ne doivent pas être décédées avant le 20 novembre 2017 et doivent avoir résidé habituellement dans une Première Nation touchée alors qu’elle était visée par un avis concernant la qualité de l’eau potable d’une durée d’au moins un an.

[38] Les Premières Nations membres du groupe comprennent Tataskweyak, Curve Lake, Neskantaga et toute autre Première Nation touchée qui choisit de se joindre aux actions à titre de représentant.

[39] Les « personnes exclues » sont des membres de la Nation des Tsuu T’ina, de la Première Nation de Sucker Creek, de la Nation des Cris d’Ermineskin, de la Tribu des Blood, de la Bande indienne d’Okanagan et de Michael Darryl Isnardy. Ces personnes sont exclues du règlement parce qu’elles ont des actions en instance concernant l’eau potable dans les réserves. Lorsque les actions ont été intentées, ces personnes ont demandé à être exclues afin que leur litige en instance ne soit pas touché.

b) Indemnisation rétrospective

[40] En vertu de l’entente de règlement, le Canada a accepté de verser aux membres du groupe un montant total de 1,438 milliard de dollars dans un fonds en fiducie qui sera distribué aux membres du groupe, y compris de payer des dommages‑intérêts individuels conformément à la section 8.01(2)a) de l’article 8. Les personnes membres du groupe recevront :

  1. 2 000 $ par année pour les personnes résidant dans une Première Nation éloignée visée par un avis à long terme concernant la qualité de l’eau potable;

  2. 2 000 $ par année pour les personnes résidant dans une Première Nation non éloignée visée par un avis de non‑utilisation;

  3. 1 650 $ par année pour les personnes résidant dans une Première Nation non éloignée visée par un avis de non‑consommation;

  4. 1 300 $ par année pour les personnes résidant dans une Première Nation non éloignée visée par un avis d’ébullition de l’eau.

[41] Les dommages‑intérêts pour les personnes membres du groupe dépendront du nombre de personnes qui présentent une réclamation et du nombre de Premières Nations qui participeront au recours collectif. Les montants au prorata seront versés pour toute année partielle après la première année complète. De plus, les dommages‑intérêts pour les personnes membres du groupe sont assujettis à un délai de prescription fédéral factice. Cela signifie que les personnes nées après 1995 peuvent présenter une demande pour toutes les années et les parties d’années comprises entre le 20 novembre 1995 et le 20 juin 2021, alors qu’elles résidaient habituellement dans une réserve visée par un avis concernant la qualité de l’eau potable d’une durée d’un an ou plus. Les personnes nées avant le 20 novembre 1995 peuvent présenter une demande pour toutes les années complètes et les parties d’années comprises entre le 20 novembre 2013 et le 20 juin 2021, alors qu’elles résidaient habituellement dans une réserve visée par un avis concernant la qualité de l’eau potable d’une durée d’un an ou plus.

[42] Les personnes qui ont subi des préjudices déterminés en raison d’un avis concernant la qualité de l’eau potable peuvent demander une indemnisation supplémentaire d’un fonds d’indemnisation pour préjudices déterminés d’un montant total de 50 millions de dollars (article 5). Pour réclamer des dommages‑intérêts pour un préjudice déterminé, une personne doit avoir résidé habituellement dans une réserve visée par un avis concernant la qualité de l’eau potable pendant au moins un an alors que l’avis était en vigueur. De plus, le préjudice doit être survenu pendant cette période. Les personnes qui ont subi des préjudices déterminés ne pourront demander des dommages‑intérêts que pour les préjudices qui sont survenus ou qui se sont poursuivis après novembre 2013, alors que les avis concernant la qualité de l’eau potable étaient en vigueur. Les personnes nées après le 20 novembre 1995 pourront demander des dommages‑intérêts pour une période remontant à cette date. La personne qui présente une demande doit démontrer qu’elle a subi le préjudice et que le préjudice a été causé par l’utilisation de l’eau conformément à l’avis concernant la qualité de l’eau potable ou par l’accès limité à de l’eau salubre en raison de l’avis.

[43] Enfin, 400 millions de dollars serviront à établir un fonds pour la relance économique et culturelle des Premières Nations. Les Premières Nations membres du groupe recevront de ce fonds un paiement de base de 500 000 $ et un montant égal à 50 % des dommages, à l’exclusion des préjudices déterminés, sera versé aux personnes membres du groupe qui vivent dans la réserve de cette Première Nation. L’indemnisation rétrospective reçue par les Premières Nations membres du groupe reflète les préjudices subis par la communauté, qui sont différents des préjudices subis par les personnes membres du groupe. Les Premières Nations sont libres d’utiliser cet argent à n’importe quelle fin.

c) Mesures de redressement potentielles

[44] En plus d’indemniser les Premières Nations et leurs membres, le Canada a également accepté de fournir du financement pour régler le problème à l’avenir. L’intention déclarée des parties est que l’avenir ne ressemble plus jamais au passé. Concrètement, le Canada s’est engagé à prendre toutes les mesures raisonnables pour éliminer les avis à long terme concernant la qualité de l’eau potable qui touchent les membres du groupe, y compris à faire tout ce qui est énoncé dans son plan d’action sur les avis à long terme concernant la qualité de l’eau potable [le plan d’action], qui sera mis à jour de façon continue. Les avocats du groupe soutiennent que le plan d’action, qui était anciennement une promesse politique, devient maintenant une obligation exécutoire en vertu du règlement.

[45] De plus, le règlement exige que le Canada déploie « tous les efforts raisonnables » pour s’assurer que les membres du groupe ont accès à une source fiable d’eau potable salubre à leur domicile [l’engagement]. Cette eau doit satisfaire aux normes fédérales ou provinciales en matière de qualité de l’eau, selon laquelle est la plus stricte. La quantité d’eau doit être suffisante pour permettre toute utilisation habituelle de l’eau dans un foyer canadien semblable, y compris l’eau potable, le bain et la douche, la préparation des aliments, le lavage de la vaisselle, le nettoyage du foyer et la lessive. À l’appui de l’engagement, le Canada doit dépenser au moins 6 milliards de dollars jusqu’au 31 mars 2030 à un taux d’au moins 400 millions par année pour l’approvisionnement en eau et les eaux usées dans les réserves des Premières Nations. Les avocats du groupe ont décrit ces 6 milliards comme étant le [traduction] « plancher » plutôt que le [traduction] « plafond ». En vertu du règlement, le Canada doit utiliser cet argent pour financer les coûts réels de construction, d’amélioration, d’exploitation et d’entretien de l’infrastructure d’approvisionnement en eau dans les réserves des Premières Nations.

