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Date : 20211221


Dossier : IMM-1341-20

Référence : 2021 CF 1455

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 21 décembre 2021

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

AREZOU ZOLFAGHARIAN

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. APERÇU

[1] La demanderesse sollicite, au titre de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR ou la Loi), le contrôle judiciaire d’une décision par laquelle un agent des visas d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a rejeté sa demande de visa de résident temporaire au motif qu’elle avait fait de fausses déclarations et soumis des documents frauduleux à l’appui de sa demande. Pour les motifs exposés ci-après, je juge que la décision est raisonnable et suis d’avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire.

II. CONTEXTE

[2] Arezou Zolfagharian (la demanderesse), âgée de 35 ans, est citoyenne de l’Iran. Son frère et sa famille vivent à Richmond Hill, en Ontario. Elle a fait de nombreux voyages, dont au Canada, et, mis à part les événements décrits ci-après, rien n’indique qu’elle a déjà omis de respecter les lois et les conditions auxquelles elle était assujettie.

[3] Le ou vers le 22 octobre 2019, la demanderesse a présenté une demande de visa de résident temporaire avec le concours d’un agent de voyages. Sa demande comprenait des relevés bancaires qui, après inspection, ont été jugés frauduleux par un agent d’immigration (l’agent), ce que la banque a confirmé par écrit le 28 octobre 2019.

[4] Le 30 octobre 2019, l’agent a envoyé à la demanderesse une lettre d’équité procédurale (la LEP) dans laquelle il a décrit ses préoccupations, à savoir que les relevés bancaires de la demanderesse étaient frauduleux et que cela pourrait donner lieu à une interdiction de territoire aux termes de l’article 40 de la LIPR. Dans la LEP, l’agent a inclus le libellé de l’article 40 et a averti la demanderesse du fait qu’une conclusion d’interdiction de territoire entraînerait une période d’interdiction de territoire de cinq ans au Canada. Dans la lettre, l’agent a aussi offert à la demanderesse l’occasion de répondre à ses préoccupations dans un délai de 30 jours.

[5] Le 20 novembre 2019, la demanderesse a répondu à la LEP, expliquant qu’elle n’était pas au courant des problèmes liés aux documents, que son avocat avait déposés. Dans sa lettre d’explication (la lettre), elle a déclaré ceci : [traduction] « Le relevé bancaire de Mellat Bank que je vous ai transmis était celui de mon compte auxiliaire. J’ai téléversé le relevé de mon compte principal et l’ai joint à la présente pour vous. » Elle a également indiqué ceci : [traduction] « Je n’étais sincèrement pas au courant de ce problème jusqu’à ce que je prenne connaissance de votre lettre procédurale et que j’aille consulter mon avocat à ce sujet. Je n’aurais jamais pris le risque de mettre un faux relevé bancaire ou un relevé de compte de banque auxiliaire. J’ignorais totalement ce problème et j’en suis sincèrement désolée. »

[6] Dans des notes consignées dans le Système mondial de gestion des cas le 18 décembre 2019, un agent de réexamen a examiné la réponse de la demanderesse, a noté qu’elle prétendait qu’elle ne savait pas que les documents étaient frauduleux, mais a néanmoins recommandé le rejet de la demande au motif qu’il incombait à la demanderesse de s’assurer que ses documents étaient authentiques.

III. DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[7] Le 20 décembre 2019, l’agent a souscrit à la recommandation de l’agent de réexamen et a conclu que la demanderesse avait fait une présentation erronée sur un fait important qui aurait pu entraîner une erreur dans l’application de la LIPR. La demanderesse a été déclarée interdite de territoire pendant une période de cinq ans et sa demande de visa a été rejetée, comme l’en a informé une lettre de refus datée du 23 décembre 2019 (la décision contestée). Selon la décision contestée, la demanderesse s’était vu offrir l’occasion de s’expliquer, mais n’a pas été capable de le faire de façon à dissiper les doutes.

IV. ANALYSE

[8] En l’espèce, la seule question à trancher est celle de savoir s’il était raisonnable de la part de l’agent de conclure que la demanderesse avait fait une présentation erronée sur un fait important aux termes de l’article 40 de la LIPR.

