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Date : 20020122

Dossier : IMM-232-01

Référence neutre : 2002 CFPI 68

ENTRE :

                                                                     YANQIU WANG

                                                                                                                                             Demanderesse

ET :

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                     Défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de l'agente des visas, en date du 4 décembre 2000, dans laquelle la demande d'un permis de séjour pour étudiants de la demanderesse a été refusée. La demanderesse sollicite une ordonnance qui casserait la décision de l'agente des visas et qui renverrait l'affaire afin qu'elle soit examinée à nouveau par un autre agent des visas.

[2]                 La demanderesse est une diplômée de l'école secondaire, âgée de 19 ans, et une citoyenne de la République populaire de Chine. Elle a présenté une demande pour un permis de séjour pour étudiants en septembre 1999. Toutefois, sa première demande a été refusée. La demanderesse s'est adressée à la présente Cour pour demander le contrôle judiciaire de ladite décision. Cette procédure s'est soldée par une ordonnance sur consentement en vertu de laquelle sa demande a été renvoyée à l'ambassade du Canada à Beijing en vue d'un réexamen. Dans le cadre de ce réexamen, la demanderesse a eu une entrevue avec une autre agente des visas, le 9 août 2000, avec l'aide d'un interprète du mandarin.

[3]                 Dans son plan d'études, la demanderesse a indiqué que son but, en venant au Canada, était d'apprendre l'anglais et de poursuivre ensuite des études universitaires en informatique. Elle a demandé un permis de séjour pour étudiants de 4 ans et demi. Sa demande comprenait également une lettre d'acceptation dans un programme d'un an, mettant l'accent sur l'anglais langue seconde, provenant de la Regent Christian Academy. Elle a exprimé son intérêt à faire carrière en informatique.


[4]                 Au cours de l'entrevue, l'agente des visas a posé des questions à la demanderesse concernant son plan d'études, la façon dont elle prévoyait financer ses études ainsi que la pertinence de ses études en vue d'une carrière en Chine. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi elle avait choisi l'informatique, la demanderesse a affirmé que cela était important pour le développement de la Chine. Lorsqu'on lui a demandé les caractéristiques de son ordinateur à la maison, elle a mentionné un logiciel et Internet et elle a dit qu'elle [traduction] « ne l'utilisait pas beaucoup, mais que ses parents l'utilisaient pour écrire » . Lorsque l'agente des visas a demandé quel genre de poste elle obtiendrait à son retour en Chine avec un diplôme universitaire, elle a affirmé que le diplôme serait très utile pour les sociétés étrangères et qu'elle obtiendrait un emploi en informatique. En ce qui a trait au type d'emploi disponible dans le domaine, elle a mentionné la conception de programmes et leur mise en oeuvre dans Internet.

[5]                 À la fin de l'entrevue, l'agente des visas a demandé à la demanderesse de lui fournir un certificat de placement temporaire, puisque le précédent n'était plus valide. Elle a également demandé aux membres du personnel de l'ambassade de vérifier le revenu des parents de la demanderesse. Ils n'ont cependant pas été en mesure de le faire. L'agente des visas a donc demandé qu'une lettre soit envoyée à la demanderesse déclarant que la demanderesse avait faussement représenté les détails relatifs à l'emploi de ses parents et indiquant que l'agente des visas était préoccupée par la bonne foi de la demanderesse. La lettre, datée du 19 octobre 2000, énonce, en partie, ce qui suit :

[traduction]

Vous n'avez pas été en mesure de me convaincre que vous aviez des connaissances ou un intérêt suffisant en informatique. Vous avez mentionné que vous n'utilisiez pas beaucoup votre ordinateur à la maison. Vos réponses au sujet de vos perspectives d'emploi après des études dans ce domaine n'étaient pas claires ou détaillées. Je suis préoccupée quant à savoir si vous êtes véritablement une étudiante.


[6]                 La demanderesse s'était alors vue accorder un délai de trente jours pour répondre aux préoccupations de l'agente des visas. L'avocat de la demanderesse, Lu Chan, a répondu en son nom. Il a mentionné que les sociétés n'étaient pas toutes répertoriées dans l'annuaire téléphonique « 114 » de la Chine et il a fourni plus de renseignements relativement à l'emploi des parents de la demanderesse. Il a également affirmé que l'intérêt de la demanderesse pour étudier l'informatique était suffisant et qu'aucune connaissance particulière de l'informatique ne devrait être nécessaire. Qu'elle ait ou non utilisé son ordinateur à la maison ne constituait pas, selon lui, un facteur à considérer. En ce qui a trait aux perspectives d'emploi en Chine, Me Chan a soutenu qu'on ne devrait pas s'attendre à ce que la demanderesse, qui était alors âgée de 19 ans, précise les détails du marché de l'emploi en Chine. Il a cependant affirmé qu'il est généralement reconnu que les gens qui sont formés en Occident obtiennent de meilleurs emplois et de meilleurs salaires. Pour terminer, il a fourni les résultats d'une [traduction] « recherche aléatoire dans Internet » qui, selon lui, avait révélé de nombreux postes supérieurs avec soit des sociétés chinoises, soit des sociétés étrangères qui exigeaient une formation ou de l'expérience dans des pays occidentaux.