[46] De plus, le Canada s’est engagé à déployer des efforts raisonnables pour abroger la Loi sur la salubrité de l’eau potable pour les Premières Nations, LC 2013, c 21, et la remplacer par une loi élaborée en consultation avec les Premières Nations. Le règlement exige également que le Canada dépense 20 millions de dollars en financement jusqu’en 2025 pour créer un comité consultatif des Premières Nations sur l’eau potable salubre. Ce comité travaillera avec SAC pour appuyer les initiatives stratégiques prospectives et fournir des conseils stratégiques. De plus, le Canada versera 9 millions de dollars en financement jusqu’en 2025 pour les initiatives en matière de gouvernance de l’eau des membres du groupe et 50 millions pour le coût d’administration de l’entente de règlement.

(2) Procédure alternative de règlement des différends relatifs à l’engagement

[47] L’entente de règlement et l’annexe K prévoient différentes étapes de règlement des différends. Tout différend relatif à l’engagement (c’est‑à‑dire, lorsque le Canada et une Première Nation ne peuvent pas s’entendre sur le respect par le Canada de son engagement aux termes de l’entente de règlement et sur les plans proposés pour respecter son engagement) est réglé selon une procédure alternative de règlement des différends particulière [la procédure ARD]. Les avocats du groupe ont soutenu que la procédure ARD intègre les traditions juridiques autochtones. Il convient de noter que la procédure ARD favorise l’utilisation des langues autochtones et, au besoin, se tiendra dans les réserves respectives des Premières Nations en appliquant certains protocoles comme l’échange de cadeaux, la participation des aînés et les enseignements traditionnels. La procédure ARD comprend les étapes suivantes :

  1. Si une Première Nation établit que le Canada ne respecte pas ou ne respecte plus l’engagement, elle doit en informer le Canada (section 9.06 (1)).

  2. Le Canada a ensuite l’obligation de consulter la Première Nation pour tenter de respecter l’engagement dans les meilleurs délais. Le Canada doit également payer les frais que la Première Nation doit engager pour obtenir des conseils techniques afin de déterminer quelles mesures doit prendre le Canada pour respecter l’engagement (sections 9.06(2) et (3)).

  3. Le Canada doit déployer tous les efforts raisonnables pour parvenir à un accord avec la Première Nation, lequel précise les mesures que le Canada prendra pour régler les questions (section 9.06(4)).

  4. Si le Canada ne se conforme pas à l’accord ou si les parties ne parviennent pas à un accord dans un délai de trois mois, la Première Nation peut recourir à la procédure ARD. La procédure ARD comprend des négociations, la médiation et, si les parties ne parviennent pas à un accord, l’arbitrage (section 9.07).

[48] Bref, à l’égard d’une question d’une importance aussi grande et fondamentale – un accès à de l’eau potable salubre –, le Canada ne sera pas l’arbitre final en ce qui a trait à ses propres efforts pour respecter l’engagement énoncé dans l’entente de règlement. De plus, toutes les étapes décrites ci‑dessus doivent être terminées dans des délais stricts.

[49] En vertu du règlement, le Canada paiera les frais raisonnables liés à la tenue de la procédure ARD, ainsi que les honoraires et débours raisonnables de tout médiateur ou arbitre. Le Canada paiera également la moitié des dépens et débours raisonnables associés à la participation d’une Première Nation à la procédure ARD.

(3) Rôle de supervision des cours

[50] En vertu de la section 1.16 de l’article 1 du règlement, les cours restent compétentes quant à la supervision de la mise en œuvre de l’entente de règlement conformément à ses conditions, y compris l’adoption de protocoles et d’énoncés de procédure, et peuvent donner des directives ou rendre les ordonnances nécessaires à cette fin.

(4) Processus de règlement des réclamations

a) Dommages‑intérêts pour les Premières Nations membres du groupe

[51] Pour participer au règlement, les Premières Nations membres du groupe doivent donner un avis d’acceptation à l’administrateur. Les parties ont fourni à l’administrateur une liste [la liste] indiquant, à la connaissance des parties, les Premières Nations admissibles à devenir des Premières Nations membres du groupe. L’inscription sur la liste est une preuve concluante que la Première Nation est admissible à titre de Première Nation membre du groupe. Si la Première Nation ne figure pas sur la liste, l’administrateur consulte le comité de mise en œuvre du règlement avant de déterminer si la Première Nation est admissible à titre de Première Nation membre du groupe. L’administrateur peut demander des renseignements ou des preuves supplémentaires avant de décider si une Première Nation est admissible à titre de Première Nation membre du groupe.

b) Dommages‑intérêts pour les personnes membres du groupe

[52] Les personnes membres du groupe qui souhaitent demander une indemnité rétrospective (y compris une indemnité pour un préjudice déterminé) doivent soumettre un formulaire de réclamation. Le formulaire de réclamation est simple et exige les renseignements suivants : renseignements d’identité et coordonnées; Première Nation dont est membre le demandeur; dates de résidence dans des réserves visées par des avis à long terme concernant la qualité de l’eau potable; renseignements sur les représentants; déclaration et consentement; et détails sur une allégation particulière, le cas échéant.

[53] L’article 17 de l’annexe F du règlement décrit le processus de règlement des réclamations. L’annexe F indique que les personnes qui présentent une réclamation d’indemnité pour préjudices déterminés présentent à l’administrateur la totalité ou une partie des éléments suivants à l’appui de leur réclamation :

  1. les dossiers médicaux du préjudice et sa cause;

  2. les autres documents, y compris les documents écrits, les photographies et les vidéos, concernant le préjudice et sa cause;

  3. une déclaration écrite;

  4. un témoignage oral.

[54] L’article 18 de l’annexe F prévoit que « la procédure de règlement des réclamations portant sur des préjudices déterminés n’est pas censée être traumatisante et que l’article 17 de la présente n’empêche pas un demandeur d’indemnité d’établir son admissibilité à une indemnité pour préjudices déterminés en se fondant uniquement sur son formulaire de réclamation ». Le fardeau de preuve pour établir un préjudice déterminé repose sur la prépondérance des probabilités.

[55] La procédure de règlement des réclamations commencera dans les 60 jours suivant l’approbation du règlement. L’administrateur examinera rapidement chaque formulaire de demande, la confirmation du conseil de bande et les autres renseignements pertinents afin de déterminer si le demandeur est admissible et de calculer le montant de l’indemnité auquel a droit le demandeur. Lorsque l’administrateur verse une indemnité au demandeur, celui‑ci doit également expliquer comment le montant a été calculé et le demandeur peut interjeter appel de la décision de l’administrateur auprès du tiers évaluateur.

c) Tiers évaluateur

[56] Lorsqu’une personne ou une Première Nation souhaite interjeter appel d’une décision de l’administrateur, elle doit fournir à l’administrateur une déclaration écrite dans les 60 jours suivant la réception de la décision de l’administrateur. Cette déclaration écrite doit expliquer la façon dont l’administrateur a commis une erreur. L’administrateur transmettra les documents au tiers évaluateur. Lorsqu’il examine un appel, le tiers évaluateur peut consulter le demandeur, l’administrateur et le comité de mise en œuvre du règlement. Le tiers évaluateur peut également demander d’autres preuves à l’appui de la réclamation. La décision du tiers évaluateur est définitive et n’est pas susceptible d’appel ou de révision.