[9] Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable à la décision d’un agent des visas est celle de la décision raisonnable. L’arrêt de la Cour suprême du Canada Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], qui établit un cadre révisé pour déterminer la norme de contrôle, ne justifie pas de s’écarter de la norme de la décision raisonnable appliquée dans la jurisprudence (Tran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1054 au para 16). La Cour qui effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable examine de près la décision du décideur pour établir si elle possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si elle est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci (Vavilov, au para 99).

[10] Bien que les décideurs administratifs ne soient pas tenus de procéder à une interprétation formaliste de la loi, lorsqu’ils interprètent une disposition contestée, ils doivent le faire de façon conforme à son texte, à son contexte et à son objet. L’existence de jurisprudence pertinente à l’égard de la disposition en question a pour effet de circonscrire l’éventail des issues raisonnables, et toute dérogation à un précédent contraignant doit être expliquée (Vavilov, aux para 112, 119-121).

[11] La présente demande concerne également l’application des articles 16 et 40 de la LIPR. Le paragraphe 16(1), qui porte sur l’obligation des demandeurs de répondre véridiquement, et le paragraphe 40(1), qui traite des fausses déclarations, se trouvent à l’annexe A des présents motifs. La demanderesse soutient qu’elle n’a pas fait de présentation erronée sur un fait important et que, à la lumière de l’ensemble de la preuve, il était déraisonnable de la part de l’agent de conclure le contraire.

[12] Avant de me pencher sur les arguments de la demanderesse, je juge utile de mentionner que la demanderesse a produit un affidavit à l’appui du présent contrôle judiciaire, dans lequel elle déclare avoir été sous le choc lorsqu’elle a reçu la LEP, car elle ne savait absolument pas de quoi parlait l’agent. Elle jure qu’elle n’a eu aucune intention de faire de fausses déclarations et qu’elle a seulement examiné et approuvé des documents légitimes. Elle s’est donc sentie trahie par son agent de voyages qui, selon elle, aurait remplacé ses documents à son insu et sans son consentement. Elle admet aussi qu’elle aurait dû demander de l’aide pour préparer la lettre en réponse à la LEP. Plus précisément, elle déclare, au paragraphe 19 de son affidavit, qu’elle [traduction] « n’a peut-être pas pu expliquer ce qui est arrivé en détail » dans cette lettre.

[13] Il y a deux points à souligner. D’abord, je remarque qu’il y a des différences dans les explications qu’elle a fournies dans sa lettre et dans son affidavit (décrites plus en détail ci-après aux paragraphes 28 et 29). L’avocat de la demanderesse a concédé qu’il y avait des incohérences dans ces deux documents explicatifs rédigés par la demanderesse, mais a soutenu que, en fin de compte, la demanderesse avait été franche et n’avait jamais tenté de renchérir sur les fausses déclarations ou d’induire le bureau des visas en erreur et que, en effet, elle n’avait aucune raison de le faire comme le donne à penser ses antécédents de voyage.

[14] Cette position me pose problème, car la demanderesse a d’abord déclaré dans sa lettre que le document contesté était un relevé de compte bancaire « auxiliaire » que son avocat avait inclus par erreur et elle n’a pas fourni d’explication. Quelques mois plus tard, dans son affidavit, elle impute l’entière responsabilité à l’égard du document bancaire frauduleux à son agent de voyages/consultant en visa. Comme nous le verrons, la question de savoir si un demandeur a, directement ou indirectement, fait une présentation erronée sur un fait, ou une réticence sur ce fait, n’en est pas une d’intention ou de motivation.

[15] De plus, je souligne que l’explication fournie dans l’affidavit n’avait pas été soumise à l’agent qui a conclu à l’existence de fausses déclarations. Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, mon rôle est d’établir si la décision de l’agent était raisonnable à la lumière des faits portés à sa connaissance. Par conséquent, il ne m’appartient pas d’émettre des hypothèses sur la décision qui aurait été rendue si l’affidavit de la demanderesse avait été fourni à l’agent des visas au lieu, ou en plus, de la lettre dont il disposait.

[16] Dans le cadre de mon contrôle, je dois plutôt me contenter d’établir si l’application du droit et la décision de l’agent étaient raisonnables à la lumière des faits portés à sa connaissance. En d’autres termes, mon rôle consiste à établir s’il était raisonnable de la part de l’agent de conclure que la demanderesse a fait une présentation erronée sur un fait important qui risque d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi.

