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Date : 20211220


Dossier : T-1329-19

Référence : 2021 CF 1438

Ottawa (Ontario), le 20 décembre 2021

En présence de madame la juge St-Louis

ENTRE :

LA MINISTRE DU REVENU NATIONAL

demanderesse

et

HYDRO-QUÉBEC

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] Conformément aux dispositions prévues aux paragraphes 231.2 (2) et (3) de Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e supp) [la Loi], la Ministre du Revenu national [la Ministre] demande à la Cour l’autorisation de signifier à la défenderesse, Hydro-Québec, un avis fondé sur le paragraphe 231.2(1) de la Loi pour exiger la fourniture de renseignements et la production de documents concernant un groupe de personnes non désignées nommément (demande péremptoire de renseignements), à savoir, les clients commerciaux d’Hydro-Québec assujettis au tarif G et au tarif M [la Demande 2019].

[2] Pour accueillir la demande de la Ministre, la Cour doit être convaincue que les conditions préalables à l’autorisation judiciaire prévues aux alinéas 231.2(3)(a) et (b) de la Loi sont satisfaites, soit que (a) le groupe est identifiable; et (b) la fourniture ou la production est exigée pour vérifier si les personnes de ce groupe ont respecté quelque devoir ou obligation prévu par la Loi. L’article 231.2 de la Loi est reproduit en annexe.

[3] La Demande 2019 n’est pas la première demande présentée à la Cour par la Ministre sous l’égide de l’article 231.2 de la Loi visant Hydro-Québec et, essentiellement, le même groupe de ses clients, puisqu’en 2017, la Ministre a présenté une première demande [la Demande 2017]. Hydro-Québec ne s’est alors pas objecté à la demande de la Ministre, n’a pas comparu et n’a conséquemment pas non plus déposé de représentations.

[4] Or, le 15 juin 2018, la Cour, sous la plume du juge Roy, a refusé d’émettre à la Ministre l’autorisation qu’elle sollicitait (Canada (Revenu national) c Hydro-Québec, 2018 CF 622 [Hydro-Québec 2018]). La Cour a conclu que la Demande 2017 ne rencontrait pas les exigences statutaires puisqu’elle ne fournissait pas un groupe identifiable au sens de l’alinéa 231.2(3)(a) de la Loi, et que les renseignements recherchés n’avaient pas un lien suffisamment fort avec la Loi, au sens de l’alinéa 231.2(3)(b), pour permettre une vérification. La Cour a ajouté que, même si elle avait conclu que les conditions statutaires du paragraphe 231.2(3) de la Loi avaient été rencontrées, elle aurait « […] tout de même refusé l’autorisation judiciaire à cause de l’ampleur de l’invasion demandée par le ministre » (Hydro-Québec 2018 au para 84). Dans la décision de 2018, la Cour a noté l’absence de contestation d’Hydro-Québec et a, considérant cette absence, exercé la vigilance nécessaire aux demandes faites ex parte.

[5] La Ministre n’a pas interjeté appel de la décision Hydro-Québec 2018, et cette dernière a conséquemment acquis force de chose jugée.

[6] Par ailleurs, en 2020, la Cour d’appel fédérale rend sa décision dans l’affaire Roofmart Ontario Inc c Canada (Revenu national), 2020 CAF 85 [Roofmart]. Elle rejette alors l’appel que Roofmart a logé à l’encontre de la décision de la Cour fédérale ayant accordé l’autorisation sollicitée par la Ministre. La Cour d’appel fédérale traite notamment de l’application du libellé clair et non équivoque d’une disposition de la Loi (Roofmart aux para 20-21) ainsi que de la décision Hydro-Québec 2018 en lien avec l’exigence du groupe identifiable (Roofmart aux para 36 à 42). Il n’est pas nécessaire de détailler les conclusions de la Cour d’appel fédérale à ce stade, sauf pour signaler que certaines conclusions infirment les propositions de mon collègue dans Hydro-Québec 2018. Ainsi, puisque je suis tenue de suivre les enseignements de la Cour d’appel fédérale (stare decisis), il est permis de croire que ma décision sur la Demande 2019 serait différente de celle de mon collègue sur la Demande 2017.

[7] Cependant, et tel que le soulève Hydro-Québec, avant d’évaluer le bien-fondé de la Demande 2019, il est nécessaire de déterminer si la décision Hydro-Québec 2018 a ou non, l’autorité de chose jugée entre les parties, ce qui mettrait fin à la Demande 2019. Après quelques hésitations, les parties ont confirmé à la Cour que cette question devait être examinée selon les principes de l’autorité de la chose jugée codifiée à l’article 2848 du Code civil du Québec, et non pas selon les principes des préclusions de la common law (concepts de res judicata, aussi appelée préclusion fondée sur la cause d’action déjà jugée, et d’issue estoppel aussi appelée préclusion découlant d’une question déjà tranchée, voir Timm c Canada, 2014 CAF 8 au para 25). Je suis d’accord avec les parties et souscris à la position énoncée par Hydro-Québec aux paragraphes 17 à 20 de ses prétentions écrites additionnelles. Je ne considérerai donc pas les arguments préalablement soulevés par les parties en lien avec les principes de préclusion de la common law (Commission scolaire de Victoriaville c Canada, [2002] ACI no 208 [Victoriaville]).