[7]                 L'agente des visas a accepté les renseignements fournis par Me Chan relativement au financement et à l'emploi des parents. Elle confirme cependant que cela n'aide en rien à dissiper ses préoccupations au sujet du profil d'études proposé de la demanderesse ou au sujet de la manière dont son plan d'études serait utile à son plan de carrière. Par conséquent, la demande a été rejetée dans une lettre datée du 4 décembre 2000.


[8]                 Tout au long de l'argumentation, dans le cadre du présent contrôle judiciaire, on a beaucoup parlé d'une lettre datée du 11 juillet 2000 intitulée [traduction] « Lettre ouverte aux demandeurs de visas d'étudiants » (la lettre ouverte). Ladite lettre aurait été affichée à l'ambassade et dans son site Web. L'avocat de la demanderesse soutient que la lettre ouverte a été motivée par un certain degré de succès qu'il avait réalisé dans les demandes comme celle-ci et qui ont eu récemment quelques échos dans la presse en Chine. Toutefois, au cours du contre-interrogatoire concernant sa déclaration son affidavit, l'agente des visas a déclaré qu'elle n'était pas au courant de cette lettre, bien que Me Chan ait vraiment fait allusion à une allégation de partialité dans sa lettre à l'agente datée du 10 novembre 2000.

[9]                 Le défendeur concède que la demande de la demanderesse n'a pas été refusée sur la base des fonds ou de la fausse déclaration, mais seulement sur celle de la bonne foi. L'agente des visas confirme qu'elle n'était pas convaincue des connaissances ou de l'intérêt de la demanderesse en informatique ni en ce qui avait trait aux avantages du plan d'études qu'elle a proposé pour les plans de carrière qu'elle a indiqués.

[10]            Les questions à trancher sont les suivantes :

Est-ce que l'agente des visas a erré en déterminant que la demanderesse n'était pas véritablement une étudiante?

Est-ce que l'agente des visas a été partiale?

Quelle est la norme de contrôle appropriée?

[11]            La demanderesse soutient que ses réponses aux questions de l'agente des visas étaient appropriées dans les circonstances et que ses réponses n'étaient pas surprenantes. De plus, elle affirme que le fait d'exprimer qu'elle croit que des études en informatique au Canada l'aideront à obtenir un bon emploi dans le futur devrait suffire à démontrer qu'elle est une véritable étudiante.

[12]            Aucune allégation de partialité contre l'agente des visas n'est ressortie de l'argumentation de la demanderesse. Néanmoins, l'avocat de la demanderesse s'est longuement étendu sur les indices qui, selon lui, révèlent une partialité systémique à l'intérieur du centre de traitement du défendeur à Beijing.

[13]            En dernier lieu, il soutient que la norme de contrôle appropriée en l'espèce devrait être la décision raisonnable simpliciter.

[14]            Le défendeur soutient que les agents des visas devraient bénéficier d'une importante déférence, en particulier relativement aux demandes faites à partir de l'étranger et que la norme du caractère manifestement déraisonnable devrait être appliquée.

[15]            Il affirme que, si une agente des visas a été logique et que ses conclusions étaient raisonnables, la Cour ne devrait pas intervenir.

[16]            Le défendeur a mis l'accent sur la façon dont l'agente des visas avait donné à la demanderesse une occasion de dissiper ses préoccupations et sur le fait que, bien que Me Chan ait eu du succès dans certains domaines, ce n'était pas le cas dans d'autres. L'agente des visas a examiné toute la preuve qui lui a été présentée. Elle a conclu que certaines des réponses étaient générales et brèves et qu'elles n'étaient pas suffisantes pour vraiment établir que la demanderesse désirait poursuivre une carrière en informatique. Elle pouvait raisonnablement en venir à une telle conclusion qui ne devrait pas être annulée par la présente Cour.


[17]       D'après le défendeur, le critère concernant la crainte raisonnable de partialité a été énoncé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l'énergie), [1978] 1 R.C.S. 369, p. 386, et qu'il n'a pas été satisfait à ce critère en l'espèce. Il n'y a pas de preuve que l'agente des visas ait été moins qu'impartiale ou qu'elle n'ait pas eu l'esprit ouvert en rendant sa décision. L'agente des visas a également déclaré sous serment qu'elle n'avait pas vu la lettre ouverte ni de lettre dans laquelle un de ses supérieurs avait répondu à une allégation de partialité faite par Me Chan.

