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Date : 20211214

Dossier : T-340-21

T-341-21

T-366-21

T-480-21

Référence : 2021 CF 1408

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 14 décembre 2021

En présence de monsieur le juge en chef

Dossier : T-340-21

ENTRE :

BARBARA SPENCER, SABRY BELHOUCHET, BLAIN GOWING, DENNIS WARD, REID NEHRING, CINDY CRANE, DENISE THOMSON, NORMAN THOMSON, JORDAN HAMMOND ET MICHEL LAFONTAINE

demandeurs

et

CANADA (MINISTRE DE LA SANTÉ) et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

Dossier : T-341-21

ET ENTRE :

DOMINIC COLVIN

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

Dossier : T-366-21

ET ENTRE :

STEVEN DUESING ET NICOLE MATHIS

demandeurs

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

Dossier : T-480-21

ET ENTRE :

REBEL NEWS NETWORK LTD ET

KEEAN BEXTE

demandeurs

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. Introduction

[1] Les présents motifs et l’ordonnance qui l’accompagne visent les dépens réclamés eu égard à ces quatre demandes. Dans les demandes, les demandeurs ont contesté diverses mesures que le gouvernement fédéral a imposées aux voyageurs non exemptés qui revenaient au Canada par voie aérienne au cours des premiers mois de 2020 [les mesures contestées]. Figurait parmi ces mesures l’obligation pour les personnes non exemptées de subir un test de dépistage de la COVID-19 à leur arrivée au Canada et de séjourner dans un lieu d’hébergement autorisé par le gouvernement [le LHAG] ou dans une installation de quarantaine désignée pendant 24 à 72 heures jusqu’à l’obtention des résultats du test.

[2] Dans ma décision sur le fond, j’ai conclu que les mesures contestées ne violaient pas les articles 7, 8, 9 et 12, le paragraphe 6 (1) et les alinéas 10b), 11d) et 11e) de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11 [la Charte] : Spencer c Canada (Santé), 2021 CF 621 [Spencer]. Cependant, j’ai conclu que la manière dont les mesures contestées ont été exécutées à l’égard de la demanderesse Nicole Mathis a porté atteinte aux droits que lui garantissent l’article 9 et l’alinéa 10b) de la Charte.

[3] J’ai également conclu que les décrets contenant les mesures contestées relevaient i) de la compétence du gouvernement fédéral; ii) relevaient des pouvoirs de l’administrateur en conseil; et iii) n’étaient pas déraisonnables. Enfin, j’ai conclu que les mesures contestées ne contreviennent pas à l’alinéa 1a) de la Déclaration canadienne des droits, LC 1960, c 44.

[4] Après avoir rejeté ces demandes, j’ai invité les parties à s’entendre sur la question des dépens ou sinon de présenter des observations qui tiennent compte des conclusions que j’ai résumées ci-dessus. En fin de compte, les défendeurs et les demandeurs dans le dossier T-480-21 ont été les seules parties à s’être entendus à cet égard. Par conséquent, je n’aborderai pas cette demande dans les motifs ci-dessous. De même, étant donné qu’aucuns dépens n’ont été réclamés à l’encontre des deux demandeurs dans le dossier T-366-21, la Cour n’en accordera aucun, et il n’est pas nécessaire d’examiner davantage cette demande.

[5] Par conséquent, je n’aborderai dans les présents motifs que les dépens réclamés à l’encontre des demandeurs dans les dossiers T-340-21 [les demandeurs dans l’affaire Spencer] et T-341-21 [M. Colvin].

II. Aperçu des observations des parties

A. Les défendeurs

[6] Les défendeurs commencent par demander l’adjudication des dépens sous la forme d’une somme globale. Ils justifient cette méthode en faisant allusion au temps et aux coûts importants qui seraient associés au processus de taxation. À titre de référence, ils ont préparé un mémoire de dépens établi en grande partie selon l’échelon supérieur de la colonne III du tarif B des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les Règles]. Les défendeurs soutiennent cette méthode en soulignant la complexité des questions et le travail requis pour traiter conjointement les trois demandes. Ils ont calculé un montant total de 27 511,69 $, composé d’une somme de 25 350 $ en honoraires et de 2 161,69 $ en débours.