[8] Ainsi, et pour les raisons exposées ci-après, j’estime que la Ministre, dans sa Demande 2019, demande à la Cour de statuer sur une affaire identique par son objet, sa cause et ses parties à celle qui a été soumise au juge Roy et décidée dans Hydro-Québec 2018. Je conclus donc que la Demande 2019 doit être rejetée pour cause de chose jugée.

[9] En bref, je suis d’abord convaincue que le jugement de la Cour dans Hydro-Québec 2018 émane d'une instance compétente, décide d'une matière contentieuse, en dépit du fait qu’Hydro-Québec ne s’y soit pas opposé, et possède un caractère définitif. Ensuite, je suis aussi convaincue que le jugement Hydro-Québec 2018 et la Demande 2017 présentent les trois identités exigées par l’article 2848 du Code civil du Québec puisqu’ils opposent les mêmes parties au sujet du même objet et de la même cause.

 

II. L’autorité de la chose jugée

A. Article 2848 du Code civil du Québec

[10] L’article 2848 du Code civil du Québec prévoit que l’autorité de la chose jugée est une présomption absolue; elle n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement, lorsque la demande est fondée sur la même cause et mue entre les mêmes parties, agissant dans les mêmes qualités, et que la chose demandée est la même. Il s’agit d’un moyen de preuve et, une fois ses conditions d’application rencontrées, son effet est absolu et ne peut être repoussé par une preuve contraire.

[11] Tel que le souligne Hydro-Québec, l’autorité de la chose jugée préserve l’ordre public tout en protégeant des intérêts privés. Cette présomption empêche le renouvellement et la perpétuation des litiges, assure la stabilité des rapports sociaux et évite des jugements contradictoires (Catherine Piché et Jean-Claude Royer, La preuve civile, 6e éd, Cowansville (QC), Yvon Blais, 2020 au para 980). La Cour suprême du Canada a quant à elle signalé que « [l]a raison d'être de cette présomption légale irréfragable de validité des jugements est ancrée dans une politique sociale d'intérêt public visant à assurer la sécurité et la stabilité des rapports sociaux. L'inverse signifierait l'anarchie, avec la perspective de procès sans fin et de jugements contradictoires » (Roberge c Bolduc, [1991] 1 RCS 374 à la p 402 [Roberge]).

[12] Tel que l’a souligné la juge Roussel dans la décision Arial c Canada, 2017 CF 1124 [Arial] aux paragraphes 24 et 25, « [d]ans l’arrêt Roberge c Bolduc, [1991] 1 RCS 374 [Roberge], la Cour suprême du Canada interprète la portée du principe de l’autorité de la chose jugée. Pour qu’il y ait chose jugée, deux (2) types de conditions sont nécessaires: d’une part, les conditions relatives au jugement et, d’autre part, les conditions relatives à l’action. Quant au jugement, « le tribunal doit avoir compétence, le jugement doit être définitif et il doit avoir été rendu en matière contentieuse » (Roberge à la p 404). Quant à l’action, il doit y avoir triple identité, à savoir « identité de parties, d’objet et de cause » (Roberge à la p 409). Lorsque l’ensemble de ces conditions sont réunies, la présomption de l’autorité de la chose jugée est « absolue » selon l’article 2848 CcQ ».

[13] Dans son Précis de la preuve, le professeur Ducharme souligne que l’article 2848 du Code civil du Québec traite d’une présomption absolue particulière (Léo Ducharme, Précis de la preuve, 3e éd, Montréal, Wilson & Lafleur, 1986). Ainsi, les jugements définitifs d’un tribunal ayant juridiction civile au Québec et rendus en matières contentieuses bénéficient de la présomption absolue de l’autorité de la chose jugée. Le professeur Ducharme nous indique qu’un « […] jugement en matière contentieuse est celui par lequel un magistrat tranche un point contesté entre deux ou plusieurs adversaires » et que les jugements rendus en matières non contentieuses n’ont pas l’autorité de la chose jugée (Précis de la preuve au para 596). Par ailleurs, dans l’arrêt Roberge, la Cour suprême du Canada nous indique qu’un jugement, même rendu par défaut, peut avoir été rendu en matière contentieuse. Le fait que le défendeur n’ait pas offert de représentations n’en fait donc pas une affaire non contentieuse.

[14] La Cour suprême du Canada indique en effet dans Roberge à la page 407 que :

Même les jugements ex parte et par défaut peuvent être "définitifs" puisqu'ils arrivent à une conclusion et règlent l'affaire. Nadeau, dans "L'autorité de la chose jugée" (1963), 9 R.D. McGill 102, formule la proposition suivante, à la p. 107:

Ils [les jugements définitifs] peuvent avoir été rendus après contestation ou même par défaut, mais à la condition d'une assignation de la partie adverse…

Royer, op. cit., affirme pour sa part, au no 770, p. 284:

Il [le jugement définitif] peut aussi être rendu par défaut de comparaître ou de plaider, si le défendeur a été régulièrement assigné.

[15] La Ministre ne m’a pas convaincue que le jugement Hydro-Québec 2018 a été rendu en matière non-contentieuse du fait que Hydro-Québec ne se soit pas opposé à sa demande ou que le juge Roy ait référé à une procédure ex parte.

[16] Une triple identité est requise entre le premier jugement et la demande subséquente: identité des parties, identité de la cause et identité de l’objet.