[17] Selon la demanderesse, en l’absence de mens rea, ou d’intention coupable, il est impossible qu’elle ait fait, activement ou passivement, une présentation erronée sur un quelconque fait. À l’appui de cet argument, elle invoque deux décisions : Osisanwo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1126, [Osisanwo] aux para 8-15, et Lamsen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 815 [Lamsen].

[18] La demanderesse fait également valoir que, compte tenu i) des nombreux voyages qu’elle a faits partout dans le monde et des visas qu’elle a reçus de divers pays par le passé, dont le Canada, ii) du fait qu’elle a respecté les conditions d’admission au Canada, iii) de ses liens familiaux au Canada, et iv) de son excellente situation financière et professionnelle, elle n’avait simplement aucune raison ou aucun motif logique de faire une présentation erronée. En effet, elle soutient que, si l’agent avait examiné l’ensemble de la preuve documentant ces quatre attributs de sa demande, il aurait tiré une conclusion différente.

[19] Bien que je comprenne qu’il est difficile pour la demanderesse d’essuyer un refus compte tenu de son dossier d’immigration apparemment sans tache et de son excellente situation professionnelle et financière, ainsi que du fait qu’elle venait visiter des membres de sa famille au Canada, je ne suis pas d’avis qu’il existait une seule conclusion raisonnable, compte tenu des documents frauduleux qui accompagnaient sa demande. En effet, en tant que preuve de sa situation financière, ses relevés bancaires sont importants et pertinents aux fins de l’examen d’une demande de visa de résident temporaire et, à ce titre, risquent d’entraîner une erreur dans la décision de l’agent ou, comme le prévoit la LIPR, dans l’application de la Loi.

[20] Après tout, la jurisprudence de la Cour a toujours reconnu que, comme point de départ, il faut donner à l’article 40 de la Loi l’interprétation large que son libellé exige (voir, par exemple, Goudarzi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 425 [Goudarzi] au para 33; Jiang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 942 [Jiang] aux para 35-36; Ragada c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 639 [Ragada] au para 17). Selon le libellé de la Loi, emporte interdiction de territoire le fait de, « directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important » [non souligné dans l’original].

[21] De plus, dans de nombreuses affaires, la Cour a conclu que l’article 40 peut s’appliquer même lorsque la fausse déclaration a été faite par une autre partie à la demande et que le demandeur n’en avait, ou prétend n’en avoir eu, aucune connaissance (Goudarzi, au para 33; Jiang, au para 35; Ragada, au para 19; Paashazadeh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 327 [Paashazadeh] au para 18). Pour reprendre les mots maintes fois cités de la Cour, l’objet de l’article 40 « est de faire en sorte que les demandeurs fournissent des renseignements complets, fidèles et véridiques en tout point lorsqu’ils présentent une demande d’entrée au Canada » (Jiang, au para 36). La disposition vise aussi à dissuader les fausses déclarations (Ragada, au para 29; Paashazadeh, au para 25).

[22] Comme l’a expliqué le juge O’Reilly dans la décision Baro c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1299, « [m]ême une omission innocente de fournir des renseignements importants peut mener à une conclusion d’interdiction de territoire » (para 15). La Cour a ensuite fait mention d’une exception restreinte qui peut s’appliquer « si les demandeurs peuvent montrer qu’ils croyaient honnêtement et raisonnablement ne pas dissimuler des renseignements importants » (para 15, non souligné dans l’original). Cette exception tire son origine d’un arrêt de la Cour d’appel fédérale, Medel c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] A.C.F. no 318 [Medel]. Elle est peu appliquée par notre Cour et ne vise pas les cas où le demandeur a omis d’examiner sa demande pour s’assurer de son exactitude (Goudarzi, aux para 36-37).

[23] La demanderesse s’appuie fortement sur deux décisions, soit i) Osisanwo et ii) Lamsen. Dans la première affaire, où un test d’ADN avait révélé que le demandeur n’était pas le père naturel de l’enfant nommé, les agents ont conclu que l’acte de naissance accompagnant la demande (selon lequel M. Osisanwo était le père) était frauduleux, sans demander d’explication aux demandeurs. Un affidavit déposé à l’appui de la demande de contrôle judiciaire a révélé que, lors d’une brève séparation durant les 42 années de mariage du couple, la femme avait eu des relations intimes avec un autre homme. Cependant, le couple ignorait que le mari n’était pas le père naturel de l’enfant, et la preuve au dossier donnait à penser qu’il avait accepté et élevé l’enfant comme s’il était le sien.

