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             Date : 20010604

        Dossier : IMM-2858-00

      Référence neutre : 2001 CFPI 585

ENTRE :

ISTVAN RADO, KRISZTINA TOTH, MONIKA SZABO

et NIKOLETT IVETT TAMOK

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE EN CHEF ADJOINT

[1]                 Istvan Rado et Krisztina Toth sont des conjoints de fait. M. Rado et leur fille Monika Szabo sont d'origine ethnique romani. Mme Toth et leur deuxième fille, Nikolett Ivett Tamok, sont d'origine ethnique hongroise. Les quatre demandeurs sont des citoyens hongrois; ils revendiquent le statut de réfugié en affirmant craindre avec raison d'être persécutés du fait de leur race et de leur nationalité, en tant que Hongrois rom, soit directement ou en tant que membres d'une famille.


[2]                 Dans cette demande de contrôle judiciaire, les demandeurs ne contestent pas sérieusement les conclusions défavorables que la section du statut de réfugié a tirées à l'égard des témoignages que les parents ont présentés au sujet de deux agressions qui auraient apparemment eu lieu en 1997 et en 1998 et des actes continus de violence conjugale commis par au moins l'un des anciens conjoints de Mme Toth.

[3]                 Les demandeurs soutiennent principalement que le tribunal a commis une erreur en décrivant la preuve relative à leur situation sur le plan des études, du logement et de l'emploi en Hongrie comme constituant de la discrimination plutôt que de la persécution. En tant que corollaire de leur argument principal, les demandeurs affirment en outre que le tribunal n'a pas examiné la preuve documentaire de la façon appropriée et n'a pas adéquatement expliqué son analyse de la preuve documentaire. Enfin, les demandeurs ont affirmé que le tribunal avait commis une erreur en concluant qu'aucune preuve claire et convaincante ne montrait que l'État hongrois ne pouvait pas leur fournir une protection adéquate.

[4]                 La preuve que les demandeurs ont présentée au sujet des difficultés auxquelles ils avaient fait face sur le plan des études, de l'emploi et du logement était principalement énoncée dans leurs formulaires de renseignements personnels; le tribunal a résumé cette preuve d'une façon adéquate dans sa décision :


Le tribunal est d'avis que le revendicateur et les revendicatrices ont fait l'objet de discrimination en ce qui concerne l'emploi, les études et le logement comme il est précisé dans le FRP du revendicateur que le reste de la famille a fait sien. Le revendicateur a dit que les enfants avaient été placés dans des classes d'un niveau inférieur à leur niveau de scolarité réel et tenus à l'écart des enfants non tziganes; les camarades de classe et les enseignants ne faisaient aucun cas de la fille du revendicateur. L'un des enfants a été envoyé dans une école beaucoup plus éloignée de la maison que les écoles destinées aux enfants non tziganes. Les enfants avaient de la difficulté à trouver des camarades de jeux parce que les enfants non tziganes ne voulaient pas jouer avec eux.

Le revendicateur tirait son revenu de petits boulots et de l'assurance-emploi; il n'a pas pu obtenir d'aide financière pour rénover sa maison. La conjointe de fait du revendicateur a été congédiée lorsque ses employeurs ont découvert qu'elle vivait avec un Tzigane; toutefois, selon la question 18 de son FRP, elle travaillait parfois.

[5]                 Le tribunal a conclu que la discrimination continue dont les demandeurs avaient été victimes ne constituait pas une crainte fondée de persécution :

En plus d'avoir fait l'objet de discrimination en ce qui concerne l'emploi, les études et le logement, le revendicateur a décrit un incident qui est survenu au printemps 1997 et qui était le pire traitement qu'il ait subi. Il a été attaqué par des jeunes gens armés de chaînes et de bâtons de métal, mais rien n'indique qu'il ait subi de graves blessures ou qu'il se soit fait soigner. De l'avis du tribunal, cela ne constitue pas un préjudice répétitif, constant ou systématique ou un préjudice suffisamment grave pour ne plus être considéré de la discrimination, mais de la persécution. Le tribunal reconnaît que le critère est de nature prospective, mais le comportement passé est indicateur du comportement futur. Le tribunal note que la preuve documentaire signale que la discrimination contre les Tziganes en Hongrie est très répandue. Toutefois, la preuve documentaire décrit également les tentatives sérieuses faites par le gouvernement hongrois de réprimer le problème de la violence et de la discrimination contre les minorités et le respect des droits des Tziganes qui commence à être imposé lentement par les tribunaux.

[Notes de bas de page omises.]

[6]                 Dans ses observations orales, l'avocate des demandeurs a mis l'accent, en particulier, sur la discrimination à laquelle font face les Rom dans le système hongrois d'éducation et à la façon dont la chose toucherait Monika et Nikolett si elles devaient retourner dans leur pays de citoyenneté.


