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                                            T-1849-96

 

OTTAWA (ONTARIO), LE 23 OCTOBRE 1996

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MACKAY

 

ENTRE :

 

La Union of Nova Scotia Indians, une personne morale,

la Bande indienne de Chapel Island, la Bande indienne

d'Eskasoni, la Bande indienne de Membertou, la Bande

   indienne de Wagmatcook et la Bande indienne de

                    Whycocomagh,

 

                                         requérantes,

 

ET :

 

   Le Procureur général du Canada, représentant le

  ministre des Pêches et des Océans du Canada et le

ministre de l'Environnement du Canada, ainsi que la USG   Canadian Mining Limited, une personne morale faisant

affaires sous le nom de Little Narrows Gypsum Company,

 

                                             intimés.

 

     À LA SUITE d'une demande des requérantes en vue d'obtenir le contrôle judiciaire et une ordonnance d'annulation de la décision rendue le 15 juillet 1996, pour le compte du ministre des Pêches et des Océans et du ministre de l'Environnement, portant que l'évaluation environnementale relative au « projet d'amélioration du chenal de Middle Shoal » était complète, en vertu de l'alinéa 20(1)a) de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, L.R.C. (1985), ch. C-15.2, de même qu'un redressement connexe;

 

     À LA SUITE de demandes de contrôle judiciaire de décisions subordonées, émanant du ministre des Pêches et des Océans ainsi que du ministre de l'Environnement, et déposées par la suite dans les dossiers de la Cour portant les nos T-2005-96 et T-2006-96 respectivement, et après avoir entendu les avocats des requérantes de même que ceux des ministres intimés et de la personne morale intimée relativement aux trois demandes, à Halifax les 1er et 2 octobre 1996, à la suite de quoi le prononcé de la décision a été remis;

 

     APRÈS avoir analysé les arguments invoqués à l'audience, y compris ceux avancés par les requérantes en vue de faire amender les motifs exposés dans l'avis de requête introductif d'instance, de même que les arguments des avocats concernant l'intitulé de la cause en l'espèce, et après avoir analysé les arguments écrits présentés par la suite par les avocats des parties;

 

     APRÈS avoir conclu que la décision contestée en l'espèce a été prise sans que les représentants des ministres aient évalué l'usage réel courant des ressources halieutiques des lacs Bras d'or à des fins traditionnelles par le peuple micmac, représenté par les requérantes, et sans que les personnes agissant au nom des ministres aient tenu compte de l'obligation fiduciaire qu'a Sa Majesté d'empêcher que des effets environnementaux négatifs injustifiés portent atteinte aux droits reconnus des Micmacs, à titre d'Autochtones, en matière de pêche;

 

     ET APRÈS avoir rendu des ordonnances interdépendantes à l'égard de décisions contestées dans des dossiers connexes de la Cour portant les nos T-2005-96 et T-2006-96;

 

 

                 O R D O N N A N C E

 

 

LA PRÉSENTE COUR STATUE QUE :

 

 

1.Est annulée par la présente la décision rendue le 15 juillet 1996 pour le compte des ministres intimés, soit d'accepter le rapport d'examen préalable portant sur l'évaluation du projet d'amélioration du chenal de Middle Shoal proposé par l'intimée USG Canadian Mining Limited, faisant affaires sous le nom de Little Narrows Gypsum Company (« LNG »), et l'évaluation de la proposition est déférée aux ministres pour nouvel examen, après plus amples consultations avec les requérantes et le promoteur LNG, et après analyse des effets négatifs éventuels sur l'usage courant que fait le peuple micmac, représenté par les requérantes, des ressources halieutiques des lacs Bras d'Or à des fins alimentaires.

 

 

2.Les ministres intimés, en consultation avec LNG, prescriront les mesures de contrôle permanentes qu'ils jugeront de temps à autre nécessaires de prendre aux sites de dragage et de rejet de résidus en mer, en attendant que l'on procède au nouvel examen de l'évaluation environnementale ordonné à la clause 1 ci-dessus.

 

 

3.La requête présentée par les requérants à l'audience en vue de faire amender les motifs de redressement énoncés dans la requête introductive déposée est rejetée.

 

 

4.Les parties en l'espèce sont celles qui sont décrites dans l'intitulé de cause figurant au début de la présente ordonnance.

 

 

 

                                     W. Andrew MacKay

 

                                                                              

 

                                              J U G E

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme :                        

  Éric Fisch


 

 

 

 

 

 

                                            T-2005-96

 

OTTAWA (ONTARIO), LE 23 OCTOBRE 1996

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MACKAY

 

ENTRE :

 

La Union of Nova Scotia Indians, une personne morale,

la Bande indienne de Chapel Island, la Bande indienne

d'Eskasoni, la Bande indienne de Membertou, la Bande

   indienne de Wagmatcook et la Bande indienne de

                    Whycocomagh,

 

                                         requérantes,

 

ET :

 

   Le Procureur général du Canada, représentant le

ministre des Pêches et des Océans du Canada, ainsi que    la USG Canadian Mining Limited, une personne morale

faisant affaires sous le nom de Little Narrows Gypsum     Company,

 

                                             intimés.

 

     À LA SUITE d'une demande des requérantes en vue d'obtenir le contrôle judiciaire et une ordonnance d'annulation de la décision rendue le 22 juillet 1996, pour le compte du ministre des Pêches et des Océans, à l'égard d'une demande de la USG Canadian Mining Limited, faisant affaires sous le nom de Little Narrows Gypsum Company (« LNG »), en vue d'obtenir l'autorisation d'exécuter le « projet d'amélioration du chenal de Middle Shoal » en délivrant une autorisation de travaux ou d'ouvrages modifiant l'habitat du poisson, en vertu du paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F-14;

 

     APRÈS avoir entendu la présente demande à Halifax, dans le cadre d'une audience tenue les 1er et 2 octobre 1996, de même que des demandes de contrôle judiciaire de décisions interdépendantes, figurant dans les dossiers de la Cour portant les nos T-1849-96 et T-2006-96, audience au cours de laquelle les avocats des requérantes, des ministres intimés et de LNG ont été entendus en rapport avec les trois demandes;

 

     APRÈS avoir examiné les arguments présentés à l'audience, y compris l'assentiment de tous les avocats à l'égard du fait que la décision attaquée en l'espèce a été prise à la suite d'une décision contestée par le dépôt d'une demande de contrôle judiciaire dans le dossier de la Cour no T-1849-96, dont dépend l'autorisation attaquée en l'espèce;

 

     APRÈS avoir examiné les arguments écrits des avocats à la suite de l'audience;

 

     ET APRÈS avoir ordonné dans le dossier de la Cour portant le no T-1849-96 que la décision rendue le 15 juillet 1996 pour le compte de l'intimé, le ministre des Pêches et des Océans, ainsi que du ministre de l'Environnement, soit annulée,

 

 

 

                 O R D O N N A N C E

                         

 

LA PRÉSENTE COUR STATUE QUE :

 

 

1.La décision rendue le 22 juillet 1996 pour le compte de l'intimé, le ministre des Pêches et des Océans, soit d'approuver et de délivrer une autorisation de travaux ou d'ouvrages modifiant l'habitat du poisson en rapport avec le « projet d'amélioration du chenal de Middle Shoal », est annulée et suspendue en attendant que soit réexaminée la décision antérieure rendue pour le compte du ministre le 15 juillet 1996, soit celle d'accepter comme satisfaisant le rapport d'examen préalable relatif au projet et, à la suite de ce nouvel examen, si le projet est approuvé, en attendant que soient examinées et révisées, s'il y a lieu, les conditions de l'autorisation délivrée le 22 juillet 1996.

 

 

2.À moins que les avocats des parties puissent s'entendre sur d'autres dates pour prendre les dispositions nécessaires en vue de suspendre les activités de dragage et de rejet de résidus, la suspension de l'autorisation ci-ordonnée entrera en vigueur, et les activités de dragage entreprises par LNG dans le cadre du projet prendront fin à midi (HAA) le 24 octobre 1996.

 

 

3.Le ministre intimé, poursuivant son rôle de principale autorité responsable, en consultation avec le ministre de l'Environnement et de LNG, ainsi qu'après consultation des requérantes, déterminera, au besoin, les mesures d'atténuation ou de contrôle permanentes qu'il conviendra de prendre aux sites de dragage et de rejet de résidus en mer qui concernent le projet, en attendant que le rapport d'examen préalable lié à l'évaluation environnementale soit examiné à nouveau.

 

 

4.Si, après le nouvel examen de la décision rendue le 15 juillet, le rapport d'examen préalable était approuvé de nouveau, les conditions de l'autorisation suspendue par les présentes seront révisées et, le cas échéant, modifiées par le ministre intimé avant que LNG reprenne les activités de dragage avec l'assentiment dudit ministre.

 

 

 

                                     W. Andrew MacKay

 

                                                                              

 

                                              J U G E

 

 

 

Traduction certifiée conforme :                        

  Éric Fisch


 

 

 

 

 

 

                                            T-2006-96

 

OTTAWA (ONTARIO), LE 23 OCTOBRE 1996

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MACKAY

 

ENTRE :

 

La Union of Nova Scotia Indians, une personne morale,

la Bande indienne de Chapel Island, la Bande indienne

d'Eskasoni, la Bande indienne de Membertou, la Bande

   indienne de Wagmatcook et la Bande indienne de

                    Whycocomagh,

 

                                         requérantes,

 

ET :

 

   Le Procureur général du Canada, représentant le

ministre de l'Environnement, ainsi que la USG Canadian    Mining Limited, une personne morale faisant affaires

    sous le nom de Little Narrows Gypsum Company,

 

                                             intimés.

 

     À LA SUITE d'une demande des requérantes en vue d'obtenir le contrôle judiciaire et une ordonnance d'annulation de la décision rendue le 29 juillet 1996, pour le compte du ministre de l'Environnement, à l'égard d'une demande de la USG Canadian Mining Limited, faisant affaires sous le nom de Little Narrows Gypsum Company (« LNG »), afin d'autoriser la poursuite du « projet d'amélioration du chenal de Middle Shoal », en délivrant un permis d'immersion de déchets en mer en vertu de la Partie VI de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, L.R.C. (1985), ch. C-15.3;

 

     APRÈS avoir entendu la présente demande dans le cadre d'une audience tenue à Halifax les 1er et 2 octobre 1996, de même que les demandes de contrôle judiciaire de décisions interdépendantes, présentées dans les dossiers de la Cour portant les nos T-1849-96 et T-2005-96, audience au cours de laquelle les avocats des requérantes, des ministres intimés et de LNG ont été entendus en rapport avec les trois demandes;

 

     APRÈS avoir examiné les arguments présentés à l'audience, y compris l'assentiment de tous les avocats à l'égard du fait que la décision attaquée en l'espèce a été prise à la suite d'une décision contestée par une demande de contrôle judiciaire dans le dossier de la Cour portant le no T-1849-96, dont dépend la décision attaquée en l'espèce;

 

     APRÈS avoir examiné les arguments écrits des avocats à la suite de l'audience;

 

     ET APRÈS avoir ordonné dans le dossier de la Cour portant le no T-1849-96 que soit annulée la décision rendue le 15 juillet 1996 pour le compte de l'intimé, le ministre des Pêches et des Océans, ainsi que du ministre de l'Environnement,

 

 

 

 

 

                 O R D O N N A N C E

 

 

LA PRÉSENTE COUR STATUE QUE :

 

 

 

1.La décision rendue le 29 juillet 1996 pour le compte de l'intimé, le ministre de l'Environnement, soit d'approuver et de délivrer un permis d'immersion de déchets en mer en rapport avec le « projet d'amélioration du chenal de Middle Shoal » est annulée et suspendue, en attendant que soit réexaminée la décision antérieure rendue le 15 juillet 1996 pour le compte du ministre, soit celle d'accepter comme satisfaisant le rapport d'examen préalable concernant le projet, et, à la suite de ce nouvel examen, si le projet est approuvé, en attendant que soient contrôlées et révisées, s'il y a lieu, les conditions du permis délivré le 22 juillet 1996.

 

 

2.À moins que les avocats des parties puissent s'entendre sur d'autres dates pour prendre les dispositions nécessaires en vue de suspendre les activités de dragage et de rejet de résidus, la suspension du permis ci-ordonnée entrera en vigueur, et les activités de rejet de résidus en mer exécutées par LNG dans le cadre du projet prendront fin à la suite du délai normal prévu pour rejeter les matériaux dragués et chargés avant l'arrêt des travaux de dragage prévu par voie d'ordonnance dans le dossier portant le no T-2005-96.