(5) Honoraires et frais des avocats

[57] Les honoraires et frais des avocats du groupe sont dissociables du reste du règlement et assujettis à une ordonnance et à des motifs différents qui ont été rendus séparément, mais simultanément par les deux cours. En d’autres termes, les cours peuvent approuver le règlement séparément de l’approbation des honoraires et frais des avocats du groupe. Le refus des cours d’approuver les honoraires et frais des avocats du groupe n’aurait aucun effet sur la mise en œuvre de l’entente de règlement. De plus, les honoraires et frais des avocats du groupe ont été négociés après la conclusion du règlement et n’enlèvent pas d’argent aux membres du groupe.

(6) Délai pour interjeter appel

[58] Un membre du groupe peut interjeter appel des ordonnances des cours dans les 30 jours suivant l’approbation du règlement. Selon le paragraphe 334.31(2) des Règles, les membres du groupe disposent de 30 jours supplémentaires pour demander l’autorisation d’exercer le droit d’appel d’un représentant demandeur si aucun représentant demandeur n’a interjeté appel dans les 30 premiers jours. Cela signifie que le délai de mise en œuvre le plus court, tel que défini dans le règlement, est de 60 jours suivant la date des ordonnances des cours. Par la suite, l’entente de règlement proposée deviendra obligatoire pour toutes les personnes membres du groupe. L’entente de règlement proposée deviendra exécutoire pour les Premières Nations puisqu’elles acceptent officiellement ses conditions.

(7) Dégagement

[59] Il est important de noter que, en échange de tout ce qui est mentionné ci‑dessus et comme il est énoncé dans le règlement, les membres du groupe acceptent de dégager le Canada de toute responsabilité pour son défaut de fournir ou de financer la fourniture d’eau potable salubre dans leurs réserves jusqu’à la fin de la période visée par le recours collectif.

III. Question en litige

[60] La seule question en litige dans la présente requête est de savoir si les cours devraient approuver l’entente de règlement. Compte tenu du droit et du critère juridique applicables, cette question se réduit à la question suivante : l’entente de règlement est‑elle juste et raisonnable, et dans l’intérêt du groupe?

[61] Il convient de noter qu’un ensemble distinct de motifs, également publiés simultanément par chaque cour, évalue la question de savoir si la Cour devrait approuver les honoraires et frais des avocats du groupe.

IV. Analyse

A. Cadre juridique

[62] L’article 334.29 des Règles et le paragraphe 35(1) de la Loi sur les recours collectifs prévoient que les recours collectifs ne peuvent prendre effet qu’avec l’approbation d’un juge. Le critère applicable à l’approbation d’un règlement est de savoir si le règlement est « juste, raisonnable et dans l’intérêt supérieur de l’ensemble du groupe en général » (Merlo c Canada, 2017 CF 533 au para 16; Toth c Canada, 2019 CF 125 au para 37; McLean c Canada, 2019 CF 1075 au para 65 [McLean]; Première Nation Tk’emlúps te Secwépemc c Canada, 2021 CF 988 au para 36 [Tk’emlúps]; Gray v Great‑West Lifeco Inc, 2011 MBQB 13 au para 58). Récemment, dans l’affaire Tk’emlúps, la juge McDonald a résumé l’approche appropriée qui devrait éclairer l’application du critère juridique applicable par un tribunal :

[37] La Cour examine la question de savoir si le règlement est raisonnable, et non pas s’il est parfait (Châteauneuf c Canada, 2006 CF 286 au para 7; Merlo, au para 18). De même, la Cour n’a que le pouvoir d’approuver ou de rejeter le règlement; elle ne peut pas le modifier (Merlo, au para 17; Manuge c Canada, 2013 CF 341 au para 5).

[…]

[39] […] comme il est mentionné dans la décision McLean (au para 68), le règlement proposé doit être examiné dans son ensemble, et la Cour ne peut réécrire les modalités de fond du règlement ou apprécier les intérêts de chaque membre du groupe isolément de l’ensemble du groupe.

[63] Pour rejeter le règlement, les cours doivent conclure que le règlement ne fait pas partie d’un ensemble ou éventail d’issues raisonnables possibles (Dabbs v Sun Life Assurance Co of Canada (1998), 40 OR (3d) 429 (CJ Ont, Div gén) aux pages 440‑444; Haney Iron Works Ltd v Manufacturers Life Insurance Co (1998), 169 DLR (4th) 565 (CS C‑B) au para 44). Les issues raisonnables possibles reflètent le fait que [traduction] « les règlements donnent rarement à toutes les parties exactement ce qu’elles veulent » et sont le résultat d’un compromis (Nunes v Air Transat AT Inc, 2005 CanLII 21681 (CS Ont) au para 7 [Nunes]; McLean au para 9).

[64] La Cour devrait tenir compte des facteurs non exhaustifs suivants lorsqu’elle évalue si un règlement est juste et raisonnable, et dans l’intérêt supérieur du groupe (Condon c Canada, 2018 CF 522 au para 19; McLean au para 66; Tk’emlúps au para 38) :

a. probabilité de recouvrement ou de réussite;

b. ampleur et nature des éléments de preuve issus des interrogatoires préalables, des témoignages ou de l’enquête;

c. modalités et conditions du règlement;

d. dépens ultérieurs et durée probable du litige;

e. recommandations des parties neutres;

f. nombre d’opposants et nature des oppositions;

g. conduite de négociations sans lien de dépendance, absence de collusion et positions adoptées par les parties au cours des négociations;

h. communications avec les membres du groupe pendant le litige;

j. recommandations et expérience des avocats.

[65] Le poids à accorder à ces facteurs varie en fonction des circonstances (McLean, au para 67). Chaque facteur est examiné tour à tour ci‑dessous.

B. Facteurs

(1) Probabilité de recouvrement ou de réussite

[66] Les risques associés à l’instruction des actions ont apporté un degré élevé d’incertitude, particulièrement au début de la procédure. Ces risques comprenaient, sans toutefois s’y limiter, le caractère nouveau des allégations, les retards attribuables aux appels, les défenses que pourrait invoquer le Canada, les délais de prescription, les questions relatives à la preuve des torts semi‑historiques, et l’élection fédérale de 2021. Par conséquent, il est juste de dire que la probabilité de réussite était incertaine. De plus, les litiges entraînent toujours des coûts humains importants et permanents. Outre les frustrations et le stress inévitables liés à tout processus judiciaire, les cours ne peuvent pas ignorer que [traduction] « chaque jour sans eau aggrave les préjudices subis par les membres du groupe », comme l’ont souligné les avocats du groupe.

[67] Si les avocats du groupe réussissent à établir le bien‑fondé de la première question commune, cela rendra difficile de prouver que le Canada a manqué à ses obligations. Pour ce faire, il faudrait procéder une Première Nation à la fois, ce qui entraînerait des retards et des dépenses supplémentaires. De plus, les membres du groupe devraient témoigner, ce qui pourrait les traumatiser à nouveau.

