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Date : 20211214


Dossier : IMM‑88‑21

Référence : 2021 CF 1413

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 14 décembre 2021

En présence de monsieur le juge Pamel

ENTRE :

BATHSON MUTANGA TANDI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Nature de l’instance et contexte

[1] Le demandeur, Bathson Mutanga Tandi, est un citoyen du Cameroun âgé de 22 ans. Il est arrivé au Canada en août 2018 muni d’un visa d’étudiant et, peu après, il a présenté une demande d’asile au motif qu’il craint d’être persécuté par l’État du Cameroun en raison de ses opinions politiques en tant que membre du Southern Cameroons National Council [le SCNC] – une organisation d’autodétermination politique qui revendique l’indépendance des régions anglophones à l’égard du reste du Cameroun qui est majoritairement francophone.

[2] M. Tandi allègue qu’il s’est senti frustré après avoir pris conscience de la discrimination généralisée exercée à l’endroit des étudiants anglophones lorsqu’il s’est vu demander, durant ses études à l’Université de Buea, de payer des frais supplémentaires pour un cours dont il avait déjà payé les frais. Il a adhéré au SCNC après avoir assisté à une réunion avec un de ses amis en octobre 2016. Il a alors commencé à prendre part à des réunions et des rassemblements organisés et à sensibiliser les autres étudiants du campus au SCNC. M. Tandi affirme qu’en raison de ses activités avec le SCNC, il a été détenu par la police à deux reprises, une première fois en novembre 2016 et une deuxième fois en septembre 2017. Il ajoute qu’au cours de ces détentions, il a été battu et torturé, et que ses blessures ont nécessité qu’il soit hospitalisé.

[3] M. Tandi soutient que, le 20 novembre 2017, des policiers sont allés à son domicile pour lui remettre un avis de convocation lui demandant de se présenter au poste de police deux jours plus tard. Comme il n’était pas chez lui, les policiers ont remis l’avis à sa mère. Lorsqu’il a été mis au courant de l’avis de convocation, M. Tandi a déménagé chez son oncle et a commencé à envoyer des demandes d’admission à des universités du Canada dans le but de fuir le Cameroun. Avec l’aide de sa famille et d’un ami qui était membre des forces armées, il a réussi à quitter le Cameroun en août 2018 en passant par l’aéroport international de Douala et il est entré au Canada grâce à son visa d’étudiant, dont la date d’échéance est le 30 juillet 2022. Il a présenté sa demande d’asile en septembre 2018.

[4] Dans sa décision rendue oralement le 17 septembre 2019, la Section de la protection des réfugiés [la SPR] a jugé crédible la preuve de M. Tandi, malgré plusieurs irrégularités, et elle lui a reconnu la qualité de réfugié au sens de la Convention puisqu’il avait réfuté, selon la prépondérance des probabilités, la présomption de protection de l’État au Cameroun. En outre, la SPR a conclu que, comme l’agent de persécution était l’État du Cameroun, M. Tandi ne disposait d’aucune possibilité de refuge intérieur viable puisqu’il était exposé à une possibilité sérieuse de persécution partout au pays.

[5] En appel, le ministre a contesté les conclusions tirées par la SPR en matière de crédibilité et il a tenté de faire admettre les éléments suivants en preuve devant la Section d’appel des réfugiés [la SAR], au titre du paragraphe 110(3) et de l’alinéa 171a.5) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi] :

  • un extrait de la liste des admissions au programme de droit de l’Université de Buea pour 2016‑2017 montrant que le matricule SM16A210, désigné par M. Tandi comme étant le sien, avait en réalité été attribué à un autre étudiant qui avait été admis un mois avant M. Tandi;

  • la liste des admissions au programme de comptabilité de l’Université de Buea pour 2016‑2017, sur laquelle M. Tandi ne figure pas comme étudiant inscrit au programme;

  • les notes consignées au Système mondial de gestion des cas, lesquelles dressent la liste des adresses antérieures de M. Tandi et de sa sœur.

[6] Le ministre a soutenu devant la SAR que ces éléments de preuve avaient été découverts après que la SPR eut rendu sa décision et qu’ils démontraient que les faits sur lesquels la SPR s’était appuyée étaient fondamentalement erronés. M. Tandi n’avait pas présenté de demande d’admission au baccalauréat en comptabilité et il n’était pas étudiant à l’Université de Buea. En outre, les éléments de preuve montraient que le matricule – le numéro d’identification d’étudiant – indiqué dans l’offre d’admission provisoire de M. Tandi à l’Université appartenait en fait à un autre étudiant. Le ministre a fait valoir que les documents constituaient une preuve solide du fait que M. Tandi avait fourni à la SPR des documents frauduleux pour appuyer sa demande d’asile.

