Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20011121

Dossier : T-2261-86

Référence neutre : 2001 CFPI 1281

ENTRE :

QU'APPELLE INDIAN RESIDENTIAL SCHOOL COUNCIL,

SPENCER MUSQUA, DORIS BELLEGARDE, PETER BADGER,

   ANITA MCLEOD, IRENE POITRAS et LEILA THOMSON

                                                                                    demandeurs

                                                  - et -

         SA MAJESTÉLA REINE DU CHEF DU CANADA

                               MINISTÈRE DU REVENU

                                                                                  défenderesse

                               MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE SIMPSON

Genèse de l'instance


[1] Les individus demandeurs sont des Amérindiens qui affirment que le revenu qu'ils ont perçu en tant qu'employés de la Qu'Appelle Indian Residential School (le pensionnat) entre le mois de mai 1976 et le 7 juillet 1983 (l'époque en cause) est exonéré d'impôt en vertu de l'alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, ch. I-6. Ils réclament en conséquence, pour eux-mêmes et en leur qualité de représentants de tous les employés amérindiens du pensionnat, le remboursement de l'impôt de 1 000 638,41 $ qu'ils ont payé sous forme de retenues à la source, de même que les intérêts calculés conformément à l'alinéa 4301b) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.).

[2] Le Qu'Appelle Indian Residential School Council (le Conseil) est une société à but non lucratif de la Saskatchewan. À l'époque en cause, le Conseil gérait la Qu'Appelle Indian Residential School, qui était située dans la ville de Lebret, dans le sud-est de la Saskatchewan (le pensionnat), et il employait les individus demandeurs ainsi que les personnes qu'ils représentent. Le Conseil sollicite une réparation identique à celle que réclament les individus demandeurs.

Rappel des faits

[3] Le Conseil a été constitué le 23 août 1972. Il était composé de treize membres et s'est d'abord vu confier le mandat de gérer uniquement la résidence des élèves du pensionnat. Plus tard, le 1er avril 1976, le Conseil a pris en charge l'administration de tout le pensionnat.


[4]              Chacune des 25 bandes indiennes qui ont signé le traité no 4 en 1874 avait le droit de désigner un représentant pour siéger au Conseil. Si plus de treize représentants étaient désignés, des élections avaient lieu et les treize candidats ayant recueilli le plus grand nombre de voix devenaient des conseillers.

[5]              En 1972, lorsque le Conseil a été créé, le pensionnat n'était pas une nouvelle institution. Il avait été construit en 1884 et avait été rebâti à deux reprises à la suite des incendies de 1905 et de 1936. Le pensionnat était financé et entretenu par la Couronne fédérale conformément à l'obligation qui lui était imposée aux termes du traité no 4 d'offrir de l'enseignement aux signataires.

[6]              Le pensionnat était situé sur une terre domaniale fédérale (le terrain du pensionnat). Le terrain du pensionnat hébergeait le pensionnat, la résidence des étudiants et plusieurs pavillons occupés par le personnel. À l'époque en cause, le terrain du pensionnat ne constituait pas une terre de réserve, malgré le fait qu'il était voisin de la réserve de la bande de Starblanket. Aux termes d'une résolution adoptée par le conseil de la bande le 26 octobre 1981, la bande de Starblanket a demandé que le terrain du pensionnat soit intégré à la réserve. Cette demande a par la suite été acceptée. Les demandeurs reconnaissent cependant que le terrain du pensionnat ne constituait pas une terre de réserve à l'époque en cause[1].


[7]              Bien que la preuve indique qu'il est possible que le pensionnat ait été fréquenté par certains étudiants non indiens et que certains membres du personnel n'étaient pas des Indiens, il n'en reste pas moins que le pensionnat était essentiellement un établissement qui était administré par des Indiens et dont le personnel était composé d'Indiens et qui était fréquenté par des étudiants provenant des réserves des 25 bandes visées par le traité no 4. Sur les 150 membres du personnel du Conseil qui étaient des Indiens, une cinquantaine vivaient en dehors de la réserve et de la ville de Lebret. Ces personnes sont représentées en l'espèce par la demanderesse Doris Bellegarde[2]. Une autre cinquantaine de membres du personnel habitaient aussi à l'extérieur de la réserve, mais vivaient soit dans les pavillons réservés au personnel sur le terrain du pensionnat, soit dans la ville de Lebret. Ils sont représentés par les demandeurs Peter Badger et Anita McLeod. La cinquantaine d'employés qui reste vivaient dans leur réserve respective pendant qu'ils travaillaient au pensionnat. Ils sont représentés en l'espèce par les demandeurs Spencer Musqua et Leila Thomson.