[24] Dans cette affaire, la Cour fédérale a conclu qu’il n’y avait aucune raison de conclure à l’existence d’une intention délibérée d’induire en erreur et a accueilli la demande. Après avoir examiné la jurisprudence, dont la décision Medel, la Cour a jugé que les conclusions de fausses déclarations comportaient un élément subjectif dans certains cas, et a conclu ainsi : « [i]ci, le mari et la femme croyaient que l’enfant était d’eux; un acte de naissance l’affirme. Il n’y avait aucune raison de conclure à l’existence d’une intention délibérée d’induire en erreur. » (Osisanwo, au para 15). Les faits de l’affaire Osisanwo sont très particuliers et, bien qu’ils s’inscrivent dans l’exception restreinte à une conclusion de fausses déclarations aux termes de l’article 40, ils ne ressemblent en rien aux faits en l’espèce.

[25] Les faits de l’affaire Lamsen se distinguent aussi de ceux en l’espèce. Dans cette affaire, même s’il y avait eu une erreur dans une partie de la demande, les faits avaient été correctement énoncés dans d’autres parties, et la Cour a conclu que cela ne pouvait pas être raisonnablement considéré comme une fausse déclaration dans les circonstances (voir aussi Alalami c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 328 au para 19).

[26] Comme l’a rappelé la demanderesse en l’espèce, les demandes de visa doivent être analysées dans leur ensemble, et non de façon compartimentée, surtout en raison des conséquences graves d’une conclusion de fausse déclaration. C’est précisément ce que la Cour a indiqué aux paragraphes 23 à 25 de la décision Lamsen. Bien que la Cour ait noté que la demanderesse s’était appuyée sur la décision Osisanwo, la question de l’intention coupable n’avait eu aucune incidence sur l’issue de l’affaire Lamsen étant donné que la demanderesse avait révélé les renseignements pertinents. La décision Lamsen, tout comme la décision Osisanwo, n’est donc d’aucune utilité pour la demanderesse.

[27] Je juge que les faits de l’espèce ressemblent beaucoup plus à ceux de l’affaire Goudarzi, dans laquelle le consultant que les demandeurs avaient engagé avait inclus, à leur insu, un résultat de test de langue frauduleux dans leur demande d’immigration. Dans l’affaire Goudarzi, la demanderesse a allégué qu’elle n’avait jamais reçu de copie des formulaires transmis et n’était pas au courant du faux document, et elle l’a indiqué dans sa réponse à une lettre d’équité procédurale. La juge Danièle Tremblay-Lamer a examiné l’affirmation des demandeurs selon laquelle ils n’avaient aucune connaissance de la fausse déclaration et que le caractère frauduleux du consultant devrait constituer un moyen de défense. La Cour a finalement rejeté cet argument en raison de l’obligation de franchise des demandeurs (Goudarzi, au para 42) :

En l’espèce, les demandeurs ont décidé de s’en remettre à leur consultant. La demanderesse principale prétend qu’on ne lui a pas donné l’occasion d’examiner sa demande. Il serait contraire à l’obligation de franchise imposée aux demandeurs de permettre à la demanderesse principale de faire maintenant valoir qu’elle n’a pas examiné sa propre demande. C’était à elle qu’il incombait de veiller à ce que sa demande soit véridique et complète – elle a fait preuve de négligence dans l’exécution de cette obligation.

[28] En l’espèce, même si elle a insisté sur le fait qu’elle n’était pas au courant de la situation, la demanderesse, après avoir été informée du document frauduleux et avoir eu la chance de répondre, a omis d’expliquer la situation dans sa lettre. Comme je l’ai mentionné ci-dessus, l’explication qu’elle a fournie dans sa lettre n’est pas la même que celle qu’elle présente maintenant à la Cour dans son affidavit. Dans sa lettre, la demanderesse a prétendu qu’elle n’était pas au courant du problème, que le document en question était un relevé de compte bancaire auxiliaire qu’elle avait fourni et que c’était son avocat qui avait rempli les formulaires et commis une erreur. Elle n’a pas mentionné l’agent de voyages auquel elle fait référence dans son affidavit. Elle n’a même pas explicitement reconnu l’existence des documents frauduleux dans sa lettre, et encore moins expliqué comment ils s’étaient retrouvés dans sa demande.