[7]                 Toutefois, les témoignages de M. Rado et de Mme Toth se rapportaient presque exclusivement au fait que M. Rado avait été attaqué à deux reprises en 1997 et en 1998 et aux actes de violence dont Mme Toth était victime de la part de ses deux anciens conjoints, dont l'un était rom et l'autre d'origine ethnique hongroise. Au cours de l'audience visant à permettre de déterminer la question du statut, ni l'un ni l'autre témoin n'a ajouté quoi que ce soit aux renseignements restreints qu'ils avaient fournis dans les Formulaires de renseignements personnels au sujet de la discrimination dans le système d'éducation, dans le milieu de travail et dans le domaine de l'habitation. Mme Toth a répété que Monika était harcelée par des enfants d'origine ethnique hongroise et qu'elle devait aller dans une école située à [TRADUCTION] « plusieurs kilomètres » de sa résidence. Elle a confirmé que Monika avait terminé sa dixième année en Hongrie avant que la famille arrive au Canada.

[8]                 De même, dans son témoignage, Monika Szabo, qui est âgée de dix-sept ans, a principalement mis l'accent sur le fait qu'elle craignait les actes de violence de son père rom. En réponse à la seule question qui lui a été posée au sujet de la crainte qu'elle éprouvait à l'égard du système d'éducation, elle a répondu ce qui suit : [TRADUCTION] « Il y a bien du monde qui me regarde de haut, on me suivait jusqu'à l'arrêt d'autobus et on me discrédite - ils me discréditaient. » Aucune autre question n'a été posée à cette étudiante au sujet de la discrimination à laquelle elle avait fait face en tant que Rom pendant qu'elle fréquentait l'école primaire et l'école secondaire en Hongrie.


[9]                 Compte tenu du dossier, et compte tenu en particulier de la conclusion de crédibilité défavorable qui a été tirée au sujet des agressions physiques et des actes de violence conjugale, il était loisible au tribunal de conclure que la discrimination dont le peuple romani est victime en Hongrie ne constitue pas de la persécution dans le cas des demandeurs ici en cause. J'ai déjà noté que la preuve se rapportant aux études de Monika Szabo, qui a témoigné, était fort peu abondante. La preuve de la discrimination que cette dernière avait connue par le passé est bien loin de satisfaire à l'exigence préliminaire applicable à la persécution.

[10]            En ce qui concerne le critère de nature prospective, j'ai examiné les motifs du tribunal et j'ai tenu compte du Dossier d'information sur les pays et du témoignage d'expert de Jozsef Krasznai sur lequel l'avocate des demandeurs s'est expressément fondée dans ses observations orales. Il va sans dire que la section du statut de réfugié n'a pas à mentionner, dans ses motifs, tous les documents portant sur la situation dans un pays. À mon avis, les conclusions du tribunal sont étayées par la preuve dont celui-ci a fait mention dans ses motifs. Les demandeurs n'ont réussi à établir dans la conclusion ou dans les motifs du tribunal eu égard aux faits de l'affaire aucune erreur susceptible de révision justifiant l'intervention de la Cour.


[11]            Quant à la question de la protection fournie par l'État, le tribunal a mentionné les conclusions de crédibilité défavorables qu'il avait tirées lorsqu'il s'était agi d'expliquer pourquoi M. Rado n'était pas au courant d'un programme de défense de l'aide juridique destiné aux Rom, connu sous le nom de NEKKI. Tout en reconnaissant que la police agit de façon discriminatoire et se montre brutale envers les Rom qui sont mis sous garde, le tribunal a préféré se fonder sur la preuve documentaire, qui montre que l'on est en train de sensibiliser les services de la police hongroise en matière culturelle et au sujet des méthodes de résolution des conflits et que l'on tente d'embaucher des Rom comme agents de police. Compte tenu des conclusions concernant ces demandeurs et de la preuve relative aux efforts qui sont maintenant faits en Hongrie, je suis convaincu que les demandeurs n'ont pas établi l'existence d'une erreur susceptible de révision dans la conclusion que le tribunal a tirée au sujet de la possibilité pour l'État de fournir une protection adéquate : Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Villafranca (1992), 18 Imm. L.R. (2d) 130 (C.A.F.) et Kadenko c. Canada (Solliciteur général) (1996), 143 D.L.R. (4th) 532 (C.A.F.).

[12]            Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. En réponse à sa demande, toute observation que l'avocate des demandeurs peut vouloir présenter au sujet de la certification d'une question grave doit être signifiée et déposée dans les sept jours suivant la date des présents motifs.

« Allan Lutfy »

Juge en chef adjoint

Ottawa (Ontario)

le 4 juin 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad.a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU DOSSIER :       IMM-2858-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :       ISTVAN RADO ET AUTRES

c.

MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :       TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :       LE 30 MAI 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :       MONSIEUR LE JUGE EN CHEF ADJOINT LUTFY

DATE DES MOTIFS :       LE 4 JUIN 2001

ONT COMPARU

L. WINTER-CARD                          POUR LES DEMANDEURS

LAROUCHE                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

L. WINTER-CARD, NORTH YORK                          POUR LES DEMANDEURS

MORRIS ROSENBERG                          POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

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