Contexte juridique

[8]              L'alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens est ainsi libellé :

87.    Nonobstant toute autre loi du Parlement du Canada ou toute loi de la législature d'une province, mais sous réserve de l'article 83, les biens suivants sont exemptés de taxation, à savoir :


[...]

b)    les biens personnels d'un Indien ou d'une bande situés sur une réserve;

et nul Indien ou bande n'est assujetti à une taxation concernant la propriété, l'occupation, la possession ou l'usage d'un bien mentionnéaux alinéas a) ou b) ni autrement soumis à une taxation quant à l'un de ces biens. Aucun droit de mutation par décès, taxe d'héritage ou droit de succession n'est exigible à la mort d'un Indien en ce qui concerne un bien de cette nature ou la succession audit bien, si ce dernier est transmis à un Indien, et il ne sera tenu compte d'aucun bien de cette nature en déterminant le droit payable, en vertu de la Loi fédérale sur les droits successoraux, chapitre 89 des Statuts révisés du Canada de 1952, ou l'impôt payable en vertu de la Loi de l'impôt sur les biens transmis par décès, sur d'autres biens transmis à un Indien ou à l'égard de ces autres biens.

[9]              En 1983, dans l'affaire Gene A. Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, la Cour suprême du Canada s'est penchée sur la question de savoir si le revenu provenant d'un emploi constitue un bien personnel. Dans cette affaire, l'appelant était un Indien inscrit qui vivait dans une réserve et qui travaillait pour une entreprise indienne qui lui versait son salaire à son siège social, dans la réserve. La Reine concédait que le situs du salaire versé à l'appelant était situé dans la réserve, mais elle soutenait que le revenu tiré de l'emploi était imposable parce qu'il ne constituait pas un bien personnel au sens de l'article 87 de la Loi sur les Indiens. La Cour suprême du Canada n'a cependant pas retenu cette thèse et elle a statué que le revenu tiré d'un emploi constituait un bien personnel et qu'il était par conséquent exonéré d'impôt s'il était situé dans une réserve.


[10]          Il incombait ensuite aux tribunaux de déterminer si un revenu d'emploi déterminé était « situé » dans une réserve. Bien que la question soit moins réglée aujourd'hui[3], il est acquis qu'à l'époque en cause, l'opinion la plus répandue voulait que le situs du revenu d'emploi soit régi par des principes de droit international privé selon lesquels le revenu d'emploi est « situé » là où l'employeur rémunère son employé.


[11]          Toutefois, à l'époque en cause, cette opinion a été contestée dans l'affaire La Reine c. National Indian Brotherhood, [1979] 1 C.F. 103 (l'affaire N.I.B.). Cette espèce concernait des Indiens qui travaillaient, non pas dans une réserve, mais dans un bureau du centre-ville d'Ottawa et qui offraient des services de consultation à des Indiens situés partout sur le territoire canadien. La Section de première instance de la Cour fédérale s'est ralliée à la conception traditionnelle et a jugé que le revenu d'emploi des Indiens en cause était imposable au motif qu'il avait été payé à l'extérieur d'une réserve. La Cour d'appel fédérale a confirmé le jugement de première instance et, en 1986, la Cour suprême du Canada a tranché la question de façon définitive en rejetant la demande d'autorisation de former un pourvoi. En conséquence, en 1986, il était bien établi en droit que le revenu d'emploi des Indiens était imposable sauf lorsqu'il était payé sur le territoire d'une réserve.

L'entente

[12]          En mai 1976, en réponse à l'affaire N.I.B. qui était en cours et dans laquelle l'imposition des revenus d'emploi payés hors des réserves était remise en question, le Conseil a conclu une entente écrite (l'entente) avec le ministre du Revenu national - Impôt (le ministre). Aux termes de cette entente, le Conseil s'engageait à effectuer des retenues à la source en vue du paiement de l'impôt sur le revenu (les retenues) sur le revenu d'emploi des Indiens travaillant au pensionnat qui vivaient sur le territoire d'une réserve. Toutefois, en raison de l'affaire N.I.B., il a été convenu que, dans le cas des Indiens travaillant au pensionnat qui vivaient dans une réserve, l'argent que le Conseil retiendrait à la source pour payer l'impôt sur le revenu ne serait pas remis au ministre, mais qu'il serait déposé par le Conseil dans un compte bancaire appelé compte fiscal du pensionnat pour Indiens de Qu'Appelle (le compte). Ce compte a été ouvert à la succursale de la Banque canadienne impériale de commerce (la CIBC) de Fort Qu'Appelle.