[68] Les nouvelles allégations présentent un défi considérable pour les parties (Tk’emlúps, au para 41). Au moment du dépôt, il y avait une incertitude en droit quant à la capacité des entités collectives à établir le bien‑fondé d’allégations fondées sur la Charte. De plus, il reste une incertitude quant à la capacité des cours à imposer le type de mesure de redressement envisagé dans le règlement. Par exemple, les représentants demandeurs ont demandé aux cours d’obliger le gouvernement à dépenser de façon prospective pour assurer un accès à de l’eau potable.

[69] Au fil du temps, la cause des représentants demandeurs s’est renforcée et plusieurs garanties de réussites sont apparues. Par exemple, la première adjudication de dommages‑intérêts globaux aux termes de la Charte à l’ensemble d’un groupe a été confirmée par la Cour d’appel de l’Ontario après l’instruction des actions (Reddock v Canada (Attorney General), 2019 ONSC 3196, conf. par Brazeau v Canada (Attorney General), 2020 ONCA 184). Toutefois, les délais et la portée des mesures de redressement disponibles risquaient encore d’être considérables. Dans cette même affaire de la Cour d’appel de l’Ontario, la Cour a annulé une ordonnance enjoignant au Canada de dépenser de l’argent pour la santé mentale des détenus afin de corriger des violations continues de la Charte dans ses prisons. Bien que cette décision ait pu présenter des défis considérables pour les demandeurs, il convient de noter les mots du juge Phelan dans l’affaire McLean. Dans cette affaire, le règlement prévoyait une mesure de redressement prospective sous la forme d’un « fonds des legs » pour promouvoir la guérison des survivants des externats indiens. Le juge Phelan a écrit qu’« [i]l n’est pas certain qu’une cour puisse ordonner la création d’un tel élément, mais il ne fait aucun doute que si les questions et les contentieux concernant les Autochtones sont sui generis, les recours disponibles pourraient également l’être » (McLean, au para 103).

[70] En fin de compte, en l’espèce, le groupe n’a pas assumé seul le risque. Le résultat était également incertain pour le Canada. Le Canada était tenu d’envisager un résultat où les cours auraient pu conclure en faveur des demandeurs (McLean, aux para 94‑95). En termes simples, l’incertitude en droit signifiait que les parties des deux côtés faisaient face à un risque réel et présent d’échec.

[71] En fin de compte, nous sommes d’avis que, comme l’affaire McLean, il s’agit également d’une « affaire qui a désespérément besoin d’un règlement » (McLean, au para 79). Le règlement réduit les risques et les retards. Il simplifie la procédure d’indemnisation, améliore l’accès à la justice et, plus important encore, fournit un financement pour résoudre le problème. Il apporte un certain degré de certitude que les Premières Nations seront en mesure de lever les avis concernant la qualité de l’eau dans un proche avenir. C’est une garantie que le litige ne peut pas promettre.

(2) Ampleur et nature des éléments de preuve issus des interrogatoires préalables, des témoignages ou de l’enquête

[72] Pendant toute la durée des actions, les avocats du groupe ont consulté 14 experts, y compris des aînés et des gardiens du savoir des Premières Nations, des hydrologues, des experts en maladies infectieuses, des toxicologues du milieu aquatique, des professeurs d’histoire, et beaucoup d’autres. Les parties ont également conjointement retenu les services d’un actuaire pour déterminer la taille et la répartition du groupe. L’affidavit de John P. Brown explique que, en plus de consulter des experts, les avocats du groupe ont examiné des milliers de pages de documents publics du Canada et effectué des recherches approfondies sur des questions juridiques et factuelles pertinentes, y compris les causes d’action et les théories en matière de dommages‑intérêts.

[73] Comme il a été mentionné ci‑dessus, avant d’arriver au règlement, les parties ont préparé le dossier d’une requête en jugement sommaire. Les avocats du groupe n’ont pas déposé leur dossier, mais il comprenait apparemment 2 800 pages, 8 experts et 24 témoins. Les parties ont échangé leurs dossiers de preuve relatifs à la requête en jugement sommaire et étaient prêtes à commencer les contre‑interrogatoires. C’est à ce moment‑là que les négociations ont commencé à s’intensifier, après que les deux côtés eurent fait l’objet d’une enquête approfondie et que la force de la cause soit devenue évidente. Les parties sont parvenues au règlement moins d’un mois avant la date prévue de l’audition de la requête en jugement sommaire. Les cours conviennent avec les avocats du groupe qu’à ce moment‑là, beaucoup de travail avait déjà été réalisé pour préparer cette affaire en vue d’un jugement sur le fond.

[74] Les cours sont convaincues que les avocats du groupe ont déployé beaucoup d’efforts pour recueillir des faits pertinents et évaluer la responsabilité et les dommages‑intérêts, et qu’ils avaient une compréhension claire des forces et des faiblesses des actions.

(3) Modalités et conditions du règlement

[75] Les présents motifs ont déjà donné, aux paragraphes 35 à 59, ci‑dessus un aperçu des conditions et des dispositions importantes du règlement. En examinant le critère relatif à la gouvernance, les deux cours sont d’avis que certaines des caractéristiques les plus importantes du règlement qui [traduction] « sous‑tendent son équité » comprennent les suivantes :

· la mesure de redressement envisagée n’est pas seulement de nature compensatoire – elle vise à résoudre véritablement les causes profondes des avis concernant la qualité de l’eau potable dans les réserves et est exécutoire;

· les 6 milliards de dollars pour les mesures de redressement potentielles doivent respecter un calendrier de neuf ans, ce qui permettra de régler rapidement ces causes profondes;

· l’indemnisation des personnes membres du groupe dépend de la durée de l’avis, du type d’avis et de l’éloignement d’une Première Nation – tenir compte de l’éloignement reconnaît l’augmentation du coût de la vie dans les régions éloignées, y compris le prix de l’eau embouteillée, et le fait que les communautés éloignées comme Neskantaga ont dû être évacuées;

· en ce qui concerne les membres du groupe qui allèguent des préjudices déterminés :

  • o la procédure de règlement des réclamations papier est simple,

  • o le fardeau de preuve est peu élevé,

  • o les réclamations sont évaluées au moyen d’une grille des préjudices,

  • o il existe une présomption de véracité et de bonne foi,

  • o toutes les conclusions raisonnables doivent être tirées en faveur des demandeurs,

  • o il y a une faible probabilité de nouveau traumatisme;

(Voir McLean, au para 107; Tk’emlúps, au para 49; Riddle c Canada, 2018 CF 641 au para 36.)