 

 

3.Le ministre intimé consultera le ministre des Pêches et des Océans, de même que LNG, au sujet des mesures d'atténuation ou de contrôle permanentes qu'il conviendra de prendre au site de dragage ainsi qu'aux sites de rejet de déchets en mer qui sont liés au projet, en attendant que le rapport d'examen préalable lié à l'évaluation environnementale soit examiné à nouveau.

 

 

4.Si, après le nouvel examen de la décision rendue le 15 juillet, le rapport d'examen préalable était approuvé de nouveau, les conditions du permis suspendu par les présentes seront révisées et, le cas échéant, modifiées par le ministre intimé avant que LNG reprenne les activités de dragage avec l'assentiment dudit ministre.

 

 

 

                                     W. Andrew MacKay

 

                                                                              

 

                                              J U G E

 

 

 

Traduction certifiée conforme :                        

  Éric Fisch


 

 

 

 

 

 

                                            T-1849-96

 

ENTRE :

LA UNION OF NOVA SCOTIA INDIANS, une personne morale,

la BANDE INDIENNE DE CHAPEL ISLAND, la BANDE INDIENNE

D'ESKASONI, la BANDE INDIENNE DE MEMBERTOU, la BANDE

    INDIENNE DE WAGMATCOO et la BANDE INDIENNE DE

                    WHYCOCOMAGH,

                                         requérantes,

ET :

 

   Le PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, représentant le

  ministre des Pêches et des Océans du Canada et le

ministre de l'Environnement du Canada, ainsi que la USG   CANADIAN MINING LIMITED, une personne morale faisant

affaires sous le nom de LITTLE NARROWS GYPSUM COMPANY,

                                             intimés.

 

                                            T-2005-96

ENTRE :

 

La UNION OF NOVA SCOTIA INDIANS, une personne morale,

la BANDE INDIENNE DE CHAPEL ISLAND, la BANDE INDIENNE

D'ESKASONI, la BANDE INDIENNE DE MEMBERTOU, la BANDE

   INDIENNE DE WAGMATCOOK et la BANDE INDIENNE DE

                    WHYCOCOMAGH,

                                         requérantes,

ET :

   Le PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, représentant le

ministre des Pêches et des Océans du Canada, ainsi que    la USG CANADIAN MINING LIMITED, une personne morale

faisant affaires sous le nom de LITTLE NARROWS GYPSUM

                      COMPANY,

                                             intimés.

 

                                            T-2006-96

ENTRE :

La UNION OF NOVA SCOTIA INDIANS, une personne morale,

la BANDE INDIENNE DE CHAPEL ISLAND, la BANDE INDIENNE

D'ESKASONI, la BANDE INDIENNE DE MEMBERTOU, la BANDE

   INDIENNE DE WAGMATCOOk et la BANDE INDIENNE DE

                    WHYCOCOMAGH,

                                         requérantes,

ET :

   Le PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, représentant le

ministre de l'Environnement, ainsi que la USG CANADIAN    MINING LIMITED, une personne morale faisant affaires

    sous le nom de LITTLE NARROWS GYPSUM COMPANY,

                                             intimés.

 

                                                      

 

                 MOTIFS D'ORDONNANCE

 

                                                       

 

 

 

LE JUGE MACKAY :

 

 

     Il s'agit de trois demandes de contrôle judiciaire, entendues conjointement dans le cadre d'une instruction avancée, relativement à des décisions prises à l'égard d'autorisations, données pour le compte du ministre des Pêches et des Océans et du ministre de l'Environnement, d'accepter comme satisfaisant, sous réserve toutefois de la prise de mesures d'atténuation, un rapport d'examen préalable établi en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, L.R.C. (1985), ch. C-15.2 [édicté par L.C. (1992), ch. 37] (ci-après appelée la « LCEE » ou la « Loi »), ainsi qu'à des décisions prises par suite de cette acceptation de la part des deux ministres.

 

     Après avoir entendu les avocats des parties les 1er et 2 octobre, la Cour a remis le prononcé du jugement afin de pouvoir examiner des observations faites à ce moment au sujet de l'important dossier déposé. Le 23 octobre, des ordonnances ont été rendues pour annuler la décision principale rendue pour le compte des ministres concernés, et annuler et suspendre leurs décisions respectives de donner les autorisations exigées par la loi pour que le projet suive son cours, et ce, en attendant la tenue d'un nouvel examen consécutif au contrôle de leur décision principale d'approuver un rapport d'examen préalable lié à une évaluation environnementale. Voici les motifs de ces ordonnances.

 

     Les décisions en litige, qui sont toutes interdépendantes, constituaient les autorisations environnementales dont avait besoin l'intimée, la USG Canadian Mining Limited, une société faisant affaires en Nouvelle-Écosse sous le nom de Little Narrows Gypsum Company (« LNG »), afin de mettre à exécution un projet d'amélioration du chenal de Middle Shoal (ci-après appelé le « projet »). Cette opération, menée dans les eaux du Grand Bras d'Or, qui représente pour les navires la voie d'accès nordique et le point d'entrée le plus large menant aux lacs Bras d'Or, du côté de la mer, au large de la côte nord de l'Île du Cap-Breton, consiste à draguer le fond marin pour approfondir le chenal traversant un haut-fond, appelé Middle Shoal, de même qu'à se débaraser des résidus de dragage à des sites de rejet en mer approuvés.

 

     LNG exploite une mine de gypse à Little Narrows, sur les rives des lacs Bras d'Or, d'où elle expédie du gypse brut et des produits rocheux vers ses marchés, principalement au moyen de navires de haute-mer, en passant par les lacs et l'océan Atlantique. Le projet de Middle Shoal, situé à une soixantaine de kilomètres de Little Narrows, est conçu pour permettre à LNG de charger les cargos qu'elle affrète au-delà de la capacité de 75 p. 100 à 80 p. 100 que dictent ces dernières années les limitations de tirant d'eau naturelles du haut-fond de Middle Shoal.

 

     La Union of Nova Scotia Indians (ci-après appelée l'« UNSI »), partie requérante, est une personne morale constituée en vertu de la Societies Act de la Nouvelle-Écosse. Ses membres sont tous les Micmacs de la Nouvelle-Écosse qui sont des Indiens inscrits et dont le nom figure sur les listes de la Bande. Les autres requérantes sont les cinq bandes de Micmacs qui résident au Cap-Breton. Dans tous les cas, à l'exception de celui de la Bande de Membertou dont les terres de réserve sont situées à Sydney, les terres de réserve et les communautés principales avoisinent les rives des lacs Bras d'Or au Cap-Breton. Ces réserves ne se trouvent pas dans les environs immédiats des sites de dragage ou de rejet en mer; elles sont situées à une distance de 40 à 75 kilomètres à vol d'oiseau du site de dragage.

 

     Les Micmacs exploitent des installations aquicoles aux lacs Bras d'Or, où ils élèvent des huîtres et du saumon, et les installations les plus rapprochées du site de dragage se trouvent à Seal Island, à une dizaine de kilomètres du projet. Les Micmacs du Cap-Breton jouissent, à titre d'Autochtones, du droit de pêcher à des fins alimentaires dans les eaux des lacs Bras d'Or et dans les cours d'eau qui s'y jettent, un droit reconnu comme étant en vigueur, et non éteint ou cédé, par le juge en chef Clarke, s'exprimant au nom de la Section d'appel de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse dans l'arrêt R. v. Denny et al, (1990) 94 N.S.R. (2d) 253; 247 A.P.R. 253 (C.A.), suivant l'arrêt R. v. Isaac, (1975) 13 N.S.R. (2d) 460; 9 A.P.R. 460 (C.A.).

 

     Les requérantes contestent trois décisions : la décision d'accepter le rapport d'examen préalable autorisant le projet, sous réserve d'en contrôler les effets et d'atténuer les effets négatifs prévus, ainsi que deux décisions subséquentes, l'une rendue pour le compte du ministre des Pêches et des Océans, autorisant l'exécution de travaux ayant une incidence sur l'habitat du poisson, et l'autre, rendue pour le compte du ministre de l'Environnement, autorisant le rejet en mer de résidus de dragage. Les décisions datent toutes de juillet 1996.

 

     La demande initiale de contrôle judiciaire, présentée dans le dossier no T-1849-96 et déposée le 12 août 1996, visait à obtenir des ordonnances annulant les trois décisions, ainsi qu'une suspension provisoire de l'application de ces dernières en attendant que la demande soit entendue et réglée. Les travaux relatifs au projet ont débuté le 20 août 1996. La demande de suspension, entendue le 29 août 1996, a été rejetée par la présente Cour au motif que les éléments de preuve qui lui avaient été soumis à ce moment n'établissaient pas la probabilité que les requérantes subissent un préjudice irréparable si la suspension n'était pas accordée, mais ces dernières sont parvenues par la suite à obtenir un redressement pour faire infirmer ou annuler les décisions. La Cour a toutefois fixé la tenue d'une instruction avancée pour que l'affaire soit entendue au fond. Il a été ordonné aux avocats de se consulter sur la question du nombre approprié de demandes, eu égard à la règle 1602(4) des Règles de la Cour fédérale, qui dispose qu'un contrôle judiciaire est engagé au moyen d'une requête introductive d'instance portant sur « une seule ordonnance, décision ou autre question... ». Par la suite, le 9 septembre 1996, les requérantes ont déposé des demandes dans les dossiers nos T-2005-96 et T-2006-96, réputées avoir été déposées le 12 août 1996, conformément à des instructions de la Cour, et les trois demandes, portant sur des décisions interdépendantes, ont été entendues conjointement sur la base d'un dossier unique déposé à l'appui des trois demandes. Je signale que, selon la preuve du chef de projet de LNG, les travaux de dragage effectués au site étaient censés être terminés à 75 p. 100 environ lorsque ces demandes ont été entendues au début d'octobre 1996, mais ils n'étaient pas encore finis.

 

     Plus précisément, les demandes en question concernent ce qui suit :

(i)Dans le dossier no T-1849-96, la décision contestée a été prise conjointement, le 15 juillet 1996, pour le compte du ministre des Pêches et des Océans et du ministre de l'Environnement, aux termes de l'alinéa 20(1)a) de la LCEE; cette disposition, ainsi que le paragraphe 20(2), sont libellés en ces termes :

20. (1) L'autorité responsable prend l'une des mesures suivantes, après avoir pris en compte le rapport d'examen préalable et les observations reçues aux termes du paragraphe 18(3) :

 a) sous réserve du sous-alinéa c)(iii), si la réalisation du projet n'est pas susceptible, compte tenu de l'application des mesures d'atténuation qu'elle estime indiquées, d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants, exercer ses attributions afin de permettre la mise en oeuvre du projet et veiller à l'application de ces mesures d'atténuation;   

[...]

 

(2)   L'autorité responsable qui prend la décision visée à l'alinéa 1a) veille, malgré toute autre disposition d'une loi fédérale, lors de l'exercice des attributions qui lui sont conférées sous le régime de cette loi ou de ses règlements ou selon les autres modalités qu'elle estime indiquées, à l'application des mesures d'atténuation visées à cet alinéa.

 

La décision contestée acceptait que le rapport d'examen préalable, établi au sujet du projet, indiquait que la réalisation de ce dernier n'était pas susceptible, compte tenu de l'application de mesures d'atténuation jugées indiquées, d'entraîner des effets environnementaux importants. Si, dans son libellé, la demande initialement déposée faisait également référence aux deux autres décisions en question, étant donné que celles-ci étaient chacune l'objet de demandes déposées par la suite, la Cour considère que la demande déposée dans le dossier no T-1849-96 se limite maintenant à la décision prise le 15 juillet 1996 pour le compte des deux ministres. (ii)Dans le dossier no T-2005-96, la décision contestée est celle qui a été prise pour le compte du ministre des Pêches et des Océans le 22 juillet 1996 par suite de la décision antérieure datée du 15 juillet 1996, soit d'autoriser LNG à exécuter les travaux en vertu d'une autorisation de travaux ou d'ouvrages modifiant l'habitat du poisson, délivrée en vertu du paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F-14. Le texte de l'article 35 est le suivant :

 

35.  (1)  Il est interdit d'exploiter des ouvrages ou entreprises entraînant la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson.