[7] La SAR a jugé que les éléments de preuve présentés par le ministre répondaient aux exigences prévues au paragraphe 110(6) de la Loi puisqu’ils soulevaient une question importante concernant la crédibilité de M. Tandi et elle a ordonné la tenue d’une audience qu’elle a limitée à deux questions : (1) l’incidence, le cas échéant, des éléments de preuve présentés par le ministre sur les conclusions de la SPR en matière de crédibilité; (2) la possibilité sérieuse de persécution de M. Tandi si celui‑ci n’est pas jugé crédible.

[8] Même s’il était représenté par un conseil devant la SPR, M. Tandi a choisi d’agir pour son propre compte devant la SAR. Au début de l’audience, la commissaire de la SAR a informé M. Tandi qu’il avait le droit d’être représenté par un conseil et qu’il pouvait demander un ajournement afin d’en trouver un. Comme il est précisé dans la décision de la SAR, M. Tandi « a confirmé qu’il avait l’intention de se représenter lui‑même en appel ». M. Tandi s’est vu expliquer les procédures d’audience et il a été autorisé à présenter des observations orales à la fin de l’audience.

[9] Dans une décision datée du 17 décembre 2020, la SAR a accueilli l’appel et a substitué sa propre décision à la décision antérieure, concluant que M. Tandi n’a pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger. Après avoir examiné les éléments de preuve présentés par le ministre, la SAR a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que M. Tandi n’étudiait pas à l’Université de Buea; l’extrait de la liste des admissions au programme de droit montrait que le numéro d’identification fourni par M. Tandi avait été attribué à un autre étudiant un mois avant la présumée inscription de M. Tandi à l’Université, et la liste des admissions au programme de comptabilité auquel M. Tandi avait affirmé être inscrit ne contenait pas son nom. La SAR n’était pas convaincue par l’explication de M. Tandi selon laquelle son numéro d’identification devait avoir été attribué à un autre étudiant après qu’il eut omis de payer les frais supplémentaires étant donné que l’autre étudiant avait été admis un mois avant la présumée admission de M. Tandi. En outre, la SAR a rejeté l’explication de M. Tandi selon laquelle il avait probablement été retiré de la liste des admissions au programme de comptabilité parce que l’Université de Buea ne voulait pas être associée à un membre du SCNC, que le gouvernement considère comme une organisation terroriste.

[10] De plus, la SAR a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité de M. Tandi parce qu’il n’avait pas fourni d’explication raisonnable au fait qu’il n’avait pas tenté d’obtenir d’autres éléments de preuve corroborants pour confirmer qu’il était bel et bien étudiant à l’Université. La SAR n’a pas non plus cru M. Tandi lorsqu’il a dit qu’il voulait faire témoigner certains de ses camarades de classe à l’audience de la SAR, mais qu’il n’avait pas réussi à joindre l’agente de gestion des cas chargée de l’audience pour prendre les dispositions nécessaires. Selon M. Tandi, il avait laissé son numéro de téléphone sur le répondeur de l’agente de gestion des cas de la SAR, mais pas son nom – l’agente de gestion des cas a nié avoir reçu un message de la part de M. Tandi concernant une telle requête. La raison pour laquelle M. Tandi n’a pas utilisé l’adresse de courriel qui lui avait été fournie par la SAR pour communiquer avec l’agente de gestion des cas, ou pour laquelle il n’a pas fourni à ses témoins au Cameroun le lien pour joindre la vidéoconférence de l’audience de la SAR afin qu’ils puissent témoigner du fait qu’il était bel et bien étudiant à l’Université de Buea, demeure un mystère. Quoi qu’il en soit, la SAR a rejeté les explications de M. Tandi quant à la raison pour laquelle il ne pouvait pas présenter de travaux ou de manuels de cours pour démontrer qu’il avait fréquenté l’Université de Buea.

[11] Au bout du compte, la SAR a estimé que M. Tandi n’avait pas établi, « au moyen d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi, qu’il a[vait] fréquenté l’Université de Buea, comme il l’a[vait] prétendu » et qu’il était « plus probable que le contraire que l’offre d’admission provisoire présentée par M. Tandi était frauduleuse ». En outre, considérant que l’allégation de M. Tandi selon laquelle il étudiait à l’Université constituait un élément central de son récit des événements qui l’avaient amené à quitter le Cameroun, la SAR a déclaré qu’il « [était] plus probable que le contraire que les allégations de persécution qui ont suivi [avaient] aussi été créées de toutes pièces ». Enfin, la SAR a énoncé le fondement de sa conclusion selon laquelle la SPR avait fait fausse route dans son évaluation des contradictions relevées dans la preuve documentaire.