· les préjudices déterminés comprennent les préjudices à la santé mentale;

· si les réclamations pour préjudices déterminés dépassent 50 millions de dollars, le règlement est structuré de façon que tout surplus détenu en fiducie serve à compléter le montant de l’indemnisation pour préjudices déterminés;

· les Premières Nations membres du groupe qui reçoivent un montant égal à 50 % du montant total des dommages‑intérêts versé aux membres du groupe qui résident dans cette réserve peuvent utiliser cet argent à n’importe quelle fin;

· la procédure ARD s’appuie sur les traditions juridiques autochtones propres à la Première Nation concernée et définies par celle‑ci;

· le Canada est responsable de verser la totalité des coûts raisonnables du recours à la procédure ARD et 50 % des coûts raisonnables de la participation d’une Première Nation à cette procédure;

· l’administrateur est « expérimenté et reconnu » (McLean, au para 107);

· les frais juridiques ne sont pas payables à même les fonds du règlement, ce qui signifie que les avocats du groupe n’enlèvent pas de l’argent aux membres du groupe (Tk’emlúps, au para 51);

· les frais juridiques ont été négociés après la conclusion du règlement, de sorte que « la question des frais juridiques n’a pas façonné ou influencé » les conditions du règlement (Tk’emlúps, au para 51);

· le dégagement est proportionnel au règlement des allégations dans les actions. Les membres du groupe conservent leurs droits à l’égard de la responsabilité de plusieurs tiers et des réclamations présentés après le 20 juin 2021.

[76] Tout compte fait, les avantages du règlement l’emportent sur les concessions qu’a dû faire le groupe. Dans leurs affidavits, les représentants demandeurs ont exprimé leur déception, indiquant que le taux de base de l’indemnité pour les personnes membres du groupe (de 1 300 $ à 2 000 $ pour chaque année où elles ont été touchées par un avis concernant la qualité de l’eau) est trop bas. De plus, l’application d’un délai de prescription réduit considérablement l’indemnité rétrospective que recevront les membres des communautés, en particulier les aînés. Dans leur mémoire des faits, les avocats du groupe ont fait remarquer que l’application du délai de prescription était particulièrement difficile à la lumière de l’appel à l’action no 26 de la Commission de vérité et réconciliation. Toutefois, ces mêmes affidavits reconnaissent que l’objectif principal du litige était d’assurer un accès à de l’eau potable salubre pour les générations futures. Ils indiquent également qu’aucune somme d’argent ne peut compenser les préjudices subis alors que les membres du groupe vivaient sous des avis concernant la qualité de l’eau potable. Les cours conviennent avec les représentants demandeurs que ces concessions sont des compromis difficiles. Toutefois, dans l’ensemble, le règlement offre des avantages importants pour le groupe et relève certainement des issues raisonnables possibles.

(4) Dépens ultérieurs et durée probable du litige

[77] En raison du caractère nouveau des allégations soulevées dans le cadre des actions, il est raisonnable de s’attendre à ce que, si ce litige n’est pas réglé, celui‑ci soit long et coûteux et implique un grand nombre de participants. Les questions soulevées en l’espèce sont probablement des questions importantes et d’intérêt général pour l’ensemble du pays. Il est possible que certaines questions puissent être portées en appel devant la Cour suprême du Canada, ce qui prolongerait le litige. De plus, si le litige se poursuivait, il faudrait recueillir et présenter des éléments de preuve de chaque communauté.

[78] Les avocats du groupe ont souligné l’action dans l’affaire Okanagan à l’appui de leur position selon laquelle si la Couronne défendait vigoureusement les actions, le litige serait interminable. Cette affaire soulève des allégations similaires, mais n’a pas abouti à un règlement. Elle est en instance depuis six ans. De même, l’instance dans l’affaire Tk’emlúps, un autre grand règlement récent concernant des Autochtones membres du groupe, a duré 74 jours (Tk’emlúps, au para 52).

[79] Les dépens ultérieurs prévus et la durée probable du litige militent en faveur de l’approbation du règlement.

(5) Recommandations des parties neutres

[80] Aux fins de l’approbation du règlement, les experts suivants ont soumis des affidavits et des rapports :

  1. Kerry Black, professeure adjointe et titulaire de la chaire de recherche du Canada à la faculté de génie civil et au Centre for Environmental Engineering Research and Education de l’Université de Calgary;

  2. Ian Halket, président de Halket Environmental Consultants Inc.;

  3. Peter Gorham, président et actuaire de JDM Actuarial Expert Services Inc., et fellow de l’Institut canadien des actuaires et de la Society of Actuaries;

  4. Jillian Campbell, toxicologue et gestionnaire principale de projet avec plus de 15 ans d’expérience dans l’évaluation des risques pour la santé humaine et l’environnement, la toxicologie et les enquêtes sur les sites contaminés;

  5. Gary Chaimowitz, responsable de service du programme de psychiatrie légale du Centre de santé St. Joseph de Hamilton, professeur de psychiatrie à l’Université McMaster, et président de l’Académie canadienne de psychiatrie et droit;

  6. James Reynolds, historien et auteur dans le domaine des relations entre la Couronne et les peuples autochtones du Canada;

  7. Adele Perry, professeure distinguée d’histoire et directrice du Centre for Human Rights Research de l’Université du Manitoba;

  8. Brittany Luby, professeure adjointe d’histoire au College of Arts de l’Université de Guelph.

[81] Certains de ces rapports n’ont fourni aucune opinion sur l’entente de règlement elle‑même. Ils ont plutôt fourni de précieux renseignements décrivant l’histoire, les causes et l’état actuel des avis concernant la qualité de l’eau potable dans les réserves des Premières Nations.

[82] L’affidavit de Jillian Campbell a toutefois confirmé que la section 8.02 de l’article 8 et l’annexe H de l’entente de règlement intègrent adéquatement les types de préjudices qui résultent de la consommation d’eau contaminée ou non traitée, les symptômes de ces préjudices et les effets probables sur les membres du groupe qui ont subi ces préjudices. Gary Chaimowitz a également confirmé dans son affidavit que la ligne « Santé mentale » de l’annexe H et l’appendice H‑1 du règlement indiquent avec exactitude les types de préjudices associés à la santé mentale que les membres du groupe peuvent avoir subis et les principaux symptômes de ces préjudices.

[83] De plus, Kerry Black a soumis un affidavit daté du 21 novembre 2021 exprimant son appui à l’approbation du règlement. Depuis plus de dix ans, Mme Black travaille avec des groupes autochtones pour comprendre leurs besoins en matière d’infrastructure d’approvisionnement en eau. À son avis, le règlement répond adéquatement aux objectifs des Premières Nations.

[84] Après avoir examiné certaines des principales dispositions du règlement, Mme Black a déclaré qu’à son avis, le règlement [traduction] « réglementera la crise de l’eau au Canada d’une manière historique, globale et significative ». De plus, il [traduction] « aura des répercussions incommensurables qui, dans de nombreux cas, changeront la vie des membres des Premières Nations et leurs communautés partout au Canada ». En particulier, Mme Black a confirmé que la dépense minimale de 6 milliards de dollars au cours des neuf prochaines années pour les mesures de redressement est un montant raisonnable pour remédier au problème des réseaux d’approvisionnement en eau des Premières Nations. De plus, elle souligne l’importance d’inclure les réseaux privés d’approvisionnement en eau dans l’engagement, car le Canada a historiquement exclu le coût de ce type d’infrastructure lorsqu’il fournit du financement aux Premières Nations. Enfin, elle fait remarquer qu’il est important que le Canada s’engage à financer les coûts réels de construction, d’amélioration, d’exploitation et d’entretien de l’infrastructure d’approvisionnement en eau dans les réserves des Premières Nations, car le Canada a constamment sous‑financé ces aspects de l’infrastructure d’approvisionnement en eau pendant des décennies.