 

      (2Le paragraphe (1) ne s'applique pas aux personnes qui détériorent, détruisent ou perturbent l'habitat du poisson avec des moyens ou dans des circonstances autorisés par le ministre ou conformes aux règlements pris par le gouverneur en conseil en application de la présente loi.

 

 

(iii)Dans le dossier no T-2006-96, la décision en question est celle qui a été prise pour le compte du ministre de l'Environnement le 29 juillet 1996, soit de délivrer à LNG un permis d'immersion de déchets en mer, en vertu de la partie VI de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, L.R.C. (1985), ch. C-15.3 [édictée par L.C. (1988), ch. 22), dont l'article 71 est libellé, en partie, en ces termes :

 

71. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), le ministre peut délivrer les permis visés à la présente partie sur demande présentée en la forme, avec les renseignements et accompagnée des droits déterminés par règlement. La demande doit également établir qu'il en a été donné préavis dans un journal à grand tirage près du lieu de chargement, d'immersion ou d'abandon qui est mentionné.

[...]

    (3) Il ne peut être délivré de permis pour une substance, que si, selon le ministre :

a)  soit la substance est rapidement rendue inoffensive dans la mer par des processus physiques, chimiques ou biologiques et ne rend pas impropres à la consommation les organismes marins ordinairement comestibles ni n'en altère le goût ni ne présente de danger pour la santé de l'homme ou celle des animaux;

[...]

 

     Je signale que le Règlement sur les dispositions législatives et réglementaires désignées de la LCEE (DORS/94-636) prescrit que certaines dispositions législatives, dont le paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches et le paragraphe 71(1) de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, prévoient les attributions dont l'exercice rend nécessaire une évaluation environnementale. En l'espèce, nul ne conteste que le projet de LNG exigeait une autorisation du ministre des Pêches et des Océans en vertu du paragraphe 35(2) de la Loi sur les pêches et un permis d'immersion de déchets en mer en vertu du paragraphe 71(1) de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, et, de plus, que ladite autorisation et ledit permis étaient subordonnés à l'exécution d'une évaluation environnementale satisfaisante. Je signale aussi qu'outre les deux ministres principalement concernés, l'Agence de promotion économique du Canada atlantique (ci-après appelée l'« APECA ») était également partie au rapport d'examen préalable et qu'elle avait signé ce dernier pour indiquer qu'elle l'acceptait. Cette agence s'occupait de procurer une aide ou une garantie financière à l'égard du projet, et, aux termes de l'article 5 de la LCEE, elle était tenue d'approuver le rapport d'examen préalable.

 

     Dans la présente affaire, où trois offices ou organismes fédéraux étaient en cause, le ministère des Pêches et des Océans (ci-après appelé « P&O ») a entrepris de jouer le rôle d'autorité responsable principale en vertu de la LCEE, assumant la responsabilité de fixer les exigences relatives à la tenue de l'évaluation environnementale et à l'établissement du rapport d'examen préalable, ainsi que de coordonner le processus d'évaluation. Dans ce dernier, P&O et Environnement Canada (ci-après appelé « EC »), agissant au nom de leurs ministres respectifs, étaient les autorités responsables et, comme je l'ai mentionné, P&O a assumé la responsabilité principale de l'opération, agissant sous l'autorité de la Division de la gestion des habitats de la Direction générale des sciences du Ministère.

 

CONTEXTE GÉNÉRAL

 

     LNG exploite son entreprise depuis plus de 40 ans à Little Narrows, offrant des emplois stables pour plus d'une centaine d'années-personnes par année. Il semble toutefois que, ces dernières années, sa part de marché s'amenuise, surtout au sein de ses marchés principaux aux États-Unis. Ce qui inquiète cette entreprise, c'est qu'à moins de pouvoir expédier son produit de manière plus efficace et économique, par des transporteurs océaniques à pleine charge, elle se verra forcée dans quelques années à mettre un terme à ses activités à Little Narrows. Son intérêt à l'égard du projet de Middle Shoal a été réglé au début de 1995 lorsqu'elle a dressé un plan d'affaires qui établissait, selon elle, l'importance de ce projet pour son avenir. Des discussions préliminaires ont eu lieu avec des représentants de groupes locaux dès le printemps de 1995, et des entretiens tenus cette année-là avec des représentants des gouvernements ont débouché, semble-t-il, sur un engagement de la part du gouvernement fédéral et, peut-être, des gouvernements provinciaux à soutenir financièrement le projet.

 

     En août 1995, des représentants de LNG ont eu leurs premiers entretiens avec des représentants des organismes fédéraux concernés. Il a été déterminé que l'on procéderait à l'évaluation environnementale qu'exige la LCEE en effectuant un examen préalable reposant sur une évaluation des effets environnementaux; cet examen serait entrepris par LNG et soumis à P&O, l'autorité responsable principale, qui fournirait ensuite un rapport d'examen préalable. LNG a retenu les services d'experts-conseils indépendants pour réaliser les études nécessaires à son évaluation. En septembre 1995, quelques-uns des experts-conseils qui représentaient LNG ont entamé leurs premiers entretiens directs avec des représentants de l'UNSI et, par la suite, en décembre 1995 ainsi qu'aux mois de février, avril et juillet 1996, des représentants de l'UNSI et de LNG se sont rencontrés à sept reprises au moins, en plus de s'échanger des lettres et de converser au téléphone.

 

     Le 22 décembre 1995, LNG a terminé et soumis à P&O son étude intitulée « Environmental Review and Approval Submission for ... Middle Shoal Channel Improvement Program (Screening Study) » [Examen environnemental et demande d'autorisation concernant... le programme d'amélioration du chenal de Middle Shoal (étude préalable)]. Par la suite, d'autres rapports ont été présentés et des modifications ont été apportées à la proposition de projet au cours de discussions ordinaires tenues avec P&O et d'autres parties, dont des pêcheurs actifs dans le secteur des sites de dragage et de rejet en mer. En fait, avec le groupe de pêcheurs, LNG s'est organisée pour verser une indemnisation et utiliser, au cours du projet, les services des pêcheurs dont les possibilités de pêche seraient entravées par les activités de dragage et de rejet en mer.

 

     Un exemplaire de l'étude de LNG a été fourni à l'UNSI requérante. Le 19 février 1996, le président de cette dernière a écrit conjointement au ministre des Pêches et des Océans ainsi qu'au ministre de l'Environnement afin de leur faire part du fait que [TRADUCTION] « les communautés micmaques qui vivent le long des lacs Bras d'Or se préoccupent sérieusement de l'impact possible du projet sur leurs ressources ». L'UNSI a demandé que soit menée une étude d'impact environnemental et socio-économique indépendante afin d'évaluer les répercussions du projet sur les Premières nations, et aussi qu'avant de donner un accord quelconque, les deux ministères en cause attendent que l'UNSI ait eu la possibilité entière et équitable de déterminer les répercussions éventuelles du projet sur les communautés des Premières nations. Était jointe à cette lettre aux ministres une résolution de l'UNSI, datée du 1er février 1996, exprimant notamment l'opposition de cette dernière au dragage du chenal de Middle Shoal [TRADUCTION] « jusqu'à ce qu'une firme de consultation indépendante, jugée acceptable par l'UNSI, mène une étude d'impact environnemental et socio-économique complète... ».

 

     Au début de mars 1996, l'UNSI a demandé au ministère des Affaires indiennes et du Nord (ci-après appelé le « MAINC ») et obtenu la somme de 15 000 $ en vue d'entreprendre une étude concernant l'incidence éventuelle du projet sur les intérêts des Micmacs dans la région des lacs Bras d'Or. En écrivant à l'UNSI pour l'informer qu'il financerait son étude, le MAINC a aussi envoyé une lettre à M. R.K. Sweeney, l'agent compétent de la Division de la gestion des habitats au sein de P&O, pour exposer la position du Ministère à l'égard du projet, de confirmer qu'il finançait l'étude de l'UNSI et de réitérer les préoccupations de cette dernière. Il était dit que le MAINC avait pour mandat de s'assurer que l'on protégeait les terres et les intérêts des réserves en travaillant de concert avec les Premières nations, de sorte que tous les effets environnementaux éventuels sur les terres de réserve puissent être examinés.

 

     L'UNSI a commandé trois études. La première des trois à prendre fin, en avril 1996, était un rapport établi par des experts-conseils indépendants et intitulé « Independent Examination of the Environmental Review of the Middle Shoal Channel Improvement Program: Fish and Fish Habitat Component » (Analyse indépendante de l'examen environnemental du programme d'amélioration du chenal de Middle Shoal : le poisson et son habitat). Ce document a été remis à P&O en mai et transmis aux deux ministres principalement intéressés, au moyen d'une lettre datée du 5 juin 1996. À celle-ci, l'UNSI joignait un résumé d'une vingtaine de constatations et de recommandations relatives au projet et déclarait qu'elle serait heureuse d'en discuter dans les meilleurs délais avec les représentants des ministres.

 

     Le ministre des Pêches et des Océans a répondu le 22 mars 1996 à la lettre du 19 février, mentionnée plus tôt, qui était adressée aux deux ministres. Le ministre a fait référence au fait que P&O était intéressé à ce que l'on examine, dans le cadre du processus d'évaluation environnementale qui était en cours en conformité avec la LCEE, le risque d'impact sur le poisson et l'habitat du poisson des lacs Bras d'Or de même que sur l'industrie aquicole, et que [TRADUCTION] « en vertu de la LCEE, il faut procéder à un examen environnemental avant que des décisions irrévocables soient prises, et votre étude indépendante en fera partie ». Le ministre de l'Environnement a répondu à la lettre du 19 février par une lettre datée du 21 juin, que l'UNSI a reçue le 2 juillet 1996. Dans ce document, le ministre disait ceci :

 

[TRADUCTION]

 

Les Micmacs utilisent depuis longtemps les terres et les eaux des lacs Bras d'Or et, aujourd'hui, ils continuent de dépendre des ressources de ces derniers. Il est donc indispensable, pour notre examen de cette proposition de projet, que nous sachions quelles sont vos préoccupations.

 

[...]

 

[...] Aux termes de la Loi [la LCEE], un examen des effets environnementaux éventuels englobe les effets connexes sur l'usage courant que font les peuples des Premières nations des terres et des ressources à des fins traditionnelles, ainsi que les aspects importants d'un point de vue historique et archéologique.

 

[...]

 

[...] il était entendu que la Union of Nova Scotia Indians recevrait des fonds du ministère des Affaires indiennes et du Nord pour mieux préciser sa position sur le projet, et que le ministère de l'Environnement ne délivrerait pas le permis d'immersion de déchets en mer avant d'avoir examiné le rapport de la Union. Pour sa part, cette dernière a convenu que son travail se ferait dans un délai raisonnable et que ses observations précises sur l'examen environnemental du promoteur seraient communiquées aux ministères compétents pour être étudiées le plus tôt possible.

 

                J'appuie sans réserve l'approche établie entre M. Christmas et M. Bangay, soit d'intégrer les préoccupations de la Première Nation des Micmacs à l'évaluation environnementale de la proposition de projet de dragage. [...]

 

 

FAITS MENANT À L'APPROBATION DU RAPPORT D'EXAMEN PRÉALABLE ET À LA DÉLIVRANCE DE PERMIS, ET DÉBUT DU PROJET

 

     Le 3 juillet 1996, le directeur régional des projections environnementales du MAINC a adressé à P&O une lettre dans laquelle il faisait des commentaires sur une ébauche de rapport d'examen préalable, afin de s'assurer qu'il n'était pas indiqué que le MAINC faisait partie du processus de consultation et d'approbation du rapport d'examen préalable sur le projet. La lettre signale que le MAINC a demandé à P&O de consulter directement les Premières nations ayant des droits relatifs aux lacs Bras d'Or; le MAINC était d'avis que [TRADUCTION] « il importe d'examiner les préoccupations des Premières nations partenaires » et qu'il était entendu que P&O envisageait de rencontrer l'UNSI pour discuter de ses recommandations et de ses constatations.