[12] Après avoir conclu que la preuve de M. Tandi n’était pas crédible et qu’il n’avait pas établi que, s’il devait retourner au Cameroun, il serait exposé à une possibilité sérieuse de persécution ou de préjudice grave, la SAR s’est penchée sur la question de savoir si M. Tandi risquait néanmoins d’être persécuté au seul motif qu’il est anglophone.

[13] La SAR a rejeté l’argument de M. Tandi selon lequel il serait probablement détenu à l’aéroport du simple fait qu’il est anglophone. La SAR a conclu que les éléments de preuve objectifs n’établissaient pas que la discrimination contre les anglophones au Cameroun, par sa nature ou son caractère répétitif, équivalait à la persécution de l’ensemble des anglophones. Elle a aussi conclu que les éléments de preuve ne suffisaient pas à établir que le profil de M. Tandi en tant qu’anglophone ou membre de la diaspora anglophone l’exposerait à une possibilité sérieuse de subir des préjudices ou des mauvais traitements ou d’être arrêté par les autorités à son retour.

II. Questions en litige

[14] La présente demande soulève trois questions :

  1. La SAR a‑t‑elle contrevenu aux principes d’équité procédurale en n’accordant pas suffisamment de temps à M. Tandi pour trouver un conseil de façon à bénéficier d’une représentation équitable?

  2. La SAR a‑t‑elle commis une erreur en acceptant, de la part du ministre, des éléments de preuve qui n’étaient pas nouveaux?

  3. L’évaluation faite par la SAR de la crédibilité de M. Tandi et du risque prospectif était‑elle raisonnable?

III. Norme de contrôle applicable

[15] Les parties conviennent, tout comme moi, que la norme de contrôle applicable à la décision de la SAR est celle de la décision raisonnable (Ali c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 93 aux para 22‑26). En ce qui concerne la question de l’équité procédurale, la Cour doit décider si le processus décisionnel était équitable compte tenu de toutes les circonstances (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 aux para 33‑56).

[16] Cependant, M. Tandi affirme que je devrais [traduction] « à tout le moins, examiner les éléments de preuve dont disposait la SPR et [...] procéder à une évaluation indépendante de l’ensemble de la preuve ». Je ne vois rien qui appuie cette affirmation. Comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], les cours de révision « doivent [...] s’abstenir “d’apprécier à nouveau la preuve examinée par le décideur” » (Vavilov, au para 125, citant Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c Canada (Procureur général), 2018 CSC 31 au para 55). Le caractère raisonnable d’une décision tient à la justification de celle‑ci et à la transparence et l’intelligibilité du raisonnement suivi par le décideur (Vavilov, aux para 99 et 101).

IV. Analyse

A. La SAR n’a pas contrevenu aux principes d’équité procédurale

[17] M. Tandi soutient qu’il a été privé de son droit à l’équité procédurale lors de l’audience de la SAR puisqu’il ne s’est pas vu accorder suffisamment de temps pour trouver un conseil de façon à bénéficier d’une représentation équitable, alors que la SAR avait l’obligation, compte tenu de son âge, de la complexité des questions et du risque pour sa vie, d’insister pour qu’il retienne les services d’un conseil ou, à tout le moins, de lui accorder davantage de temps pour le faire. M. Tandi m’a affirmé qu’il n’avait reçu la confirmation de la date de l’audience que quelques jours avant la tenue de celle‑ci et qu’il n’avait pas eu le temps de retenir les services d’un conseil étant donné que celui qui l’avait représenté devant la SPR avait pris sa retraite.

[18] Je ne puis accepter les observations de M. Tandi. Ce dernier aurait eu amplement le temps de retenir les services d’un conseil s’il avait choisi de le faire; le ministre a déposé l’avis d’appel à l’encontre de la décision de la SPR le 24 octobre 2019 et, dans l’avis d’intention de répondre de M. Tandi reçu par la SAR le 27 novembre 2019, il était mentionné que M. Tandi n’avait retenu les services d’aucun [traduction] « représentant ou avocat pour [le] guider dans [son] dossier ». Les observations écrites jointes à l’avis d’intention de répondre, préparées par M. Tandi, ne faisaient mention d’aucune préoccupation concernant le fait qu’il allait agir pour son propre compte dans le cadre de l’appel.