[85] À notre avis, ces opinions objectives de tiers renforcent l’équité du règlement.

(6) Nombre d’opposants et nature des oppositions

[86] Le 6 décembre 2021, Eric Khan, le directeur de CA2 Inc., a établi sous serment un affidavit selon lequel CA2 Inc. n’avait reçu aucun coupon d’exclusion ni aucun avis d’opposition. Lors de l’audience d’approbation du règlement, tout au long de la journée, les membres potentiels du groupe ont eu la possibilité de formuler leurs oppositions, mais personne ne s’est exprimé.

[87] Bien qu’aucune opposition officielle n’ait été soulevée, les avocats du groupe ont présenté de la correspondance et des articles de journaux pour informer les cours des critiques potentielles à l’égard du règlement. À cet égard, les avocats du groupe ont présenté une lettre datée du 23 novembre 2021 de l’avocat d’une Première Nation qui avait l’intention de s’opposer au règlement. Cette lettre exprimait deux préoccupations : a) le règlement s’appuie sur la liste des avis concernant la qualité de l’eau potable du Canada; et b) le règlement exclut les Premières Nations visées par des avis à court terme concernant la qualité de l’eau potable. Après avoir discuté de ces préoccupations avec les avocats du groupe, la Première Nation a retiré son opposition. De même, un autre avocat a fait part de ses préoccupations aux médias. Les préoccupations concernant : a) l’incertitude quant à savoir qui est inclus dans le groupe; b) l’exclusion des Premières Nations visées par des avis à court terme concernant la qualité de l’eau potable; et c) l’ambiguïté quant aux avis qui sont pris en compte et aux autorités qui peuvent les déclarer.

[88] Lors de l’audience d’approbation de règlement du 7 décembre 2021, les avocats du groupe ont abordé chacune de ces critiques.

[89] Premièrement, il est faux d’affirmer que le règlement ne s’appuie que sur les dossiers du Canada pour déterminer quelles Premières Nations ont fait l’objet d’un avis concernant la qualité de l’eau potable. Les articles 10 à 12 de l’annexe F du règlement précisent que si un membre du groupe présente une réclamation et que sa Première Nation n’est pas inscrite sur la liste des Premières Nations admissibles, le comité de mise en œuvre du règlement détermine si cette Première Nation devrait être ajoutée à la liste et il peut demander d’autres renseignements ou preuves avant de rendre sa décision. Les avocats du groupe ont expliqué que l’intention de cette disposition est d’assurer l’inclusion, et que la liste est, en fait, susceptible d’être modifiée.

[90] Deuxièmement, les avocats du groupe ont reconnu qu’il y avait une prévalence des avis à court terme concernant la qualité de l’eau potable dans les Premières Nations, dont certains ont été en vigueur pendant de longues périodes. Cela étant dit, il faut aussi reconnaître que dans le cadre des recours collectifs, les membres du groupe doivent avoir subi un préjudice commun. En déterminant ce caractère commun, les avocats du groupe étaient d’avis que les avis à long terme étaient plus clairement liés au sous‑financement du gouvernement qui a entraîné un manque d’infrastructure. Le présent recours collectif n’empêche pas les Premières Nations qui ont fait l’objet d’avis à court terme concernant la qualité de l’eau potable d’intenter leurs propres actions.

[91] Enfin, en ce qui concerne les critiques formulées dans les médias, la section 1.01 de l’article 1 de l’entente de règlement définit clairement qui est inclus dans le groupe (voir également le paragraphe 37 ci‑dessus) et qui est la « personne exclue ». Ces définitions ont également été incluses dans les avis simplifié et détaillé. De plus, la même section définit un « organisme émetteur d’avis » comme « un gouvernement ou un organisme fédéral, provincial, territorial, régional, municipal ou d’une Première Nation, un chef, un conseil de bande, une autorité sanitaire ou un organisme exécutif, judiciaire, réglementaire ou administratif ou un organisme analogue ou un organisme délégataire, dans chaque cas qui émet des avis concernant la qualité de l’eau potable ». L’un ou l’autre de ces organismes peut émettre l’un des trois types d’avis concernant la qualité de l’eau potable qui pourraient amener une Première Nation ou personne membre du groupe à adhérer à l’entente de règlement. Encore une fois, cette définition vise à favoriser l’inclusion et à s’assurer que les Premières Nations ne dépendent pas des définitions ou des données du gouvernement pour bénéficier du règlement.

[92] Il convient également de noter que le cabinet d’avocats représentant les « personnes exclues » dans le règlement a demandé aux avocats du groupe comment le règlement touchera ses clients et si les 6 milliards de dollars pour les mesures de redressement potentielles seront versés à toutes les Premières Nations ou seulement à celles qui choisissent d’être incluses. Les avocats du groupe ont répondu en indiquant que le règlement ne s’applique pas aux « personnes exclues » et que, par conséquent, elles sont libres de continuer à intenter leurs propres actions concernant la qualité de l’eau potable.

[93] En tenant compte de toutes les préoccupations susmentionnées, les avocats du groupe se sont acquittés de leur obligation de fournir aux cours une divulgation complète et franche concernant l’approbation du règlement. À notre avis, en l’absence d’oppositions officielles, l’appui des représentants demandeurs et d’autres membres du groupe doit être considéré comme non contesté. De nombreux affidavits inclus dans le dossier de requête ont exprimé leur appui au règlement, y compris les membres des communautés de Curve Lake, de Neskantaga et de Tataskweyak. Les représentants demandeurs ont tous exprimé leur appui au règlement et ont unanimement exprimé leur opinion que l’entente de règlement atteint leurs objectifs en matière de litige.

(7) Conduite de négociations sans lien de dépendance, absence de collusion et positions adoptées par les parties au cours des négociations

[94] Il convient d’examiner ces facteurs ensemble parce que, en l’espèce, les positions adoptées par les parties au cours des négociations démontrent la conduite de négociations sans lien de dépendance et l’absence de collusion.

[95] La stratégie des avocats du groupe dans le cadre de la présente instance consistait à adopter une [traduction] « approche à deux volets » selon laquelle ils poursuivaient vigoureusement le litige et les négociations en même temps. À notre avis, cette approche démontre que l’instance a toujours été de nature contradictoire et que l’objectif principal des avocats du groupe était de faire valoir les intérêts du groupe. De toute évidence, un tel règlement historique serait impossible sans la coopération des deux côtés. Bien que les parties aient coopéré dans la mesure du possible, les parties des deux côtés étaient prêtes à intenter un litige. Les parties ont consenti à un calendrier accéléré pour le litige et les représentants demandeurs ont présenté vigoureusement des requêtes en jugement sommaire.