 

     Une réunion a eu lieu le 5 juillet; y ont pris part les agents concernés ainsi que les directeurs généraux régionaux de P&O et d'Environnement Canada, de même que les représentants de l'UNSI et ses experts-conseils qui avaient réalisé l'étude sur le poisson et son habitat et une étude océanographique. Le groupe de l'UNSI s'est présenté, s'attendant à ce que son rapport indépendant et sa vingtaine de constatations et de recommandations soient discutées, et leur préoccupations examinées. Leurs attentes n'ont pas été comblées. Il était évident que des fonctionnaires avaient déjà établi une ébauche de rapport d'examen préalable et que les représentants des gouvernements étaient disposés à discuter des préoccupations de l'UNSI, dans la mesure où l'on estimait que ces dernières se rapportaient au projet, et ce, uniquement en fonction de la manière dont il était possible de les régler à l'aide de mesures d'atténuation. Après une matinée de discussions qui semblent n'avoir satisfait aucune des parties, les représentants de l'UNSI ne sont pas revenus discuter après le déjeuner. Au lieu de cela, un de leurs représentants s'est présenté à la réunion et, au nom de ces derniers, a demandé trois choses : que P&O et Environnement Canada répondent par écrit aux constatations et aux recommandations de l'UNSI, qu'une réunion soit organisée pour eux afin de discuter avec des scientifiques de P&O des évaluations scientifiques du projet et des recommandations de l'UNSI, et qu'ils aient ensuite une autre occasion de rencontrer les directeurs généraux régionaux de P&O et d'EC. Le représentant de l'UNSI aurait compris, dit-on, que les deux ministères avaient accepté de satisfaire à ces demandes, mais il paraît clair qu'il n'y a pas eu à ce moment, ou plus tard, d'engagement exprès de le faire.

 

     Le 10 juillet, le président de l'UNSI a reçu une lettre non datée du ministre des Pêches et des Océans, accusant réception de la lettre datée du 5 juin 1996. Il a remarqué que des fonctionnaires de P&O avaient rencontré des représentants de LNG et discuté des vingt questions soulevées par l'UNSI. Les questions océanographiques ainsi que celles concernant les pêches et l'habitat du poisson étaient étudiées par P&O, tandis que celles qui avaient trait à la consultation des collectivités et aux aspects socio-économiques seraient laissées aux soins des représentants de LNG et de l'UNSI, qui en discuteraient dans le cadre de consultations directes permanentes, une solution qu'appuyait P&O et qui encourageait LNG à tenir compte des préoccupations de l'UNSI. En remerciant l'UNSI de sa contribution, le ministre a écrit ceci [TRADUCTION] : « [v]otre démarche professionnelle et votre contribution opportune aideront à garantir l'examen de tous les effets éventuels ».

 

     Le 10 juillet aussi, une réunion a eu lieu entre des représentants de l'UNSI et de LNG afin de discuter de questions qui préoccupaient l'UNSI; un représentant de P&O et un autre d'EC étaient présents. La réunion s'est, semble-t-il, raisonnablement bien déroulée, mais aucun résultat précis de la réunion ne figure dans le dossier soumis à la Cour.

 

     Le 12 juillet, trois faits sont survenus. Dans la matinée, P&O a confirmé que des dispositions avaient été prises en vue de la réunion demandée entre des scientifiques du Ministère et des représentants de l'UNSI, laquelle a ensuite été fixée pour l'après-midi du mardi 16 juillet. De plus, dans l'après-midi du 12 juillet, les agents chargés de procéder à l'évaluation environnementale ont fini d'ébaucher les réponses à la vingtaine de constatations et recommandations de l'UNSI, et elles ont été transmises par télécopieur à l'UNSI avant 16 h 00 ou 16 h 30. Cela a été fait sous pli d'une lettre du directeur régional de P&O, censément en son propre nom et en celui de son homologue à EC; dans cette lettre, on pouvait lire ce qui suit [TRADUCTION] : « [n]ous serons heureux de discuter plus avant de ces questions au cours de la réunion que vous tiendrez avec nos scientifiques... au début de la semaine prochaine ». Ensuite, avant la fin de l'après-midi, les agents des deux ministères ont convenu qu'ils avaient terminé l'ébauche de rapport d'examen préalable et qu'ils allaient la transmettre par télécopieur pour examen, et peut-être pour signature, au représentant de l'APECA le lundi suivant, 15 juillet.

 

     Entre le 12 et le 14 juillet, l'UNSI a fait parvenir à P&O un exemplaire d'une étude des répercussions socio-économiques du projet sur les droits des Bandes micmaques, mais cela ne semble pas avoir été le sujet de discussion au sein des cercles gouvernementaux, contrairement au rapport de l'UNSI sur le poisson et l'habitat du poisson, lequel n'a toutefois donné lieu à aucune réponse, avant que soit envoyée la lettre du 12 juillet portant sur les préoccupations de l'UNSI.

 

     Le 15 juillet, les représentants de l'APECA, d'Environnement Canada et de P&O, y compris, pour ces deux ministères, les fonctionnaires principaux chargés de la réalisation de l'examen préalable et le directeur général de chacun, ont signé le rapport d'examen préalable. La décision principale découlant de l'étude, attestée par les signataires comme étant un sommaire des résultats d'une évaluation environnementale du projet [TRADUCTION] « exécutée par les autorités responsables en accord avec la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale » est que [TRADUCTION] « le projet [compte tenu de l'application des mesures d'atténuation indiquées] n'est pas susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants - le projet peut être soutenu. Alinéa 20.1a) ».

 

     Il est fait référence dans le rapport à des consultations publiques avec la collectivité, des pêcheurs commerciaux, des groupes de défense de l'intérêt du public et, au sujet des Premières nations, le rapport indique ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

Les discussions entre le promoteur et les représentants des Premières nations ont commencé à l'automne de 1995 et se poursuivent encore. En ce qui concerne le projet à l'étude, les Premières nations se préoccupent d'un envasement, de variations des courants dans la zone du projet ainsi que du rejet de contaminants, tous attribuables aux activités de dragage et aux rejets de déchets en mer. Les effets éventuels qui ont été relevés ont trait au poisson, à son habitat et à sa migration, à des variations des conditions océanographiques ainsi qu'à des effets socio-économiques. La Union of Nova Scotia Indians (UNSI) a commandé trois études indépendantes sur le projet. L'étude sur le poisson et l'habitat du poisson, de même que les constatations et recommandations de l'UNSI, ont été soumises au ministère des Pêches et des Océans et à Environnement Canada, et il en a été tenu compte dans l'évaluation du projet. Des représentants des deux ministères ont rencontré l'UNSI le 5 juillet 1996 afin de discuter du projet. Le 12 juillet suivant, l'UNSI a reçu une réponse écrite à ses constatations et recommandations.

 

L'UNSI a également fait état d'un certain nombre de préoccupations concernant le changement de lest liquide, les activités actuelles et projetées à la mine et au terminal d'expédition de la Little Narrows Gypsum Company, de même que la nécessité de draguer le chenal des lacs Bras d'Or. Ces activités débordent le cadre de l'évaluation, mais il en a été question dans la réponse conjointe à l'UNSI, datée du 12 juillet 1996, d'Environnement Canada et du ministère des Pêches et Océans.

 

     Le rapport d'examen préalable présente, sous forme résumée, les changements que le projet est susceptible d'entraîner au sein du milieu, ainsi que les mesures d'atténuation qui, selon le rapport, auront une incidence fructueuse sur ces changements de même que sur tout effet négatif important. Sont incluses dans le résumé du rapport les inscriptions suivantes, mises ici en tableau sous une forme différente que celles qui figurent dans le rapport, au sujet de certains éléments écosystémiques d'importance sur lesquels le projet est censé avoir des répercussions.

 

  Élément

 Effet négatif possible - Degré d'importance

Eaux marines

envasement de la tranche d'eau et du fond marin - important

Poisson et habitat du poisson

perte directe de l'habitat du homard et d'autres invertébrés dans la section du fond marin à draguer - important

Migration du poisson

migration du poisson gênée par le bruit et la perturbation dus au dragage - important

Usage courant des terres et des ressources par les Autochtones à des fins traditionnelles

effet négatif possible des changements aux eaux marines, à l'habitat du poisson et à la migration du poisson sur l'usage des ressources marines par les Autochtones - négligeable

 

Pour ce qui est de l'ensemble de ces éléments, les effets sont classés comme négligeables après la prise de mesures d'atténuation.

 

     Le rapport signale aussi que des mesures d'atténuation, décrites en termes généraux, seront mises en oeuvre en tant que conditions préalables à l'octroi de l'autorisation de travaux touchant le poisson et du permis d'immersion de déchets en mer. Au nombre des mesures en question, LNG était tenue de dresser un plan de protection de l'environnement, un plan d'intervention d'urgence et un plan d'élimination des résidus de dragage, tous soumis à l'approbation de P&O et d'EC avant le début des travaux de dragage. Des pêcheurs commerciaux, était-il dit, aideraient à dresser les plans et à les appliquer, et l'UNSI serait invitée à participer. Une fois commencées, les activités seraient surveillées par P&O, EC et des pêcheurs commerciaux, et l'UNSI serait invitée à prendre part aux activités de surveillance. Étaient annexées au rapport d'examen préalable une ébauche de l'autorisation de travaux ou d'ouvrages modifiant l'habitat du poisson que délivrerait P&O, ainsi qu'une ébauche du permis d'immersion de déchets en mer que délivrerait EC.

 

     LNG a été avisée le 15 juillet que le rapport d'examen préalable avait été approuvé. Pas l'UNSI. Le 16 juillet, des représentants des requérantes, accompagnés de leurs experts-conseils, ont rencontré des scientifiques et d'autres agents de P&O et d'EC. Avant l'arrivée des représentants de l'UNSI, tous les représentants gouvernementaux présents à la réunion ont été informés que le rapport d'examen préalable avait été approuvé la veille. Les représentants de l'UNSI et des autres requérantes n'ont pas été mis au courant de ce fait avant ou pendant la réunion. Au cours de cette dernière, entre autres questions, d'après l'affidavit de M. Daniel Christmas, les représentants des requérantes auraient posé des questions précises au sujet de la migration de certaines espèces de poisson ainsi que sur l'effet du dragage à Middle Shoal, ce qui a amené P&O à s'engager à fournir des renseignements; mais cela n'a pas été fait.

 

     Ce n'est qu'après la conclusion de la réunion du 16 juillet que les représentants de l'UNSI ont été mis au courant que le rapport d'examen préalable avait été approuvé la veille. Deux des représentants des requérantes ont reçu, après la réunion, un exemplaire du rapport d'examen préalable signé le 15 juillet, et ont été informés que l'autorisation et le permis nécessaires à l'exécution du projet seraient accordés après publication de l'avis de délivrance dudit permis dans la Gazette du Canada le 20 juillet (si les conditions d'autres rapports satisfaisants étaient remplies par la suite, selon toute vraisemblance). Cela a pris par surprise les représentants des requérantes, qui croyaient que la réunion du 16 juillet avait pour objet d'examiner des questions relatives aux pêches et à l'environnement, et que l'on examinait encore le bien-fondé d'octroyer l'autorisation et le permis nécessaires. En fait, la décision finale avait été prise le 15 juillet et, par la suite, il n'y a pas eu d'occasion d'être entendu sur le bien-fondé du projet. L'approbation de l'autorisation et du permis n'était subordonnée qu'à l'établissement de plans satisfaisants destinés à atténuer les effets environnementaux négatifs anticipés du projet.

 

     Après la réunion du 16 juillet, l'un des spécialistes des pêches de la Direction générale des sciences de P&O a informé les personnes qui, au sein de son Ministère, étaient chargées du rapport d'examen préalable que l'un des sites d'élimination proposés, le site A (révisé), se trouvait dans un secteur qui, selon ce qu'indiquaient les études qu'il avait faites plus tôt, était une zone d'alevinage de morue ainsi qu'une voie de migration du homard. Cette information a amené à modifier l'ébauche d'autorisation de travaux ou d'ouvrages  modifiant l'habitat du poisson de manière à ce qu'elle comporte une brève stipulation faisant référence à l'élevage et à la migration du poisson dans le secteur et indiquant qu'il se pouvait que l'on impose des restrictions à l'usage du site A (révisé) à la suite d'études biologiques préalables à l'immersion de déchets en mer, conçues pour déceler la présence des espèces trouvées antérieurement dans la région. De plus, l'immersion de déchets au site A (révisé) était limitée par les conditions du plan d'élimination des résidus de dragage, lequel a été approuvé avant que le permis d'immersion de déchets en mer soit délivré plus tard. L'UNSI a par la suite eu connaissance de cette même information, et les requérantes font remarquer que le fait que P&O ait oublié plus tôt d'en faire état dénote que l'on a négligé de prendre en compte l'ensemble des éléments de preuve disponibles avant d'approuver le rapport d'examen préalable. Détail intéressant, l'un des experts-conseils au service de LNG était au courant des études antérieures, et n'en avait pas fait état, pour diverses raisons, dans son rapport destiné à LNG, et ce, même s'il n'est pas un spécialiste des sciences halieutiques.