[29] Elle a avoué dans son affidavit que l’explication qu’elle avait fournie dans sa lettre était inadéquate. Même si la situation découlait de l’ignorance plutôt que de la supercherie, la lettre semble laisser entendre que les faux relevés étaient en fait légitimes, mais provenaient d’un [traduction] « compte auxiliaire » à la banque. Cette explication aurait pu, en soi, induire l’agent en erreur dans l’application de la Loi s’il n’avait pas reçu une confirmation écrite de la banque selon laquelle les relevés étaient frauduleux. Ainsi, sa conviction selon laquelle elle ne cachait pas de renseignements était peut-être sincère, mais elle n’était pas raisonnable.

[30] Il était donc tout à fait raisonnable de la part de l’agent de conclure que la demanderesse n’avait pas répondu à ses préoccupations. La demanderesse était tenue par son obligation de franchise d’établir exactement ce qui s’était passé et de fournir une explication claire à l’agent afin de répondre à ses préoccupations. Il lui incombait également d’examiner elle-même l’ensemble de la demande afin de s’assurer de son exactitude. Malheureusement, elle a manqué à ces deux obligations.

[31] Essentiellement, je ne peux pas souscrire à la position de la demanderesse en l’espèce en raison de deux problèmes fondamentaux. Premièrement, conclure que l’agent a été négligent dans le cadre de son enquête ou de son suivi (malgré la LEP envoyée à la demanderesse) équivaudrait à inverser le fardeau prévu aux articles 11 et 16 de la Loi et à imposer une charge indue aux agents examinateurs lorsqu’ils sont confrontés à des documents incontestablement frauduleux. Les agents des visas seraient alors tenus d’exercer une fonction inquisitoire et de chercher la preuve d’un motif douteux ou la source de la méprise d’un demandeur avant de rejeter une demande. Ni la loi ni la jurisprudence ne leur imposent ce fardeau.

[32] Deuxièmement, si l’article 40 de la Loi devait être interprété de manière à ce que les demandeurs puissent se prémunir de son effet en confiant aveuglément leurs demandes à des consultants, je ne vois pas comment cette disposition réussirait à dissuader les fausses déclarations et à garantir que les demandeurs fournissent des renseignements complets, fidèles et véridiques. Il incombe plutôt aux demandeurs d’examiner minutieusement leur demande, dont les pièces jointes, faute de quoi ils devront assumer les conséquences.

V. Conclusion

[33] Contrairement à ce qu’affirme la demanderesse dans ses observations, il n’incombait pas à l’agent d’évaluer quel aurait pu être le motif de la demanderesse pour faire de fausses déclarations compte tenu de ses antécédents de voyage et de travail autrement excellents. L’agent devait plutôt faire part de ses préoccupations à la demanderesse et lui donner l’occasion d’y répondre, ce qu’il a fait. Aussi difficile soit la conclusion pour la demanderesse en raison de ses antécédents de voyage et de travail, je juge que l’interprétation de la Loi par l’agent et sa décision étaient transparentes, intelligibles et justifiées au regard des faits et du droit, y compris la jurisprudence de notre Cour. Je rejetterai donc la demande.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM-1341-20

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Les parties n’ont proposé aucune question à certifier, et je conviens que la présente affaire n’en soulève aucune.

  3. Aucuns dépens ne seront adjugés.

« Alan S. Diner »

Juge

Traduction certifiée conforme

Philippe Lavigne-Labelle


Annexe « A » du présent jugement dans le dossier IMM-1341-20

Obligation du demandeur

Obligation — answer truthfully

16 (1) L’auteur d’une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les visa et documents requis.

16 (1) A person who makes an application must answer truthfully all questions put to them for the purpose of the examination and must produce a visa and all relevant evidence and documents that the officer reasonably requires.

Fausses déclarations

Misrepresentation

40 (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

40 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation

a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi;

(a) for directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter that induces or could induce an error in the administration of this Act;

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-1341-20

 

INTITULÉ :

AREZOU ZOLFAGHARIAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 DÉCEMBRE 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

DATE DES MOTIFS :

Le 21 décembre 2021

COMPARUTIONS :

Justin Thind

POUR LA DEMANDERESSE

Jessica Ko

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Singh Thind & Associates

Surrey (Colombie-Britannique)

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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