[96] Il est également important de noter que les négociations ont duré un peu moins d’un an. À notre avis, ce calendrier démontre ce que John P. Brown a appelé des [traduction] « séances de négociation difficiles », dans le cadre desquelles les avocats ont fait valoir les positions de leurs clients respectifs. En effet, l’affidavit de la chef Whetung indiquait que les négociations ont parfois échoué et qu’elle se sentait prête à [traduction] « s’en aller » et à intenter un litige.

[97] Nous ne craignons pas que l’entente de règlement ait été autre chose que le résultat d’une bonne stratégie, d’un dévouement et d’un compromis. Nous sommes convaincus que les parties ont toujours participé aux négociations de bonne foi et qu’il n’y a eu aucune collusion pour parvenir au règlement. Nous notons qu’il existe une forte présomption d’équité lorsqu’un règlement proposé est négocié sans lien de dépendance par l’avocat d’un groupe (Nunes, au para 7).

(8) Communication avec les membres du groupe

[98] Avant la présentation des requêtes en jugement sommaire, les avocats du groupe ont communiqué avec plusieurs Premières Nations afin de les inviter à participer aux actions. Manifestement, ces efforts ont été efficaces puisque plus de 120 Premières Nations se sont jointes aux représentants demandeurs pour obtenir un jugement. De plus, les avocats du groupe ont créé une page Web dédiée pour permettre aux membres du groupe d’accéder à des renseignements et des documents concernant les actions. La page Web comprenait une description de l’affaire, les nouveaux développements, des communiqués de presse et des rapports, des documents concernant l’affaire, une foire aux questions et des coordonnées. Ils ont également fait la promotion des actions auprès des médias comme moyen de communiquer avec les membres du groupe.

[99] De même, tout au long des négociations du règlement, les avocats du groupe sont demeurés en contact étroit avec les représentants demandeurs et les membres du groupe. L’affidavit de Christopher Moonias confirme que les avocats du groupe ont travaillé en étroite collaboration avec les représentants demandeurs, qui, à leur tour, ont consulté les conseils de leurs bandes et les membres de leur communauté respective au sujet de l’entente de principe et de l’entente de règlement. De même, les avocats du groupe ont communiqué directement avec les membres du groupe en visitant leurs communautés, en répondant aux questions des membres du groupe, en écoutant leurs histoires et en faisant la promotion de l’entente.

[100] Les tribunaux ont approuvé le plan de notification du règlement le 8 octobre 2021. CA2 Inc. a fait publier l’avis simplifié dans 15 journaux quotidiens et le First Nation Drum. De même, le 16 octobre 2021 ou vers cette date, CA2 Inc. a distribué des avis juridiques de l’approbation du règlement à Curve Lake, à Neskantaga, à Tataskweyak, à l’Assemblée des Premières Nations et à 713 chefs et bureaux de bande qui ont été touchés par des avis concernant la qualité de l’eau potable. Enfin, l’ordonnance du 8 octobre 2020 exigeait que CA2 Inc. établisse une ligne de soutien sans frais pour répondre aux questions des membres du groupe et pour fournir l’avis simplifié et détaillé à tout membre qui en fait la demande. Ces documents ont été fournis en français et en anglais.

[101] Les expressions de soutien et les oppositions peuvent indiquer que les avocats du groupe ont suffisamment communiqué avec le groupe (McLean, au para 116). Bien qu’aucune opposition n’ait été exprimée à l’audience d’approbation du règlement, le dossier de requête démontre que plusieurs Premières Nations et leur avocat ont communiqué avec les avocats du groupe pour poser des questions au sujet du règlement. De plus, il est clair que les représentants demandeurs et les avocats du groupe ont discuté avec d’autres organisations de gouvernance des Premières Nations et des Autochtones. Nous sommes convaincus qu’en l’espèce, l’absence d’oppositions indique que les membres potentiels du groupe comprennent et appuient l’entente. Le fait que 18 membres du groupe ont soumis des affidavits exprimant leur appui à l’entente est également révélateur.

[102] Dans l’ensemble, nous sommes convaincus que les avocats du groupe ont fourni un avis « solide, clair et accessible » du règlement aux membres potentiels du groupe (Tk’emlúps, au para 72).

(9) Recommandations et expérience des avocats

[103] Les avocats du groupe et l’avocat du défendeur recommandent tous deux un règlement. Selon les avocats du groupe, la poursuite des négociations n’aurait pas donné de meilleurs résultats pour le groupe, particulièrement en ce qui a trait à l’indemnisation rétrospective. De plus, les avocats du groupe ont déclaré que l’indemnisation se situait dans la fourchette prévue au moment du jugement, sans l’incertitude relative à l’issue ou au délai. De même, les avocats du groupe ont estimé que le litige n’aurait pas donné de meilleurs résultats pour le groupe. Comme il a déjà été discuté, il est difficile de savoir si les tribunaux seraient en mesure d’ordonner le même type de mesures de redressement potentielles que dans l’entente de règlement.

[104] Dans l’ensemble, les avocats du groupe ont estimé que le règlement permettait d’atteindre les objectifs des représentants demandeurs en matière de litige (Tk’emlúps, au para 73). En effet, les affidavits des représentants demandeurs l’ont confirmé, tout en mettant particulièrement l’accent sur les mesures de redressement potentielles garanties par le règlement.

[105] Les avocats du groupe affirment que sa recommandation est fondée sur son expérience en matière de recours collectifs, de droits des Autochtones et de droit autochtone. McCarthy Tétrault est reconnue à l’échelle nationale comme ayant l’une des plus grandes et importantes équipes du Canada en matière de recours collectifs. McCarthy Tétrault a également obtenu l’aide d’avocats de son cabinet qui se spécialisent dans les domaines de la rédaction de contrats, de la fiscalité, des fiducies et du droit immobilier. OKT est le plus grand cabinet d’avocats du Canada spécialisé dans le droit autochtone et les droits des Autochtones. Il sert des clients autochtones et du Nord dans chaque territoire et dans la plupart des provinces du Canada. Les avocats du groupe ont également collaboré avec First Peoples Law LLP et Ericksons LLP. Les deux cabinets ont des liens étroits avec plusieurs communautés des Premières Nations.

[106] Notamment, les employés des avocats du groupe aux deux cabinets comprenaient des avocats autochtones et des étudiants en droit. À notre avis, ces employés, en plus de leur expertise professionnelle, offrent une expérience de vie précieuse qui leur permet de comprendre de façon unique les besoins et les objectifs des membres du groupe.

[107] Pour tous les motifs susmentionnés, le dossier démontre que les avocats du groupe ont été attentifs et sensibles aux besoins du groupe et à l’équilibre entre les risques et la rétribution propre à la présente instance. Le processus simplifié de règlement des réclamations, qui impose un faible fardeau de preuve afin d’éviter un nouveau traumatisme, démontre que les avocats du groupe ont appliqué les leçons tirées des recours collectifs antérieurs dont les membres du groupe étaient des Autochtones. Dans l’ensemble, l’équipe vaste, diversifiée et compétente mise sur pied par les avocats du groupe a fait preuve d’un engagement à mener à bien le règlement de façon positive, et ce, en utilisant l’infrastructure et le personnel nécessaires pour le faire (McLean, au para 113).