[19] Comme l’audience de la SAR s’est tenue le 11 décembre 2020, M. Tandi a eu plus d’un an pour retenir les services d’un conseil. Cependant, il n’a pas démontré qu’il aurait ne serait‑ce qu’essayé d’en trouver un. En outre, durant l’audience, la SAR a explicitement informé M. Tandi de son droit à être représenté par un conseil, mais il a décidé par lui‑même d’agir pour son propre compte, ce qu’il était en droit de faire. Au paragraphe 9 de sa décision, la SAR a déclaré ce qui suit :

Bien que M. Tandi ait été représenté par un conseil devant la SPR, il s’est représenté lui‑même en appel. Je l’ai informé au début de l’audience de la SAR qu’il avait le droit d’être représenté par un conseil et qu’il pouvait demander un ajournement pour recourir aux services d’un conseil. Il a confirmé qu’il avait l’intention de se représenter lui‑même en appel. J’ai pris soin d’expliquer les procédures d’audience à M. Tandi et de lui permettre de présenter des observations orales à la fin de l’audience de la même façon qu’un conseil ou un représentant l’aurait fait.

[20] J’ai abordé ce point, et le paragraphe 9 de la décision de la SAR, directement avec le conseil de M. Tandi, qui a simplement répondu que la SAR aurait dû tenir compte de l’historique de la crise qui sévit au Cameroun en lien avec la minorité anglophone et qu’elle aurait dû, étant donné l’âge de M. Tandi et le risque pour sa vie, insister pour qu’il retienne les services d’un conseil. Cette observation me laisse perplexe. Je me contenterai de dire qu’un an avant la tenue de l’audience, M. Tandi a confirmé, en déposant son avis d’intention de répondre, qu’il n’était pas représenté par un conseil. À l’audience, il a décliné l’offre qui lui a été faite d’ajourner l’audience pour qu’il puisse retenir les services d’un conseil; il a choisi d’agir pour son propre compte, comme il était en droit de le faire. On ne m’a cité aucune affaire qui donnerait à penser que la SAR a l’obligation d’insister pour qu’un demandeur ayant le profil de M. Tandi soit représenté par un conseil.

[21] Dans les circonstances, je ne relève aucun manquement à l’équité procédurale dans la façon dont la SAR a traité la situation.

B. La SAR n’a commis aucune erreur en admettant les éléments de preuve présentés par le ministre

[22] M. Tandi soutient que la SAR a commis une erreur en admettant les éléments de preuve présentés par le ministre, puisque ces éléments n’étaient pas nouveaux et qu’ils ne répondaient donc pas aux exigences prévues à l’alinéa 113a) de la Loi. C’est peut‑être le cas, mais les critères à respecter pour que de nouveaux éléments de preuve puissent être présentés à la SAR, qui sont énoncés à l’alinéa 113a) de la Loi, ne s’appliquent pas en l’espèce; cet alinéa figure à la section 3 de la Loi, qui traite des examens des risques avant renvoi. Le ministre s’appuie plutôt sur l’alinéa 171a.5) de la Loi, qui prévoit ce qui suit :

Section d’appel des réfugiés

Procédure

Refugee Appeal Division

Proceedings

 

171 S’agissant de la Section d’appel des réfugiés :

171 In the case of a proceeding of the Refugee Appeal Division,

 

. . .

. . .

 

a.5) il peut, en tout temps avant que la section ne rende sa décision, produire des éléments de preuve documentaire et présenter des observations écrites à l’appui de son appel ou de son intervention dans l’appel;

(a.5) the Minister may, at any time before the Division makes a decision, submit documentary evidence and make written submissions in support of the Minister’s appeal or intervention in the appeal;

 

. . .

. . .

 

[23] Devant la SAR, le ministre a soutenu que les éléments de preuve documentaire qu’il cherchait à présenter : a) soulevaient une question importante en ce qui concernait la crédibilité de la personne en cause; b) étaient essentiels pour la prise de décision relative à la demande d’asile; c) à supposer qu’ils soient admis, justifiaient que la demande d’asile soit accordée ou refusée, selon le cas.

[24] M. Tandi soutient que la liste des admissions au programme de comptabilité de l’Université de Buea n’est pas crédible puisque son admission était provisoire et qu’il est hautement probable que son nom ait été retiré de la liste en raison de son affiliation au SCNC. Je dois me ranger à l’avis du ministre; cet argument n’est que pure conjecture.