[17] Un des effets de l’autorité de la chose jugée est d’empêcher que les moyens invoqués en demande dans un recours qui a été rejeté puissent être invoqués à nouveau dans une demande subséquente (Précis de la preuve au para 604). Contrairement à ce qui prévaut lorsque la Cour applique la doctrine de la préclusion de la common law, la Cour ne peut avoir recours à son pouvoir discrétionnaire pour refuser d’appliquer le principe de l’autorité de la chose jugée prévue au Code civil du Québec si les conditions sont rencontrées puisque ledit principe fait l’objet d’une codification (Timm c Canada, 2014 CAF 8 aux para 25-27; Arial au para 25).

[18] En l’espèce, il n’est pas contesté que les parties sont les mêmes et qu’il s’agit donc pour la Cour de déterminer s’il y a une même identité d’objet et une même identité de cause.

B. L’identité d’objet

(1) Principes

[19] L’objet d’une demande est le bénéfice juridique immédiat qu’on recherche en formant la demande, soit le droit dont on poursuit l’exécution. C’est le droit que le plaideur exerce, le bénéfice juridique immédiat qu’il veut faire reconnaître (Roberge aux pp 413-414; Arial au para 30). Pour déterminer « l’objet » d’une action, il y a lieu d’examiner à la fois la nature du droit dont l’exécution est poursuivie et le redressement ou le but recherché (Roberge à la p 414).

[20] Selon le professeur Ducharme et son ouvrage le Précis de la preuve, il faut que la chose demandée soit la même dans les deux causes. L’objet d’une instance, c’est le droit qu’on veut faire reconnaître. L’identité d’objet n’a pas à être absolue. Il suffit que le droit recherché dans une première action se trouve compris comme une partie nécessaire de la seconde demande (Roberge à la p 414; Rocois Construction Inc c Québec Ready Mix Inc, [1990] 2 RCS 440 [Rocois Construction]).

[21] À la page 414 de l’arrêt Roberge, la Cour suprême considère la décision Pesant c Langevin, (1926) 41 BR 412 [Pesant] comme l’arrêt de principe sur la question de l’identité d’objet. La Cour suprême cite le juge Rivard qui écrit, dans Pesant au paragraphe 37 :

L'objet d'une demande, c'est le bénéfice que l'on se propose d'obtenir en la formulant. L'identité matérielle, c'est‑à‑dire l'identité d'une même chose corporelle, n'est pas nécessairement exigée. Peut‑être force‑t‑on un peu le sens du mot "objet", mais on admet comme suffisante une identité abstraite de droit. "Cette identité de droit existe non seulement lorsque c'est exactement le même droit qui est réclamé sur la même chose ou sur quelqu'une de ses parties, mais encore lorsque le droit qui fait le sujet de la nouvelle demande ou de la nouvelle exception, sans être absolument identique à celui qui a fait l'objet du premier jugement, en forme néanmoins une partie nécessaire, y est virtuellement compris, comme en étant un démembrement, une suite ou une conséquence essentielle". En d'autres termes, si deux objets sont tellement connexes que les deux débats qui se font à leur sujet soulèvent la même question concernant l'accomplissement de la même obligation, entre les mêmes parties, il y a chose jugée. [Références omises.]

[22] Ainsi, la Cour suprême a spécifié qu’il y a identité d’objet si l’objet de la seconde action est semblable à celui de la première action ou en est la conséquence nécessaire, et il faut examiner non seulement la forme de la demande mais encore sa substance (voir aussi Ungava Mineral Exploration Inc c Mullan, 2008 QCCA 1354 [Ungava]).

[23] Il faut donc identifier l’objet du jugement Hydro-Québec 2018 et l’objet de la Demande 2019.

(2) Position des parties

[24] La Ministre soutient que l’objet de la Demande 2019, soit le droit immédiat ou le bénéfice qu’elle veut faire valoir, est l’obtention des renseignements sur les clients des tarifs G et M d’Hydro-Québec en 2021, pour vérifier si ces clients ont produit leur déclaration de revenus en 2020. En revanche, la Ministre soutient que l’objet ou le bénéfice recherché par la Ministre par sa Demande 2017, était d’obtenir des renseignements sur les clients d’Hydro-Québec en 2018, pour vérifier si ceux-ci avaient produit leur déclaration de revenus en 2017 (Victoriaville au para 107).

[25] Ainsi, selon la Ministre, l’objet de la Demande 2019 est nouveau puisque la Ministre y demande un droit identique, mais sur une chose différente (Roberge à la p 413; Nu-Pharm Inc c Trudel, 2002 CanLII 25078 (QC CS) aux para 6 et 7; Chaput c Cour du Québec, [1997] JQ no 5575 aux para 10 et 11; Trois-Rivières-Ouest (Ville) c Damphousse, [1993] RDJ 307 (QC CA) [Damphousse], Dominique-Legault c Service de police de la Ville de Montréal, 2019 QCCAI 254). La Ministre ajoute que, puisque les clients d’Hydro-Québec de 2021 sont différents de ceux de 2017, il n’y a pas chose jugée, car il s’agit de deux groupes différents. La Ministre souligne que le procureur d’Hydro-Québec a reconnu que le groupe est en constante évolution et qu’il varie dans le temps, et que la Demande 2019 a une portée plus grande que la Demande 2017 puisqu’à chaque jour des clients s’abonnent et d’autres se désabonnent. Au surplus, la Ministre souligne que le secteur résidentiel était exclu de la Demande 2017 alors qu’elle exige les renseignements sur ce secteur d’activité des tarifs G et M dans la Demande 2019. Enfin, la Ministre souligne que le groupe visé dans la demande n’est pas un objet implicite car le groupe est un objet en mouvance.