[7] Les défendeurs soutiennent que chacun des trois groupes de demandeurs avec lesquels ils n’ont pu s’entendre sur la question des dépens serait normalement responsable d’un tiers du montant de 27 511,69 $, soit environ 9 000 $. Toutefois, comme je l’ai mentionné précédemment, les défendeurs ne réclament aucuns dépens à l’encontre des demandeurs dans le dossier T-366-21.

[8] Compte tenu des divers facteurs abordés ci-dessous, en particulier du gain de cause complet qu’ils ont obtenu contre les demandeurs dans l’affaire Spencer, les défendeurs sollicitent l’adjudication des dépens sous la forme d’une somme globale de 3 500 $ contre ces demandeurs.

[9] En ce qui concerne M. Colvin, les défendeurs sollicitent l’adjudication des dépens sous la forme d’une somme globale de 7 000 $, en plus du montant de 500 $ qu’il avait auparavant reçu l’ordre de payer, quelle que soit l’issue de l’affaire. Les défendeurs semblent avoir deux raisons principales pour justifier ce montant supérieur à celui qu’ils sollicitent à l’encontre des demandeurs dans l’affaire Spencer. Premièrement, ils soulignent que M. Colvin a informé la Cour qu’il avait l’intention d’utiliser l’issue de sa demande pour contester une amende de 3 000 $ délivrée contre lui en vertu de la Loi sur les contraventions, LC 1992, c 47 [la Loi sur les contraventions]. En outre, les défendeurs font allusion à une certaine conduite qui a inutilement prolongé la durée de l’instance.

B. Les demandeurs dans l’affaire Spencer et M. Colvin

[10] Les demandeurs dans l’affaire Spencer étaient représentés par le Justice Centre for Constitutional Freedoms, qui se décrit comme un organisme d’intérêt public sans but lucratif et qui offre sans frais une représentation juridique pour protéger les droits et libertés de tous les Canadiens et Canadiennes garantis par la Charte. Ces demandeurs ont demandé à la Cour d’exercer le pouvoir discrétionnaire que lui donne l’article 400 des Règles et de ne pas adjuger de dépens à leur encontre. Subsidiairement, ils ont demandé que les dépens soient adjugés selon la colonne I du tarif B des Règles.

[11] À l’appui de leur position, les demandeurs dans l’affaire Spencer ont soutenu que les questions qu’ils ont soulevées étaient nouvelles et relevaient de l’intérêt public général, que leurs intérêts personnels dans l'issue des demandes étaient très limités et que l’accès à la justice serait facilité si la Cour n’imposait pas de dépens aux défendeurs qui succombent dans ces types de cas. Ils ont ajouté que le gouvernement fédéral est davantage en mesure de supporter les dépens de ces demandes et qu’ils n’avaient pas agi d’une façon vexatoire, futile ou abusive.

[12] M. Colvin fait siennes les observations des demandeurs dans l’affaire Spencer. De plus, il affirme qu’il n’avait aucun intérêt pécuniaire dans l’issue de l’affaire et que l’adjudication des dépens dans une telle instance découragerait les contestations fondées sur la Charte qui sont dans l’intérêt public. Selon M. Colvin, même si la Cour décide que la présente instance ne répond pas au critère de l’intérêt public, il ne devrait quand même pas être tenu de payer les dépens en raison de la nature nouvelle et importante des questions qu’il a soulevées.

III. Analyse

A. Principes généraux

[13] Les principes généraux sous-tendant l’adjudication des dépens ont récemment été résumés dans la décision Allergan Inc. c Sandoz Canada Inc., 2021 CF 186 aux para 19–35 [Allergan]. Compte tenu du fait que certains de ces principes ne s’appliquent pas en l’espèce, les parties ont expressément renvoyé aux paragraphes 19 à 25 et 28 à 30 de cette décision. Aux fins des présentes, je me contenterai de reprendre les principes suivants : i) la Cour jouit d’un large pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens; ii) la partie victorieuse a habituellement droit aux dépens; iii) le niveau par défaut des dépens devant la Cour se situe au milieu de la colonne III du tarif B; et iv) au cours des dernières années, il est devenu de plus en plus courant pour la Cour d’adjuger une somme globale.

[14] Il est pertinent d’ajouter que le Comité des règles des Cours fédérales a décidé en 2016 que le montant recouvrable au titre du tarif B devrait être augmenté d’environ 25%. Dans l’intervalle, ce comité a continué de travailler à la formulation de propositions de modifications qui devraient faire l’objet d’une publication préalable à fins de commentaires du public en 2022, dans la partie I de la Gazette du Canada.