 

     Voici une brève chronologie d'autres faits survenus après le 16 juillet.

——Le 22 juillet 1996, l'UNSI a reçu du ministre de l'Environnement une lettre datée du 15 juillet 1996, accusant réception de la lettre du 5 juin 1996 et assurant que les constatations et recommandations de l'UNSI, de même que son évaluation indépendante de l'examen environnemental du projet, [TRADUCTION] « seront incluses dans l'étude du projet proposé à laquelle procèdera Environnement Canada ». La lettre, rédigée pour le ministre avant la fin de juin, mentionnait notamment que ce dernier croyait comprendre que des agents de P&O et Environnement Canada rencontreraient des représentants de l'UNSI pour discuter des points qui les préoccupaient; cela, était-il dit, quand la lettre a été rédigée, était lié à la réunion du 5 juillet.

——Le 22 juillet 1996, le directeur général régional de P&O a signé l'autorisation de travaux ou d'ouvrages modifiant l'habitat du poisson liée au projet, en vertu du paragraphe 32(2) de la Loi sur les pêches; l'autorisation signée comportait la modification susmentionnée concernant le site A (révisé) relativement à l'élimination des résidus de dragage.

——Le 29 juillet 1996, après la publication d'un avis d'intention d'octroyer un permis d'immersion de déchets en mer pour le projet dans la Gazette du Canada le 20 juillet, le permis relatif à ce projet a été signé par le directeur général régional d'Environnement Canada, en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Le permis est identique à l'ébauche annexée antérieurement au rapport d'examen préalable approuvé. Il exigeait que soient soumis à Environnement Canada les plans d'atténuation indiqués comme nécessaires dans le rapport d'examen préalable, c'est-à-dire un plan de protection de l'environnement, un plan d'intervention d'urgence et un plan d'élimination des résidus de dragage, qui devaient tous être soumis à Environnement Canada et jugés satisfaisants avant le début des travaux de dragage. LNG a entrepris de dresser ces plans en consultant de façon permanente P&O et Environnement Canada, ainsi que des pêcheurs commerciaux. L'UNSI a refusé de prendre part à ce travail. Les discussions se sont poursuivies entre LNG et les agents des ministères, et les rapports requis ont été soumis à EC, qui s'en est dit satisfait.

——Le 12 août 1996, les requérantes ont déposé leur demande initiale de contrôle judiciaire, ainsi que leur demande d'ordonnance suspendant la mise en oeuvre des décisions prises en attendant l'audition de la demande de contrôle.

——Le 14 août 1996, LNG a conclu ses ententes contractuelles relatives aux travaux de dragage et à l'immersion de déchets en mer.

——Le 20 août 1996, LNG a mis la dernière main aux plans d'atténuation qu'elle devait soumettre et, ce soir-là, a entrepris les travaux de dragage sous réserve d'une variété de dispositions relatives à la surveillance du processus de dragage et de rejet au fur à mesure des travaux.

——Le 29 août 1996, comme il a été mentionné plus tôt, la demande de l'UNSI et des cinq Bandes en vue de l'obtention d'une suspension a été entendue et rejetée, mais il a été ordonné de prévoir une instruction avancée.

 

     Tant à l'instruction avancée de la demande de suspension qu'à l'audition de la présente affaire, les requérantes se sont opposées à la preuve par affidavit des agents et des experts-conseils consultants des intimés dans la mesure où cette preuve se rapportait à des faits survenus après l'approbation du rapport d'examen préalable et l'octroi de l'autorisation et du permis. Cette preuve avait trait à des observations de la part des experts-conseils de LNG et des agents des ministères principalement en cause, au sujet d'observations faites durant les activités et la surveillance en cours. Ces observations étayaient, disait-on, les mesures d'atténuation adoptées ainsi que les décisions prises. Je suis d'accord avec les requérantes qu'une preuve concernant des faits survenus après que les décisions ont été prises n'ont aucune importance directe pour les questions soulevées en l'espèce.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

     Les requérantes soulèvent deux questions de base au sujet des décisions contestées en l'espèce. La première a trait essentiellement à l'équité procédurale, c'est-à-dire, selon les avocats, le déni du degré de respect auquel avaient droit les requérantes dans le processus d'évaluation, surtout pour ce qui est de la décision, prise le 15 juillet, de signer - d'accepter - sous réserve de la prise de mesures d'atténuation le rapport d'examen préalable alors que des réunions avaient été organisées pour le lendemain en vue de discuter de certaines questions avec des scientifiques de P&O. La question de l'équité procédurale, est-il dit, revêt une importance spéciale en l'occurrence, à cause de la situation des Micmacs, que représentent les requérantes, en tant qu'Autochtones, et à cause des attentes légitimes qu'avaient ces dernières du fait de la conduite des personnes agissant pour le compte des deux ministres principalement concernés. Les intimés nient que la situation des Micmacs suscite une préoccupation spéciale de nature procédurale, mais que, s'il était vrai que leurs droits à titre d'Autochtones soulevaient une préoccupation quelconque de cette nature, elle a été satisfaite en l'espèce, et ils nient aussi que la doctrine des attentes légitimes s'applique aux circonstances de l'espèce.

 

     La seconde question de base soulevée est celle de savoir si le processus d'évaluation qui a été suivi dans cette affaire satisfaisait aux exigences et à la norme applicable en vertu de la LCEE, qui, est-il avancé, oblige à prendre en compte des mesures d'atténuation dans le cadre de ce processus, et que ce dernier comporte une évaluation sérieuse de toutes les preuves scientifiques pertinentes se rapportant aux préoccupations de nature environnementale. Les requérantes soutiennent que ces exigences n'ont pas été remplies, ce que rejettent les intimés.

 

     Le reste des présents motifs porte sur les deux questions de base soulevées.

 

ÉQUITÉ PROCÉDURALE

 

     Les requérantes font valoir qu'elles n'ont pas eu droit au bénéfice de l'équité procédurale dans le processus qui a amené les ministres intimés à prendre leurs décisions, surtout la décision conjointe du 15 juillet 1996, d'accepter le rapport d'examen préalable. L'inéquité alléguée, disent-elles, concerne trois points, que j'analyserai à tour de rôle.

 

a)Équité et dates et ordre des décisions

 

     En premier lieu, est-il dit, dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu des réponses encourageantes des ministres concernés, ainsi que du fait qu'une réunion avaient été organisée pour le 16 juillet avec des scientifiques de P&O pour que l'UNSI puisse prendre connaissance des préoccupations des scientifiques à propos du projet et obtenir les commentaires de ces derniers sur certaines questions qui les inquiétaient, il était injuste de changer les dispositions qui avaient été prises et de signer, ou d'accepter, le rapport d'examen préalable avant la tenue des discussions prévues. Au nom des requérantes, M. Daniel Christmas déclare dans son affidavit daté du 5 septembre 1996 que :

 

[TRADUCTION]

 

À la réunion du 16 juillet 1996, nous avons posé des questions précises au sujet de la migration du saumon de l'Atlantique et du gaspareau dans le secteur des lacs Bras d'Or, ainsi que sur l'impact qu'auraient sur ces poissons les travaux de dragage de Middle Shoal, surtout en ce qui concerne les effets du panache de sédimentation sur leurs signaux olfactifs et leur odorat. Aucun des représentants de P&O ou d'EC n'avait des connaissances ou des informations quelconques au sujet du saumon, du gaspareau et de ces questions, et le personnel de P&O s'était engagé à fournir les renseignements demandés. À ce jour, nous ne les avons pas encore reçus.

 

     Il semble évident qu'à la réunion du 16 juillet les représentants de l'UNSI n'étaient pas satisfaits de certaines questions scientifiques sur lesquelles ils n'avaient reçu aucune information qui aurait permis de dissiper leurs préoccupations. Le fait d'avoir été informés seulement après la réunion que le rapport d'examen préalable avait été approuvé la veille et que l'on s'attendait à délivrer les autorisations requises en vertu des lois applicables a dû les surprendre. Il n'est pas étonnant que les requérantes jugent que le processus décisionnel soit inéquitable, car l'UNSI avait obtenu du MAINC des fonds pour réaliser une étude indépendante avec l'aide d'experts-conseils, et elle avait reçu une réponse encourageante du ministre de P&O et du ministre d'EC, ainsi que des assurances générales à propos de l'importance de la participation de l'UNSI au processus d'évaluation. Toutefois, la décision avait été prise avant qu'ait lieu la réunion, organisée à la demande de l'UNSI, avec des scientifiques de P&O en vue de discuter des points qui préoccupaient les requérantes.

 

     Selon les auteurs des affidavits produits pour le compte des ministres concernés, le rapport des experts-conseils que les requérantes ont présenté sur le poisson et l'habitat du poisson, de même que les constatations et recommandations de ces dernières, ont été pris en compte dans l'évaluation. Une réponse écrite a finalement été donnée le vendredi 12 juillet au document exposant les préoccupations principales - les constatations et recommandations - de l'UNSI. Il ressort du dossier que P&O a discuté desdites constatations et recommandations avec des représentants de LNG à la mi-juin, ainsi que vers la fin du mois, au sein de P&O, par des scientifiques et des agents qui s'occupaient de préparer le rapport d'examen préalable. S'il est vrai que les observations des requérantes ont été analysées sérieusement, il semble curieux qu'il n'en a manifestement pas été question de façon convenable, selon les représentants de l'UNSI, dans les discussions du 5 juillet, et ce n'est que plus tard, quand l'UNSI a demandé que l'on réponde par écrit à ses constatations et recommandations, qu'un effort a été fait pour coordonner une réponse.

 

     En même temps, il est signalé qu'il n'est pas exigé dans la loi de tenir des consultations au sujet d'un examen préalable; par contre, l'autorité responsable peut déterminer dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire qu'une telle mesure s'impose. En l'espèce, aucun engagement exprès n'a été pris à l'égard d'un rôle ou d'un programme de consultation particulier pour l'UNSI. Par ailleurs, sur ce point, le dossier indique bien que les requérantes ont fait des observations écrites, c'est-à-dire les rapports établis pour leur compte sur le poisson et l'habitat du poisson, sur les préoccupations d'ordre océanographique, ainsi que sur l'énoncé des constatations et recommandations de l'UNSI. Il y a eu quelques discussions sur ces questions entre LNG et les agents chargés du processus d'évaluation, d'autres discussions avec P&O, et il y est fait référence sommairement dans le rapport d'examen préalable lui-même. Pourtant, les requérantes ont trouvé le processus de consultation insatisfaisant. Il n'est peut-être pas surprenant que l'avocat des requérantes indique que le processus qui a suivi manifestait un manque de respect. Le moment choisi a été des plus regrettables pour ceux qui devraient se soucier de la participation des collectivités intéressées au règlement de préoccupations contradictoires.

 

     Pourtant, à moins qu'il y ait un motif autre que le sentiment général d'injustice que suscite le moment où les faits en question se sont produits, la Cour n'a aucune raison d'intervenir pour annuler la décision. Les requérantes font valoir qu'il existe une autre raison pour conclure à l'inéquité du processus, c'est-à-dire, compte tenu des droits des requérantes à titre d'Autochtones, la façon dont on a traité de ces droits dans l'évaluation.

 

b)Équité et droits à titre d'Autochtones

 

     Ces droits à titre d'Autochtones comprennent, notamment, le droit des Micmacs de pêcher à des fins alimentaires dans les eaux des lacs Bras d'Or et dans les cours d'eaux qui s'y déversent. Ainsi qu'il a été mentionné plus tôt, la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse a reconnu ce droit dans l'arrêt R. v. Denny et al., précité. L'exercice de ce droit par rapport à certaines espèces de poisson nécessaires dépend manifestement de la migration du poisson, principalement par le lac Grand Bras d'Or, où se déroule le projet, même si, pour d'autres espèces non migratrices, tout effet négatif éventuel du projet au sein des lacs serait important.