[18]       Je suis convaincu que la décision de l'agente des visas était raisonnable, que l'on applique la norme de la décision raisonnable simpliciter ou celle de la décision manifestement déraisonnable. Elle avait le droit de prendre en compte toutes les circonstances et, en l'espèce, la demanderesse ne s'est pas acquittée du fardeau de démontrer qu'elle désirait vraiment poursuivre une carrière en informatique. Lorsqu'on lui a donné l'occasion d'exprimer ses connaissances en informatique ou des perspectives d'emploi pour les gens ayant une formation en informatique, ses réponses étaient assez peu convaincantes et vraiment très générales.


[19]       À mon avis, l'agente des visas avait le droit de tenir compte de ces réponses. Lorsque l'agente des visas a fait part de ses préoccupations à la demanderesse, la réponse de Me Chan n'a rien fait pour la rassurer. En ce qui a trait aux annonces d'emplois qu'il a fournies, rien n'indiquait que la demanderesse aurait les qualités pour de tels postes supérieurs ou que le fait d'étudier en informatique pendant deux ou trois ans au Canada pourrait même lui donner les titres et qualités voulues. Comme l'avocat du défendeur l'a fait remarquer, ses réponses n'étaient pas démontrables. C'est elle-même, et non Me Chan, qui aurait dû être au courant et qui aurait dû étudier les possibilités d'emploi dans ce domaine. Elle avait 18 ans, se préparant à un avenir en informatique, mais il est évident qu'elle ignorait totalement les perspectives du marché ou les possibilités d'emploi.

[20]       L'allégation de partialité de la demanderesse, longuement soutenue, n'était pas convaincante. Cette affaire doit être tranchée selon des principes juridiques et non des conjectures. La demanderesse se plaint de la façon dont elle a été traitée concernant la question de fausse déclaration et du manque de fonds, mais sa demande n'a pas été refusée en raison de l'un de ses motifs.

[21]       La demanderesse critique la lettre ouverte en faisant remarquer différentes distinctions subtiles pouvant être mal interprétées. À mon avis cependant, les indices sur lesquels on a mis l'accent ne justifient pas une crainte raisonnable de partialité. On ne peut affirmer qu'une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, penserait que, selon toute vraisemblance, le décideur, consciemment ou non, rendra une décision injuste. Je crois que l'agente des visas a été impartiale dans son réexamen de cette demande et qu'elle a rendu sa décision en ayant l'esprit ouvert. La lettre ouverte n'avait pas circulé parmi les agents des visas et, dans les faits, cette agente des visas n'était pas au courant de la lettre ni de la correspondance entre ses supérieurs et Me Chan. Dans son mémoire des faits et du droit, l'avocat de la demanderesse écrit aussi :

[traduction]

Au départ, il faut dire que, à l'exception de l'affirmation sous serment de l'agente selon laquelle elle n'était pas au courant, jusqu'au 8 mars 2001 inclusivement, de la lettre ouverte de Susan Gregson aux demandeurs de visa d'étudiant ou de son contenu qui avait été affiché dans le tableau et dans le site Web de la section de l'immigration, il n'y a aucune allégation de mauvaise foi de la part de la demanderesse et de son avocat. L'agente ainsi que ses collègues et ses supérieurs sont, sans l'ombre d'un doute, bien intentionnés et sincères.


[22]       Cela est non corroboré et purement conjectural. La demanderesse ne m'a pas convaincu qu'il existe quelque raison que ce soit de modifier la décision de l'agente des visas. Je rejette donc la présente demande de contrôle judiciaire.

                  « P. ROULEAU »                   

       JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 22 janvier 2002

Traduction certifiée conforme

                                                         

Richard Jacques, LL.L.


                                                                                                                                           Date : 20020122

                                                                                                                               Dossier : IMM-232-01

OTTAWA (Ontario), le 22 janvier 2002                                                           

En présence de Monsieur le juge Rouleau

ENTRE :

                                                                     YANQIU WANG

                                                                                                                                             Demanderesse

ET :

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                     Défendeur

                                                                     ORDONNANCE

[1]         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                   « P. ROULEAU »                   

       JUGE

Traduction certifiée conforme

                                                         

Richard Jacques, LL.L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                                                                                                       

DOSSIER :                                           IMM-232-01

INTITULÉ :                                        Yanqiu Wang et le Ministre de la Citoyenneté et de

l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :              Le 16 janvier 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

DATE DES MOTIFS :                      Le 22 janvier 2002

COMPARUTIONS:

Melvin Weigel                                                                POUR LA DEMANDERESSE

Peter Bell                                                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:                                                                                                 

Lu Chan                                                                          POUR LA DEMANDERESSE

Burnaby (Colombie-Britannique)

Morris Rosenberg                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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