B. Analyse des facteurs pertinents en l’espèce

[15] Tout d’abord, je suis d’accord avec les défendeurs pour dire que l’adjudication des dépens sous la forme d’une somme globale serait appropriée, compte tenu du temps et des dépenses importantes qui seraient autrement associés au processus de taxation. Considérant la complexité des instances, je conviens également que le point de départ de mon évaluation devrait être un montant qui équivaut approximativement aux dépens calculés selon l’échelon supérieur de la colonne III du tarif B. J’ai confirmé que le calcul selon ce point de référence totaliserait des honoraires de plus de 25 350 $ et des débours de plus de 2 161,69 $, pour une somme globale de plus de 27 511,69 $. Ce montant équivaut à plus de 9 000 $ pour chacun des trois groupes de demandeurs, avant de procéder à un rajustement en fonction des facteurs pertinents en l’espèce.

[16] Je considère que ces facteurs sont i) l’issue de l’instance; ii) l’importance et la complexité des questions en litige; iii) la mesure dans laquelle les instances ont une dimension d’intérêt public; et iv) la conduite d’une partie qui a eu pour effet d’abréger ou de prolonger inutilement la durée de l’instance.

(1) L’issue de l’instance

[17] Les défendeurs ont eu gain de cause à l’égard de toutes les questions soulevées par les demandeurs dans l’affaire Spencer et par M. Colvin. Par conséquent, ce facteur pèse considérablement en faveur de l’adjudication aux défendeurs du montant total des dépens qu’ils auraient normalement droit de recouvrer de ces demandeurs.

(2) L’importance et la complexité des questions en litige

[18] Les demandeurs dans l’affaire Spencer ont soulevé des questions importantes et relativement complexes en ce qui concerne les articles 6, 7 et 9 et l’alinéa 10b) de la Charte. Ce facteur joue en faveur de la réduction des dépens qui seraient autrement adjugés contre eux.

[19] M. Colvin a également soulevé des questions importantes en ce qui concerne les articles 6, 7 et 9 de la Charte. Ce facteur joue en faveur de la réduction des dépens qui seraient autrement adjugés contre lui. Toutefois, je considère qu’il faut tenir compte du fait que l’un des arguments qu’il a avancés en ce qui concerne l’article 6 était sans mérite. Je reviendrai à cette question dans la partie III.B.(4) ci-dessous.

[20] De plus, M. Colvin a soulevé une question importante sur le caractère raisonnable de l’un des décrets qui a promulgué les mesures contestées. Cependant, encore une fois, il a également soulevé d’autres arguments qui étaient sans mérite et sans fondement. Je reviendrai à ces arguments dans la partie III.B.(4) ci-dessous.

(3) La mesure dans laquelle les instances ont une dimension d’intérêt public

[21] Les demandeurs dans l’affaire Spencer et M. Colvin misent beaucoup sur ce facteur pour appuyer leur position selon laquelle la Cour ne devrait pas adjuger de dépens à leur encontre dans le cadre de la présente instance.

[22] Les défendeurs reconnaissent que les demandes présentées en l’espèce ont soulevé des questions importantes qui allaient au-delà des intérêts des parties concernées. Toutefois, ils ne sont pas d’accord avec les demandeurs qui suggèrent qu’ils n’ont pas un intérêt personnel important dans l’issue de l’instance. À cet égard, ils affirment que plusieurs des demandeurs étaient à l’extérieur du Canada au moment du dépôt de leurs demandes. (Ces demandeurs étaient M. Colvin et plusieurs des demandeurs dans l’affaire Spencer.) Par conséquent, ils avaient un intérêt personnel très réel dans l’issue de leurs demandes. En fait, deux demandeurs dans l’affaire Spencer étaient encore à l’extérieur du Canada au moment où la Cour a rendu la décision sur le fond. Une autre demanderesse dans l’affaire Spencer, Mme Thompson, a écourté son séjour et est revenue au Canada pour ne pas avoir à rester à un LHAG. Néanmoins, elle avait toujours un intérêt en l’espèce afin d’éviter à son époux un séjour dans un LHAG à son retour au pays : Spencer, précité, au para 15.