[26] Hydro-Québec répond que l’objet de la Demande 2019 est l’obtention de renseignements sur un groupe de personnes non nommément désignées, ici les clients des tarifs G et M d’Hydro-Québec, et que l’objet de la Demande 2017 était le même, soit également d’obtenir des renseignements sur un groupe de personnes non nommément désignées, les clients commerciaux d’Hydro-Québec. Ainsi, selon Hydro-Québec, l’objet des deux demandes est le même puisque, le groupe, bien que constitué à un autre moment est par sa nature, le même. Tel qu’indiqué à son dossier, Hydro-Québec souligne que le groupe, bien que nommé différemment, est le même dans les deux demandes et les renseignements demandés sont aussi les mêmes, à quelques exceptions près. Hydro-Québec allègue que la Ministre demande donc un même droit sur un même objet, soit le droit d’obtenir les renseignements à l’égard des personnes non nommément désignées du groupe. Elle précise que la composition matérielle du groupe, soit « l’identité des clients spécifique qui le constitue », n’a aucune pertinence dans la question qui doit être tranchée, et que cette information n’est d’ailleurs pas en preuve. Conséquemment, Hydro-Québec souligne qu’il n’y a aucune preuve à l’effet que la nature du groupe, de façon abstraite, a changé entre les deux demandes de la Ministre. Il s’agit du même groupe, et non de deux groupes distincts, à un moment différent (Doyon c Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec, 2007 QCCA 542 [Doyon]; Pesant).

[27] Hydro-Québec ajoute enfin que l’objet n’a pas à être « absolument identique » mais qu’il faut au moins que l’objet de la nouvelle demande forme « une partie nécessaire du jugement » (Deschênes c Agence du revenu du Canada, 2019 QCCA 446). Hydro-Québec précise qu’en l’instance, il est évident que l’objet de la Demande 2019 forme ainsi une partie nécessaire du jugement rendu dans Hydro-Québec 2018 et que cette conclusion est valable même si la portée de la Demande 2019 est élargie, comme c’est ici le cas, pour obtenir les clients résidentiels assujettis aux tarifs G et M.

(3) Décision

[28] Les parties s’entendent sur le fait que l’objet de chacune des demandes de la Ministre inclut à tout le moins l’obtention de renseignements sur un groupe de personnes non nommément désignés, soit généralement, les clients d’affaires d’Hydro-Québec.

[29] La Ministre ajoute cependant que l’objet de chaque demande vise une année en particulier, afin d’obtenir, en quelque sorte, une photographie dudit groupe à un moment donné. Selon la Ministre, c’est ce qui permet de distinguer l’objet du jugement de 2018 et celui de la Demande 2019.

[30] Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’objet de chacune des demandes est, tel que le présente Hydro-Québec, l’obtention de renseignements sur un groupe de personnes non nommément désignées, soit généralement, les clients d’affaires d’Hydro-Québec. Les éléments du dossier ne permettent pas de distinguer l’objet de la Demande de 2017, sur laquelle la Cour s’est prononcée dans Hydro-Québec 2018, de l’objet de la Demande 2019 présentement devant la Cour.

[31] Dans son mémoire des faits et du droit, Hydro-Québec dresse un tableau comparatif de la Demande 2017 et de la Demande 2019. Force est de conclure que le groupe de personnes non désignées nommément visé par la Ministre et les renseignements qu’elle demande, sont substantiellement les mêmes dans les deux demandes.

[32] Je reproduis ici une partie du tableau comparatif fourni par Hydro-Québec :

[en blanc]

1ère [sic] demande

Demande actuelle

Portée

« La liste de toutes les personnes morales ou physiques identifiées comme des clients commerciaux ou affaires, dont l’abonnement est assujetti à un tarif général »

« La liste de toutes les personnes morales ou physiques identifiées comme des clients des tarifs d’affaires G et M, à l’exclusion des clients de ces deux tarifs répertoriés dans le secteur institutionnel, soit le groupe visé. »

Exclusion

« à l’exclusion des personnes morales ou physiques assujetties au tarif « grande puissance » ainsi qu’à l’exclusion des personnes morales ou physiques qui sont assujetties aux tarifs domestiques de même que les organismes gouvernementaux (fédéraux, provinciaux et municipaux) »

« les personnes morales ou physiques assujetties au tarif domestique, les personnes morales assujetties au tarif « grande puissance ainsi que les organismes gouvernementaux (fédéraux, provinciaux et municipaux) ne sont pas visés par cette demande »

[33] Ce tableau met en évidence trois mêmes exclusions : les personnes morales ou physiques assujetties au tarif « grande puissance », celles assujetties au tarif domestique et les organismes gouvernementaux (fédéraux, provinciaux et municipaux).

[34] Dans la Demande 2017, les « clients commerciaux ou affaires, dont l’abonnement est assujetti à un tarif général » sont les mêmes clients que ceux définis dans la Demande 2019 comme les « clients des tarifs d’affaires G et M ». En effet, les tarifs généraux sont les tarifs G, M et LG. Le tarif LG est un tarif de grande puissance. Puisque les tarifs de grande puissance sont exclus de la Demande 2017, il ne reste que les tarifs G et M, comme c’est le cas dans la Demande 2019.

[35] La Demande 2019 a une exclusion supplémentaire, soit les clients des tarifs G et M répertoriés dans le secteur institutionnel. Les clients « institutionnels » sont synonymes d’entités gouvernementales au sens large, telles que les villes, les commissions scolaires, les hôpitaux et les écoles.