[25] De toute manière, M. Tandi n’a fourni aucune preuve à l’appui de son affirmation. Au cours de l’audience devant la SAR, M. Tandi s’est vu demander s’il pouvait expliquer l’écart entre la liste des admissions fournie par le ministre et la copie de son offre d’admission provisoire qu’il avait fournie à l’appui de son allégation selon laquelle il était étudiant à l’Université de Buea. Toutefois, la SAR n’a tout simplement pas été convaincue par l’explication de M. Tandi voulant que l’Université avait probablement retiré son nom des listes parce qu’il n’avait pas payé les frais supplémentaires ou en raison de son affiliation au SCNC. À mon avis, une telle conclusion n’a rien de déraisonnable.

C. La SAR a raisonnablement évalué la crédibilité de M. Tandi et le risque prospectif

[26] M. Tandi soutient que la SAR a commis une erreur dans l’analyse qu’elle a faite de sa crédibilité en ne tenant pas compte de sa situation personnelle et en se fondant de façon excessive sur la preuve du ministre. M. Tandi affirme que les conclusions défavorables quant à la crédibilité ne devraient pas être fondées sur un examen à la loupe de questions secondaires ou non pertinentes à l’égard de l’affaire (Haramicheal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1197 au para 15). En outre, M. Tandi ajoute que la SAR n’a pas analysé le risque auquel il serait exposé dans l’éventualité où il serait forcé de retourner au Cameroun même s’il a fourni des éléments de preuve qui démontrent que les autorités sont à sa recherche et même si la preuve objective contenue dans le Cartable national de documentation [le CND] démontre que les personnes qui s’opposent au gouvernement font l’objet de représailles et de diverses formes de mauvais traitements.

[27] Une fois de plus, je ne suis pas d’accord avec M. Tandi. La SAR n’a pas examiné la preuve à la loupe. Elle a plutôt examiné correctement la preuve et s’est penchée sur les conclusions de la SPR dans la mesure où elles étaient liées à cette preuve. Les conclusions tirées par la SAR quant à la crédibilité sont fondées sur le dossier et, contrairement aux affirmations de M. Tandi, les erreurs, les incohérences et les omissions qui ont amené la SAR à conclure que les documents étaient frauduleux n’étaient pas mineures, mais plutôt importantes. La SAR a raisonnablement conclu que les documents n’étaient pas crédibles et qu’une telle conclusion soulevait des questions sérieuses quant à l’élément central de sa demande d’asile, à savoir qu’il était étudiant à l’Université de Buea et membre du SCNC.

[28] À mon avis, la SAR a raisonnablement exprimé des doutes sérieux quant à la véracité de la preuve et du témoignage de M. Tandi (Maldonado c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1980] 2 CF 302 à la p 305), et je ne suis pas convaincu que je devrais modifier de telles conclusions.

[29] En outre, après avoir conclu qu’il était plus probable que le contraire que l’avis de convocation remis par la police à la mère de M. Tandi était frauduleux, la SAR a évalué le risque que M. Tandi soit exposé à une possibilité sérieuse de persécution au Cameroun du fait qu’il est anglophone. Après avoir examiné la preuve contenue dans le CND et le profil précis de M. Tandi, la SAR a jugé qu’il « n’a[vait] pas établi le genre de caractéristiques personnelles d’anglophone qui lui causeraient une possibilité sérieuse de préjudice, les mauvais traitements ou les arrestations par les autorités ». Une fois de plus, je ne vois rien de déraisonnable dans cette conclusion.

V. Conclusion

[30] Dans l’ensemble, je ne relève aucune erreur susceptible de contrôle dans la décision de la SAR. Je rejetterais donc la demande de contrôle judiciaire. Le ministre n’ayant pas réclamé de dépens, aucuns ne seront adjugés. Cependant, je dois souligner que si des dépens avaient été réclamés par le ministre, j’aurais sérieusement envisagé de les accorder en l’espèce au titre de l’article 22 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22 (modifiées par DORS/2002‑232, article 11).

 


JUGEMENT dans le dossier IMM‑88‑21

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Peter G. Pamel »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑88‑21

 

INTITULÉ :

BATHSON MUTANGA TANDI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Tenue par vidéoconférence

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 7 décembre 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PAMEL

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

Le 14 décembre 2021

 

COMPARUTIONS :

Alfred Ndumu

Pour le demandeur

Camille N. Audain

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

First‑Trust Law

Calgary (Alberta)

 

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

Pour le défendeur

 

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