[23] De plus, l’avocat de M. Colvin a soutenu, au cours de l’audience, que [TRADUCTION] « les conclusions tirées relativement à sa demande seront essentielles à la défense qu’il opposera à l’amende » de 3 000 $ qu’il a reçue en vertu de la Loi sur les contraventions : Spencer, précité, au para 18.

[24] Compte tenu de ce qui précède, je suis d’accord avec les défendeurs que la Cour devrait considérer que l’issue des demandes présentées par les demandeurs dans l’affaire Spencer et par M. Colvin revêt pour eux un intérêt à la fois public et privé. À mon avis, le facteur relatif à l’intérêt public de ces différents motifs joue en faveur d’une réduction significative des dépens qui seraient autrement adjugés aux demandeurs dans l’affaire Spencer. Il en va de même, bien que dans une moindre mesure, pour M. Colvin.

[25] Nonobstant ce qui précède, il est également pertinent de garder à l’esprit qu’aucun des demandeurs n’a présenté d’éléments de preuve concernant son incapacité de payer les dépens adjugés. Ce facteur est particulièrement pertinent étant donné que (i) les défendeurs ont considérablement réduit les dépens qu’ils réclament; (ii) ces dépens seront divisés entre un grand nombre de demandeurs; et (iii) le point de départ des défendeurs (la colonne III du tarif) est largement reconnu comme indiquant un niveau de recouvrement qui est nettement inférieur aux coûts réels encourus par les parties dans les instances devant la Cour.

(4) La conduite d’une partie qui a eu pour effet d’abréger ou de prolonger inutilement la durée de l’instance

[26] Les défendeurs soutiennent que les demandeurs n’ont pris aucune mesure pour trier et limiter les questions en litige dans leurs demandes respectives, et ce, même si la Cour supérieure de justice de l’Ontario a conclu qu’une contestation semblable à l’égard de l’article 6 de la Charte n’a soulevé aucune question grave à trancher et qu’elle a jugé [traduction] « frivole » une contestation semblable à l’égard de l’article 12 de la Charte : Canadian Constitution Foundation v Attorney General of Canada, 2021 ONSC 2117 aux para 38–39.

[27] Les demandeurs dans l’affaire Spencer ont utilisé la bonne vieille méthode « fourre-tout » en alléguant la violation de sept articles différents de la Charte ainsi qu’une violation de l’article 503 du Code criminel, LRC 1985, c C-46 [le Code criminel]. Dans ma décision sur le fond, j’ai conclu que leurs arguments à l’égard de l’article 11 de la Charte étaient « dénués de fondement » : Spencer, précité, au para 194. J’ai tiré une conclusion semblable à l’égard de leurs arguments en vertu de l’article 12 : Spencer, précité, aux para 202–205. J’ai également conclu que l’article 503 du Code criminel « ne s’appliqu[ait] pas non plus dans le présent contexte » : Spencer, précité, au para 200.

[28] Les arguments avancés par les demandeurs dans l’affaire Spencer à l’égard de ces trois questions ont eu pour effet de prolonger inutilement la durée de l’instance. L’adjudication des dépens permet précisément de décourager ces types de conduite et doit être utilisée à cette fin : Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) c Bande indienne Okanagan, 2003 CSC 71 au para 25; Air Canada c Canada, 2007 CAF 115 au para 24.

[29] Il en va de même pour ce qui est de la façon dont l’avocat de M. Colvin s’est comporté à plusieurs reprises. Par exemple, à un moment dans ses observations concernant l’article 6 de la Charte, il a comparé « la menace d’une détention arbitraire dans un LHAG » à « l’expulsion d’une personne du Canada vers un pays où elle risquerait la torture ou la peine capitale » : Spencer, précité, aux para 78–79. À une autre occasion, il a fait des allégations sans fondement et sans mérite concernant les témoignages des déposants que le défendeur a fait entendre. À cet égard, il a fait valoir que les témoignages « comport[aient] très certainement des failles pour de nombreuses raisons, notamment parce qu’ils constituent du ouï‑dire, présentent des arguments et des éléments politiques et contiennent des énoncés biaisés dénués de caractère probant à presque chaque paragraphe » : Spencer, précité, au para 262. Dans l’ensemble, j’ai conclu que l’avocat de M. Colvin avait, dans une mesure importante, inutilement prolongé la durée de l’instance.