V. Conclusion

[108] Depuis des décennies, les membres des Premières Nations subissent des préjudices alors qu’ils étaient touchés par des avis concernant la qualité de l’eau potable. Le défaut du Canada à fournir de l’eau potable salubre a entraîné une profonde frustration et des relations entachées par la méfiance. Nous partageons l’espoir de la chef Whetung que le règlement permettra aux communautés autochtones [traduction] « [d’]ouvrir le robinet comme dans les communautés non autochtones du Canada, et [de] boire et [de] se baigner dans l’eau sans craindre pour [leur] santé ». Nous espérons également que ce règlement symbolise un pas dans la longue voie vers la guérison de la relation entre le Canada et les Premières Nations.

[109] Les tribunaux conviennent que le règlement est juste et raisonnable, et qu’il est dans l’intérêt de l’ensemble du groupe. Conformément à l’ordonnance ci‑jointe, les cours approuvent l’entente de règlement et ordonnent que les actions contre le défendeur soient abandonnées.

[110] Les cours conservent leur compétence sur la présente affaire, et, plus précisément, sur l’ordonnance et le règlement. L’ordonnance précise le maintien de la compétence et peut être modifiée si les circonstances le commandent.


 

ORDONNANCE dans le dossier T‑1673‑19

Sans aveu d’acte répréhensible ou de responsabilité de la part du défendeur, qui nie tout acte répréhensible et rejette toute responsabilité envers le groupe, la Cour ordonne :

  1. que l’entente de règlement des parties datée du 15 septembre 2021, y compris le premier addenda daté du 8 octobre 2021 (ensemble, l’entente de règlement proposée), est juste, raisonnable et dans l’intérêt supérieur du groupe;

  2. que l’entente de règlement proposée, ci‑jointe en tant qu’appendice 1 en anglais et appendice 2 en français, soit approuvée et que ses conditions soient appliquées;

  3. que le défendeur verse les fonds prévus dans l’entente de règlement proposée et que lesdits fonds soient distribués conformément à l’entente de règlement proposée;

  4. que les membres du groupe, tels que définis dans l’entente de règlement proposée, soient avisés de l’approbation de l’entente de règlement proposée, essentiellement comme il est énoncé aux annexes M et N de l’entente de règlement proposée, et conformément au plan de notification ci‑joint en tant qu’appendice 3, avec les modifications dont les parties peuvent convenir, et dont le défendeur payera les frais;

  5. que, sans toucher le caractère définitif de la présente ordonnance ou le rejet des actions, la Cour conserve sa compétence, comme prévu dans l’entente de règlement proposée, pour interpréter, superviser et exécuter l’entente de règlement proposée, selon le cas, dans l’intérêt mutuel des parties;

  6. que les actions visées par les présentes soient abandonnées sans dépens.

« Paul Favel »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


APPENDICE 1

VERSION ANGLAISE DE L’ENTENTE DE RÈGLEMENT PROPOSÉE



 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 

 

 

 

 

 



 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 


 

APPENDICE 2

VERSION FRANÇAISE DE L’ENTENTE DE RÈGLEMENT PROPOSÉE




APPENDICE 3

PLAN DE NOTIFICATION



 


 


 


 


 


 


 


 

COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

CI‑19‑01‑24661

INTITULÉ :

NATION DES CRIS DE TATASKWEYAK ET CHEF DOREEN SPENCE POUR SON PROPRE COMPTE ET POUR LE COMPTE DE TOUS LES MEMBRES DE LA NATION DES CRIS DE TATASKWEYAK c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

ET DOSSIER :

T‑1673‑19

INTITULÉ :

PREMIÈRE NATION DE CURVE LAKE ET CHEF EMILY WHETUNG POUR SON PROPRE COMPTE ET POUR LE COMPTE DE TOUS LES MEMBRES DE LA PREMIÈRE NATION DE CURVE LAKE, ET PREMIÈRE NATION DE NESKANTAGA ET CHEF CHRISTOPHER MOONIAS POUR SON PROPRE COMPTE ET POUR LE COMPTE DE TOUS LES MEMBRES DE LA PREMIÈRE NATION DE NESKANTAGA c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATES DE L’AUDIENCE :

Les 7‑9 décembre 2021

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE FAVEL

DATE DES MOTIFS :

Le 22 décembre 2022

COMPARUTIONS :

Michael Rosenberg

Eric Block

John Brown

Stephanie Willsey

Alana Robert

Harry Laforme

Bryce Edwards

Kevin Hille

Jaclyn McNamara

POUR LES DEMANDEREURS

(NATION DES CRIS DE TATASKWEYAK ET CHEF DOREEN SPENCE POUR SOM PROPRE COMPTE ET POUR LE COMPTE DE TOUS LES MEMBRES DE LA NATION DES CRIS DE TATASKWEYAK; PREMIÈRE NATION DE CURVE LAKE ET CHEF EMILY WHETUNG POUR SON PROPRE COMPTE ET POUR LE COMPTE DE TOUS LES MEMBRES DE LA PREMIÈRE NATION DE CURVE LAKE, ET PREMIÈRE NATION DE NESKANTAGA ET CHEF CHRISTOPHER MOONIAS POUR SON PROPRE COMPTE ET POUR LE COMPTE DE TOUS LES MEMBRES DE LA PREMIÈRE NATION DE NESKANTAGA)

 

Chef Emily Whetung

POUR LES DEMANDERESSES

(PREMIÈRE NATION DE CURVE LAKE ET CHEF EMILY WHETUNG POUR SON PROPRE COMPTE ET POUR LE COMPTE DE TOUS LES MEMBRES DE LA PREMIÈRE NATION DE CURVE LAKE)

 

Catharine Moore

Scott Farlinger

Samar Musallam

Courtney Davidson

Sheila Read

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

Olthuis Kleer Townshend LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

(NATION DES CRIS DE TATASKWEYAK ET CHEF DOREEN SPENCE POUR SOM PROPRE COMPTE ET POUR LE COMPTE DE TOUS LES MEMBRES DE LA NATION DES CRIS DE TATASKWEYAK et PREMIÈRE NATION DE CURVE LAKE ET CHEF EMILY WHETUNG POUR SON PROPRE COMPTE ET POUR LE COMPTE DE TOUS LES MEMBRES DE LA PREMIÈRE NATION DE CURVE LAKE, ET PREMIÈRE NATION DE NESKANTAGA ET CHEF CHRISTOPHER MOONIAS POUR SON PROPRE COMPTE ET POUR LE COMPTE DE TOUS LES MEMBRES DE LA PREMIÈRE NATION DE NESKANTAGA)

 

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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