[36] Le libellé de la Demande 2019 de la Ministre et la preuve ne révèlent rien quant à l’année de constitution du groupe, ou encore quant à l’année fiscale que la Ministre souhaite vérifier en particulier.

[37] Rien n’indique que l’objet de la Demande 2019 est d’obtenir des renseignements sur les clients des tarifs G et M d’Hydro-Québec en 2021 pour vérifier si ces clients ont produit leur déclaration de revenus en 2020, ou que l’objet ou le bénéfice recherché par la Ministre dans sa Demande 2017 était d’obtenir des renseignements sur les clients d’Hydro-Québec en 2018 pour vérifier si ceux-ci avaient produit leur déclaration de revenus en 2017. La distinction formulée par la Ministre étant absente des demandes, cette dernière ne peut me convaincre que l’objet des deux demandes est différent sur cette base.

[38] Même en supposant que la composition du groupe ait effectivement changé au moins en partie d’une demande à l’autre, je ne peux souscrire à la position de la Ministre selon laquelle il n’y a pas d’identité d’objet parce que la composition matérielle du groupe est susceptible d’avoir changé entre les deux demandes.

[39] Tout d’abord, s’agissant d’une demande sous le paragraphe 231.2(3) de la Loi, les personnes du groupe sont non nommément désignées et l’identité des personnes, en l’occurrence des clients d’Hydro-Québec, n’était pas en preuve devant le juge Roy, et ne l’est pas non plus devant moi. L’identité des personnes ou la composition du groupe ne constitue pas un enjeu et la demande repose sur la description générique du « groupe ». Or, cette description est essentiellement la même dans les deux demandes, tel que mentionné plus haut.

[40] Ensuite, dans la décision de la Cour d’Appel du Québec Damphousse au paragraphe 12, citée par la Ministre, monsieur le juge Fish souligne que les deux requêtes ne sont pas identiques, que la plus récente contient des éléments nouveaux et que certains de ces éléments nouveaux suffisent pour conclure « qu’il n’y a pas d’identité de cause entre les deux requêtes ». Il ne traite pas de l’identité d’objet et cette décision ne nous est donc pas utile pour circonscrire l’identité d’objet.

[41] La décision Rocois Construction et la décision Doyon citée par Hydro-Québec paraissent plus utiles pour nous éclairer en l’instance. Dans la première, la nature de l’objet demeurait la même en dépit du fait que les montants réclamés étaient différents. Dans la deuxième, alors que l’appelant soutenait qu’il ne pouvait y avoir identité d’objet puisque « les conventions de mises en marché n’étaient pas les mêmes », la Cour d’appel du Québec souligne les principes suivants :

À cet égard, l'extrait suivant de l'arrêt Pesant c Langevin, précité, est pertinent :

En d'autres termes, si deux objets sont tellement connexes que les deux débats qui se font à leur sujet soulèvent la même question concernant l'accomplissement de la même obligation, entre les parties, il y a chose jugée. C'est ainsi qu'il y a des cas "où le mot "objet" désigne la question débattue dans le procès plutôt que la conséquence sur laquelle prononce en définitive le jugement; ou cette question se présente identique dans deux demandes, la diversité des conséquences n'empêche pas la chose jugée". L'identité de question peut donc suppléer au défaut d'identité corporelle de l'objet, lorsque l'intime liaison qui unit entre elles les deux instances est telle que le juge a pu prévoir, en décidant la question une première fois, la conséquence à propos de laquelle elle est soulevée une seconde fois.

[42] En l’espèce, le bénéfice juridique immédiat que la Ministre veut faire reconnaître dans sa Demande 2019, est celui d’obtenir la fourniture de renseignements concernant plus d’une personne non désignée nommément sous l’égide du paragraphe 231.2(3) de la Loi, en l’occurrence les clients d’affaires d’Hydro-Québec.

[43] Le bénéfice juridique immédiat que la Ministre voulait faire reconnaître dans sa Demande 2017, qui a fait l’objet d’un jugement de la Cour en 2018, était d’obtenir la fourniture de renseignements concernant les clients d’affaires d’Hydro-Québec (Hydro-Québec 2018 aux para 6 et 7).

[44] Je conclus que l’objet du jugement Hydro-Québec 2018 est identique à l’objet de la Demande 2019 présentement devant la Cour.

C. L’identité de cause

(1) Principes

[45] Citant le professeur Ducharme, la Cour d’appel du Québec définit la cause succinctement comme « le fait juridique ou matériel qui constitue le fondement direct et immédiat du droit réclamé » (Ungava au para 57).

[46] Aux pages 454 à 456 de l’arrêt Rocois Construction, la Cour suprême note que la notion d’identité de cause est extrêmement difficile à cerner. La Cour cite différentes définitions doctrinales de la cause et souligne celle élaborée dans l’ouvrage La preuve civile, soit que la cause est l'acte ou le fait principal qui constitue le fondement direct ou immédiat de la création, de la modification ou de l'extinction d'une obligation (Rocois Construction citant Jean-Claude Royer, La preuve civile, Cowansville (QC), Yvon Blais, 1987).

[47] La Cour suprême note aussi les définitions suivantes aux pages 416 à 417 de l’arrêt Roberge :

Les définitions de la cause proposées par la doctrine s'inscrivent dans un spectre dont les faisceaux vont de l'ensemble factuel brut d'une part, à la règle de droit abstraite potentiellement applicable d'autre part. Les expressions "fait principal qui constitue le fondement direct" du droit, "fait juridique qui a donné naissance au droit réclamé", "origine ou (…) principe générateur du droit réclamé" ou "source juridique de l'obligation", sont des tentatives visant à capturer par le langage la notion fuyante de cause sur le pont reliant l'ensemble factuel à la règle de droit dans le raisonnement juridique.