[30] Compte tenu de tout ce qui précède, la conduite des demandeurs dans l’affaire Spencer et de M. Colvin pèse en faveur d’une augmentation significative des dépens qui seraient autrement adjugés contre eux. Cela s’applique tout particulièrement à M. Colvin.

IV. Conclusion

[31] En résumé, je crois qu’en l’espèce, il convient d’adjuger des dépens sous la forme d’une somme globale. De plus, je suis d’avis que le point de départ des défendeurs, soit 27 000 $, est raisonnable. En effet, la complexité des questions soulevées dans les présentes instances justifie une augmentation non négligeable du point de départ habituel pour l’évaluation des dépens, à savoir le milieu de la colonne III du tarif B.

[32] De plus, je considère qu’il est raisonnable de diviser théoriquement 27 000 $ de façon égale entre les trois groupes de demandeurs avec lesquels les défendeurs n’ont pas conclu d’entente sur la question des dépens. Ainsi, on obtient un point de départ général de 9 000 $ par groupe de demandeurs, bien que je répète que le défendeur ne demande pas de dépens à l’encontre des demandeurs dans le dossier T-366-21, et qu’aucuns dépens ne seront donc adjugés contre eux.

[33] Pour les demandeurs dans l’affaire Spencer, le gain de cause complet des défendeurs à l’égard des questions soulevées dans le dossier T-340-21 joue en faveur de l’adjudication d’une somme globale de 9 000 $. Le fait que les demandeurs dans l’affaire Spencer aient soulevé des arguments sans mérite à l’égard des articles 11 et 12 de la Charte, ainsi qu’à l’égard de l’article 503 du Code criminel, joue également en faveur de l’adjudication de dépens importants contre ces demandeurs. Toutefois, dans la mesure où ces demandeurs étaient motivés en partie par des considérations d’intérêt public et ont soulevé des questions importantes, je suis d’avis qu’il est approprié de réduire l’adjudication qui serait autrement faite contre eux. Entre autres choses, une telle réduction ferait, de façon générale, avancer l’objectif de la Cour visant à faciliter l’accès à la justice.

[34] À mon avis, la réduction reflétée dans la somme globale de 3 500 $ réclamée contre les demandeurs dans l’affaire Spencer permettrait d’atteindre un équilibre approprié, et même généreux, de ces facteurs.

[35] Pour ce qui est de M. Colvin, le gain de cause complet des défendeurs à l’égard des questions qu’il a soulevées joue en faveur de l’adjudication d’une somme globale de 9 000 $. En outre, la conduite de son avocat qui a eu pour effet de prolonger inutilement la durée de la présente instance joue en faveur de l’adjudication de dépens importants contre lui. À mon avis, ces deux facteurs ont à peu près le même poids pour M. Colvin qu’ils avaient pour les demandeurs dans l’affaire Spencer.

[36] Comme pour les demandeurs dans l’affaire Spencer, je considère qu’il convient de réduire les dépens qui seraient autrement adjugés contre M. Colvin afin de tenir compte de l’intérêt public et de l’importance des questions qu’il a soulevées. Toutefois, dans la mesure où M. Colvin semble avoir eu un plus grand intérêt privé que les demandeurs dans l’affaire Spencer, les dépens adjugés contre lui devraient être moins réduits que les dépens adjugés contre les demandeurs dans l’affaire Spencer. À mon avis, la réduction de 2 000 $ qui est implicite dans la somme globale de 7 000 $ demandée à M. Colvin est juste et raisonnable dans les circonstances.

[37] Je reconnais que le montant réclamé à M. Colvin est le double du montant qui est réclamé aux demandeurs dans l’affaire Spencer. À mon avis, une partie de cette différence peut être justifiée par le fait qu’il a exprimé l’intention de se prévaloir des décisions rendues dans le cadre des présentes instances pour contester l’amende de 3 000 $ qu’il a reçue en vertu de la Loi sur les contraventions. Autrement dit, il avait un plus grand intérêt privé à présenter sa demande que les demandeurs dans l’affaire Spencer en avaient à présenter la leur.