[13]          L'entente prévoyait que, si la décision finale dans l'affaire N.I.B. favorisait le ministre, les sommes déposées dans le compte seraient payées au ministre. En revanche, si le ministre n'obtenait pas gain de cause, les fonds seraient remis au Conseil. À l'entente était annexé sous la cote « A » un acte de fiducie relatif au compte qui portait la signature du ministre et du Conseil.

[14]          Le 28 février 1986, l'affaire N.I.B. a finalement été tranchée en faveur du ministre lorsque la Cour suprême du Canada a refusé d'accorder la permission de former un pourvoi. Par la suite, le ministre a mis la CIBC en demeure de payer la somme due et la banque a consigné au tribunal la somme qui se trouvait dans le compte et a engagé une instance en interplaidoirie. Finalement, le 21 août 1986, avec le consentement du Conseil, l'argent consigné au tribunal a été versé au ministre.

Preuve des demandeurs


[15]          Au procès, la preuve des demandeurs consistait en la déposition donnée par deux témoins. Le premier était M. Henry Musqua, qui était président du Conseil en 1976 lorsque l'entente a été conclue. Il a témoigné pour le compte du Conseil. La demanderesse Irene Poitras, était l'autre témoin. Elle était domiciliée au pensionnat, où elle avait travaillé pendant de nombreuses années comme préposée aux services à l'enfance et comme couturière. Outre les dépositions qui ont été entendues, les demandeurs ont soumis des affidavits avec le consentement de la défenderesse en réponse aux questions posées par l'avocat de la défenderesse lors de l'interrogatoire préalable écrit. Les auteurs de ces affidavits étaient James Poitras, qui n'est pas un demandeur, ainsi que les demandeurs Spencer Musqua, Doris Bellegarde, Peter Badger, Anita McLeod et Leila Thomson. En plus de témoigner de vive voix, Irene Poitras a elle aussi souscrit un affidavit.

[16]          Il ressort de la preuve des demandeurs que ni le Conseil ni le ministre n'ont remis de copie de l'entente aux employés du pensionnat. Il y a toutefois eu en 1976 une réunion au pensionnat au cours de laquelle le comptable du Conseil a expliqué l'entente aux employés. Il semble que ceux qui n'étaient pas des employés en 1976 ou qui n'étaient pas présents lors de cette réunion ont appris de la part des cadres supérieurs du pensionnat que de l'argent était retenu de leur chèque de paye et que cet argent était conservé dans un compte bancaire spécial, mais il ressort de la preuve que ces personnes ne savaient pas avec certitude pour quelle raison cet argent était prélevé sur leur chèque de paye. Un ou deux témoins croyaient que le compte était une caisse de retraite, et un autre pensait qu'il récupérerait sa part lorsque le terrain du pensionnat deviendrait une réserve. Aucun d'entre eux ne comprenait que l'argent conservé dans le compte en fiducie devait être distribué selon l'issue de l'affaire N.I.B.


[17]          La plupart des témoins se souviennent avoir reçu des bordereaux de paye qui indiquaient que les retenues d'impôt sur le revenu avaient été effectuées à la source et la plupart se rappellent avoir reçu des feuillets T4. Irene Poitras a témoigné qu'elle avait produit des déclarations de revenus et elle a pu en produire certaines copies. Ses déclarations de revenus étaient toutefois préparées pour elle par le personnel du pensionnat et elle n'était pas au courant de la procédure à suivre pour s'opposer à une cotisation. Certains autres témoins ont eux aussi produit des déclarations de revenus certaines années, mais aucun n'en avait conservé une copie et aucun n'a précisé dans son témoignage s'il comprenait la procédure d'établissement des cotisations fiscales et la procédure d'opposition à celles-ci. En tout état de cause, la défenderesse a admis qu'elle n'avait plus de dossier qui indiquerait quels demandeurs avaient déposé des déclarations de revenus à l'époque en cause.