D'une part, il est clair qu'un ensemble de faits ne saurait en soi constituer une cause d'action. C'est la qualification juridique qu'on lui donne qui le transforme, le cas échéant, en un fait générateur d'obligations. Le fait détaché du domaine des obligations juridiques n'est pas significatif en soi et ne saurait constituer une cause; il ne devient fait juridique qu'en vertu d'une qualification qu'on lui attribue à la lumière d'une règle de droit. Le même ensemble de faits peut très bien se voir attribuer plusieurs qualifications donnant lieu à des causes parfaitement distinctes. Par exemple, le même geste peut être qualifié de meurtre dans une affaire et de faute civile dans une autre. Daniel Tomasin, dans son ouvrage intitulé Essai sur l'autorité de la chose jugée en matière civile (1975), a fort bien cerné cette réalité. Il écrit, à la p. 201:

Il peut arriver qu'un ou plusieurs faits puissent, au regard de certains textes, être qualifiés de façon différente. La qualification choisie pour aboutir à un résultat ayant été rejetée par un premier jugement, peut‑on alors, pour atteindre ce même résultat, se fonder sur une qualification différente? À suivre l'article 1351 C. civ., la réponse doit être positive car il y a absence (d'identité) de cause entre les deux demandes.

En règle générale, le même ensemble de faits est donc susceptible d'engendrer autant de causes d'action qu'il y aura de qualifications juridiques pouvant donner ouverture à un recours.

Il est également clair d'autre part qu'une règle de droit abstraite de la réalité factuelle ne saurait en elle‑même constituer une cause d'action. La règle de droit engendre la cause d'action lorsqu'on l'applique à un ensemble factuel donné; c'est par l'exercice intellectuel de la qualification, de la liaison entre le fait et le droit que la cause se révèle. Il serait certainement erroné d'assimiler la cause à une règle de droit sans égard à son application aux faits considérés. En conséquence, l'existence de deux règles de droit applicables comme fondement des droits du demandeur ne mène pas directement à la conclusion qu'il existe deux causes.

Bien entendu, l'existence de deux règles de droit applicables à un ensemble de faits engendre en pratique une dualité de causes dans la vaste majorité des situations parce que des règles distinctes commandent généralement des qualifications juridiques différentes. Mais ce n'est pas le fait qu'il y ait deux règles applicables qui est en soi déterminant; c'est la dualité des qualifications juridiques qui peuvent en découler. Lorsque l'essence de la qualification juridique des faits allégués est identique sous l'empire de l'une et l'autre des règles, on doit conclure à l'identité de cause. [Je souligne.]

[48] Dans l’arrêt Roberge, la Cour suprême convient aussi que, tel que le souligne la Ministre, la qualification dépendra du choix que l’on fait entre une conception plus générale de la cause (conception dite abstraite ou générale de la cause) et une conception plus restreinte (conception dite concrète ou spéciale de la cause). La Cour suprême semble alors favoriser la conception concrète, jugée plus rationnelle et moins susceptible de se confondre avec l’objet (Roberge à la p 418).

[49] Le fait d'adopter la notion étroite de cause a pour conséquence de restreindre l'application de l'autorité de la chose jugée et a « l'avantage de ne pas priver un justiciable du droit d'exercer un recours valable » (Victoriaville au para 89 citant Jean-Claude Royer, La preuve civile, 2e éd, Cowansville (QC), Yvon Blais, 1995 à la p 502).

(2) Position des parties

[50] La Ministre plaide en faveur d’une conception étroite de la cause, par opposition à une conception large et abstraite, et soutient que c’est cette conception étroite que la Cour suprême du Canada a retenue (Roberge à la p 418; Rocois Construction aux pp 454-456).

[51] La Ministre fait une analogie avec la décision Roberge et soutient que, même si la Demande 2019 peut viser en partie les mêmes clients et qu’elle a été signifiée à la partie défenderesse, il n’y a pas chose jugée car la Demande 2019 est effectuée pour l’exécution de son devoir de vérification dans une autre année fiscale. C’est donc, selon la Ministre, une deuxième demande distincte, dissociable et individualisée de la première demande, quoiqu’en apparence semblable.

[52] La Ministre soutient donc qu’il n’y a pas identité de cause, car la Demande 2019 ne répond pas aux mêmes buts que la Demande 2017. En effet, les demandes sont mues par des obligations différentes découlant de l’application respective de la loi en 2017 et en 2020 et de faits générateurs différents (Damphousse). La Ministre soutient qu’en appliquant le critère étroit de la cause du droit civil aux faits, la décision Hydro-Québec 2018 ne peut avoir l’autorité de la chose jugée sur la Demande 2019. Elle précise que cette vérité est encore plus criante dans le contexte du droit fiscal alors que la Loi oblige chaque contribuable à produire à chaque année une déclaration de revenus (paragraphe 150(1) de la Loi) et alors le législateur a conféré à la Ministre (tenue d’appliquer et d’exécuter la Loi selon le paragraphe 220(1) de la Loi) le pouvoir, à chaque année, d’exiger des renseignements des contribuables et donc de soumettre une demande d’autorisation sous le paragraphe 231.2(3) de la Loi. Selon la Ministre, il ne saurait y avoir une même identité de cause d’action puisque les conditions d’application du paragraphe 231.2(3) de la Loi sont tributaires du moment auquel la demande est effectuée.