 

     Il est allégué que les personnes agissant pour le compte des ministres ont négligé de s'acquitter des responsabilités que leur confère la LCEE. À l'alinéa 16(1)a), la Loi dispose que « l'examen préalable, l'étude approfondie,... d'un projet portent notamment sur les éléments suivants : a) les effets environnementaux du projet... ». Au paragraphe 2(1), la Loi définit l'expression « effets environnementaux »; il s'agit des « ... changements que la réalisation d'un projet risquent de causer à l'environnement... sont comprises parmi les changements à l'environnement les répercussions de ceux-ci... sur l'usage courant de terres et de ressources à des fins traditionnelles par les autochtones... ». Il est fait référence à cette notion importante des « effets environnementaux » dans la lettre du ministre de l'Environnement, datée du 21 juin, que l'UNSI a reçue le 2 juillet.

 

     Il ressort du dossier que l'examen indépendant du projet concernant le poisson et l'habitat du poisson (le rapport Kenchington) qui a été réalisé pour l'UNSI fait bel et bien référence à l'usage courant, par les Micmacs, des ressources halieutiques des lacs Bras d'Or, mais il est signalé également qu'un compte rendu complet de ces ressources était en préparation dans le rapport d'un autre expert-conseil destiné à l'UNSI. L'un des rapports préparés pour LNG est son étude intitulée « Middle Shoal Channel Improvement Program: Potential Impacts on Inlake Fish and Fisheries (Programme d'amélioration du chenal de Middle Shoal : effets éventuels sur le poisson et la pêche dans les lacs), qui traite effectivement de la pêche dans les lacs Bras d'Or. Il y est fait expressément mention de l'importante présence historique et actuelle des Micmacs dans ces zones de pêche. Naturellement, c'est sur cette présence des Micmacs et l'usage qu'ils font de cette zone de pêche qu'est fondé leur droit reconnu à titre d'Autochtones. Le rapport de LNG passe en revue certaines des principales espèces intéressantes, et fait référence à des préoccupations suscitées par des aspects qui empêcheraient le poisson de migrer par le chenal du lac Grand Bras d'Or. Le rapport conclut que le projet n'est pas censé avoir d'effet important sur la migration du poisson, que ce soit pour entrer dans les lacs ou en sortir, mais qu'il faudrait établir des programmes pour surveiller la situation pendant toute la durée du projet afin de s'assurer que cela est bien le cas.

 

     Fait surprenant, le rapport d'examen préalable que les représentants des ministres ont approuvé en le signant ne fait pas précisément mention du fait que les Micmacs pêchent dans les lacs Bras d'Or, même dans la brève référence qui y est faite aux Premières nations. Le rapport comporte toutefois dans une « Table of Effects Related to Changes in the Environment » (Tableau des effets liés aux changements environnementaux) une référence aux effets négatifs éventuels sur la « Current Use of Lands and Resources for Traditional Purposes by Aboriginal Persons » (Usage courant des terres et des ressources à des fins traditionnelles par les Autochtones). Les effets négatifs éventuels sont décrits en ces termes [TRADUCTION] : « effet négatif possible des changements aux eaux marines, à l'habitat du poisson et à la migration du poisson sur l'usage des ressources marines par les Autochtones ». Toutefois, l'éventualité de cet effet est tenue pour négligeable, sans effet cumulatif. Par ailleurs, le rapport signale ce qui suit [TRADUCTION] : « La mise en oeuvre des mesures d'atténuation susmentionnées garantira que l'on évite des effets environnementaux négatifs ». Si, à première vue, cette note semble porter sur l'usage que font les Autochtones des ressources à des fins traditionnelles, ainsi que le prescrit la LCEE, dans le contexte du rapport d'examen préalable l'usage auquel il est fait référence est, selon moi, l'usage possible des ressources halieutiques au site de dragage et aux sites de rejet de déchets en mer, qui, dans les deux cas, ne préoccupent pas directement les requérantes. La seule préoccupation suscitée par l'effet éventuel du projet sur les ressources halieutiques des lacs dont traite le rapport d'examen préalable des ministres concerne la migration du poisson au site de dragage. Pour ce qui est de cette migration d'espèces dans le lac Grand Bras d'Or, il est reconnu qu'il existait peu d'informations scientifiques, sinon pas, avant août 1996. Les mesures d'atténuation prévoyaient une surveillance de la migration du poisson aux alentours du site de dragage, mais l'utilité des mesures de surveillance et l'importance de tout résultat paraissaient douteuses, aux yeux de quelques spécialistes des pêches de P&O du moins, car l'on en savait peu, sinon rien, sur la migration du poisson dans le secteur ou sur  l'efficacité des méthodes de surveillance à employer.

 

     Ma conclusion est la suivante : malgré qu'il y soit fait brièvement référence dans le tableau des effets négatifs éventuels qui figure dans le rapport d'examen préalable, les personnes agissant au nom des ministres n'ont pas examiné ou évalué soigneusement l'usage réel que font les Micmacs, à des fins traditionnelles, des ressources halieutiques des lacs Bras d'Or. Telle est ma conclusion. Même si LNG en a traité, cet usage des ressources n'a pas été examiné de manière précise dans le rapport d'examen préalable, ou d'une autre façon par les évaluateurs de P&O et d'EC. À mon sens, il est essentiel que les autorités responsables aux termes de la LCEE analysent directement les questions incluses dans les « effets environnementaux » définis au paragraphe 2(1) de la Loi. Il est possible que, après examen, le résultat soit le même que celui qui est présenté dans le tableau du rapport, c'est-à-dire que l'effet éventuel serait considéré comme négligeable, mais on ne peut présumer cela maintenant sans analyser la question, pas plus qu'on aurait pu le faire le 15 juillet, date de l'acceptation du rapport d'examen préalable.

 

     Un autre aspect d'inéquité par rapport aux droits spéciaux des requérantes en tant qu'Autochtones découlerait de l'obligation fiduciaire qu'a l'État envers ces dernières. La nature de cette obligation n'est pas énoncée dans l'argumentation, mais en l'espèce, elle comporterait au moins le fait de ne pas permettre que s'exercent des effets négatifs injustifiés sur des droits autochtones permanents, qui comportent en l'occurrence celui de pêcher à des fins alimentaires dans les lacs Bras d'Or.

 

     Je signale que les requérantes ont donné avis aux intimés avant l'audition des présentes demandes et, en accord avec cet avis, elles ont proposé à l'audience de modifier les motifs énoncés dans les trois demandes comme fondements de leurs demandes de contrôle judiciaire. Elles ont proposé d'ajouter un motif supplémentaire :

 

[TRADUCTION]

 

12.Les requérantes feront valoir que les ministres ont commis une erreur de droit et de compétence à l'égard de l'obligation fiduciaire qu'a envers elles sa Majesté la Reine du Chef du Canada en ne leur procurant pas une occasion raisonnable d'être entendues, et/ou en n'exigeant pas que le ministre des Affaires indiennes et du Nord, les requérantes, ou une personne agissant en son ou en leur nom, signent le document d'examen préalable exigé par la LCEE à titre d'autorité responsable, et/ou s'assurent par ailleurs que la décision relative à l'examen préalable, l'autorisation et le permis sont conformes aux obligations fiduciaires de Sa Majesté envers les requérantes.

 

     L'avocat du Procureur général, qui représentait les ministres, s'est opposé à la modification proposée qui, a-t-il été allégué, ajoute à la dernière minute un nouveau motif, quand dans le cas d'une instruction avancée, seuls les motifs initiaux doivent être inclus, surtout que l'État n'a pas eu l'occasion de chercher des éléments de preuve possibles, dans les dossiers du MAINC peut-être, au sujet de toute obligation fiduciaire revendiquée en l'espèce.

 

     Je ne suis pas disposé à faire droit à la modification proposée, mais en arrivant à cette conclusion, je ne règle pas entièrement toute prétention fondée sur la question de l'obligation fiduciaire. Je rejette la modification parce que celle-ci n'est pas nécessaire pour soulever la question du non-respect d'obligations fiduciaires en tant qu'élément d'inéquité au sein du processus. Cet aspect ne surprend pas les intimés, à mon avis, car il y a été fait référence dans l'argumentation présentée au moment de l'audition de la demande de suspension le 29 août, et une violation de l'obligation fiduciaire a été alléguée dans l'argumentation écrite déposée par les requérantes le 20 septembre en accord avec le calendrier fixé pour l'audition.

 

     L'un des buts principaux de la modification proposée était, selon l'avocat des requérantes, d'inviter la Cour à envisager de commenter ou de prescrire la façon dont l'État devait s'acquitter de son obligation fiduciaire au vu du processus exposé dans la LCEE, c'est-à-dire si le MAINC, ou, à la place de ce dernier, les requérantes elles-mêmes devraient être tenues de signer le rapport d'examen préalable. Cette suggestion découle manifestement d'une certaine hésitation quant à la responsabilité concernant l'obligation fiduciaire de l'État envers les requérantes en l'espèce. Ainsi, par exemple, une lettre figurant dans le dossier des agents du MAINC comporte une reconnaissance de la nécessité de s'acquitter de cette obligation fiduciaire, mais le Ministère a refusé de prendre part officiellement à l'acceptation de l'examen préalable ou aux consultations le concernant, et il était dit dans cette lettre que c'était P&O qui devait faire directement affaire avec les requérantes. Par déduction, la position du MAINC aurait été la suivante : la principale autorité responsable en vertu de la LCEE, P&O en l'occurrence, assumait la responsabilité de s'acquitter de l'obligation fiduciaire de l'État. Pourtant, rien ne prouve que l'un quelconque des agents de P&O ayant participé à l'évaluation ait reconnu cette responsabilité. À mon sens, les requérantes ne pouvaient elles-mêmes l'assumer. Ni le MAINC ni les requérantes, ni quiconque en leur nom, ne correspondent à la définition d'une « autorité responsable » afin de veiller à ce que l'on procède d'une manière satisfaisante à une évaluation environnementale aux termes des articles 11 et 5 de la LCEE, et ni l'une ni l'autre de ces parties n'était chargée en vertu de la Loi d'approuver le rapport d'examen préalable.

 

     L'obligation fiduciaire de l'État envers les requérantes, à titre de représentantes des Autochtones, s'est poursuivie pendant toute la durée du processus d'évaluation, ainsi que par la suite. Il se peut que dans la fonction publique, à cette occasion du moins, on ait eu le sentiment que le MAINC était seul à devoir s'acquitter de cette obligation. Ce n'est que dans la mesure où cette obligation est prévue dans le libellé de la LCEE, où il est dit que les effets environnementaux comprennent l'« usage courant de terres et de ressources à des fins traditionnelles par les autochtones », qu'il est fait référence implicitement à cette obligation en l'espèce. C'est donc dire qu'il n'en est fait mention que dans la lettre du ministre de l'Environnement datée du 21 juin 1996, et dans le tableau du rapport d'examen préalable où sont présentés les effets environnementaux. J'ai concu qu'à vrai dire, ce dernier ne reflète pas que les autorités chargées de procéder à l'examen ont tenu compte du droit reconnu des Micmacs, à titre d'Autochtones, de pêcher à des fins alimentaires dans les lacs Bras d'Or. Les autorités responsables en cause, agissant pour le compte du ministre des Pêches et des Océans et du ministre de l'Environnement, n'ont simplement pas fait mention de l'obligation fiduciaire qu'avait le gouvernement de Sa Majesté envers les Micmacs. Le fait de ne pas prendre en compte cette obligation et la responsabilité qu'elle suscite, lorsqu'un droit autochtone a été reconnu antérieurement et peut être négativement touché par le projet constitue, selon moi, une omission de la part de ceux qui agissaient pour le compte des ministres intimés de faire preuve d'équité envers les requérantes dans le cadre du processus d'évaluation environnementale. En fait, on commet à mon sens une erreur de droit en négligeant d'examiner la question du droit autochtone et, s'il y a un effet sur ce dernier, d'évaluer si cet effet est justifié ou non, conformément à l'approche exposée par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075, p. 1111 à 1119; 70 D.L.R. (4th) 385, p. 411 à 417.