Questions en litige

[18]          Les individus demandeurs expliquent qu'ils n'étaient pas parties à l'entente et affirment qu'elles ont par conséquent maintenant le droit de contester la décision par laquelle le revenu qu'elles ont tiré de leur emploi au pensionnat a été considéré comme un revenu imposable. Elles soutiennent en outre que la défenderesse a manqué à l'obligation fiduciaire qui lui incombait à leur égard et elles ajoutent qu'elles devraient en conséquence être admises à faire valoir leurs prétentions. Le Conseil reproche lui aussi à la défenderesse d'avoir manqué à son obligation fiduciaire et affirme que la défenderesse n'aurait pas dû considérer que la décision N.I.B. faisait autorité en la matière.

[19]          Ces points litigieux soulèvent les questions suivantes :

-        Au moment où l'entente a été conclue, était-il raisonnable de la part de Revenu Canada d'affirmer que l'affaire N.I.B. devait servir de décision faisant autorité?


- Quelles répercussions l'entente a-t-elle eues sur les individus demandeurs?

- La défenderesse était-elle soumise à une obligation fiduciaire et l'a-t-elle violée?

Analyse et conclusions

[20]          À mon avis, lorsqu'on l'examine en fonction de l'époque en cause, l'entente constituait une méthode légitime et raisonnable de tenir compte du fait qu'en 1976, le bien-fondé du traitement fiscal du revenu gagné par les employés indiens qui travaillaient au pensionnat avait été remis en question dans l'affaire N.I.B. L'entente tenait compte à la fois de l'obligation du Conseil d'effectuer les retenues et de son désir que l'argent soit rapidement et facilement remboursé s'il n'était pas dû. L'entente tenait également compte de l'obligation imposée à Revenu Canada, en tant que percepteur de l'impôt, de s'assurer que les retenues soient disponibles si l'on constatait que l'impôt était effectivement exigible.


[21]          Les demandeurs soutiennent que l'entente devrait être considérée comme nulle et non avenue parce que le Canada a manqué à l'obligation fiduciaire qui lui incombait à l'égard des employés indiens du pensionnat et du Conseil. Cette obligation consisterait en une vaste obligation fiduciaire générale envers les Indiens, obligation que la Cour suprême du Canada a reconnue dans les arrêts Guerin c. La Reine, [1984] 2 R.C.S. 335, à la page 384, et R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075, aux pages 1107 et 1108. J'estime toutefois que l'obligation fiduciaire générale dont parle la Cour suprême vise une obligation fiduciaire qui ne vaut que pour l'aliénation de terres indiennes cédées[4].

[22]          Les demandeurs affirment que l'obligation fiduciaire générale dont ils parlent obligeait la défenderesse à aviser le Conseil que l'affaire N.I.B. ne constituait pas un précédent acceptable parce que les faits de cette affaire étaient différents de la situation qui existait au pensionnat (le cas du pensionnat).

[23]          Tant dans l'affaire N.I.B. que dans le cas du pensionnat, les demandeurs étaient des Indiens qui étaient rémunérés à l'extérieur du territoire d'une réserve parce qu'ils travaillaient pour des entreprises indiennes qui n'étaient pas situées dans une réserve. Dans l'affaire N.I.B., l'entreprise était un service de consultants d'Ottawa qui offrait des services de consultation à des Indiens de toutes les régions du Canada. Dans le cas du pensionnat, l'entreprise située à l'extérieur de la réserve était un pensionnat pour les enfants indiens. J'en conclus qu'au moment où l'entente a été conclue, la question litigieuse soulevée dans chaque cas était la même, en l'occurrence celle de savoir si le revenu payé à des Indiens hors réserve était imposable.


[24]          Dans la jurisprudence récente, l'analyse que suppose l'application de l'alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens s'est raffinée. Les tribunaux tiennent maintenant compte de la solidité des liens entre l'emploi exercé à l'extérieur de la réserve et la réserve. Or, de tels liens existaient en l'espèce dans le cas du pensionnat en raison du fait que le pensionnat exerçait ses activités sur un terrain adjacent à une réserve et qu'il offrait des services d'enseignement en conformité avec le traité no 4 à des enfants qui étaient normalement domiciliés dans des réserves. Dans l'affaire N.I.B., les liens entre l'emploi et les réserves n'étaient pas aussi évident. Toutefois, à l'époque en cause, les tribunaux n'avaient pas encore commencé à tenir compte des facteurs de rattachement ou des liens entre l'emploi et la réserve. Ce n'est qu'en 1992 que la Cour suprême du Canada a élaboré cette méthode d'analyse dans l'arrêt Williams c. La Reine, [1992] 1 R.C.S. 877.