[53] La Ministre soutient donc que la cause de la Demande 2019 est le besoin de vérification des renseignements de clients abonnés aux tarifs G et M en 2021 afin de valider s’ils ont produit leur déclaration de revenus pour l’année 2020, tandis que la cause de la Demande 2017 était tout autre. Il s’agissait de remplir le devoir de vérification de la Ministre pour l’année fiscale 2017 par l’entremise de renseignements sur les clients d’affaires d’Hydro-Québec en 2018.

[54] Hydro-Québec répond que dans le présent dossier, la Demande 2019 n’est pas individualisée; elle est indissociable de la Demande 2017. Hydro-Québec souligne à cet égard que la Ministre indique avoir pris acte du jugement de la Cour en 2018 et en avoir tenu compte dans l’élaboration de sa preuve en l’instance. Hydro-Québec compare certains éléments de chaque demande et allègue que le but recherché est le même. Elle soutient que l’objectif des deux demandes est d’obtenir des informations sur des clients commerciaux d’Hydro-Québec permettant de vérifier s’ils ont ou non, respecté leurs obligations en vertu de la Loi et qu’il est faux pour la Ministre de prétendre que les demandes visaient des années fiscales particulières. Au surplus, Hydro-Québec répond que le présent dossier ne porte pas sur le respect des obligations fiscales d’un contribuable pour une année précise. Il est plutôt question d’établir si les deux critères prévus par la Loi sont rencontrés. La question de l’année n’a pas d’incidence. Hydro-Québec ajoute que le fait pour la Ministre de modifier sa preuve ne permet pas de contourner l’application de l’autorité de la chose jugée.

(3) Décision

[55] Tel que le souligne la Cour suprême, la notion d’identité de cause est difficile à cerner. En l’espèce, retenant la conception restreinte, ou étroite, suggérée par la Ministre, je dois conclure qu’Hydro-Québec a établi que l’année ne constitue pas un élément de nature à individualiser les deux demandes ou à les dissocier. Si la cause de la demande est l’exécution du devoir de vérification, tel que le soumet la Ministre, rien n’indique que les demandes ciblent une année fiscale en particulier.

[56] Je souscris à la position d’Hydro-Québec à cet égard, telle qu’exprimée aux paragraphes 30 à 34 de ses prétentions écrites additionnelles. Je suis aussi convaincue que la jurisprudence établie par rapport à l’application récurrente de la Loi, ne nous est pas utile en l’espèce.

[57] Tel que le souligne Hydro-Québec, le présent dossier porte sur la question de savoir si les deux critères prévus par la Loi sont rencontrés, afin pour la Ministre d’obtenir des renseignements nécessaires à l’exécution de son devoir de vérification. Dans ses demandes, la Ministre n’a pas présenté l’année fiscale comme un facteur. L'essence de la qualification juridique des faits allégués des deux demandes est identique et on doit donc conclure à l'identité de cause.

[58] La Ministre soutient au passage que si, hypothétiquement, la Demande 2017 avait été autorisée, la Cour devrait tout de même se pencher sur la Demande 2019 pour vérifier si la Ministre rencontre les conditions statutaires à la lumière de la composition du groupe en 2019 et des besoins de vérifications de la Ministre.

[59] À cet égard, il faut à mon avis distinguer (1) l’obligation statutaire imposée à la Ministre d’obtenir l’autorisation de la Cour pour exiger de tiers la fourniture de renseignements sur des personnes non désignées nommément selon les termes du paragraphe 231.2(3) de la Loi; et (2) la décision de la Cour qui détermine si les deux conditions statutaires sont rencontrées.

[60] Ainsi, je conviens que, si la Demande 2017 avait été autorisée, la Ministre n’aurait pas été exemptée de l’obligation statutaire de demander l’autorisation de la Cour afin d’exiger, de nouveau d’Hydro-Québec, la fourniture de renseignements concernant le même groupe de clients d’affaires. Compte tenu de ma conclusion dans la présente affaire, je suis d’avis que la Cour saisie de la deuxième demande aurait été liée par les conclusions de la Cour sur la première demande quant aux deux conditions statutaires à rencontrer. Le Ministre serait tenu de présenter à nouveau une demande à la Cour, car il ne pourrait exiger les renseignements sans l’autorisation de la Cour. Cependant, le principe de la chose jugée sur le bien-fondé des critères et des faits présentés empêcherait alors la Cour de modifier les conclusions du jugement précédent.

D. Conclusion sur l’autorité de la chose jugée

[61] Je conclus que les conditions relatives à la chose jugée du Code civil du Québec sont rencontrées puisque la Cour a compétence, le jugement est définitif et il a été rendu en matière contentieuse.

[62] Tel que mentionné précédemment, les parties s’entendent qu’il y a identité de parties, et je conclus qu’il y a identité d’objet et identité de cause.

[63] La présomption prévue à l’article 2848 du Code civil du Québec s’applique et met conséquemment fin à la Demande 2019 de la Ministre.

III. Preuve complémentaire et abus de droit

[64] La Ministre soutient que la nouvelle preuve déterminante administrée de part et d’autre dans la présente demande la différencie de la première demande, mais ne précise pas comment cette constatation ou encore si cette constatation a un impact sur l’application de l’autorité de la chose jugée. Je note au passage que cette preuve complémentaire aurait effectivement été utile pour évaluer le bien-fondé de la Demande 2019 si cette évaluation avait été complétée. Cependant, rien n’indique qu’elle permette d’éviter l’application de la présomption absolue prévue à l’article 2848 du Code civil du Québec.