 

     Je suis convaincu qu'en négligeant de prendre en compte l'obligation fiduciaire due en l'espèce aux requérantes, quand la décision a été prise au nom des ministres, les personnes qui agissaient au nom de ces derniers l'ont bel et bien enfreinte. Le fait d'examiner cette dernière, afin d'éviter d'occasionner des conséquences négatives injustifiées pour les droits des requérantes sur les ressources halieutiques des lacs Bras d'Or, pourrait conduire à la même conclusion que celle qu'a tirée l'expert-conseil dont LNG avait retenu les services, savoir que le projet n'aurait vraisemblablement pas d'incidence sur les droits relatifs aux ressources halieutiques des lacs. Si tel est le cas, la décision sera prise par les personnes agissant pour le compte de l'État qui sont responsables, au nom de Sa Majesté, envers le peuple micmac. Elle ne se limiterait pas simplement à ce qu'a déterminé une tierce partie privée n'ayant ni le pouvoir ni la responsabilité d'agir au nom de Sa Majesté en prenant en compte l'obligation fiduciaire requise en l'espèce.

 

     Il a été allégué pour le compte des requérantes qu'en vertu de la LCEE, ces dernières, en qualité de représentantes des Autochtones, ont un rôle spécial à jouer dans le processus d'évaluation environnementale, et ce, du fait de la Loi elle-même et de l'obligation fiduciaire à leur endroit. Je n'en suis pas convaincu. Il est clair toutefois que la LCEE exige que l'on évalue tout effet d'un changement environnemental sur l'usage courant de leurs droits sur les ressources halieutiques des lacs Bras d'Or à des fins traditionnelles. Cette évaluation, dans la mesure où l'on évalue l'effet de changements sur ces droits, que protège le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, oblige à appliquer les critères énoncés dans l'arrêt R. c. Sparrow, précité. Dans certains cas, la Loi et tout règlement pertinent peuvent fort bien être soumis à des exigences décrites dans la décision qu'a récemment rendue la Cour suprême dans Dabs c. Sa Majesté la Reine et autre, arrêt non publié, dossier no 23615 daté du 3 octobre 1996, mais en l'espèce, aucune question n'est soulevée à propos de la validité ou de l'application de la LCEE.

 

c)Équité et attentes légitimes

 

     Enfin, en ce qui concerne l'équité procédurale, les requérantes soutiennent que la doctrine des attentes légitimes s'applique en l'espèce. Cette doctrine est décrite par le juge Sopinka, dans l'arrêt l'Association des résidents du Vieux Saint-Boniface Inc. c. La Ville de Winnipeg, [1990] 3 R.C.S. 1170, à la p. 1204; il s'agit du :

[...] prolongement des règles de justice naturelle et de l'équité procédurale. [Le principe] accorde à une personne touchée par la décision d'un fonctionnaire public la possibilité de présenter des observations dans des circonstances ou, autrement, elle n'aurait pas cette possibilité. La Cour supplée à l'omission dans un cas où, par sa conduite, un fonctionnaire public a fait croire à quelqu'un qu'on ne toucherait pas à ses droits sans le consulter.

 

     Il est allégué au nom des ministres intimés qu'il n'y a pas eu d'engagement explicite - et cela ne se fait normalement pas lorsque l'on examine un rapport d'examen préalable - qu'une décision ne serait prise qu'après la réunion du 16 juillet, où des questions de nature scientifique devaient être analysées. Les requérantes font valoir que même sans ces facteurs, il était raisonnable qu'elles s'attendent, comme elles l'ont fait, à ce qu'aucune décision ne soit prise avant que l'on ait discuté de leurs préoccupations relatives aux évaluations scientifiques. Comme il a été mentionné plus tôt, ces attentes découlaient, en partie, de l'octroi de fonds par le MAINC en vue de l'exécution de leurs études indépendantes, ainsi que des assurances données par les ministres de P&O et d'EC que leur travail occuperait une place importante dans l'évaluation, en fait, comme l'a indiqué le ministre de l'EC dans sa lettre du 21 juin 1996, qu'on ne délivrerait pas de permis d'immersion de déchets en mer avant d'avoir examiné un rapport de l'UNSI. La réunion tenue le 5 juillet pour régler les préoccupations des requérantes s'est avérée insatisfaisante, et l'UNSI a demandé trois autres mesures, dont deux ont été satisfaites en fournissant une réponse écrite à ses constatations et recommandations et en fixant la réunion avec des scientifiques de P&O. La troisième mesure, une autre réunion avec les directeurs régionaux de P&O et d'EC, ne s'est pas concrétisée.

 

     Vu les fonds qu'a obtenus l'UNSI pour réaliser son examen indépendant du projet, des fonds dont étaient au courant les ministres concernés et leurs agents compétents, il est surprenant qu'aucun commentaire satisfaisant n'ait été fait sur l'étude de l'UNSI portant sur le poisson et l'habitat du poisson, et le dossier ne fait état d'aucune des autres études que l'UNSI a réalisées, au su des agents de P&O et d'EC, avant que ceux-ci décident d'entériner le rapport d'examen préalable. Il n'est peut-être jamais facile, comme l'illustre la présente affaire, de coordonner la prise de décisions au sein de l'État, surtout lorsqu'il y a plus d'un organisme en cause. En matière d'évaluation environnementale, il est indispensable que la coordination soit bonne si l'on veut que le processus suscite une confiance quelconque chez ceux dont les droits sont touchés par un changement environnemental anticipé.

 

     Néanmoins, selon moi, la doctrine des attentes légitimes ne s'applique pas en l'espèce. Aucun processus ou aucune pratique de nature législative ou réglementaire ne prévoit la tenue d'une réunion, pour analyser des questions de nature scientifique avec des scientifiques de l'État ou des directeurs généraux régionaux, et bien que les requérantes aient demandé les deux, ni l'une ni l'autre n'ont été expressément présentées comme un engagement par les personnes agissant pour le compte des ministres. La Cour n'a nulle raison de conclure à l'existence d'une attente légitime qui l'amènerait à intervenir pour imposer une mesure procédurale obligeant à donner une autre occasion de présenter des observations, soit aux scientifiques de P&O soit aux directeurs généraux régionaux. Il est allégué que les requérantes avaient le droit d'être informées de la « preuve » soumise aux personnes agissant pour le compte des ministres et de faire des observations au sujet de questions scientifiques incluses dans cette « preuve ». La décision dont il est question en l'espèce n'est pas typiquement judiciaire; il s'agit plutôt d'une décision administrative qui doit être prise à la discrétion des ministres concernés. Même si elle s'appliquait en l'espèce, la doctrine des attentes légitimes n'étayerait pas la conclusion que les requérantes avaient droit à plus qu'une occasion de présenter leurs propres observations, afin de contribuer aux documents soumis aux ministres. Il ne s'agirait pas d'une raison de justifier le droit de faire des commentaires sur l'ensemble des documents ou des éléments de « preuve » soumis à l'examen des ministres.

 

EXIGENCES D'UNE ÉVALUATION EN VERTU DE LA LCEE

 

     Les requérantes prétendent que, dans la décision d'approuver le rapport d'examen préalable, les ministres ne se sont pas conformés aux exigences prévues par la LCEE d'évaluer dans le cadre du processus d'examen les mesures à prendre pour atténuer les effets négatifs et, de plus, qu'elles n'ont pas procédé à une évaluation scientifique sérieuse et raisonnable du projet, comme l'exige la Loi. Au sujet de ce dernier point, il est allégué que les décisionnaires n'ont pas tenu compte des avis scientifiques qui leur avaient été soumis et ont tiré des conclusions manifestement déraisonnables. Les intimés contestent ces arguments et soutiennent qu'eu égard à la norme de contrôle à laquelle est soumise la Cour dans la présente instance, il n'est pas établi que les constatations et conclusions du rapport d'examen préalable étaient manifestement déraisonnables.

 

     Dans le premier de ces arguments, les requérantes font valoir qu'à la date où le rapport d'examen préalable a été accepté, les mesures d'atténuation n'avaient pas toutes été déterminées ou évaluées. Plutôt, le rapport, dans la forme où il a été accepté, prévoyait expressément que LNG devait dresser un plan de protection de l'environnement, un plan d'intervention d'urgence et un plan de gestion de l'élimination des rebuts de dragage, lesquels devaient être soumis à l'approbation de P&O et d'EC avant le début des travaux de dragage. La mise en oeuvre des activités devait être surveillée, et celle des plans non encore établis par LNG garantissait que l'on éviterait des effets négatifs et que l'on évaluerait les prévisions fixées au moment de l'évaluation.

 

     L'argument est fondé sur la Loi, laquelle dispose que toute étude d'un projet porte notamment sur « les mesures d'atténuation réalisables, sur les plans technique et économique, des effets environnementaux importants... » [al. 16(1)d), LCEE]. En l'espèce, la décision a été prise en vertu de l'alinéa 20(1)a) de la Loi, lequel porte que la décision de l'autorité responsable doit être prise « après avoir pris en compte le rapport d'examen préalable », y compris « compte tenu de l'application des mesures d'atténuation qu'elle estime indiquées ».

 

     Aux termes du paragraphe 2(1) de la LCEE, les mesures d'atténuation signifient la « [m]aîtrise efficace, réduction importante ou élimination des effets environnementaux négatifs d'un projet, éventuellement assortie d'actions de rétablissement notamment par remplacement ou restauration; y est assimilée l'indemnisation des dommages causés ».

 

     Il a été fait référence, en termes succincts toutefois, à certaines mesures d'atténuation dans le rapport d'examen préalable. Ainsi, il est prévu que la création d'un habitat pour le homard et la prise de mesures d'indemnisation atténuent la perte de l'habitat du homard et d'invertébrés au site de dragage, et il est prévu que l'application d'un programme de surveillance pendant la durée des travaux, afin de faciliter la prise de mesures correctrices s'il est perçu que l'on retarde la migration d'importants bancs de poisson dans le chenal du lac Grand Bras d'Or, atténue le bruit et la perturbation attribuables aux travaux de dragage. Il est dit aussi, par les auteurs des affidavits d'EC et de LNG, qu'au cours de la réalisation de l'étude préalable de LNG, il a été longuement discuté de la prise de mesures d'atténuation pour faire face à des conséquences négatives. En fait, les représentants de l'État en ont parlé à la réunion du 5 juillet avec l'UNSI, en insistant peut-être trop sur les mesures d'atténuation, selon le point de vue des représentants de l'UNSI. Il semble évident qu'avant que le rapport d'examen préalable soit accepté le 15 juillet, les parties examinaient d'éventuelles mesures d'atténuation.

 

     Au vu des faits qui m'ont été soumis, l'argument des requérantes exigerait donc que tous les détails concernant les mesures d'atténuation soient réglés et examinés avant que l'on accepte le rapport d'examen préalable. Je ne suis pas convaincu que c'est ce que requiert la LCEE. La Loi établit pour l'évaluation des effets environnementaux un processus, permanent et dynamique, dans le cadre duquel a lieu un dialogue entre le promoteur du projet, les autorités responsables et souvent, comme c'est le cas en l'occurrence, les groupes communautaires intéressés. Le dragage et le rejet en mer des résidus de dragage sont des activités que l'on connaît bien dans les eaux canadiennes, et ce, même s'il n'y en avait pas eu auparavant à l'endroit où le projet dont il est question en l'espèce devait être exécuté. On savait bien des choses sur les mesures qui permettent d'atténuer les effets négatifs de ces activités en général, et le projet n'a pas été approuvé par l'octroi des permis nécessaires avant que les détails entourant les mesures d'atténuation aient été réglés à la satisfaction des autorités responsables.

 

     Je conclus que, lorsque le rapport d'examen préalable a été accepté le 15 juillet, les autorités responsables en savaient suffisamment sur les mesures d'atténuation, même s'il restait encore à LNG à régler les derniers détails acceptables, et on ne peut pas dire que ces autorités ne se sont pas conformées aux procédures que prévoit la LCEE. Il ressort de la preuve qu'en approuvant le rapport d'examen préalable, elles ont pris en compte les mesures d'atténuation générales qu'elles estimaient indiquées pour faire face aux conséquences négatives anticipées, et elles ont prévu de faire approuver les plans détaillés définitifs concernant les mesures d'atténuation avant que commencent les travaux.

 

     Les requérantes font valoir également que les ministres se trouvaient dans l'obligation de procéder à une évaluation sérieuse et raisonnable du projet en vertu de l'alinéa 4a) de la LCEE, lequel précise que cette Loi a pour objet, notamment, « de permettre aux autorités responsables de décider de tout projet susceptible d'avoir des effets environnementaux en se fondant sur un jugement éclairé quant à ces effets ». Je reconnais que cette norme est compatible avec les objets et les processus que fixe la Loi.