[25]          Au moment où l'entente a été conclue, le seul point litigieux qui pouvait être débattu était celui de savoir si le salaire versé à des Indiens vivant à l'extérieur d'une réserve était imposable. À l'époque en cause, les tribunaux étaient sur le point de trancher cette question dans l'affaire N.I.B. C'était la seule affaire en instance sur la question et elle s'appliquait au cas du pensionnat parce que le Conseil rémunérait tous ses employés sur place, au pensionnat, et que le pensionnat n'était pas situé sur le territoire d'une réserve. En conséquence, je suis convaincue que, si l'on aborde la question en litige en fonction de l'époque en cause, il était tout à fait légitime de la part de Revenu Canada d'affirmer - et de la part du Conseil d'accepter - que l'affaire N.I.B. pouvait servir de précédent faisant autorité en ce qui concerne le traitement fiscal des retenues.


[26]          Ainsi que je l'ai déjà signalé, le paragraphe 2 de l'entente précisait dans les termes les plus nets qu'il ne s'appliquait qu'aux retenues effectuées sur la paye des employés du pensionnat qui résidaient dans une réserve. En conséquence, les actions introduites par les individus demandeurs, Doris Bellegarde, Irene Poitras, Peter Badger et Anita McLeod et des personnes qu'elles représentent seront rejetées avec dépens parce que ces personnes vivaient toutes à l'extérieur d'une réserve à l'époque en cause. Si leurs retenues ont été versées dans le compte, le Conseil a commis une erreur en effectuant ces paiements. Étant donné qu'elles n'étaient pas assujetties à l'entente, ces retenues devaient être remises directement à la défenderesse. Cependant, comme le ministre a finalement reçu les sommes retenues sur le salaire des employés vivant à l'extérieur d'une réserve, l'erreur du Conseil ne tirait pas à conséquence et elle ne donnait pas lieu à une réclamation de la part de Revenu Canada.

[27]          Les autres demandeurs vivaient dans les diverses réserves visées par le traité no 4 et leurs retenues étaient assujetties à l'entente. Ils affirment néanmoins : (i) que la défenderesse était assujettie à l'obligation fiduciaire de les informer de l'existence et de la portée de l'entente et de l'opportunité de déposer des déclarations de revenus et de s'opposer aux cotisations pour éviter d'être liée par la décision N.I.B.; (ii) qu'ils n'étaient pas liés par l'entente. Ils font valoir que, s'ils s'étaient opposés à leurs cotisations, ils auraient pu bénéficier d'une décision favorable comme celle que la Cour d'appel fédérale a rendue en 1997 dans l'affaire Folster c. La Reine, [1997] 3 C.F. 269.


[28]          En ce qui concerne le premier moyen, je conclus que l'entente n'avait pas pour effet d'imposer une obligation fiduciaire à la défenderesse en faveur des individus demandeurs et du Conseil. L'obligation imposée à la défenderesse consistait uniquement à exploiter le compte en conformité avec l'entente. Elle ne l'obligeait pas à donner des conseils en matières fiscales aux employés indiens du pensionnat qui vivaient dans des réserves et dont les retenues étaient versées dans le compte en conformité avec l'entente.

[29]          Sur le second moyen, ce qu'il importe de retenir, c'est que l'entente ne causait aucun préjudice aux demandeurs qui vivaient dans des réserves parce qu'elle ne les liait d'aucune façon. Ils ont tous reçu des feuillets T4 et des bordereaux de paye qui indiquaient que des retenues avaient été effectuées. L'entente n'empêchait aucun des demandeurs qui comprenait bien la procédure à suivre de produire une déclaration de revenus et de s'opposer à la cotisation établie à son égard. Il s'ensuivait seulement que, si les retenues n'étaient pas dues à cause de l'affaire N.I.B., l'argent pouvait être remis rapidement que les demandeurs aient produit ou non des déclarations de revenus et qu'ils se soient opposés ou non à leurs cotisations. En somme, l'entente élargissait la portée des droits des demandeurs qui vivaient dans les réserves : elle ne rendait pas ces droits caducs et elle n'y mettait pas fin.


[30]          À mon avis, les demandeurs ont donné suite à la présente action parce qu'ils se sont rendu compte que le droit avait changé en matière de traitement fiscal des revenus d'emploi payés à l'extérieur des réserves et qu'ils désirent profiter de ces changements en contestant le traitement fiscal dont ils ont fait l'objet entre 1976 et 1983. Or, au cours de cette période, ils ont été imposés selon la loi qui était alors en vigueur. Comme je ne suis pas convaincue qu'ils ont un recours, l'action introduite par les demandeurs qui vivaient dans des réserves et des personnes qu'ils représentent sera également rejetée avec dépens.