[38] Les défendeurs n’ont pas expliqué le reste de la différence entre les sommes globales qu’ils réclament contre les demandeurs dans l’affaire Spencer et contre M. Colvin, respectivement. Quelle que soit leur justification, je considère que cette différence peut être expliquée par la générosité des défendeurs à l’égard des demandeurs dans l’affaire Spencer. À mon avis, les défendeurs auraient pu raisonnablement demander une somme plus élevée à ces demandeurs. Ce n’est pas parce qu’ils font preuve d’une générosité à l’égard de ces demandeurs qu’ils devraient être privés de recouvrer de M. Colvin la totalité des dépens auxquels ils ont droit.


ORDONNANCE dans les dossiers T-340-21; T-341-21; T-366-21; T-480-21

LA COUR ORDONNE :

  1. Les demandeurs dans le dossier T-340-21 doivent payer aux défendeurs des dépens sous la forme d’une somme globale de 3 500 $.

  2. Le demandeur dans le dossier T-341-21 doit payer aux défendeurs des dépens sous la forme d’une somme globale de 7 000 $, plus un montant additionnel de 500 $ qu’il avait déjà reçu l’ordre de payer, quelle que soit l’issue de l’affaire.

  3. Étant donné que les défendeurs n’ont pas demandé de dépens aux demandeurs dans le dossier T‑366-21, aucuns ne seront adjugés.

  4. Les demandeurs dans le dossier T-480-21 doivent payer les dépens convenus entre eux et les défendeurs.

« Paul S. Crampton »

Juge en chef

Traduction certifiée conforme

[Claudia De Angelis]


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

T-340-21

 

 

 

INTITULÉ :

BARBARA SPENCER, SABRY BELHOUCHET, BLAIN GOWING, DENNIS WARD, REID NEHRING, CINDY CRANE, DENISE THOMSON, NORMAN THOMSON, JORDAN HAMMOND ET MICHEL LAFONTAINE c CANADA (MINISTRE DE LA SANTÉ) ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

ET DOSSIER :

T-341-21

 

 

 

INTITULÉ :

DOMINIC COLVIN c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

ET DOSSIER :

T-366-21

 

 

 

INTITULÉ :

STEVEN DUESING ET NICOLE MATHIS c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

ET DOSSIER :

T-480-21

 

 

 

INTITULÉ :

REBEL NEWS NETWORK LTD ET KEEAN BEXTE c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

OBSERVATIONS RELATIVES AUX DÉPENS EXAMINÉES À OTTAWA (ONTARIO), CONFORMÉMENT AU JUGEMENT DE LA COUR DANS 2021 CF 621

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE EN CHEF CRAMPTON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 14 décembre 2021

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Sayeh Hassan

Henné Parmar

 

Pour les demandeurs dans le dossier T-340-21

Sharlene Telles-Langdon

Sharon Stewart Guthrie

Mahan Keramati

Robert Drummond

Anita Balakumar

 

Pour les défendeurs dans le dossier T-340-21

 

Martin Rejman

Jeffrey R.W. Rath

 

Pour le demandeur dans le dossier T-341-21

Sharlene Telles-Langdon

Sharon Stewart Guthrie

Robert Drummond

 

Pour le défendeur dans le dossier T-341-21

 

Sayeh Hassan

Henné Parmar

 

Pour les demandeurs dans le dossier T-366-21

 

Sharlene Telles-Langdon

Sharon Stewart Guthrie

Mahan Keramati

Robert Drummond

Anita Balakumar

 

Pour le défendeur dans le dossier T-366-21

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Justice Centre for Constitutional Freedoms

Calgary (Alberta)

 

Pour les demandeurs dans le dossier T-340-21

 

Ministère de la Justice du Canada

Winnipeg (Manitoba)

 

Pour les défendeurs dans le dossier T-340-21

 

Rath & Company

Foothills (Alberta)

 

Pour le demandeur dans le dossier T-341-21

 

Ministère de la Justice du Canada

Winnipeg (Manitoba)

 

Pour le défendeur dans le dossier T-341-21

 

Justice Centre for Constitutional Freedoms

Calgary (Alberta)

 

Pour les demandeurs dans le dossier T-366-21

 

Ministère de la Justice du Canada

Winnipeg (Manitoba)

 

Pour le défendeur dans le dossier T-366-21

 

Jensen Shawa Solomon Duguid Hawkes LLP

Calgary (Alberta)

 

Pour les demandeurs dans le dossier T-480-21

 

Ministère de la Justice du Canada

Winnipeg (Manitoba)

Pour le défendeur dans le dossier T-480-21

 

 

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