 

     Je ne suis toutefois pas convaincu que les personnes agissant pour le compte des ministres ont négligé de procéder à un examen sérieux, sauf qu'elles n'ont pas examiné l'usage courant que font les Micmacs des ressources halieutiques des lacs Bras d'Or et n'ont donc pas pris en compte la responsabilité fiduciaire envers ce peuple. La prétention des requérantes selon laquelle la norme de diligence prévue par la Loi n'a pas été respectée repose sur plusieurs facteurs. Ainsi, est-il dit, il n'y a pas eu d'examen scientifique général raisonnable du projet, certains renseignements critiques, comme des données de base sur la migration du poisson dans le chenal du lac Grand Bras d'Or n'ont pas été obtenues, et l'on n'a pas tenu compte des avis de certains scientifiques, sur, notamment, l'habitat du poisson à l'un des sites de rejet de déchets en mer, et sur un nouvel habitat pour le homard. Le dossier écrit, extrait des dossiers de P&O et d'EC, contient des messages électroniques enregistrés et déposés, et il révèle effectivement que certains scientifiques consultés dans le cadre du processus critiquaient des aspects du projet et des propositions faites en vue de surveiller et d'atténuer les conséquences négatives. Il ressort également de ce dossier qu'en fin de compte, des agents scientifiques de premier plan ont semblé reconnaître que leur avis aurait été plus clair et justifiable s'ils avaient procédé à une évaluation scientifique générale, au lieu de s'organiser simplement pour fournir des commentaires, comme il était demandé à des particuliers de le faire sur des aspects distincts de la proposition.

 

     Il y a peut-être bien des leçons que peuvent apprendre les scientifiques qui se soucient du fait que l'on prenne de meilleures dispositions pour fournir des conseils scientifiques au sujet des évaluations environnementales de projets à venir. Si c'est le cas, il serait regrettable que les vues divergentes des scientifiques en cause soient passées sous silence. Il serait inusité qu'ils n'aient pas de vues divergentes, comme le révèle en l'espèce le dossier écrit.

 

     Il faut toutefois se souvenir que la décision que prennent les ministres en vertu de la LCEE n'est pas de nature scientifique. Il s'agit d'une décision prise dans l'exercice d'un jugement qui tient compte de questions scientifiques, économiques, politiques et sociales appropriées. Dans l'arrêt Alberta Wilderness Association c. Express Pipelines Ltd., une décision non publiée, portant les nos A-494-96 et autres, datée du 24 juillet 1996; (1996) F.C.J. no 1016 (C.A.F.), la Cour d'appel a décrit en ces termes le processus que prévoit la LCEE :

 

Aucun élément d'information portant sur les effets futurs probables d'un projet ne saurait jamais être complet ou exclure toutes les conséquences possibles. [...] le principal critère établi par la loi est l'« importance » des effets environnementaux du projet. Il ne s'agit pas là d'un critère entièrement fixe ou objectif; il fait largement appel au jugement et à l'opinion de la commission. Des personnes raisonnables peuvent ne pas être du même avis - et ne le sont effectivement pas - sur la question de savoir si des éléments de preuve qui prévoient certaines répercussions à venir sont suffisants et exhaustifs et sur l'importance de ces répercussions sans soulever par le fait même des questions de droit.

 

     La nature même de la décision signifie que, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, la Cour doit forcément s'en remettre au décisionnaire prévu par la loi, à moins d'être convaincue que la décision est manifestement déraisonnable, c'est-à-dire qu'elle ne peut se justifier logiquement au vu de l'ensemble des renseignements dont disposait le décisionnaire au moment où il a pris sa décision. Tant qu'il existe des renseignements sur lesquels la décision pouvait être logiquement fondée, la Cour n'interviendra pas.

 

     Dans la présente affaire, hormis des questions d'équité procédurale, et en dépit de critiques du rôle des scientifiques et de celui des personnes à qui il incombait de coordonner les avis scientifiques et d'autres informations au cours de l'examen préalable du projet, y compris l'étude très sérieuse que LNG avait menée, je ne suis pas convaincu que la conclusion définitive qui est contestée en l'espèce, savoir que le projet soit approuvé sous réserve de la prise de mesures de surveillance et d'atténuation, peut être qualifiée de manifestement déraisonnable. Aussi sérieuse qu'elle puisse être, la critique des requérantes à l'égard de l'examen scientifique de l'étude de LNG ne convainc pas qu'il faudrait infirmer la conclusion ultime tirée pour le compte des ministres parce que l'évaluation des renseignements scientifiques sur le projet était moins que sérieuse, comme l'exige la LCEE du processus d'évaluation.

 

CONCLUSION

 

     Comme je l'ai indiqué plus tôt, je conclus que les personnes agissant pour le compte des ministres concernés ont omis d'évaluer les effets négatifs éventuels du projet sur l'usage des ressources halieutiques des lacs Bras d'Or par les Micmacs à des fins traditionnelles, c'est-à-dire, alimentaires. Ainsi que je l'ai signalé plus tôt, la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse a clairement confirmé cet usage. Il s'agit d'un droit des Autochtones, que les personnes agissant au nom de Sa Majesté se trouvent dans l'obligation fiduciaire de protéger contre les effets négatifs injustifiés du projet, et je suis arrivé à la conclusion que les personnes agissant pour le compte des ministres concernés ont omis de prendre en considération l'obligation fiduciaire qui était requise en l'espèce. Ces omissions constituaient un cas d'inéquité procédurale et des erreurs de droit.

 

     Il est allégué pour le compte de LNG que l'annulation des décisions ferait inévitablement augmenter le coût du projet, elle occasionnerait des obligations à LNG sans que celle-ci retire un bénéfice quelconque du projet, et elle créerait des incertitudes qui pourraient mettre en péril les perspectives à long terme de l'entreprise et de ses travailleurs. Aussi sérieuses qu'elles puissent être, ces préoccupations ne sont pas, à mon avis, de nature à amener la Cour à refuser d'exercer sa discrétion pour annuler les décisions d'approuver le projet, surtout que, comme je l'ai conclu, les autorités responsables ont omis de satisfaire aux exigences prévues par la LCEE d'évaluer les effets environnementaux négatifs qui pourraient toucher l'usage, fait par les Micmacs, des ressources halieutiques des lacs Bras d'Or à des fins traditionnelles.

 

     Une ordonnance a donc été rendue dans le dossier no T-1849-96, annulant la décision principale datée du 15 juillet 1996 et renvoyant l'affaire pour nouvel examen, après de plus amples consultations avec les requérantes et le promoteur, LNG, et après un examen des effets négatifs éventuels sur l'usage courant, par les Micmacs, que représentent les requérantes, des ressources halieutiques des lacs. Dans les deux autres dossiers, qui portent les nos T-2005-96 et T-2006-96, il a été ordonné d'annuler et de suspendre les décisions datées du 22 et du 29 juillet respectivement en attendant que soit réexaminée la décision principale d'approuver le rapport d'examen préalable établi à la suite d'une évaluation environnementale.

 

     Le nouvel examen de la décision principale concernant le rapport d'examen préalable devrait être entrepris à la lumière de toutes les informations disponibles à ce moment-là, et non simplement en se fondant sur les renseignements qui se trouvaient dans le dossier en date du 15 juillet 1996. Si cet examen se solde de nouveau par l'approbation du rapport d'examen préalable, qui inclurait donc expressément l'évaluation effectuée au sujet de l'usage, par les Micmacs, des ressources halieutiques des lacs Bras d'Or à des fins traditionnelles, alors, sous réserve d'une révision des conditions dans lesquelles les approbations subséquentes ont été accordées de manière à pouvoir intégrer tout changement maintenant indiqué, l'autorisation suspendue que le ministre des Pêches et des Océans avait donnée pourra être rétablie avec l'assentiment de ce dernier, et le permis suspendu que le ministre de l'Environnement avait délivré pourra être rétabli avec l'assentiment de ce dernier, et ce, selon moi, sans autre annonce ou avis officiel publié.

 

     Les ordonnances prescrivaient des dates d'entrée en vigueur, à moins que les avocats des requérantes, des ministres concernés et de LNG s'entendaient sur des dispositions différentes pour tenir compte des détails pratiques concernant la cessation des activités de dragage et de rejet de résidus en mer.

 

     Les ordonnances prescrivent au ministre des Pêches et des Océans, à titre de principale autorité responsable, en consultation avec le ministre de l'Environnement et LNG, de s'assurer que les modalités de surveillance permanentes qu'ils jugeront indiquées sont appliquées aux sites de dragage et de rejet de résidus en mer, en attendant que le rapport d'examen préalable établi à la suite de l'évaluation environnementale soit soumis à un nouvel examen.

 

     Enfin, j'ordonne qu'un exemplaire des présents motifs soit déposé dans les trois dossiers suivants de la Cour : T-1849-96, T-2005-96 et T-2006-96.

 

 

 

                                     W. Andrew MacKay

                                                                                 

                                              J U G E

 

O T T A W A (Ontario)

Le 29 octobre 1996.

 

Traduction certifiée conforme :                        

        François Blais, LL.B.


                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                 SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

           AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

No DU GREFFE :T-1849-96

 

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :UNION OF NOVA SCOTIA INDIANS ET AUTRES c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET AUTRES

 

 

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

 

 

 

 

DATES D'AUDIENCE :1er et 2 octobre 1996

 

 

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE MACKAY

 

 

 

 

EN DATE DU :23 octobre 1996

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

Me Bruce WildsmithPOUR LA REQUÉRANTE

 

Me John Ashley          POUR LES MINISTRES INTIMÉS

Me Colleen MacKey  

 

Me Stephen McGrath           POUR L'INTIMÉE, LITTLE NARROWS 

Me Jennifer MacLellanGYPSUM CO.

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Bruce WildsmithPOUR LA REQUÉRANTE

Barrs Corner (Nouvelle-Écosse)

 

 

Me George ThomsonPOUR LES MINISTRES INTIMÉS

Sous-procureur général du Canada

 

 

Boyne Clarke                 POUR L'INTIMÉE, LITTLE NARROWS

Halifax (Nouvelle-Écosse)    GYPSUM CO.


                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                 SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

           AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

No DU GREFFE :T-2005-96

 

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :UNION OF NOVA SCOTIA INDIANS ET AUTRES c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET AUTRES

 

 

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

 

 

 

 

DATES D'AUDIENCE :1er et 2 octobre 1996

 

 

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE MACKAY

 

 

 

 

EN DATE DU :23 octobre 1996

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

Me Bruce WildsmithPOUR LA REQUÉRANTE

 

Me John Ashley          POUR LES MINISTRES INTIMÉS

Me Colleen MacKey  

 

Me Stephen McGrath           POUR L'INTIMÉE, LITTLE NARROWS 

Me Jennifer MacLellanGYPSUM CO.

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Bruce WildsmithPOUR LA REQUÉRANTE

Barrs Corner (Nouvelle-Écosse)

 

 

Me George ThomsonPOUR LES MINISTRES INTIMÉS

Sous-procureur général du Canada

 

 

Boyne Clarke                 POUR L'INTIMÉE, LITTLE NARROWS

Halifax (Nouvelle-Écosse)    GYPSUM CO.


                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                 SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

           AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

No DU GREFFE :T-2006-96

 

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :UNION OF NOVA SCOTIA INDIANS ET AUTRES c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET AUTRES

 

 

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

 

 

 

 

DATE D'AUDIENCE :1er et 2 octobre 1996

 

 

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE MACKAY

 

 

 

 

EN DATE DU :23 octobre 1996

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

Me Bruce WildsmithPOUR LA REQUÉRANTE

 

Me John Ashley          POUR LES MINISTRES INTIMÉS

Me Colleen MacKey  

 

Me Stephen McGrath           POUR L'INTIMÉE, LITTLE NARROWS 

Me Jennifer MacLellanGYPSUM CO.

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Bruce WildsmithPOUR LA REQUÉRANTE

Barrs Corner (Nouvelle-Écosse)

 

 

Me George ThomsonPOUR LES MINISTRES INTIMÉS

Sous-procureur général du Canada

 

 

Boyne Clarke                 POUR L'INTIMÉE, LITTLE NARROWS

Halifax (Nouvelle-Écosse)    GYPSUM CO.

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