[65] Je souscris à la position d’Hydro-Québec en lien avec la discrétion de la Cour qui a pour but d’assurer que la Ministre n’abuse pas de son droit d’exiger des renseignements. Le fait que ce pouvoir existe pour sanctionner l’abus n’empêche pas la Cour d’appliquer l’autorité de la chose jugée lorsque les critères sont rencontrés.

IV. Conclusion

[66] La demande de la Ministre pour signifier à Hydro-Québec la demande de renseignements jointe au projet d’ordonnance soumis à l’onglet K du dossier de la Ministre, est rejetée.

[67] Les dépens seront accordés en faveur d’Hydro-Québec.


JUGEMENT dans T-1329-19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de la Ministre est rejetée; et

  2. Les dépens sont accordés en faveur d’Hydro-Québec.

« Martine St-Louis »

Juge


[68] L’article 231.2 de la Loi prévoit :

Production de documents ou fourniture de renseignements

Requirement to provide documents or information

231.2 (1) Malgré les autres dispositions de la présente loi, le ministre peut, sous réserve du paragraphe (2) et, pour l’application ou l’exécution de la présente loi (y compris la perception d’un montant payable par une personne en vertu de la présente loi), d’un accord international désigné ou d’un traité fiscal conclu avec un autre pays, par avis signifié ou envoyé conformément au paragraphe (1.1), exiger d’une personne, dans le délai raisonnable que précise l’avis :

231.2 (1) Notwithstanding any other provision of this Act, the Minister may, subject to subsection (2), for any purpose related to the administration or enforcement of this Act (including the collection of any amount payable under this Act by any person), of a listed international agreement or, for greater certainty, of a tax treaty with another country, by notice sent or served in accordance with subsection (1.1), require that any person provide, within such reasonable time as is stipulated in the notice,

a) qu’elle fournisse tout renseignement ou tout renseignement supplémentaire, y compris une déclaration de revenu ou une déclaration supplémentaire;

(a) any information or additional information, including a return of income or a supplementary return; or

b) qu’elle produise des documents.

(b) any document.

Avis

Notice

(1.1) L’avis visé au paragraphe (1) peut être :

(1.1) A notice referred to in subsection (1) may be

a) soit signifié à personne;

(a) served personally;

b) soit envoyé par courrier recommandé ou certifié;

(b) sent by registered or certified mail; or

c) soit envoyé par voie électronique à une banque ou une caisse de crédit qui a consenti par écrit à recevoir les avis visés au paragraphe (1) par voie électronique.

(c) sent electronically to a bank or credit union that has provided written consent to receive notices under subsection (1) electronically.

Personnes non désignées nommément

Unnamed persons

(2) Le ministre ne peut exiger de quiconque — appelé « tiers » au présent article — la fourniture de renseignements ou production de documents prévue au paragraphe (1) concernant une ou plusieurs personnes non désignées nommément, sans y être au préalable autorisé par un juge en vertu du paragraphe (3).

(2) The Minister shall not impose on any person (in this section referred to as a “third party”) a requirement under subsection 231.2(1) to provide information or any document relating to one or more unnamed persons unless the Minister first obtains the authorization of a judge under subsection 231.2(3).

Autorisation judiciaire

Judicial authorization

(3) Sur requête du ministre, un juge de la Cour fédérale peut, aux conditions qu’il estime indiquées, autoriser le ministre à exiger d’un tiers la fourniture de renseignements ou la production de documents prévues au paragraphe (1) concernant une personne non désignée nommément ou plus d’une personne non désignée nommément — appelée « groupe » au présent article —, s’il est convaincu, sur dénonciation sous serment, de ce qui suit :

(3) A judge of the Federal Court may, on application by the Minister and subject to any conditions that the judge considers appropriate, authorize the Minister to impose on a third party a requirement under subsection (1) relating to an unnamed person or more than one unnamed person (in this section referred to as the “group”) if the judge is satisfied by information on oath that

a) cette personne ou ce groupe est identifiable;

(a) the person or group is ascertainable; and

b) la fourniture ou la production est exigée pour vérifier si cette personne ou les personnes de ce groupe ont respecté quelque devoir ou obligation prévu par la présente loi;

(b) the requirement is made to verify compliance by the person or persons in the group with any duty or obligation under this Act.

c) et d) [Abrogés, 1996, ch. 21, art. 58(1)]

(c) and (d) [Repealed, 1996, c. 21, s. 58(1)]

(4) à (6) [Abrogés, 2013, ch. 33, art. 21]

(4) to (6) [Repealed, 2013, c. 33, s. 21]

[Je souligne.]


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

T-1329-19

INTITULÉ :

LA MINISTRE DU REVENU NATIONAL c HYDRO-QUÉBEC

LIEU DE L’AUDIENCE :

montréal (québec) par vidéoconférence

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 septembre 2021

JUGEMENT ET motifs :

LA JUGE ST-LOUIS

DATE DES MOTIFS :

LE 20 décembre 2021

COMPARUTIONS :

Me Martin Lamoureux

Pour la demanderesse

Me William Moran

Pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour la demanderesse

Hydro-Québec – Affaires juridiques

Montréal Québec)

Pour la défenderesse

 

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