[31]          Pour tous les motifs que je viens d'exposer, j'en suis également arrivée à la conclusion que le Conseil n'a pas d'action. La défenderesse n'était assujettie à aucune obligation fiduciaire envers le Conseil aux termes de l'entente, si ce n'est son obligation d'exploiter le compte comme convenu. De plus, comme je l'ai déjà mentionné, la défenderesse n'a pas commis d'erreur de droit ou de fait lorsqu'elle s'est dit d'avis que l'affaire N.I.B. était le précédent qui faisait autorité.

[32]          Vu ces conclusions, il n'est pas nécessaire de se demander si le revenu d'emploi gagné par les demandeurs qui résidaient dans des réserves à l'époque en cause serait aujourd'hui imposable.


Dispositif

[33]          L'action des demandeurs sera rejetée avec dépens.

                 « Sandra J. Simpson »                                                                                                                      Juge

Ottawa (Ontario)

Le 21 novembre 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20011121

Dossier : T-2261-86

Ottawa (Ontario), le 21 novembre 2001

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE SIMPSON

ENTRE :

QU'APPELLE INDIAN RESIDENTIAL SCHOOL COUNCIL,

SPENCER MUSQUA, DORIS BELLEGARDE, PETER BADGER,

   ANITA MCLEOD, IRENE POITRAS et LEILA THOMSON

                                                                                        demandeurs

                                                     et

         SA MAJESTÉLA REINE DU CHEF DU CANADA

                               MINISTÈRE DU REVENU

                                                                                      défenderesse

                                           JUGEMENT

LA COUR, APRÈS AVOIR INSTRUIT la présente affaire à Edmonton (Alberta) le 22 mai 2001 en présence des avocats des deux parties :

REJETTE l'action des demandeurs avec dépens.

                 « Sandra J. Simpson »                                                                                                                      JUGE

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL. L.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                            T-2261-86

INTITULÉ :                            QU'APPELLE INDIAN RESIDENTIAL SCHOOL COUNCIL, SPENCER MUSQUA, DORIS BELLEGARDE, PETER BADGER, ANITA MCLEOD, IRENE POITRAS et LEILA THOMSON

LIEU DE L'AUDIENCE :      Edmonton (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :     22 mai 2001

MOTIFS DU JUGEMENT : Mme le juge Simpson

DATE DES MOTIFS :           21 novembre 2001

COMPARUTIONS :

Me Dwayne M. Anderson                                              POUR LES DEMANDEURS

Me Mark R. Kindrachuk                                                POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Anderson Law Firm                                                       POUR LA DEMANDERESSE

Regina (Saskatchewan)

M. Morris A. Rosenberg                                               POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada



     [1]La présente action a d'abord été introduite en tant pour acquis que le pensionnat était érigé sur une terre de réserve. Les demandeurs ont toutefois modifié leur déclaration après avoir découvert que ce n'était pas le cas.

     [2]Dans la déclaration modifiée de nouveau datée du 17 mai 2001, les demandeurs précisent, au paragraphe 10, que Madeline Dumont représente également les employés du pensionnat qui vivent à l'extérieur de la réserve. Son nom ne figure toutefois pas dans l'intitulé de la cause.

     [3]             Voir les décisions M.R.N. c. Poker et al, [1997] 212 N.R. 342 (C.A.F), Folster c. La Reine, [1997] 3 C.F. 269 (C.A.), Monias c. La Reine, [1999] D.T.C. 1021 (C.C.I.), Shilling c. Canada, [1999] 4 F.C. 178 (C.F. 1re inst.),(2001) 201 D.L.R. (4th) 523 (C.A.F.), Desnomie c. La Reine, [2000] D.T.C. 6250 (C.A.F.), Mitchell c. Bande indienne Peguis, [1990] 2 R.C.S. 85, Williams c. La Reine, [1992] 1 R.C.S. 877, Brant c. M.R.N.,[1992], 92 D.T.C. 2274 (C.C.I.), Dixon c. Canada (Ministre du Revenu national), [1995] 3 C.N.L.R. 60 (C.C.I.)

     [4] Pour une analyse plus approfondie de la question, voir le jugement Bande indienne de Squamish c. Canada, [2000] A.C.F. 1568, aux paragraphes 478 à 492.


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.